Superbe album. Subtil mélange de genres. D'abord le dessin hyperréaliste de Boccar, dont je découvre pour la première fois le trait fin, superbe, traité à l'ordinateur. Un trait, un dessin et des personnages qui m'ont plongé dans une ambiance proche de Matrix et du 5ème Elément de Besson... sans que le scénario n'ait rien à voir avec les deux références. Parlons de celui-ci. Très loin de Sambre mais déjà plus proche du XXème Ciel, Yslaire nous concote ici un petit bijou de science-fiction, très lisible, très homogène et beaucoup plus digeste que le XXième Ciel. Et à nouveau, je n'ai pu m'empêcher de ressentir une autre influence : proche du roman "Moi qui n'ai jamais connu les hommes" de Jacqueline Harpman. Les personnages, 3 femmes, entièrement "construites" et "éduquées" pour l'expérience qu'elles mènent (retrouver un vaisseau et son équipage précédemment disparus), vivent en huis-clos (celui d'une navette spatiale), avec ce que cela peut avoir d'étouffant dans les rapports humains. Problèmes de conserver son propre univers personnel, son intimité, tout en étant obligé de faire les concessions nécessaires à ce type de confinement. Jalousies, rancoeurs, craintes, besoin de reconnaissance,... besoin d'amour... Ces femmes sont vierges.. et sont parties en compagnie de deux hommes, qui n'ont jamais pu être réveillés au terme du voyage.. donc elles sont seules, sans quasi aucun espoir de retour sur Terre. Comment peut-on se résigner à faire le deuil de l'amour ? Une liaison avec la Terre les met régulièrement en contact avec une psychologue (tiens, étonnant cela, de la part d'Yslaire ;-) ?!), censée les aider à supporter cet isolement et cette expérience. Et bien, sûr, son intervention est plutôt considérée comme un catalyseur des frustrations plutôt qu'une aide et un support réels. Bref, comment expliquer ensuite que l'une d'elles se retrouve enceinte ? Comment empêcher que ce huis-clos ne tourne à la tragédie... ? Bien des questions auxquelles on est impatient de trouver une réponse.. Un très bel objet également qui est accueilli dans la collection Carrément BD chez Glénat. Bref, une réussite sur toute la ligne.