Le Journal de Fabrice Neaud, tome 3

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104. b1p - 07/02/03 23:52
1. Cher Fabrice Neaud. Message reçu.

2. Dire n'importe quoi dans les forums, c'est aussi ça la loi du genre, non ?

3. Merci pour votre journal, qui m'a profondément touché.

103. fabrice neaud - 07/02/03 04:41
Argh… Je ne devrais pas… Cher B1P, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de commencer dans l'ordre le Journal de Renaud Camus, surtout que son premier tome "officiel" le "Journal romain" est introuvable (si quelqu'un en a un exemplaire…)… On peut donc commencer par "Vigiles".
Le principe du Journal de Camus est très simple: chaque tome commence au 1er janvier et s'achève au 31 décembre… Vous pouvez lire dans le désordre, je crois, car c'est un journal, justement. Aucun "récit", juste des "notes" quotidiennes… Lui, il est beaucoup plus rigoureux dans sa démarche que moi :)), because il écrit (presque) tous les jours et ne retouche presque rien. Il n'a pas besoin de "mettre en scène". Donc, désordre…
Pour moi, c'est (encore une fois), UN SEUL livre… Je me suis amusé à le lire dans l'ordre parce que ça me paraît malgré tout plus simple, mais ce n'est vraiment pas important. Et puis, quand on se plonge dedans, on n'en sort plus. Il faut voir que le Monsieur a quand même écrit, à peu de choses près, 53 ou 54 ouvrages qui font entre 300 et 500 pages chacun, ce qui fait de lui l'écrivain contemporain le plus prolifique. Ne serait-ce que pour ça…
A côté, je suis une blatte immonde.
Je n'ai pas lu la moitié de son oeuvre (27 ou 28 bouquins) et je ne m'en lasse pas. Faites gaffe, quand on est capté par Camus, c'est une spirale sans fin. Son site donne aussi une bonne idée de son travail et de sa pensée, complètement anti post-moderne (ou post-post moderne, mais sa grande référence, c'est la bathmologie barthésienne, qui est la "science des niveaux de discours…"). Imaginez, pour simplifier, que son journal est un peu le laboratoire de ses autres écrits, ou aussi le saint des saints. Tout en rayonne et y revient en étoile. Tous ses autres ouvrages ont toujours une teinte autobiographique. Mais c'est un véritable projet littéraire. Dans son cas, l'écrit prend toute sa valeur (comme, je le souhaite, chez moi, la bd prend sa valeur aussi, mais bon… 4 livres à côté de ses 50…).

(s'il vous plaît, pas d'accent à mon nom, par pitié, je m'appelle No, pas né-o… Merci)

Help! Patricia! ALARME! ALARME! Faites-nous sortir de BDP avant que je m'y remette! PITIÉ! Le Grand complot! Le Grand comp… aaaaaargh! *couic*

102. b1p - 05/02/03 13:11
et encore un truc : pourquoi cette ambiance de "grand complot" sur ce forum ?

101. b1p - 05/02/03 13:09 - (en réponse à : patricia)
Ouais mais je parlais du journal de Camus parce que celui de Néaud je le connais bien ! Alors, Renaud Camus, dans quel ordre ? Et c'est quoi cette histoire de poupées russes ?

100. patricia - 05/02/03 12:51
Je ne pense pas que ce soit une obligation de lire "dans l'ordre" les différents tomes puisqu'ils possèdent une logique interne propre : le premier est un portrait de l'histoire d'amour avec Stéphane, le second est centré sur les galères du monde professionnel comme artiste, le 3 ème (j'ai un faible pour celui-ci comme entrée en matière) est le portrait de l'histoire d'amour avec Dominique et le 4ème le récit d'un "retour à la vie" et d'une certaine normalisation des relations sociales. Chaque tome réfère également aux autres (parallèle peut-être avec le système de référence en poupées russes du travail de Renaud Camus)...

99. patricia - 05/02/03 12:51
Je ne pense pas que ce soit une obligation de lire "dans l'ordre" les différents tomes puisqu'ils possèdent une logique interne propre : le premier est un portrait de l'histoire d'amour avec Stéphane, le second est centré sur les galères du monde professionnel comme artiste, le 3 ème (j'ai un faible pour celui-ci comme entrée en matière) est le portrait de l'histoire d'amour avec Dominique et le 4ème le récit d'un "retour à la vie" et d'une certaine normalisation des relations sociales. Chaque tome réfère également aux autres (parallèle peut-être avec le système de référence en poupées russes du travail de Renaud Camus)...

98. b1p - 05/02/03 11:50 - (en réponse à : SeBso)
merci SeBso! Et concernant son journal ? Est-ce qu'il faut commencer par son début pour vraiment l'apprécier ?

97. SeBso - 05/02/03 11:17 - (en réponse à : blp)
J'ai découvert Renaud camus récemment, grâce au Journal en fait.
Un litre qui me paraît donner un bon premier aperçu de son oeuvre est 'P.A. (petite annonce)', une suite de remarques de tous ordres, certaines étant tirées de son journal.
Ce livre est disponible en version papier bien sûr (aux éditions P.O.L.) mais il est également disponible sur Internet, sur le site 'Vaisseaux brûlés' (à l'adresse suivante : http://perso.wanadoo.fr/renaud.camus/). Cette version, d'après le texte de présentation, "constitue à la fois une édition très abondamment annotée de P.A. sous forme d'hypertexte et une version indéfiniment évolutive du même ouvrage qui lui-même est déjà composé, pour une large part de notes et de notes à des notes à des notes, etc."
En plus de son intérêt littéraire traditionnel, cette version est un exemple très intéressant d'utilisation productive d'Internet.

96. b1p - 05/02/03 08:18
Juste un mot encore. En parcourant les interventions relatives au Journal, je me rends compte que beaucoup (se) posent des questions sur le contenu "théorique" du journal. C'est vrai qu'il y a beaucoup d'idées développées dedans, et que ça dépasse de loin ce qu'on a pu lire en BD jusque maintenant. Pourtant, pour ne pas décourager le lecteur ignorant qui tomberait ici par hasard, j'aimerais dire que le Journal est AUSSI (et peut-être avant tout) un ouvrage RICHE EN EMOTION, et qu'il peut parfaitement émouvoir même si on ne rentre pas dans tous ses questionnements (personnellement, la question de la représentation de l'autre m'intéresse peu).

95. b1p - 05/02/03 07:54
Dur dur de se lancer après tant de brillantes analyses, mais... j'ai énormément aimé certains tomes du Journal et je me suis pris d'un intérêt tout neuf pour l'autobiographie, qu'elle soit en BD ou en roman. Je me demandais si quelqu'un pouvait me dire par où je pouvais commencer la lecture de Renaud Camus, auteur que Fabrice Neaud semble tellement apprécier...

