Désoeuvré de Lewis Trondheim - 5 critiques

Edition : Association (L')
Collection : Théorique
Pages : 80 pages en noir & blanc
Parution : février 05
Auteurs : Lewis TrondheimScénaristeDessinateur

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Par : Coacho Voir les critiques de Coacho (08 avr. 2005)

Et bien voilà, je m’attaque à la lecture de la Collection Eprouvette et donc, j’ai commencé par mon chouchou Lewis avant d’attaquer le Menu. Un amuse-gueule quoi !
Je lisais de-ci de là, cahin-caha, quelques avis positifs, et d’autres plus circonspects. Je me suis dit qu’il fallait alors aller tranquille, que je chemine. (Oui, je sais, je suis d’humeur badine mais mon hilarante allusion ne touchera qu’une poignée de personnes, d’un certain âge pour la plupart).
On reproche à ce livre de ne pas répondre aux critères de « l’essai » tant attendu.
On reproche aussi à Lewis l’étalage de ses connaissances du milieu. On dit aussi que sa réflexion est un peu vaine, un peu creuse, un peu superficielle.
Oui oui oui… Et alors ?
On en revient toujours à cette dichotomie systématique de l’appréciation d’une lecture, entre ceux qui la ressentent en amalgamant et superposant leurs expériences sur le propos de l’auteur, et ceux qui ont du recul, parfois trop pour ne pas se laisser aller à cette bonne vieille full-imersion. (Et là, ça fait zarma j’me la pète).
Je suis généralement de la première catégorie mais là, en l’occurrence, j’ai essayé d’être Lewis Trondheim, ce qui me fit en effet bœuf quand je découvris les gens que je connaissais et le talent inégalable que tous me louaient !
Et je me voyais là, assis à ma table à dessin, une table que je fréquentais plus qu’assidûment depuis 14 ans, en train de réfléchir depuis 80 jours d’inactivité sur ma vie et mon œuvre…
Ce questionnement qui taraude tout quadragénaire mêlé aux affres de la création.
Oui… La création… Certains parlent du vieillissement des boulangers (ce bon Berberian), et d’autres lui reprochaient cette façon de questionner vainement ses condisciples.
Alors oui, Lewis aurait dû interroger des boulangers, ça l’aurait assurément et définitivement rassuré sur ses angoisses créatrices. Il aurait trouvé le réconfort absolu dans une passe où sa psychologie ultra-sensible avait besoin de se confronter à des pains au chocolat (ou des chaussons aux pommes ?! Dju-Dju)…
Oui… Il y a similitude entre les boulangers et Lewis Trondheim… Le pétrin !
Car lorsque l’on est aussi fragile et sensible que Trondheim, lorsque depuis votre premier livre vous affichez vos doutes, vos angoisses, vos psychoses même, et que vous ne savez plus trop où vous allez, oui, vous êtes dans une forme de pétrin.
Et, reprenant la place de Lewis, comme invité par une société qui avait déjà par ailleurs ses entrées dans la tête de John Malkovich, je me laissais entraîner dans ce bourdonnement incessant qui enflait de son hémisphère gauche à son hémisphère droit…
Création et rationalisation étaient en effervescence…
Est-ce que cela permet une réflexion claire, construite, posée ?
Bien entendu, je me fais avocat défenseur de quelqu’un qui n’est accusé de rien et qui pourrait se défendre seul de tout cela, et le fait de trouver son questionnement bien ordonné dans ce petit livre bleu pourrait déjà répondre de manière contraire à ce que j’énonce, mais je me plais à croire qu’après avoir suivi Lewis depuis tant et tant d’années, sans jamais avoir été déçu une seule fois, je suis capable d’empathie… Et comprendre que son questionnement, qui peut paraître superficiel à tout lecteur désireux d’en savoir plus sur les facettes de son auteur favori, traitant de sa passion qu’est la Bd, puisse être tout aussi confus que léger en apparence.
La pudeur nimbe toujours les réflexions de Lewis Trondheim et, habilement, il se dédouane de toute profondeur en arguant qu’il n’est pas universitaire. Mais c’est vrai punaise !
Alors il ne cesse d’osciller entre la sensation de toucher au but, d’avoir LA réponse, et l’écroulement immédiat de ses théories les plus abouties…
Oui, je crois que psychologiquement, c’est analysable, mais le faire sur un forum public serait aussi vain qu’irrespectueux de l’auteur…
On pourrait évidemment se demander ce qu’il veut de plus puisque tout lui réussit, il est entouré de succès, d’admiration, et de pognon aussi ! Une vie matérielle et, apparemment, intellectuelle tout à fait éblouissante !
Oui, mais lorsque le doute n’est pas que passager, lorsqu’il vous accompagne toute une vie, au point d’en développer, jusqu’à l’irrationnel, un certain rapport à la vie, d’en faire une attitude quasi-permanente, vous ne pouvez pas vous défaire ainsi d’une telle pression psychologique…
Je citerai une phrase très juste d’un célèbre philosophe d’origine vietnamienne qui disait "qu’anticiper le malheur pour s’en prémunir" était une attitude qu’il comprenait très bien… Je m’inscris dans cette lignée tant cette phrase me paraît juste, belle, me correspondre et si bien aller à Lewis Trondheim…
Alors devons-nous attendre un quelconque choc psychologique, un truc qui nous remue ?
Mais Lewis ne dit-il pas que "être sincère ne veux pas forcément dire être intéressant ?" ? Et que donc, il ne faut pas attendre une jolie historiette, pleine d’humour, bien construite, avec une intrigue et une chute finale avec moult feux d’artifices à la lecture de « Désoeuvré » ?
Parce que c’est ce qui était peut-être attendu par certains lecteurs, désireux de retrouver non pas Lewis Trondheim mais LE Lewis Trondheim de telle ou telle œuvre…
A ce propos, ça me permet d’introduire une parenthèse, avec brio (oui, je me lance aussi parfois quelques fleurs), sur la prétendue implication de Trondheim dans le fameux parcours de Frantico… Ne serions-nous pas en mesure de croire qu’après avoir tellement exposé ses peurs sur la répétition, il serait capable de nous livrer cet incroyable personnage, tics graphiques et genèse mise à part ? Bon, je dévie là…

