Les 35 critiques de CoeurDePat sur Bd Paradisio...

Par la malepeste [1], ça dépote ! Ô_o "Dans la vie, c'est avec mon cul que je m'en sortais. Dans l'espace, il n'y avait aucune raison que ça change." Ainsi commence l'histoire de Lola, prostituée qui se retrouve enlevée en plein trip par des sous-fifres extra-terrestres en mission pour leurs féroces maîtres. Grâce à Lola, les pauvres extra-terrestres vont découvrir le sexe et y devenir complètement accros. Et quand elle découvre l'infâââme plan de destruction de la Terre échafaudé par ces sombres intelligences, Lola s'enfuit, revient sur Terre et... personne ne la croit bien sûr. L'histoire paraît simple, mais en fait non. Le récit est joliment intriqué : passé et présent sont mélangés d'une façon plus complexe que les bêtes flashbacks dont on peut avoir l'habitude et qui titille le lecteur de manière obstinée. Mais plus qu'une quelconque originalité de fond, les points (très très) forts de cet album sont incontestablement son graphisme, son ingrédient principal (à savoir le cul), et son héroïne. Le graphisme n'est pas homogène. Oubliez cette idée ridicule. Il varie énormément au fil de l'album. On trouve bien sûr des dessins très "classiques" où l'on reconnaît complètement le style de Qwak. Mais aussi des scènes réalisées à partir de photos complètement retravaillées avec entre autres des filtres façon Photoshop... d'habitude pour moi c'est plutôt un gros mot et synonyme de pas beau, mais là, ouvrez l'album et regardez ! Vous serez forcés d'admirer le superbe résultat (enfin les résultats). Entre ces deux extrêmes, un style un peu intermédiaire avec un effet très peinture, également superbe. Et comme troisième extrême enfin, on trouve des éléments de design/conception graphique magnifiquement utilisés pour créer une esthétique et une dynamique impressionnantes (voir par exemple les pages 8 à 10, du bonheur !). Rien que pour ça cet album vaut d'être lu et acheté. C'est vraiment une petite mine d'innovations et d'éléments utilisés à bon escient. Si nombreux et si bien utilisés, c'est vraiment une rareté ! Or donc, foutrecouilles ! Deuxième élément : l'ingrédient principal de l'album, à savoir le cul. Eh oui. Lola est une pute, et elle ne fait ni dans la dentelle ni dans la pudibonderie. Les scènes et textes sont en général bien explicites et laissent peu de place au doute (à défaut de l'imagination qui elle est sauve). Autant ce genre de chose peut très facilement tomber dans le mauvais goût, autant il est ici complètement intégré au récit, d'une excellente cohérence. Bien sûr si ce genre de choses vous choque, passez votre chemin. On notera quand même le ton de l'ensemble qui fait preuve d'un grand naturel, d'une grande franchise. Ce n'est ni gratuit ni vraiment provoquant. L'utilisation qui est faite de cet élément est vraiment... adéquate. Et enfin, il y a l'héroïne. On sent Anita Bomba pas très loin derrière. Désabusée, sombre, trash, volontaire, sauvage, elle déborde vraiment de charisme et est le moteur de l'histoire. Et croyez-moi, je déteste les héroïnes à deux balles. Scènes d'action qui réduisent Kill Bill au rang de petite production, humour complètement crétin et jouissif qui surgit parfois quand on l'attend le moins, thriller sur fond de SF qui utilise plein d'ingrédients de tous ces genres, Lola Cordova est un album réalisé avec un brio, non, une maestria que j'ai rarement vu. Une production d'une telle qualité pour un album sorti de nulle part et qui apparemment n'a aucune prétention, ça tient du miracle ! Seule la fin que j'ai malheureusement vue venir de loin (et qui en plus est un peu trop ouverte par rapport à ce que à quoi je m'attendais) a un peu refroidi mon feu au culte (que je mets quand même, parce que, si on se souvient bien, ça dépote. De partout. Et tout le temps sur ces 64 pages). Alors, à lire ? Mais ami lecteur (ou amie lectrice), si tu te poses encore cette question c'est que tu as du caca dans les yeux ! [1] ou Foutrepute, Mortecouilles, Putentrailles et autres joyeusetés, pour employer un champ lexical plus adapté, nom d'un tentacule baveux !