94. Fabrice Neaud - 05/02/03 00:22 - (en réponse à : partir quand même…)
Autre petite incursion… Pour ceusses qui veulent suivre sans intervenir ou en intervenant, il y a eu décision d'émigrer en effet… J'attends des nouvelles par mails privés. Emigrons! Emigrons! Je crois que mes interventions ici sont un peu grillées… Sera-ce plus calme ailleurs??? Je n'en sais rien, mais ça vaut la peine d'essayer… Patricia, Kliban, Brendel… A vous de voir. Quoiqu'il en soit, vous connaissez mon avis sur la question concernant ma présence ici.

93. Danyel - 30/01/03 18:25
Pour moi, Chris Ware dans son recueil "Jimmy Corrigan" a pondu 380 pages de pictogrammes narratifs. Ou plutôt une approche détournée du picto : trait épais uniforme, typo grasse, enfermement dans des cases dont le cadre me fait penser à des panneaux autoroutiers, couleur en aplats, absence de perspective ou alors usage d'une perspective technique comme celle utilisée dans la signalétique (axo ou frontale). Disons que c'est du picto perfectionné haut de gamme…

Autre chose, si toi et les autres intervenants décidez d'émigrer ailleurs, j'aimerais bien continuer à suivre vos échanges. Je ne compte pas vraiment y participer car j'ai constaté qu'ils étaient bien souvent un peu au-dessus de mes capacités intellectuelles, mais ils m'intéressent néanmoins.

92. patricia - 30/01/03 17:28
Oui, on s'est fait rares, c'est que nous tenaillait le projet d'un déménagement du sujet sur un site modéré où Fabrice Neaud aurait pû à loisir exercer sa verve en répondant à nos envolées.
Et puis la mise en place de ce projet prend du retard, le tome 4 est sorti depuis un mois, je me tâte... Il faudrait peut-être effectivement ouvrir un sujet "tome 4", qu'en bonne Castafiore, j'aille y faire au moins une fois mes vocalises...

Suggestion...

On n'a pas encore bcp parlé de l'utilisation radicale du pictogramme, de sa fonction dans le discours théorique de F. Neaud, des nuances que ce procédé présente avec la métaphore "texte/image", elle-même ostensible ou masquée(devinette à décrypter pour le lecteur), de la possibilité d'une métaphore complètement visuelle (pour ma part j'en ai repéré au moins 2, l'une dans le tome 1, l'autre dans le tome 3, et elles sont citées dans la séquence muette de la balade de Fabrice dans le tome 4), alors que c'est un aspect les plus puissants et les plus originaux de ce travail. Allons-y !

En particulier, connaissez-vous d'autres auteurs qui travailleraient dans cette direction ?

91. Danyel - 30/01/03 12:29
Bang est en vente à la Fnac avec les 5% de réduc habituels.

90. tavernier - 28/01/03 23:44
BANG : 19 euros et...50 centimes (pour être précis)

89. cubik - 28/01/03 23:39 - (en réponse à : cubik@caramail.com)
d'apres ce que j'ai vu, bang! n'est disponible qu'en librairie
donc essaye plutot les librairies specialises du cote de st michel, st germain

88. kliban - 28/01/03 23:36 - (en réponse à : Merci Danyel)
Bon, maintenant que je sais ce que c'est, il me reste plus qu'à le trouver... Aucun des Relais H que j'ai rencontrés sur ma route n'en avait entendu parlé, sinon comme une vague et indifférente rumeur. Je vais essayer sur le site de BAM, peut-être. M'enfin, si quelqu'un sait où il peut rester du Bang! sur Paris, je suis preneur de l'info :o)

Bien à vous et bonnes nuits,

K - Grand Arthrologue des Glacis Achriens

87. Danyel - 23/01/03 09:49
D'accord, mais les autres, ils sont passé où ? Vous vous êtes donné le mot pour disparaître tous ensemble comme un Ordre du Temple Solaire de la BD, en route vers Sirius ? :O)
"Bang" est le nouveau mag élitiste de la BD co-édité par Casterman et Beaux-Arts Magazine (alias BAM). 19 euros, papier glacé, parution 4 fois par an. A ne pas confondre avec le hors-série que publie BAM simultanément dans lequel Fabrice Nô (puisqu'il paraît que son nom se prononce comme ça et non Néo) publie un récit. J'ai acheté BAM et BANG, mais je ne peux t'en dire plus. J'ai pas encore eu le temps de les lire.

86. kliban - 22/01/03 22:13 - (en réponse à : SebSo)
Oui, j'oubliais, juste une question en passant : c'est quoi "Bang" ?

K.

85. kliban - 22/01/03 21:31 - (en réponse à : Du maquis)
Je crois qu'il nous fallait à tous quelques vacances :o)

Pour ma part, je m'essaie à approfondir un peu ma ligne d'approche. Ca devrait donner quelque chose dans... allez au plus quatre mois, je pense. Je suis ouvert à toute question/réflexion, etc. Les ceusses intéressés peuvent m'écrire, mon adresse doit trâînêr sur ce sujet ou sur les des précédents consacrés à Fabrice Neaud, je ne sais plus ;o)

Bien à vous

Kliban

84. Danyel - 21/01/03 11:37
Tiens, puisque tu remontes le sujet, je me demande où sont passés tous les intervernants dont les propos m'ont ébloui. Je ne peux pas croire qu'il n'y ait pas quelque part une sujet sur le Journal 4. Mais où ? Quelqu'un pourrait-il me renseigner ou bien ces personnes ont-elles décidé d'un commun accord de prendre le maquis et de ne partager leurs brillantes analyses qu'entre elles ?

83. SebSo - 20/01/03 21:42
A quelques jours d'intervalle, viennent de paraître deux récits complets de Fabrice Neaud : l'un sur l'exposition Matisse-Picasso dans le premier numéro de Bang et l'autre racontant sans parole l'histoire de la bande dessinée dans le hors-série de Beaux-Arts Magazine. Deux récits qui viennent très bien compléter le superbe volume 4 du journal paru il y a peu et deux nouvelles occasions de profiter du talent de cet auteur décidément très riche.

82. Fabrice Neaud - 05/12/02 22:12 - (en réponse à : partir ailleurs!! ;))))
J'ose une brève percée ici. Demain (vendredi 6 décembre), dédicace aux "Mots à la Bouche" (Marais - Paris) à partir de 19h. j'ai perdu l'e-mail de Kliban... Ceux qui sont intéressés. Plus "Tout arrive" sur France-Culture à midi (même jour), pour les mêmes.
Avez-vous eu vent du projet de Patricia de transférer ce "thread" sur un "autre" forum? Il serait peut-être temps (pas de nom, que ne suivent pas les...) de le faire avant d'ouvrir un "Journal 4" dans ces parages... J'ai trop osé m'aventurer. Ne me poser pas de questions directes, je ne répondrai plus ici, pour ne pas briser la belle harmonie que vous avez su faire règner.