Dans « Désoeuvré », l’humour, l’acidité et l’ironie sont toujours présents, mais on sent bien que c’est beaucoup plus délicat, beaucoup plus à fleur de peau, toujours empreint d’une sincérité qu’il lui faut aussi voiler quelque peu par peur de trop d’exposition…
Parce que Lewis nous a habitué à tant de chose, nous devrions attendre de lui un questionnement digne de la profondeur des raisonnements de nos plus grands philosophes ?
Et si nous en attendions tous un peu trop ? Et si nous ne nous étions pas rendu compte que derrière son apparente complexité, Lewis était un homme simple, avec des peurs simples et une expression pour matérialiser celles-ci un peu confuse ?
Beaucoup soulignent l’homme de contradiction qu’est Lewis Trondheim… Mais oui, c’est cela… La contradiction en permanence et qui illustre mon propos d’il y a quelques lignes…
Ce qui montre bien « l’immaturité » de son introspection, dans le sens qu’il n’a toujours pas trouvé de réponse à ses angoisses et qu’il semble un peu perdu, dans son parcours professionnel, mais aussi d’homme qui s’interroge sur son devenir et son utilité !
Et ce Lewis là, on a envie de lui prendre la main et de l’aider, au delà des belles cases de ce livre, de certaines ellipses magnifiques qui nous font comprendre son désarroi, de l’aider donc, et de le rassurer, en lui assurant de la sincérité de toute notre affection, conquise il y a déjà fort longtemps, par son énergie, son univers, pour ce qu’il est, simplement…
Alors non, pour moi, cette lecture ne fut pas si anodine et anecdotique qu’elle pourrait paraître, et je pourrais sûrement écrire encore de très nombreuses lignes si le temps et l’espace ne m’étaient pas comptés…
Le livre « Désoeuvré » est-il passionnant ? Oui ou non, c’est à vous de vous faire votre idée…
Lewis, lui, est DEFINITIVEMENT passionnant, et la fin de son « essai » nous replace au début de celui-ci… Lewis ne sera jamais en harmonie avec lui-même car le doute continuera de le ronger éternellement, au point de le rendre dépressif… Remercions insidieusement et presque honteusement ce mal qui le ronge car c’est dans cette veine qu’il puise l’inspiration qui lui permet de nous livrer de si beaux livres…

Par : Vieto Voir les critiques de Vieto (06 mars 2005)

Avis mitigé sur le dernier opus de mon Idole Trondheim.
Le bouquin se lit d'une traite, on sourit souvent, on grimace parfois (ah, ce passage poignant sur Fred), mais une fois refermé, je me suis dit : "ouais, et alors?" : Lewis n'avait pas grand-chose à dire, mais il le dit bien.
Je comprends parfaitement ces interrogations qui prennent mon auteur favori à la quarantaine (je n'en suis pas loin), cette peur de se répéter, de perdre le plaisir de créer pour devenir un "faiseur". Mais ce long questionnement sur le vieillissement de l'auteur de BD me semble en définitive assez creux.
Comme le dit Berberian dans le bouquin en se foutant de la poire de Lewis, pourquoi ne pas traiter ensuite du vieillissement des boulangers ?
Il est vrai que ce problème dépasse de loin le petit monde de la BD. Il pourrait toutefois être assez intéressant pour le lecteur de BD de connaître les angoisses existentielles des auteurs dont il lit les bouquins. Mais en l'occurence, tout cela me semble assez bateau : les conversations nombreuses, qu'il a eues avec ses confrères et qu'il nous rapporte ne font, à mon sens pas tellement avancer le schmilblick. D'autant plus qu'à chaque affirmation, Lewis s'empresse de rajouter un contre-exemple.
Les mails de Delporte, qui dissertent sur la tendance suicidaire de certains auteurs et qui ont été considérés comme géniaux par certains, ne m'ont pas, quant à moi, paru si exceptionnels.
On n'en sait pas plus après qu'avant, à savoir que la plupart des auteurs perdent en qualité en vieillissant, que d'autres arrivent à rester au même niveau "que l'on aime ou que l'on aime pas" (Tibet), et que de très rares génies sont parvenus à rester au top jusqu'au bout (Schultz).
Il est évident que Lewis ne pourra pas trouver de réponse à son problème avant d'y être confronté ! Il dit lui même qu'heureux, son angoisse est de savoir "quand et comment tout cela va voler en éclat".
Essayer d'anticiper le malheur pour s'en prémunir, voilà aussi un comportement qui m'est familier...
A mon avis, cette angoisse est susceptible de constituer un bon moteur pour la création : je lui fais confiance de toute façon, Trondheim a assez de talent pour rester au niveau d'un Schultz ! Il ne me semble pas, en revanche, que ladite angoisse suffise pour rendre un bouquin très passionnant, même si la forme, est comme toujours, séduisante.