Dans la prison par CoeurDePat
Deuxième manga d'Ego Comme X (après "L'homme sans talent"), et deuxième choix remarquable. Exposant le quotidien au sens strict du terme de l'auteur durant son séjour de trois années en prison, cette oeuvre se révèle assez fascinante de part le souci poussé du détail (parfois assez incongru quoique pertinent dans le sujet, comme l'utilisation des toilettes) et le ton très particulier qu'elle véhicule. On a en effet plutôt l'habitude des prisons à l'américaine, avec des clans, une violence latente prête à exploser à tout instant, des haines fortes, un climat malsain, des gardiens souvent gratuitement méchants. Rien de tout ça ici. Le quotidien de cette prison japonaise semble fait d'un calme cotonneux rendant lointain et irréel le monde extérieur. Comme le laisse souvent entendre l'auteur, il s'agit là presque d'un cocon où l'on finit par se trouver bien, à l'abri des tracasseries... pour autant qu'on respecte les règles extrêmement strictes du lieu. Rangement des objets, manière de s'adresser aux gardiens, façon de marcher dans le couloir, tenue vestimentaire, tout, jusqu'au moindre détail, est réglementé ! C'en devient quasi obsessionnel pour les détenus qui en viennent logiquement à intégrer ces règles strictes. Dans ce quotidien quasi intemporel, ce sont les repas qui ryhtment le temps qui passe. Très variés, abondants et de bonne qualité, l'auteur les décrit souvent en grand détail... Ca donne l'eau à la bouche mais on les passe volontiers. Le ton de cet album est vraiment particulier. Tout y semble paisible, dépassionné au sens éthymologique [*] du terme. Pourtant l'auteur y glisse de nombreuses connotations [*] : humour, ironie, critique. La peine de prison semble pleinement assumée, les détenus s'entendent plutôt bien ensemble, tous semblent collaborer pour que tout se déroule le mieux possible... Tout cela a un côté un peu enfantin, comme des gosses qui essaieraient de bien se tenir, craintifs de se faire gronder. Le dessin de Hanawa est assez excellent. Assez "veille école", peu de trames, beaucoup de hachures, décors souvent fouillés, réaliste et précis et légèrement caricatural pour les personnages et les visages, on y touve aussi des intégrations de figures de styles ilustrant très bien le propos (fermeture éclair à la place de la bouche, personnage prenant la forme d'une pyramide, etc.). Témoignage très intéressant et résolument original quant à sa forme et sa nature, "Dans la prison" pose une foule de questions non seulement sur cette vie carcérale, mais également à travers elle sur notre société et son fonctionement. D'une lecture très riche derrière sa sobriété apparente, cette oeuvre me semble mériter amplement un culte, quoique particulier, l'album étant très atypique. La seule chose qui me fait hurler, c'est son prix. 25€, même pour un livre de grande qualité au niveau du contenu et de la fabrication, ça fait mal. Notes sur l'objet : papier épais de très bonne qualité, blanc cassé. Couverture superbe, agréable au toucher. Dos résistant à l'ouverture de l'album à condition de ne pas insister (sinon il peut se casser). Notes très abondantes, essentiellement culinaires. Adaptation graphique (traduction des idéogrammes intégrés au dessin) bonne (sous-titrage sous les cases la plupart du temps) quoique pas toujours commode ; parfois intégrée au dessin par manque de place (double page 146-147, particulièrement chargée, assez pénible à lire). Quelques coquilles et fautes. [*] J'm'escuze de parler riche, m'sieurs dames...
Absolument incroyable. Cet album est impossible à résumer simplement. Et même si on le pouvait, ce serait un crime. Parce qu'il est complètement farfelu, totalement adorable, pétillant continuellement d'un humour léger, débordant d'une incroyable tendresse. C'est bien simple, je n'ai JAMAIS vu quelque chose de semblable. De Crécy parvient même à établir un étonnant parallèle entre l'amour et la mécanique. Pour le coup, ceux qui pensent que la bd c'est souvent la même chose vont se prendre... non, à ce niveau là ce n'est même plus une grande baffe dans leur gueule, ils vont se retrouver carrément KO. En plus, sur 46 pages on a droit à 13 planches d'une chute ébouriffante, absolument superbe, et malgré ça l'histoire parvient à être d'une étonnante richesse. Le dessin de De Crécy est magnifique, et ses découpage et cadrage, s'ils n'ont l'air de rien, sont d'une précision et d'une adéquation exemplaires ! Ce n'est même pas lui qui a fait les couleurs, et pourtant elles sont superbes, et participent très largement à la beauté de cet album. J'en entends un là au fond qui dit "ouiii, mais on voit pas trop où ça mène". Ah ah, petit scarabée, pour un album d'une telle qualité, le cheminement est si incroyable que le but on s'en tape le popotin !