81. Kliban - 05/12/02 11:42 - (en réponse à : Tome 4 encore)
Je confirme, si tant est que pareilles données quantitatives aient un quelconque intérêt : temps de lecture - en supprimant les pauses - : environ 2h30. Inutile de dire que je suis passablement explosé ce matin. Le fait est qu'il m'était impossible de dormir avant d'en avoir parcouru au moins une fois les pages. Il faudra pourtant que j'y revienne. Et je ne pourrai faire autrement que d'y revenir. Il en fut comme de ces rares lectures qui savent me tenir éveiller une nuit entière. Ensorcelant. Rigoureusement.

80. malo - 05/12/02 09:29
Oui, on sent de plus en plus l'influence manga chez Fabrice et ces quelques pages sont je crois une reference à "l'homme qui marche de Taniguchi". Mais l'influende viens, je crois, du manga en general. Impressionnant de voir que Fabrice est tout aussi fort pour decrire les periodes de quietudes et de tempete.

79. Kliban - 05/12/02 01:55 - (en réponse à : Tome 4)
Je rejoint l'observation d'a.brendel quant à l'utilisation de plus en plus systématique (et ludique) des vignettes à quasi-logotypes. Le tome 4 en fait massivement usage. Parallèlement aussi, il me semble développer plus encore les séquences de type essai. Dans l'ensemble, le ton évolue. Fabrice Neaud bavard ? Sans doute. Mais... Me frappe, plus encore que précédemment, un immense silence qui court, page après page, dont tous ces mots, syntagmes, tropes jouent dans et pour le voilement/dévoilement. J'aurai sans doute à y revenir ultérieurement !!...

Mais ce ne sont que quelques remarques à chaud - je fais juste une pause dans la lecture pour ce qui sera, une fois de plus, une nuit quasi blanche.

Bien à vous tous

P.-S. : on pourrait peut-être ouvrir un thread "Journal 4" ou "Fabrice Neaud" (puisque Journal 3 est loin d'être épuisé) ?

P.-S. 2 : je suis tout à fait d'accord pour un pot à Paris, ô combien !

78. malo - 04/12/02 15:51
En tout cas ben le tome 4 il est tr쳌s bien. Un peu moins gros que son predecesseur mais tout aussi riche en propos.

77. patricia - 04/12/02 15:29 - (en réponse à : venant.patricia@wanadoo.fr)
Ce n'est pas encore cette fois que je me lance dans une discussion arguementée, mais puisque je passe par là (en l'honneur de la sortie du tome 4), je confirme la remarque de Brendel sur le caractère inédit du parajournal publié dans Ego.

Je lance aussi aux convives parisiens de ce sujet une proposition de pot ; je passe souvent par Paris et ce serait un plaisir de faire connaissance de visu (et sans exploser le forfait internet !)

A bientôt !

76. a. brendel - 18/11/02 10:07 - (en réponse à : a.brendel@laposte.net)
Je pense pouvoir affirmer sans me tromper que l'intégralité des planches de la revue Ego comme X sont inédites "en album". Elles sont au minimum redessinée, re-mises-en-scène. Il s'agit toujours d'autobiographie, à mon avis (ce n'est pas la récriture qui l'empêcherait), mais on tombera d'accord avec le très-à-la-mode "autofiction".
Monsieur Neaud fait un retour à ces techniques plus "pleines", plus "picturales", que tu évoques, Quentin, dans un collectif récent (Vampire, dont il a été question ici). Le choix d'un procédé plus "clinique", plus précis, plus maîtrisable et plus maîtrisé, pour le Journal, n'a pas encore été commenté, il me semble. Mais je dois me tromper.
Il y a un impact sur la lecture, sur la signification, assurément. Monsieur Neaud a une palette graphique très "resserrée" et très au point, aussi, en tout cas dans les dernières (dizaines de) planches. Il recourt de plus en plus souvent à des allégories qui fonctionnent un peu comme des logotypes, des signaux. Quelqu'un l'évoquait récemment, à propos des figures religieuses ou mythiques : elles sont "signalées". Son style est bavard et s'accomoderait presque, pourtant, d'images abstraites (c'est ce qui lui permet de montrer des "détails" apparemment insignifiants). Je souligne le mot "détail", parce que cette analogie me frappe souvent, à la lecture du Journal. J'ai l'impression de ces fragments qu'on voit dans les livres d'art.
Je ne suis pas sûr que l'auteur ait toujours la possibilité de choisir son style. Il s'impose bien souvent. Certains ont besoin de tout maîtriser, et ne maîtriseront jamais assez. D'autres ont besoin d'être "en danger", de casser leur assurance, de provoquer des "accidents", dans un soucis d'expression ("Ligne Fragile" est le titre d'un livre de Lorenzo Mattotti). Il me semble que même dans ses travaux plus "picturaux", monsieur Neaud fait preuve d'une grande maîtrise de son pinceau, de ses effets.

Cordialement,

Alfred Brendel

75. Quentin - 18/11/02 09:09
Oh, le taux de discussion est très aléatoire. Ca monte, ca baisse, un peu comme les marées. Il suffit que quelqu'un trouve une nouvelle petite idée et ca repart. Le problème est que quand la qualité des débat augmente, le nombre de réponse diminue (il faut plus réfléchir pour ne pas dire de bêtises). Ce que je trouve un peu bizarre est que Fabrice Neaud, qui participe à d'autres sujets de discussions, ne poste plus rien sur celui-ci, alors qu'il nous lit sûrement. Quelle en est la raison?

Petite réflexion: en lisant le premier journal et en le comparant au premier numéro d'ego comme x, il est intéressant de voir comme le style de dessins a changé. Dans le journal, c'est beaucoup plus incisif. Dans ego comme x, c'est plus euh, comment dire, plus dense (est-ce fait avec des aquarelles?). On reconnait la même patte mais le changement de technique fait quand même passer les choses de manière différente. J'aime beaucoup les 2 styles en tout cas. Un autre point intéressant de la comparaison est qu'on voit que l'auteur a remanié certaines planches, qui sont parfois très différentes (la représentation de certaines scènes change, ce qui montre bien que les planches ne sont pas tout à fait auto-biographiques mais qu'il y a au moins une part de "fiction"). Il y a également quelques planches dans ego comme x qui ne sont pas sorties en BD.

74. Kliban - 17/11/02 18:09
Juste en passant, Monsieur Brendel : je ne pense pas que la position dans laquelle nous nous présentaons nu devant le regard de l'autre soit réellement lévinassienne. Puisque pour Lévinas, j'ai beau être nu dans le regard de l'autre il est de droit toujours plus nu encore dans le mien. Impossible donc de me prévaloir de ma nudité dans son regard et d'assigner à autrui une responsabilité identique à la mienne. Il n'y a là aucune réciprocité : la position éthique n'est pas réversible (on trouve déjà cela dans Jankélévitch, je crois).