Par : eddy Voir les critiques de eddy (25 févr. 2005)

Attention, voici une BD sur la BD. Mise en abyme de notre ami Lewis qui nous fait une BD pour expliquer pourquoi il arrête temporairement de faire de la BD.
Concept intéressant, certes, et un peu contradictoire. Mais Lewis est le premier à démontrer ses contradictions tout au long de l'album, sous diverses formes (Dont l'intervention de Lapinot.)
Point de vue dessin, je trouve que le progrès depuis son premier carnet de bord est indéniable, même si je ne suis pas sur de comparer des choses comparables.
Point de vue fond, c'est effectivement sujet à de nombreuses polémiques, et heureusement, il ne démontre rien. On apprend plein de choses sur les dessinateurs, on accompagne Lewis dans ses raisonnements qu'on peut à loisir réfuter ou accepter, mais pas de message final sur une quelconque idéologie de la BD.
Qu'est-ce qu'on peut en penser alors?
Franchement, je rejoindrais Emile Bravo sur la dénomination exacte de ce type d'oeuvre : une auto-analyse psychiatrique. Je prends ce livre non pas comme un objet commercial ou artistique, mais plutôt comme une expiation personnelle de ses craintes et de sa crise de la quarantaine. C'est une réplique (au sens sismique du terme) de Approximativement.
Et j'aime bien relire Approximativement de temps en temps. Donc j'aime bien ce bouquin. Mais c'est purement personnel.

Par : Groumpf (22 févr. 2005)

Le nouvel opus de Trondheim était attendu avec impatience.L'impression qu'il en laisse n'est pas à la hauteur de mes espérances...L'annonce (collection Théorie) et le sujet (les interrogations de l'auteur sur sa créativité) aurait eu de quoi nourrir un ouvrage original.
Le résultat donne un essai qu'on aurait pu intituler "Carnet de bords n°5", l'humour en moins.
Les rencontres avec ses illustres camarades, si elles n'apportent pas grand chose à l'auteur quant à ses interrogations sur le métier,ne livrent au lecteur que quelques anecdotes dont il aurait très bien pu se passer...
L'effet "petit monde de la bédé" donne la désagréable impression d'un monde d"entre-nous" peu ouvert sur l'extérieur... Au final, on se dit que rien ne vaut une vraie création !

Par : Philippe Belhache Voir les critiques de Philippe Belhache (01 févr. 2005)

« Désoeuvré », de Lewis Trondheim. L'association, collection Eprouvette.

Tout n'est pas divertissement en bande dessinée. Il est pourtant rare de voir un ouvrage revendiquer aussi ouvertement une vocation d'essai. « Désoeuvré » procède pourtant d'une logique dans l'oeuvre de Tondheim. Cet auteur parmi les plus prolifiques du moment s'est retrouvé tout simplement... désoeuvré durant quelques mois, plus ou moins volontairement. Une période confuse qui l'a amené à s'interroger sur sa condition d'auteur, sur cette passion dont il s'est fait profession, sur son vieillissement, et sur sa hantise de la répétition. Une réflexion qu'il place d'emblée sur un plan très personnel, assumant complètement contradictions et sautes d'humeur, conscient d'évoluer dans un état limite, drogué du travail en manque de planches, limite dépressif. La démarche, prolongement de ses états d'âme du « Carnet de bord 2002-2003 », aurait pu virer à l'introspection narcissique. Trondheim évite le piège en interrogeant la profession, cherchant parmi ses pairs, de Ptiluc à Gotlib en passant par ses potes de l'Association, Tibet, Art Spiegelmann (via Sfar) ou même l'incontournable Yvan Delporte, un reflet à sa propre angoisse. Ce faisant, il se heurte à la diversité des points de vues et des hommes, d'auteurs en crise en dessinateurs assumant sans complexe leur longévité. L'album n'apporte pas de réponse, mais défriche quelques pistes, avec cet humour décalé, parfois même désabusé, qui reste sa marque de fabrique. Un regard intellectualisé, mais personnel, parfois même partial, qui fait éclater le vernis « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » du petit monde de la bande dessinée. Impliquant.


 


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