Ah ah, la guerre de Troie en bd, bin voyons, encore une adaptation toute pourrie faite par un scénariste sans inspiration ! :D Eh bien, pas tout à fait... Comme le dit la postface, raconter la guerre de Troie en bd, ça n'est pas si facile. Car il faut partir de fragments épars, parfois contradictoires, des sources historiques avérées, d'autres plus questionnables, et à partir de ce matériau hétéroclite, sortir une histoire cohérente... ce qui est peut-être plus difficile encore que d'en créer une à partir de rien. Et pourtant l'auteur s'en sort plus que bien : l'ensemble présente une vision cohérente de l'époque, de tous ces personnages, et va au-delà de la "simple" histoire connue de tout le monde, en exposant des motivations un peu creusées, entre honneur, motivations politiques et économiques, et croyances en des divinités parfois capricieuses. Les choix faits par Shanower sont nombreux, et apparaissent avec plus ou moins de clarté lors de la lecture. Le plus évident concerne sans doute les dieux, et tout ce qui touche à la mythologie : les dieux ne marchent pas parmi les hommes, mais ceux-ci ont des rêves, des visions, qui leur sont attribués (à tort ou à raison). Ceci étant dit, j'ai tout de même du mal à comprendre que cette série ait remporté deux Eisner Awards... Le dessin n'est en effet pas vraiment extraordinaire : très chargé, avec des visages aux expressions souvent (trop) outrées, focalisant l'attention quasi-exclusivement sur les visages en question, personnellement il me rebutait au début et ne me plaît toujours pas plus que ça. Par ailleurs, j'ai l'impression que l'auteur a tout simplement éludé certaines difficultés. Ainsi, dans tout cet album (200 pages), on ne voit pas une seule fois un personnage en train de manger. Et quand un banquet doit avoir lieu, c'est entre deux cases successives qu'il passe. Pourquoi ? C'est si difficile que ça de faire un banquet ? Ô_ô Voilà. Album intéressant, mais à mon avis pas indispensable sauf peut-être pour les amateurs du genre, et probablement les littéraires.
Le Front par CoeurDePat
Premier album de ce jeune auteur, "Le front" est très très prometteur. Au niveau graphique déjà, puisque le dessin (tout en noir et blanc) est assez excellent dans son genre, et bien maîtrisé. Au niveau du découpage ensuite, très cinématographique, avec non seulement quelques références aux films muets du début du siècle, mais surtout une mise en scène faisant la part belle aux zooms, travellings et autres procédés du 7ème art, ce qui n'est pas sans rappeler parfois Tezuka (oui, de loin). Au niveau du "scénario" ensuite, ou plus précisément du sujet. Faire un album sur la 1ère guerre mondiale n'est pas donné à tout le monde, et le réussir encore moins. Le traitement ici se concentre sur la vie dans les tranchées, avec une seule histoire qui se déroule dans "la France de derrière le front" (On pourra par exemple l'opposer à "La grippe coloniale", dont justement l'histoire est basée sur l'après-guerre, et le retour à la Réunion de soldats). Et je dois dire que l'ensemble paraît bien convaincant (mais bon, je ne suis pas historien). L'auteur a d'ailleurs réalisé son mémoire de maîtrise sur le sujet, et même s'il avoue avoir parfois pris des libertés, on est loin d'être dans la pure fiction. Pour ceux d'entre vous qui le liront, peut-être penserez-vous au très bon film de Stanley Kubrick, "Les sentiers de la gloire", qui a également un petit côté absurde, tout en restant très fort. Et bien sûr, fort, ce livre l'est beaucoup de par son côté muet : tout ce qui n'est pas dit est laissé à l'imagination, qui complète probablement mieux les images que n'importe quel texte. Certains diront que l'album se lit rapidement. C'est vrai (moins de dix minutes), mais il est très bon, et je surveillerai avec intérêt les travaux de Juncker (normalement un album se déroulant à l'époque Napoléonienne devrait suivre).
L'homme sans talent par CoeurDePat
Album vraiment très cher (25 euros), tiré à seulement 2000 exemplaires, il mérite très largement d'être lu. Ce livre est glauque. De fait, il commence par " Pour finir, je suis devenu marchand de pierres ". Le personnage principal -- Sukezo -- vit avec sa famille dans la misère, et ils essaient de s'en sortir tant bien que mal... plutôt mal, d'ailleurs. Le tableau est loin d'être tendre. Tensions familiales, problèmes d'argent, reproches... Et Sukezo, loin de s'en sortir, sombre de plus en plus, plus ou moins imperceptiblement. Ce livre est drôle. Oui, certains passages font sourire avec tendresse, sympathie, ou encore avec moquerie. Et parfois on rit franchement malgré la lourde chape de déchéance qui pèse. Ce livre fait fortement appel à l'empathie du lecteur. Si on parvient à s'identifier un tant soit peu à Sukezo, à le comprendre un peu, alors la magie fonctionne, et à merveille. D'un autre côté, si on s'identifie plus à sa femme qui le harcèle et essaie de trouver des solutions réalistes pour s'en sortir, alors on risque de l'apprécier très différemment. Ce livre, c'est en effet une lutte. Lutte de cette famille contre la misère, la déchéance. Lutte entre Sukezo et sa femme. Mais surtout, surtout, lutte entre les aspirations, le domaine du rêve, de l'imagination, de la liberté et la sordide réalité. Cela est d'autant plus apparent qu'à chaque fois que Sukezo rêvasse, son fils arrive et dit " Pôpa, ch'uis v'nu t'chercher ". Ca donne lieu à une scène particulièrement forte, chapitre 3. L'homme sans talent n'est pas dénué de talents. Loin de là même. Simplement, il n'en veut pas. Il ne veut pas de ces choses qui, loin de le libérer, l'enchaînent à la réalité. Il aspire à fuir le monde, et le temps d'une lecture on le fuit avec lui.