Cela dit, on est peut-être en train de perdre de vue le Journal - mais peut-être est-ce là aussi un détour - et il y va sans doute de ma faute, auquel cas, je vous prie de tous bien vouloir m'en excuser - le taux de discussion a dramatiquement baissé sur ce forum, depuis que j'y ai pondu mes tartines ; il est vrai aussi que l'atmosphère a été par ailleurs pas mal troublée. M'enfin. Nous n'avons sûrement pas encore fait le tour de tout ce dont est riche le Journal !...

Bon courage pour le mois à venir, Monsieur Brendel. En espérant vous lire bientôt, ainsi que Quentin, Patricia et tous les autres,

Bien à vous !

73. a. brendel - 16/11/02 11:58 - (en réponse à : a.brendel@laposte.net)
Cher monsieur Kliban,
Il faudra que je trouve le temps de lire, de comprendre, de digérer, d'intégrer tout ce nouveau avant d'écrire. Globalement, vos réponses m'ont convaincues, raison pour moi de ne pas réagir. Grace à vous, j'ai pu goûter un peu de Lévinas, et un pan de la connaissance et de mon ignorance ne m'est plus inconnu. Merci.
Cher Quentin, ta question sur la réciprocité du rapport à l'autre, dans cette perspective lévinassienne, est pour le moins pertinente. Si je comprends bien, selon Lévinas, nous devrions être, chacun, pris dans une dynamique relationnelle,
1) dans le regard de l'autre : dans la posture du faible, du vulnérable, du nu qu'on peut tuer (ou, en tout cas, l'autre, dans mon regard, doit être tel);
2) personnellement : dans la posture du fort,qui peut tuer, qui risque toujours de piétiner s'il n'y prend garde.
Je vais être très occupé le prochain mois, alors je suivrai ceci de loin.
Bonjour Quentin, Patricia, monsieur Neaud, monsieur Nal.
Cordialement,

Alfred Brendel

72. Quentin - 15/11/02 09:04
Pour amener un peu plus d'eau au moulin d'un Neaud Levinassien, j'ai fini le 1er journal hier (j'avais commencé par le 3e tome et ce n'est que maintenant que je me met aux 2 premiers), et à un certain moment, Fabrice dit qu'il ne veut pas avouer son amour angoissé à Stéphane, pour ne pas le rendre responsable du désespoir de Fabrice et ne pas casser son innocence. Ca me semble correspondre à la figure éthique de Levinas. Sauf qu'il n'arrive bien sûr pas à s'y tenir et qu'il finit par rejetter toute la responsabilité de son malheur sur Stéphane, dans ses longues lettres.

Sinon, Kliban, tu as bien sûr raison quand tu dis qu'il ne faut pas confondre victime et victimisation. Je crois qu'on retrouve les 2 chez Fabrice, authentique victime (quand il se fait tabasser), ainsi que victime complaisamment auto-proclamée (quand il accuse les autres de ne pas l'aimer, par exemple, alors ). Une fois de plus, on voit dans cet exemple toute l'ambiguité et le tourment de l'auteur

71. Kliban - 14/11/02 20:18
Ouaip, c'est plutôt bien. C'est extrait de quoi ?

On dirait du Lévinas, sans éthique, sinon de l'amoureux - et même, il ne semble pas qu'il y ait encore vraiment là éthique, puisque tout est question de transport, passion, désir (non sans rigueur, ou sans logique, d'ailleurs). Du coup, l'Autre en question n'est pas tout-à-fait lévinassien. Mais il y a des connexions, bien sûr (ne serait-ce que parce que l'altérité demeure). Un Lévinas baroque ;o) ?

Ca me donne envie de relire les "Fragments..." de Barthes, tiens.

70. patricia - 14/11/02 19:49
Toujours pas le temps d'articuler précisément mes idées aux précédentes discussion, mais j'ai envie tout de même d'apporter de l'eau au moulin de l'affinité du regard de Fabrice neaud dans le Journal avec la notion de visage développée par Lévinas (dans des citations de Finkielkraut que je trouve très belles)

Le rapport au temps si fabuleusement rendu palpable par Neaud dans la scène du tome I "Stéphane moins 20 minutes" et dans la scène du tome III précédant le monologue de Dominique :

"Des amants, l’on peut dire « selon une formule qui résume l’égalité, la justice, la caresse, la communication et la transcendance – formule admirable de précision et de grâce, qu’ils sont « ensemble mais pas encore ». (L’attente, l’oubli, sur Maurice Blanchot par Lévinas)"

L'interprétation de Neaud sur le dévoilement et la disparition du visage de l'Autre, (qui est également éminemment proustienne) ; dans toutes les tentatives de croquis, dans le jeu sur l'amenuisement de l'encre - justement dans le monologue, par exemple :

"Le visage aimé est trop vivant pour se laisser apprivoiser même par sa propre magnificence. L’excès d’attention brouille le regard amoureux. L’amoureux ne projette pas sur l’Autre les qualités dont il rêve et qu’il puise en son propre fonds ; il épie, il scrute, il inspecte, et tout, dans le visage aimé, sollicite sa vigilance : les tristesses furtives et les moindres crispations, les ombres et les tressaillements, les sourires et les humeurs. Le visage aimé est un fouillis de signes entre lesquels il a perdu le pouvoir de faire le tri. L’amoureux se maintient malgré lui dans un monde inhabitable où tout est extrêmement important. L’amoureux ne connaît pas les trêves de l’insignifiance.
Visage tremblé, et qui provoque chez celui qu’il hante, crainte et tremblement. "

"Réconfort ou délaissement, ces deux attitudes opposées face au visage endormi témoignent d’une même façon de vivre l’amour. Rien n’est plus fluide, plus incertain que le visage aimé : un autre visage resurgit toujours derrière celui que vient de saisir la vigilance de l’amoureux. Par le voyeurisme ou par la séduction, il s’agit – ne fut-ce que temporairement – d’apaiser cette incertitude. La parole charmeuse en captant le regard de l’Autre, et le sommeil en le supprimant fixent son visage, tarissent la source inépuisable de l’absence."
Sur le verdict, et l'enjeu du guet :

"Il s’agit pour l’amoureux d’entendre, avant de contempler. Les paroles de l’Autre comptent bien plus que son apparence. "

altérité

"Maintenant j’aime en elle non pas « une qualité différente de toutes les autres mais la qualité même de la différence » (Le temps et l’autre, 14)"

"Dans l’amour, en effet, l’altérité prend toute la place, écarte le reste – exotisme, joliesse, distance ou proximité sociale – et constitue le contenu même de l’Autre. "

mouvance immanence et transcendance..

