Si vous voulez lire une BD de facture classique mais qui réserve une grosse surprise, ne ratez pas Elmer!
Du jour au lendemain, tous les poulets du monde sont soudainement dotés d'une conscience humaine et peuvent communiquer avec les hommes sur un pied d'égalité. Les poulets se révoltent sur le sort qui leur est réservé et qui s'apparente à un génocide. On débat aux Nations Unies pour savoir quel sort leur réserver. Faut-il tous les exterminer ou au contraire les protéger par les conventions sur les droits de l'homme? Faut-il permettre les mariages mixtes entre humains et poulets? Doit-on leur ouvrir l'accès aux écoles, au marché du travail, etc.?
Ce livre, dessiné et scénarisé par un auteur Philippin (qui travaille aussi pour Marvel et d'autres éditeurs Américains) part d'une idée toute simple et saugrenue, mais aux conséquences incalculables, mais bien développées et maîtrisées dans l'album. Le résultat est tout à fait surprenant: une fable semi-animalière développant une réflection sur la discrimination, le génocide, les droits des animaux, ou même le terrorisme, qui peut soit se lire de manière superficielle sur le ton léger d'une farce grotesque (des poulets qui parlent et qui se marient avec des humains? Hahaha), soit d'une manière très profonde qui n'est pas sans rappeler Maus, de Spiegelman (on y retrouve le même thème du rapport conflictuel entre père et fils à propos de l'interprétation de l'histoire et de la définition des valeurs humaines). L'album repose constamment sur des situations tellement aberrantes qu'on ne peut pas les prendre au sérieux, mais qu'on est pourtant obligé de prendre au sérieux vu la gravité du sujet. Je ne sais pas si tout cela a été planifié et voulu comme tel par l'auteur, mais le résultat est inédit, déroutant, et donne matière à réflection.
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