Sur la neige par CoeurDePat
Aubin est quelqu'un de tout à fait charmant qui travaille pour Walt Disney et... dessine Winnie l'Ourson. Ô_Ô Si si, j'vous jure, c'est lui (entre autres) qui dessine les bandes dessinées de Winnie ! Bon, en ouvrant l'album (après avoir vu la superbe couverture), la ressemblance n'est pas frappante. De fait son trait a quelque chose de celui de Wazem. Je ne saurais dire quoi, mais il me semble coller à l'esprit... Côté histoire, eh bien il y a là-dedans des odeurs de Fargo. L'aspect "ville enneigée et isolée", sûrement. En tout cas l'ambiance générale est très réussie. Il s'agit surtout d'une tranche de vie... Un petit aperçu de la vie d'un sherif (Spencer) qui en a marre de se laisser dicter sa conduite par les puissants de la ville, par l'argent, par l'usine... et qui pête les plombs, tout simplement. Non pas qu'il devienne fou furieux et massacre tout le monde, non ! Simplement il décide, comme ça, de redevenir celui qu'il voulait être, et donc d'assumer son rôle de sherif, avec tous les écueils qu'il comporte. Le rythme général de l'album est plutôt contemplatif, calme et tranquille, à l'image de la résolution se Spencer, avec quelques moments plus tendus lorsque l'agitation des autres fait intrusion dans le récit. La fin vous surprendra peut-être un peu, mais je la trouve en parfait accord avec le reste de l'album. Et par ailleurs j'aime beaucoup la scène lorsque Spencer explore les tréfonds de l'usine. Elle me rappelle "Le dérisoire", avec le formidable personnage du Fourneau, ou encore les cheminées et chaudières de "Koma". L'album n'est pas exempt de petits défauts, mais je l'ai tout simplement dévoré, et pour un premier album, ça me paraît être une réussite. Nan, vraiment, j'aime.
Cambouis par CoeurDePat
Je l'avoue, j'ai été complètement mort de rire deux fois en lisant cet album. Sinon, le sujet est traité sur un ton comique avec un trait absolument excellent, vivant et savoureux, mais est malheureusement plutôt dramatique. L'intérêt de cet album est à mon avis de faire réfléchir, et surtout, SURTOUT de donner plein de grandes baffes au lecteur à qui on voudrait faire croire que certaines choses sont inéluctables, que "ah ma pauvre dame si vous ne faites pas ça vous aurez des boutons la grippe ton mari te tromperas t'auras des varices et pis la France en pâtira", au spectateur de ces infos télévisées qu'on hypnotise littéralement pour finalement en arriver à faire passer des conneries monstrueuses que le cerval endormi ne reconnaît plus pour ce qu'elles sont. Non, c'est pas facile de faire ça avec talent, mais Luz y arrive très bien. Ca fait vraiment du bien à lire. Allez, soulageons-nous et tous ensemble : "chions sur le drapeau".
Attends par CoeurDePat
Le dessin très simpliste (particulièrement au niveau des personnages) et le peu de paroles dans cet album ne donnent pas a priori une impression favorable. Le début non plus, d'ailleurs, où il ne se passe rien. Et en plus chaque page semble être indépendante des autres. Oui, mais c'est pourtant par cette apparente simplicité que cet album arrive à être profond. A nous parler de sujets éminemment préoccupants et/ou métaphysiques, comme le temps qui passe, notre vie et nos illusions, et bien sûr la mort. Jason utilise (et maîtrise !) les ellipses d'une façon à la fois déconcertante et pleine de sens : chaque page est séparée des autres comme si elle était une scène à elle seule, une petite touche de pinceau sur la toile de l'histoire. Et la fin de la première partie est tout simplement superbe. Oeuvre extrêmement touchante, je n'ai cependant pas tout compris... et ça j'aime, ça montre qu'il y a matière à se poser des questions, à chercher, à comprendre. Je doute qu'il soit possible de donner envie de lire "Attends..." avec un avis, même approfondi. Et on peut malheureusement passer complètement à côté. Mais pour ma part, je trouve cet album superbe.