"Aimer, ce n’est pas faire acte d’allégeance à la Beauté, c’est se soustraire, passagèrement, le temps d’une obsession, à ses critères et à son despotisme.
On ne dit du visage aimé que par approximation ou par tradition qu’il est beau, alors qu’il est mobile, imprenable, en partance : non pas actualité esthétique, mais virtualité de disparition.
L’amoureux chante la perfection de la forme, mais il est d’abord sensible à l’évanescence, c’est à dire à la contestation de la forme. "

"L’amour détrône la Beauté, crée dans son règne une parenthèse, un intervalle tremblant – moment paradoxal et sacrilège de ferveur inquiète qui relègue l’esthétique au second plan. Le visage aimé n’est ni beau ni sublime. Ce n’est pas une splendeur ineffable, un chef-d’œuvre qui ne se laisse pas décrire, mais une présence qui ne se laisse pas enclore."

"il n’y a d’amour que dans l’impossibilité d’arrêter la fuite sans fin, la dérobade infinie de l’Autre. Peu lui importent, alors, la rumeur et les prestigieuses cautions qui pourraient justifier son choix. Il est délivré à la fois de la Beauté et du conformisme, libre du jugement public et des images qui, en temps normal, exercent sur lui une irrésistible fascination. C’est en ce sens – celui d’une asocialité, ou mieux, d’une « agrégarité » radicale – qu’on peut légitimement parler d’amour fou."

"La passion impose silence aux adjectifs : à tous les ceci et cela dont l’Autre, avant l’amour, était orné. L’itinéraire amoureux est une étrange ascèse, une marche invisible qui progresse des qualités à la personne et de la personne au visage."

"L’amoureux lâche la proie pour l’ombre, le savoir pour le désir, la connaissance qui épingle son objet, qui l’intègre dans une typologie, pour une approche qui éprouve et maintient l’étrangeté de l’Autre. "

"La proximité que j’ai avec lui ne débouche pas sur une information – parce qu’il ne se manifeste pas en tant que quelque chose, mais parce qu’il ne renonce jamais à son extériorité -, mais ce n’est pas non plus un leurre. « Le « ne pas connaître » n’est pas ici à comprendre comme une privation de la connaissance.. Ce n’est pas comme un raté du savoir que l’amour est amour. » "

"La communication amoureuse emporte au-delà de l’alternative entre hallucination et dévoilement. Il y a toujours plus à aimer (et à souffrir) en l’Autre que les idées qu’on en retient ou les rêveries patiemment fomentées en son absence."

"En réalité, si déraison il y a, elle n’est pas déconnexion mais rencontre, elle ne tient pas, comme dans la psychose ordinaire à l’oubli de l’Autre, mais à son irruption. "

"L’amour a ceci de terrible qu’il détruit toutes les barrières, toutes les procédures, toutes les conventions qui maintiennent le commerce des hommes à une température moyenne, et protègent la vie quotidienne du visage d’autrui. "

"Dans l’amour, l’Autre vous arrive du dehors, s’installe en vous, et vous reste étranger. Il vous atteint, jusqu’à accaparer tout le champ de votre conscience, et se dérobe à votre atteinte. Irréductible à vos analyses, réfractaire à vos talents d’observateur comme à vos projections, le visage aimé entre avec vous dans une intrigue qui tranche sur le savoir, sans pour autant sombrer dans la folie."

Quand même, hein ? :))

69. Kliban - 13/11/02 11:33 - (en réponse à : A Quentin)
Oui, j'abonde dans ce sens. Traiter les questions éthiques soulevées par le Journal est nécessaire. Mais pour ce faire, je reste persuadé qu'encore faut-il avoir soi-même résolu la question de sa propre position par rapport non aux thèses, mais à l'éthique elle-même (et je soutiens que cela implique une certaine façon de recevoir le Journal).

Je rebondirai plus tard, Quentin sur cette proposition qui me semble faire problème :

"N'est-ce pas propre à la victime que d'être irresponsable face aux autres et de ne pas se sentir reponsable de soi ni des autres?"

Il me semble que vous y confondez victime et victimisation. Ce qui interroge en direction de la légitimité du discours de la victime (témoignage), et du détournement de sa rhétorique afin d'en récupérer à son propre profit les conséquences supposées bénéfiques (victimisation).

A bientôt !

68. garul2 - 13/11/02 09:49
Et il a été victime de quoi ou de qui, Fabrice? Je n'ai pas encore lu ses bd. En gros, qu'est-ce qu'il lui est arrivé? sans me révéler la fin de l'histoire pour autant.

67. Quentin - 13/11/02 09:49
Oups, j'ai répondu un peu vite sans regarder l'avant-dernière intervention de Kliban. Je crois qu'on est d'accord, et que notre différence tient au fait que je cherche, moi, à me positionner vis-à-vis des thèses de Fabrice Neaud, et à prendre à bras le corps les conflits qu'elles engendrent. Ses accusations et ses propos sont trop importants pour qu'on ne le fasse pas.

66. Quentin - 13/11/02 09:43
Excusez-moi de la ramener, mais si je trouve l'argument d'Alfred très convaincant (les autres sont directement responsables pour Fabrice, qui est premier dans sa vulnérabilité par rapport à eux), je ne vois pas vraiment d'argument pour dire que l'inverse est aussi vrai et que Fabrice est directement responsable des autres et s'efface devant eux. Y a-t-il véritablement réciprocité dans la responsabilité, ou tout cela ne va-t-il qu'à sens unique (auquel cas on peut bien parler d'égotisme)? N'est-ce pas propre à la victime que d'être irresponsable face aux autres et de ne pas se sentir reponsable de soi ni des autres? Je ne crois pas que la lecture de Levinas doit s'arrêter à la réception que l'on fait de Fabrice Neaud et à notre choix de le voir comme une victime. Sûrement, Levinas ne voulait pas que certains se sacrifient pour que les autres en profitent, sans qu'il y ait réciprocité (?)

65. Kliban - 13/11/02 01:29 - (en réponse à : Un peu en vrac)
Globalement, Monsieur Brendel, nous sommes d'accord, et c'est surtout une question de nuance. Et comme je pense que, au point où nous en sommes, les nuances comptent ;o), ceci :

Il me semble qu’une lecture lévinassienne ne serait pas « Fabrice Neaud se présente lui-même comme la victime et dans sa toute-fragilité », mais « Dans la réception que je fais de Fabrice Neaud, je choisis de lire la victime ». Y voir au moins l'écart entre un narrateur qui s’attribue le rôle de la victime – légitimement, peut-être, mais peut-être pas aussi : nous sommes alors proche de la Grèce et du mythe, vous avez parfaitement raison, Monsieur Brendel – et sa réception comme victime, indépendamment de sa posture propre.

D'où deux moments ou manières éthiques (je dois aimer les séries à deux termes…) :

1. éthique de lecture, selon laquelle je laisse le Journal advenir comme tel ;
2. dialogue sur l’éthique, en lequel j’entre en conversation avec les thèses qu’il véhicule.

La première, à mon sens, rend possible le second. Et surtout donne à l’œuvre une consistance que ce dernier (de pur débat philosophique) ne peut lui apporter.


Comment, par ailleurs, on peut parler de culpabilité chez Lévinas.

