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« Les mamelles de Tirésias », par Apollinaire et Daniel Casanave. Aux éditions Le Pythagore.
Après le très beau « Ubu Roi » qu'il avait réalisé pour l'éditeur québecquois « Les 400 Coups », Daniel Casanave semblait avoir livré le meilleur de lui-même. Une nomination à Angoulême, puis un silence bédéphilique à peu près absolu. Le dessinateur de presse illustrateur scénographe nous revient cette fois avec une autre adaptation. D'Alfred Jarry, on passe à Guillaume Apollinaire. Du noir et blanc, on passe à la bichromie. Mais le talent est le même. Epoustoufflant. Malgré la difficulté de défendre un texte à la frange du surréalisme, le dessin de Casanave transcende Apollinaire et lui redonne un souffle, une modernité que l'on ne soupçonnait pas. Il faut dire que l'auteur a travaillé sur la scénographie de la pièce en question en 1986. Il connaît donc ce texte sur le bout des doigts et jongle avec les mots comme avec les personnages ou les décors. Son Zanzibar ne ressemble en rien à l'original ? Qu'importe, puisque c'est pour sa seule sonorité que l'auteur a retenu ce lieu, un lieu qui, selon certains protagonistes, n'est autre que Paris. L'action n'a donc aucune obligation de s'appuyer sur des décors réalistes, tout est suggéré, déformé, poétique. La ville qui sert de toile de fond à l'histoire se donne des allures de cité italienne, les protagonistes changent de sexe en cours d'histoire (c'est l'argument principal de l'adpatation faite par Apollinaire du mythe original de Thirésias, le devin grec qui a fait l'expérience des deux sexes... et que Rossi et Le Tendre avaient si bien immortalisé en BD). Et le lecteur se délecte d'un dessin brillant, virtuose, léger, d'une grande vivacité. Le prologue, grâce à la force du texte et grâce à l'usage du noir et blanc, est sans doute le moment le plus intéressant. Le trait et la mise en scène y sont virevoltants.
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