Je l'attendais avec impatience, d'où probablement ma petite déception. L'album est tout aussi magnifique que "Vincent & Van Gogh". Il fonctionne en effet sur le même principe (reprendre des tableaux plus ou moins célèbres et les intégrer dans l'histoire), et Smudja adopte un découpage bien plus original (comme cette page où les cases dessinent un moulin). Ceci dit, "l'histoire" est très décousue. A un point tel même, que j'aurais plutôt envie de dire qu'il s'agit de petites saynètes liées par le fil conducteur qu'est le personnage de Toulouse-Lautrec. Par ailleurs, les nombreux gags qui parsèment l'album ne contribuent pas à donner à l'ensemble une cohérence plus forte. Enfin, certaines scènes manquent assez cruellement de dynamisme, de mouvement, et l'enchaînement entre les cases est parfois un peu laborieux. :( C'est donc toujours aussi beau pour l'oeil, les références abondent, ça se lit tout de même avec plaisir, mais "Au Moulin-Rouge" m'a très nettement moins plus que "Vincent & Van Gogh".
L'éveil du Kurran par CoeurDePat
Album qui détonne apparemment dans la collection Tohu Bohu de par son côté univers fantasy / fantastique prononcé, c'est bien parce que j'aime assez cette collection et que le dessin avait l'air attirant que je l'ai lu. Et bizarrement, en le refermant j'ai eu le sentiment que j'aimais cet album, sans cependant savoir pourquoi. O_o Pourtant les éléments très classiques qui pourraient en faire une énième sous-copie d'un genre surexploité ne sont pas absents : jeune garçon dans lequel on devine un potentiel important, magie un peu mystérieuse manipulée par les kurrans (qu'on pourrait croire être une caste de sorciers), incompréhension et rejet des gens "normaux", épreuves assez mystérieuses, etc. Et pourtant cet album est différent. Il raconte plutôt un parcours initiatique, une vie. Et presque de manière annexe un monde qu'on devine largement travaillé, étudié, bâti et dont ne transparaissent que quelques éléments. Tout en nuances, les personnages ont tout de même des caractères assez marqués. Entre Roré, presque une ermite, Tsoué, jeune garçon un peu fougueux mais qui veut réussir, Bonga, vieux bonhomme éminemment sympathique, c'est toute une famille qu'on retrouve. En fait je ne sais toujours pas pourquoi j'aime cet album. On pourrait lui faire certains reproches assez "vrais" (quasiment pas d'action, rythme assez inhabituel, coupure plutôt marquée lorsque Bonga arrive, etc.), mais pourtant il se démarque et charme ! On sent derrière l'univers décrit un gros travail d'élaboration et de réflexion, et possiblement la matière à quelques autres tomes... De fait, pour en avoir parlé aux auteurs, ils vont peut-être un jour faire un album sur les Kurran rouges, de vrais fous furieux vivants de façon intense et frénétique. Le rythme de la narration serait alors lui aussi beaucoup plus intense, syncopé, alors qu'ici il est au contraire très contemplatif, calme, paisible, s'écoulant comme une rivière... en parfait accord avec ce que sont les Kurrans bleus. Si d'ailleurs vous avez l'occasion de les voir en festival, allez-y ! Ils sont absolument charmants, passionnants, ont plein de choses à dire, et gagnent à être connus. Non, je ne fais pas de publicité gratuite, c'est complètement sincère. :) En tout cas, jetez un oeil à cet album.