La culpabilité est un sentiment dont je suis l'objet. Elle me concerne au premier chef, moi qui suis en général si prompt à vouloir me laver de mes fautes. Elle ne concerne pas autrui en premier lieu, mais le désagrément, plus ou moins important, de ma propre souillure.

La responsabilité (lévinassienne) est quant à elle toute ordonnée à autrui. Il est bon ici de le citer :

« Responsabilité pour autrui, pour le premier venu dans la nudité de son visage. Responsabilité au-delà de ce que je peux avoir commis ou non à l’égard d’autrui et de tout ce qui aura pu ou n’aura pu être mon fait, comme si j’étais voué à l’autre homme avant d’être voué à moi-même. Ou plus exactement, comme si j’avais à répondre de la mort de l’autre avant d’avoir à être. Responsabilité sans culpabilité où je suis cependant exposé à une accusation que l’alibi [..] ne saurait effacer. »
(Éthique comme philosophie première, c’est Lévinas qui souligne).

Je suis, par rapport à autrui, second. Sa mort me précède comme quelque chose qui me concerne éminemment avant même que que je puisse être concerné par moi-même. Je dois répondre de sa mort (de sa vulnérabilité), mais je n'en suis pas coupable. Je suis simplement mis en accusation, de la seule accusation éthique possible, qui est de vouloir le ramener à moi-même, sigant ainsi la mort de l’éthique.

Si culpabilité il y a, elle n’est donc pas originaire, mais seconde et s’appelle : oubli de l’Autre (le péché originel n’existe pas chez les Juifs comme souillure fondamentale et indélébile, l’acceptation de la Loi sur le Sinaï ayant lavé le peuple de la faute du couple primordial). La responsabilité pour autrui est donc exactement à l’opposé de la culpabilité :o)

J’espère que c’est assez clair, ces questions n’étant pas simples, c’est le moins qu’on puisse dire.

Bien à vous, et bonne nuit !

P.-S. : J’espère ne pas vous avoir trahi, Monsieur Brendel, dans le compte-rendu que j’ai fait de vos récents propos, que je m'étonne de ne pas vous voir reprendre. La complexité de ces questions m'amène sans doute à caricaturer sans trop y prendre garde pour mieux marquer les différences... ce qui me paraît important, dans un premier temps au moins.

64. a. brendel - 12/11/02 16:26 - (en réponse à : amibe)
Et je suis curieux de lire comment Lévinas peut parvenir à débarrasser cette pensée de tout reliquat judéo-chrétien, de toute culpabilité! Cher monsieur Kliban, éclairez-moi!

Cordialement,

A. Brendel

63. a. brendel - 12/11/02 16:23 - (en réponse à : a.brendel@laposte.net)
Juste un mot, Quentin et Kliban, avant de digérer tout ça pour répondre comme il convient.
Il me semble que je reconnais bien monsieur Fabrice Neaud dans cette injonction à la responsabilité que nous dit Kliban, éclairé de Lévinas. Il me semble reconnaître monsieur Neaud dans ces injonctions : "tu es responsable de moi qui me présente face à toi, dans toute ma vulnérabilité, dans toute ma nudité. N'en fais pas n'importe quoi. Tu peux me tuer. Tu en as le pouvoir. Je t'en donne le pouvoir, en me présentant face à toi. Je m'offre en holocauste, à tes yeux, à tous les yeux. Tu peux me tuer. Tu commettrais un crime". (La tragédie et le mythe ne sont pas loin).
Il me semble que je reconnais tout à la fois, dans cette posture du pur (l'autre vulnérable = le pur) qu'on peut immoler : la victimisation, l'appel au tact, à la délicatesse contre le jet de pierre, contre la blessure. "Je suis l'autre, le (forcément) minoritaire. Tu es responsable de ce que tu fais de ma vulnérabilité". Je reconnais aussi le contrat tacite auquel engage la lecture d'un texte intime publié. Cela se tient, il me semble.

Cordialement,

Alfred Brendel

62. Kliban - 12/11/02 16:20
Bonjour à tous et merci de votre patience !

Quentin : je suis d'accord avec vous, Emmanuel Lévinas et Fabrice Neaud ne font pas bon ménage. La rhétorique du Journal s’ancre souvent (de mémoire, rien de précis pour l’instant) sur l’exacerbation de la tension entre souffrance et volonté, qui se résout dans la rigidité (certes argumentée) des thèses, voire dans l’imprécation. Rien à voir avec l'épiphanie d'un visage ! Je compte étayer un peu en me lançant un jour dans un commentaire des séquences de type "essais" du Journal - mais moi aussi, je manque de temps !

Produire une lecture lévinassienne du Journal est donc une gageüre. Il ne s'agit pas de relever les intentions que l'auteur rend publiques, mais de s'installer dans certains des effets de son style. Je pense à ce titre qu'il y a une discordance partielle entre l’appareil théorique du Journal, et ses résonnances émotionnelles. D'où ce que j'y lis comme un double appel :
1. au dialogue de type politico-éthique, comme le faisait peut-être remarquer A. Brendel ;
2. à la réception éthique de type lévinassienne, comme je le soutiens, de façon nettement plus périlleuse, je le reconnais. Hop, cabriole !

Il s’agissait donc pour moi, non pas de me positionner vis-à-vis des thèses de Fabrice Neaud, mais de trouver les moyens de penser leur réception sans être tenté d'entrer d’emblée dans le conflit qu'elles ne peuvent manquer d'engendrer, comme vous le notez fort justement. Mais si le regard du narrateur est bel et bien accusateur, me sont pourtant données deux façon de le recevoir :
1. soit en le grévant du poids de la culpabilité, de l'indifférence ou de l'acquiescement, bref, en résolvant l'accusation dès l'abord dans une position qui l'instruit comme me concernant et ne concernant plus autrui (aussi vrai que je puis me libérer de ma culpabilité sans faire un seul pas vers autrui) ;
2. soit en le réceptionnant comme composante du Visage, qui m'assigne à répondre à son accusation sans pour autant l'effacer, depuis mon installation dans la responsabilité, c'est-à-dire dans la dette d'avant toute dette spécifique.

Une telle attitude a l’avantage
1. de dégonfler l’envie de ne faire que me défendre pour mes valeurs ;
2. de ne pas dissocier la globalité du Journal dans les différents fils de son analyse (éthique, politique, esthétique).

Parler d’une lecture lévinassienne s’entend dès lors dans un double sens :
1. comme éthique de la lecture : comment rendre justice à l’œuvre dans sa globalité et dans son autonomie ;
2. comme repérage de ce qui en elle m’appelle à me positionner de la sorte.