Retour écrémé par CoeurDePat
Ibn Al Rabin fait dans le minimalisme, parfois dans l'abstrait, et certainement dans l'atypique et le recherché. Pour autant, cet aspect de "recherche" transparaît à peine quand on n'y fait pas attention. Le graphisme de "Retour Ecrémé" (passé la couverture assez laide...) est minimaliste. Même Trondheim à côté pourrait passer pour en faire beaucoup. Les personnages ici sont tout en silhouette, très ronds et très simples. Et le tour de force de l'auteur consiste à réussir une excellente expressivité, malgré cette sobriété extrême. La simple inclinaison d'un corps, la courbure d'une bouche, la position d'une touffe de cheveux (tout ceci vu en "ombre chinoise", bien sûr) fait passer une attitude, un sentiment, la position de tout le personnage... "Retour Ecrémé" s'affranchit également pour une large part des classiques cases et de leur disposition en gaufrier plus ou moins régulier. Ici la page est blanche, et les cases y sont disposées un peu comme on pourrait épingler des notes sur un tableau en liège. Mais encore une fois, l'expressivité de l'ensemble reste excellente. Mieux : elle est améliorée par une utilisation véritablement intelligente de l'espace de la page, qui se traduit également par une disposition complètement novatrice des textes. Chaque bulle est reliée au personnage qui la prononce par un trait, mais en même temps, c'est parfois l'ordre des bulles -- hors des cases -- qui va déterminer l'ordre de lecture des cases en question, alors que c'est tradtionnellement l'inverse. Les bulles deviennent des objets graphiques aussi importants que les cases et à ce titre complètent, égalent et parfois supplantent ces cases dans le domaine de l'ordre de lecture et de l'importance. Et pourtant, à la lecture ça n'a l'air de rien. C'est complètement naturel et presque transparent... L'histoire quant à elle, est à cheval entre les vieux films d'horreur de série Z, une parodie parfois franchement savoureuse, et une dénonciation amusante et pas virulente du racisme et de la connerie en général. Enfin, je ne parlerai pas de ce dernier point, lisez l'album et jugez par vous-même. Côté humour, par contre, c'est complètement décalé : les dialogues sont absolument savoureux, certains passages très parodiques (le débat télévisé, la séance de presse du porte-parole du gouvernement, etc.), et le dessin lui-même fait rire parfois tant il est mignon. Les zombies ne sont pas ici de gros monstres sans cerval, ce sont littéralement des morts-vivants. Des gens normaux, qui sont morts, mais qui revivent... et qui tombent en miettes... Alors voilà, c'est mignon (pas la couverture, hein), c'est inventif, c'est drôle, et j'aime. Côté mauvais points, quand même, il y a l'objet lui-même, qui est a priori de bonne qualité : papier et carton sont très épais... mais c'est peut-être trop épais, et il faut des doigts très musclés pour tout lire sans casser le dos du bouquin...
Peu de choses à en dire, c'est toujours aussi bon à tous les niveaux… On remarquera tout de même qu'une des histoires nous fait découvrir plus avant le passé d'Ogami Itto et les raisons pour lesquelles il a décidé d'emprunter la voie de l'assassin. Une autre diffère de la majorité des intrigues montrées jusqu'à présent en ce qu'il ne s'agit pas d'un meurtre commandité, mais d'une rencontre fortuite avec un maître sabreur devenu "attraction de foire", aux convictions poussées. Le ton général est toujours aussi farouche, sérieux, axé sur le code de l'honneur des samouraïs (code parfois flexible selon les intérêts desdits samouraïs, bien sûr… respecter la lettre plutôt que l'esprit conduit à de nombreuses dérives dont les personnages ne se privent pas). C'est vraiment bien, mais la lecture de "La pierre et le sabre", d'Eiji Yoshikawa (857 pages, chez J'ai Lu) aidera peut-être à comprendre mieux encore un état d'esprit général somme toute complexe. Ah, dernière différence notable : le berceau a disparu. :'(
Enfer portatif par CoeurDePat
Tout nouvel album d’Ayroles (François, pas Alain…), ce n’est peut-être pas en le feuilletant que celui qui ne connaît pas l’auteur aura envie de le lire. Le style graphique est en effet assez particulier, analogue à celui d’« Incertain silence », parfois très sombre du fait d’encrages abondants et mettant en scène des physionomies un peu spéciales. Une des grandes force de cet album, c’est une originalité parfois poussée. Dans les dialogues tout d’abord, avec un côté fréquemment décalé, jouant par exemple sur le fait que Pierre est aveugle, et quelques petites perles de répliques, comme au dos de l’album : C’est pas parce que je vois pas que je peux pas peindre… Je suis pas manchot ! ; ces dialogues sont vraiment un réel plaisir à lire. Dans le dessin ensuite. Ayroles participe activement à l’OuBaPo et utilise ici certaines techniques oubapiennes, mais légèrement, presque avec tact, et toujours à bon escient. (Passage un peu technique) Itérations iconiques (p.62, huit cases identiques représentant l’extérieur du commissariat), restrictions iconiques (p. 1), itérations iconiques partielles (p. 8, Pierre et Paul en train de cheminer), réinterprétation graphique absolument magistrale (p. 85), etc. Et puis la page 86 rappelle « Simbabad de Bahtbad » (« Philémon »…), où le lecteur est contraint de suivre un ordre de lecture qui n’est pas celui des cases. Bref, il y a de quoi faire. Et pourtant tout ceci reste discret, parfaitement intégré au récit et le servant. Rien d’artificiel donc, au contraire. L’histoire quant à elle est originale dans son idée : deux personnages infirmes mais complémentaires, l’un rabougri et tétraplégique, l’autre grand et valide mais aveugle. Autant le dire tout de suite, la ligne directrice de cet album, c’est Pierre et Paul. Les aventures qu’ils vont vivre ont une cohérence et une logique, mais il ne s’agit pas de quelque chose d’aussi marqué que, disons, un Thorgal, avec situation initiale, perturbation, aventure et fin. Là ce serait plutôt « on fait un morceau de chemin avec les personnages ». Mais bon, « Enfer Portatif » est un vrai plaisir à lire. Savoureux dans ces dialogues, très intéressant au niveau de son découpage et dans les techniques qu’il utilise, tendre et cruel à la fois, gentiment drôle, j’aime.
Incertain Silence par CoeurDePat
"Incertain Silence", c'est Joe, un peintre-dessinateur muet qui cherche à vivre de ses dessins. Qui rencontre un poète autoproclamé, bavard pour deux. "Incertain Silence", c'est les aventures et surtout les mésaventures de Joe. Que voulez-vous, quand on est muet on ne peut pas dire aux gens qu'on a du talent, alors comment pourraient-ils s'en rendre compte ? Quand on ne peut que difficilement communiquer, on en vient parfois à laisser les autres s'exprimer plus (trop ?), à les laisser vous envahir, et finalement à se laiser porter par les circonstances. "Incertain Silence", c'est un superbe dessin à la Ayrolles, une technique très particulière et très bien utilisée, tout en nuances et subtilités. "Incertain Silence", c'est une histoire avec plein de petites scènes extrêmement dynamiques, drôles et bénéficiant d'une superbe mise en scène, qui font furieusement penser aux films de Buster Keaton. "Incertain Silence", c'est une histoire toute en poésie, en sentiments, en esquisses, et un peu comme "Enfer Portatif", en inachevé. "Incertain Silence", c'est malheureusement un peu vite lu, mais c'est superbe et c'est fin. "Incertain Silence" enfin, c'est un superbe cadeau à se faire. Allez, quoi, faites-vous plaisir. :)
Mariko Parade par CoeurDePat
Je n’ai rien lu de Frédéric Boilet, mais quand j’ai vu la couverture de « Mariko Parade », le charme de la collection écritures a fait son effet. La maquette de ces albums est en effet d’une grande beauté, tout en sobriété et douceur. Doux au toucher et dotés d’une odeur bien particulière, ils sont vraiment séduisants. Et en feuilletant celui-ci, le dessin de Kan Takahama m’a immédiatement plu. Il est d’une incroyable douceur, tout en rondeurs, fait ressortir à merveille les reliefs, en particulier ceux des visages… Il sait se faire naïf au niveau des expressions, utiliser des codes (des « trucs ») typiques au manga, comme certaines façons de dessiner la surprise ou la contrariété, et enfin le pire, il représente d’une manière absolument fabuleuse les émotions. D’anciennes histoires de Boilet (donc dessinées par lui-même) sont reprises dans ce livre et intégrées dans l’histoire. Le connaisseur reconnaîtra la liste en fin d’album… L’histoire… Bah, difficile d’en parler. Dire que Boilet et Mariko, son modèle et sa compagne partent trois jours prendre des photos sur l’île d’Enoshima n’avancera pas à grand-chose. Dire que ce livre parle d’eux et de leurs sentiments non plus… Cependant, pour autant qu’on puisse essayer de faire partager cette chose éminemment personnelle et subjective qu’est le sentiment, les mots amour, doute, angoisse et joie sont peut-être ceux qui me paraissent les plus appropriés. En lisant ce livre, et malgré de nombreux moments amusants où l’on rit de bon cœur, on est complètement submergé par ce sentiment, les émotions sont là en permanence, d’une douceur, d’une tendresse incroyable, à la mesure de celles du dessin, mais en même temps il y a la peur et l’angoisse de la perte, jamais aussi bien exprimées. Deux scènes en particulier : « Histoire presque sans paroles », par Boilet, où le mot « Suki » n’est plus représenté mais devient réel, et la scène finale, qui laisse la gorge nouée. La saveur de cet album est très particulière... Jamais peut-être « roman graphique » et « doux-amer » n’auront eu autant de sens. Il y aurait beaucoup, beaucoup d’autres choses à dire, mais mieux vaut découvrir par vous-même ce chef d’œuvre.