Je voudrais enfin insister sur un point : pareille approche peut sembler artificielle (comment faire dire à une œuvre ce qu'elle ne dit pas). Je ne suis pourtant pas prêt à en démordre pour le moment : le Journal (je ne cesse de le radoter) en fait la demande à son lecteur, de façon sans doute détournée, mais, je pense, fondamentale. Il n'est pas dit, par contre, que les intentions de son auteur soient toujours compatibles avec cette demande (je doute qu'elles ne le soient jamais) - d'où, peut-être, la dissonnace que j'évoquais plus haut.



Patricia : je connais fort mal les auteurs que tu cites. J'ai une certaine réticence à l'égard de Finkielkraut, qui, à mon sens, problématise bien et résout mal – j’euphémise.
Sans doute est-il temps que je me lise Arendt, Girard et Brückner, histoire de pouvoir te suivre :o). J’y rajouterais en annexe mais de façon non accessoire, sans doute, deux références de la littérature dite « des camps » : Si c’est un homme, Primo Lévi, et L’espèce humaine, Antelme.

Bon courage, et à bientôt !

P.-S. : la sortie du tome 4 est imminente ! Une séance de dédicaces se tiendra, dit-on, le 06 décembre, à partir de 18:00, à la librairie des Mots à la Bouche, à Paris (voir le site d’Ego comme X - www.ego-comme-x.com). Jtiens pu en place !

61. patricia - 12/11/02 12:36 - (en réponse à : venant.patricia@wanadoo.fr)
Merci Kliban pour le briefing sur Lévinas... J'avais tout de suite associé les propos de Finkielkraut sur le visage de l'autre à l'intensité du face à face que Fabrice Neaud orchestre dans le tome 3... Je vais chercher les citations qui y font écho... Je n'ai toujours pas le temps (hélaaaaaaaaaaaaaaas) de faire long et discuter en détail des implications de Hanna Arendt (j'y ai bien fait allusion qque part, non ?), mais cela fait un grand moment qu'il me démangeait de discuter du thème de la victimisation dans le Journal... alors en attendant mon retour plus substantiel, j'avance les grands interlocuteurs sur lesquels je m'adosse, histoire de voir si tu y pensais également : Bruckner avec La tentation de l'innocence, la relecture d'Hannah Arendt par Christophe Dejours dans "souffrance en France" (à propos, je lui ai mis les planches de la tolérance et de l'exclusion entre les mains, j'attends son retour), et les réflexions de René Girard sur le bouc émissaire....

A bientôt !!

60. SebSo - 12/11/02 09:45 - (en réponse à : A Kliban)
Bravo Kliban, à la fois pour l'intérêt de tes propos et pour ton effort de vulgarisation.

59. Quentin - 12/11/02 09:45
Cher Kliban, merci pour ce résumé de Lévinas, qui est - pour une fois - très clairement énoncé. Très intéressant aussi.

La question posée est s’il est possible de faire une lecture Levinassienne du journal. Vous dites oui. Je crois plutôt que non. Tout simplement, vous dites vous même dans le post 2 que “Bien sûr, chacun de ces termes peut s'interpréter autrement, notamment d'un point de vue strictement egotique”. C’est bien comme cela que j’interprète le journal. Vous dites également: "1. « On questionne son soi sous le poids de son regard ? » Oui, au sens où le visage d’autrui est un appel primordial à la responsabilité pour autrui. Non, au sens où le regard serait par avance accusateur". Il me semble que le regard de Fabrice Neaud est plein d’accusations (presque par avance, d’ailleurs). Qu’il pense à soi avant de penser les autres, qu’il ne pense les autres qu’à travers sa pensée de soi, comme la plupart d’entre nous, j’imagine.

Pourriez-vous me dire en quoi je me trompe?

58. Kliban - 12/11/02 01:53 - (en réponse à : A a.brendel)
(post 3)

La, je fais plus court. Je pense que votre lecture d'Arendt (post 53) est éclairante et dessine une autre lecture que la mienne. Il me semble que vous vous situez dans le cadre d'une rationalité classique, plus classique, en tout cas, que celle de Lévinas, si tant est que l'on puisse, chez lui, encore parler de "raison".

Vous faites un parallèle entre démocratie, où le pouvoir est corrélatif d'une discussion permanente entre citoyens assumant leur capacité de penser et d'agir en commun pour la cité, et le Journal qui laisse à ses lecteurs leur autonomie, parce que son narrateur, comme "autre qui fait face", parvient à préserver une distance d'avec eux et donc ne leur vole pas la pensée (comme on volerait la parole). En référence à l'idéal démocratique, le lecteur devrait alors comprendre ce retrait comme injonction à penser en commun, tout refus de sa part ne pouvant qu'entraîner de son fait et non de celui du Journal, une chute en régime totalitaire - accueil des idées et des postures reçues : refus de penser.

C'est une lecture plus politique qu'éthique, mais pourquoi pas - éthique, aussi, mais dans un tout autre sens que celui de Lévinas, car responsabilité s'entend ici au regard d'une faculté de penser, c'est-à-dire de s'ajuster en commun et rationnellement à la pensée d'autrui, d'un autrui dont il est du devoir de chacun de préserver cette faculté en permanence. Le Journal ouvrirait ainsi un espace de dialogue, qu'il incomberait aux lecteurs de maintenir. Il s'agirait alors de lui répondre comme à un autre qui me réclame de la pensée. Il me semble d'ailleurs que cette demande est explicite (le projet politique me semble patent, au moins dans le tome III - j'ai moins les autres en tête) , et bien plus que celle que je crois lire, en tentant une approche lévinassienne !

Ca se tient, donc. Ca rend bien plus difficile le nouage des qualités artistiques, éthiques et théoriques du Journal, mais ça se tient. Cela dit, l'espace de pensée qu'il donne à ses lecteurs, inaugural d'un projet politique de type démocratique, est déjà partiellement traversé d'imprécations parfois assez dures. C'est donc une tâche rude, sans doute pas impossible, mais rude, que de maintenir une pensée rationnelle, autonome et sereine sur la seule base d'un devoir de type politique. C'est pour cela essentiellement que Lévinas me semble plus approprié. Mais je reconnais que c'est peut-être une question de tempérament.

Bonne nuit, pour de bon !

57. Kliban - 12/11/02 00:54 - (en réponse à : A a.brendel)
(post 2)

Bon, j'ai fini les salades théoriques. Je commencerai donc par commenter brièvement les deux dernières phrase de votre premier envoi (avec lequel, une fois encore, je tombe globalement d'accord) :

1. « On questionne son soi sous le poids de son regard ? »
Oui, au sens où le visage d’autrui est un appel primordial à la responsabilité pour autrui. Non, au sens où le regard serait par avance accusateur. Lévinas le dit bien : responsabilité sans culpabilité, telle est la position première de l’éthique. Il y a bien quelque chose comme un « poids », mais cela fonctionne plus radicalement comme une percée ou une déchirure de la suffisance de mon propre égo (celui qui veut _tout_ comprendre).