Caravane par CoeurDePat
Bah, étant donné le genre et la mise en oeuvre très particuliers de cet album, soit on rentre dedans très vite et on tombera sous le charme, soit on y reste hérmétique d'un bout à l'autre, avec une sensation d'agacement mêlée d'ennui qui va s'accentuant au fil des 168 pages. Inutile de dire que dans mon cas c'est la deuxième option qui s'est produite... Le ton général rappelle un peu celui de "L'alchimiste", de Paulo Cuelho. Livre qui se veut initiatique, révélant les mystères de l'âme à qui le lit, faisant voyager le lecteur dans l'espace et dans l'introspection, et qui déjà m'avait laissé imperméable, mais qui a eu un succès certain. Le ton général se veut poétique, à mon avis dans le pire sens du terme, puisqu'il rabâche un même thème (la caravane) de plein de points de vue différents, mais toujours sur le même mode, rêveur, nostalgique et empreint d'une pseudo-sagesse. Typiquement le genre de chose que je n'apprécie pas. Evidemment ça devient vite lourd, puisqu'il ne se passe rien, que le propos est dit redit et rerépété... En plus le dessin est très très simpliste, et ne me plaît vraiment pas plus que ça. Bref, pour moi une traversée du désert.
Deuxième tome, et même commentaires que pour le premier. D’un côté, l’album en tant qu’objet est toujours aussi superbe, le dessin, dans l’ensemble assez sombre, est très beau (et gagnerait je pense, à pouvoir être vu en noir et blanc), rappelant par certains aspects le style de Blain. D’un autre côté, ce même dessin manque assez cruellement de dynamisme, retranscrivant très mal le mouvement ; le découpage y est peut-être aussi pour quelque chose... Concernant l’histoire, elle est malheureusement toujours aussi linéaire et sans surprise, ne suscitant à aucun moment suspense ou passion, bien qu’elle ne soit pourtant pas dénuée d’intérêt. Impression mitigée donc. Je reste partagé entre les promesses de ces deux premiers tomes (et de ces deux auteurs), et leurs défauts. J’espère que la suite sera plus dynamique, et témoignera d’un sens plus aigu de la narration... (N.B. : la couverture de cet album est verte, et non bleue...)
Le tome 1 nous laissait avec la fuite assez mystérieuse d’Algernon Woodcock, que nous retrouvons au début de ce deuxième tome. Autant le dire d’emblée : la rupture de ton et de rythme est ici très marquée. Le personnage d’Algernon n’a a priori pas grand-chose à voir avec celui que l’on connaissait : d’abord plus caractériel, puis plus mystérieux, introverti. Le ton de l’album également est très différent. Là où on découvrait un mystère, une histoire quelque peu étrange, ici le mystère trouve une réponse, mais de manière très mystérieuse et étrange. On comprend à la fois beaucoup et peu, c’est assez étonnant. Étranges également, les interrogations sur le scénario par les personnages… On dirait qu’ils ont lu le début du scénario, et qu’à l’instar du lecteur ils se demandent « mais comment cela va-t-il donc pouvoir finir ? ». Mise en abyme fort déroutante, parfois peut-être un peu alambiquée, mais au final originale et efficace… Les auto-références abondent dans ce tome 2 (« Mais comment ai-je pu faire pour ne pas voir tous ces indices » dit en somme Algernon à un moment, s’identifiant ainsi au lecteur), et si le fin mot de l’histoire paraît assez clair et son résumé facile à faire, en revanche la forme est très complexe et toutes les réponses ne sont pas données… J’ai pour ma part beaucoup aimé ce côté mystérieux, et relirai « L’œil Fé » avec intérêt. Ceci dit, faites attention, ce côté bizarre vous rebutera peut-être… A noter, le coffret est peut-être un peu cher, mais il est beau, et les quatre superbes illustrations vendues avec justifient largement son prix.
Dernier tome de la trilogie qu'il forme avec "Armaggedon" et "La carte majeure", cet album révèle enfin le fin mot de l'histoire, nous donnant toutes les clés pour comprendre ce qui s'est passé. Le scénario global, sans être d'une originalité confondante, est très sympa, et le fait de l'avoir découpé en trois points de vue différents ajoute largement à son côté dramatique, titillant de façon insistante le lecteur. On retrouvera le même style de narration que dans "Armaggedon", avec de nombreuses légendes résumant l'histoire, ce qui détonne largement par rapport à "Mon fils le tueur" qui, sorti en même temps, adopte un style beaucoup plus fluide et muet, tout en impressions. L'histoire traite plus particulèrement de l'explosion de Terra Amata, mais on découvrira aussi les sept objets du destin, les luttes intestines à l'intérieur de la Géhenne, et, et, et... le mal absolu, qui revient nous rendre visite. Je la trouve très intéressante, mêlant à la fois les grands thèmes et des choses plus "anecdotiques", le tout étant très lié aux autres albums, et laissant de surcroît présager une suite passionnante. Le dessin de Blanquet (mis en couleurs par lui-même) est très beau, même si le trait relativement épais n'est pas réellement adapté au fourmillement de détails. Les monstres abondent, et il les réussit fort bien, leur donnant un aspect assez repoussant et laid. Conclusion, indispensable comme tous les Donjons, ce tome révèle pas mal de choses, et est en plus vraiment bon.
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