2. « On est posé soi-même comme « autre », comme identité pensante, comme devant penser ? »
Je ne pense pas que ça colle, dans ce contexte – mais c’est une piste d’interprétation possible. Il n’y a pas chez Lévinas de devenir autre du moi percé. Il y a juste le moi percé, infiniment et indéfiniment, par la responsabilité à laquelle l’appelle le Visage. Pas d’injonction à penser, non plus, mais à prendre en charge. Ici, la pensée est seconde, et intervient comme réponse, dans l’espace de l’appel. Une identité, peut-être, mais seconde par rapport à l’altérité : déchirée, brisée, percée.


Il me semble que le Journal appelle une lecture sur la base de ces fondements – même si ce n’est sûrement pas la seule possible, oh là ! Quelques éléments supplémentaires, par rapport à mes envois précédents :

Thématiquement, en se présentant comme victime, ce n’est pas lui que Fabrice Neaud (ou son narrateur) vise de façon spécifique. C’est, à travers lui, le minoritaire, l’en danger de mort, etc. Sur ce point là, la référence à Arendt, que je connais peu, me paraît tout à fait appropriée : banalité du mal. Mais il est intéressant de l’approfondir de l’approche lévinassienne, qui permet mieux de formaliser le rapport entre un homme et un autre, un lectuer et une oeuvre (il me semble que la perspective arendtienne est essentiellement politique, plus encore qu'éthique).

Il s'agit donc de trouver comment se crée une distance qui n’est pas celle d’un sujet connaissant à un objet à connaître. Je l'ai sentie dans le Journal (d'où mon acharnement :o) ), comme dépassant tout savoir que j'aurais pu mobiliser, même une empathie (certaine) avec le narrateur, mais de quelque chose qui me concerne, alors même que je pourrais, pour des tas de raisons, m'en détacher.

J’ai cru voir des éléments de cette distance dans le jeu des mains et de la chair ; mais on peut lire cela, vous avez parfaitement raison, sous le primat de l’empathie. Cela dit, Lévinas parle, face au Visage, d’une « responsabilité [..] à laquelle [..] rien n’oblige ». Est ainsi insuffisant tout travail qui tenterait d'assigner tel élément de l'oeuvre à la fondation d'une distance éthique. Il faut vraisemblablement travailler un faisceau de présomptions, qui ne feront jamais preuve :

- la chair, le jeu du dedans et du dehors, de l' "objectif, du "subjectif" ;

- les effacements, des corps, des visages, de certains des traits (Bacon) ;

- l’ultime exposition à la souffrance infligée par autrui, qui se vit comme exposition à la mort (dans un dénuement progressif, à rapprocher dans ce contexte et mutatis mutandis et avec des pincettes, du texte d’Antelme, « l’expérience humaine ») et que rend toujours plus impérieux dans la réponse qu’on en attend le traitement anaphorique de la Tentation de Saint-Antoine (de Grünewald sur le panneau droit de la deuxième ouverture du retable d’Issenheim : si vous passez à Colmar, do not miss it!) ;

- le peu d'indulgence du narrateur à son égard (il y a là une position éthique) ;

- les silences, nombreux, de la narration et de ce qui lui échappe ;

- … (j’ai pas le courage, là :o)).

Bien sûr, chacun de ces termes peut s'interpréter autrement, notamment d'un point de vue strictement egotique. Mais je crois à une autre lecture, qui se soutient de l'entre-étayage des éléments cité. Ca reste à creuser. J'avance à tout chtis pas.

Bon ben voila voila. J'espère que c'est pas trop immangeable.

Bonne nuit !

56. Kliban - 12/11/02 00:26 - (en réponse à : Lévinas)
(post 1)

Comme la problématique de Lévinas est au coeur de mes récents posts, et comme a.brendel m'en demande des éclaircissements, voici, rapidement (!) ce que j’en sais et utilise :

La pensée de Lévinas se déploie sur cette idée que l'éthique devrait précèder et déterminer la métaphysique. Traditionnellement, est métaphysique ce qui relève, de près ou de loin, d'une pensée de la totalisation. Totalisante : toute pensée qui vise à assigner leur place aux choses, à les rendre compréhensibles, c'est-à-dire homogènes à l'esprit du penseur (soit dit en passant, la métaphore du regard, qui saisit et englobe, est déterminante à ce titre). Si dans ce cadre place est faite à autrui, elle est toujours seconde par rapport au moi qui la pense. Toute pensée éthique (i.e. pensée qui fait place à autrui) est alors nécessairement adossée à une métaphysique : l'éthique est seconde, sinon secondaire.

Pour Lévinas, ce régime, qui est celui de la pensée occidentale depuis que les Grecs ont inventé la philosophie, doit être renversé. Quelle éthique véritable peut bien être possible - comment rendre justice à autrui en tant que tel - si c'est toujours par rapport à moi que je le définis ? Définitivement rétive à la notion d'un autrui comme "autre moi-même", la pensée de Lévinas cherche à conquérir la notion d'une altérité qui soit radicalement première par rapport à toute tentative de lui assigner une place dans un tout.

Cet autre, premier par rapport à moi, Lévinas l'appelle, dans « Totalité et Infini », où il apparaît pour la première fois : « Visage » . Transcendant, au point de ne jamais pouvoir être ressaisi, le Visage est un Autre qui dépasse jusqu’aux formes de son apparition comme tel visage. C'est une nudité et une vulnérabilité premières, non pas un être consistant (ce serait alors le Dieu des métaphysiciens). Sa vulnérabilité se définit comme face à face avec la mort, c’est-à-dire avec le meurtre contre lequel est levé le "Tu ne tueras point" biblique.

Ce qui fait alors fond de l'être, ce n'est pas la consistance d'un regard en quête de totalisation, l'Autre comme Visage, qui lève toujours déjà la question, lancinante, de la violence et me place d'emblée dans le champs de l'injonction biblique. C'est ainsi que mon propre être se constitue d'abord comme responsabilité. Je suis toujours déjà responsable de ce qu'autrui contemple en face sa propre mort ; cela, mystérieusement, est « mon affaire », et ce avant toute connaissance de ma mort à moi. En clair : sa mort ne me renvoie pas d'emblée à la possibilité de ma propre mort, mais m'assigne, avant cela, à la responsabilité.

C’est ainsi que Lévinas conçoit le rapport éthique : une relation fondamentalement dissymétrique, dans laquelle je suis toujours plus engagé vis-à-vis d’autrui qu’il ne le sera jamais à mon égard. C’est là non plus l’ordre métaphysiquede de l’être , mais celui, éthique, qu’il appelle l’humain.

Et ça ira pour cette fois ;o)

55. Fab Tarrin - 12/11/02 00:06 - (en réponse à : à Fabrice Neaud)
Coucou! Aurais-tu la posibilité de m'envoyer ton premier volume par l'intermédiaire de nos deux éditeurs respectifs (chez Dupuis France), ainsi qu'une photo en pied de toi? Merci beaucoup et en échange je te renverrais la balle!



 


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