Dessin : observation et rendu juste en opposition avec accumulation superfétatoire de traits ?

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151. Manu Temj - 04/10/05 12:26 - (en réponse à : Coacho)
En matière de comparaison possible ou pas, entre peinture (dessin) et bande dessinée, pour nous autres béotiens qui ne sortent pas des Beaux-Arts, il se dit des choses très intéressantes sur le forum de la Mdadbd ces derniers temps.

Un des intervenants (son nom m'échappe pour l'instant) met le doigt sur une distinction fondamentale entre le dessin d'art (par extension la peinture, et la sculpture appartient à la même catégorie), qui est un dessin "dans l'espace" (je comprend ça comme la recherche primordiale d'une représentation dimensionnelle du sujet), du dessin pour la bande dessinée ou la pub, qui appartient à la sphère du "graphique" (le dessin n'existe pas par lui-même, mais comme l'élément d'un tout qui le dépasse. De fait il se rapporte forcément la "caricature", puisque c'est sa signification qui importe, d'une certaine manière son efficacité).

J'aime cette interprétation (la B.A. BA des écoles d’art, paraît-il), puisqu’elle rejoint une de mes préoccupations « instinctives ». Il est inutile d’extraire une case de BD pour en faire une œuvre, ce dessin là en est forcément dénaturé. Il ne peut exister pleinement que dans la bande dessinée auquel il appartient. Par extension, considérer qu’une bande dessinée est réussie « parce que le dessin est beau. Tant pis pour le scénario » est un non-sens.

On pourrait donc en conclure que le « beau dessin » quelle que soit la signification qu’on donne à cette locution (légèreté, virtuosité froide, « poids de la chair », etc.) n’a d’intérêt réel pour la bande dessinée que s’il a du sens, qu’il apporte réellement quelque chose à l’œuvre.

Ce qui n’a rein à voir avec le goût individuel que chacun peut avoir pour tel ou tel style. Un admirateur de Marini (sans viser personne, et pour ne pas prendre un autre exemple ;o)), qui achète les albums surtout pour le plaisir de se rincer l’œil en les refeuilletant (argument qu’on a pu lire çà et là), se contrefiche, finalement, du contenu de la bande dessinée. Il n’achète pas une bande dessinée, mais un recueil de dessins !

Et on peut penser qu’il se plante puisqu’il se prive d’un élément fondamental tenant à la nature même de ces fameux dessins, que pourtant il vénère… Epineux non ?

Et il me semble que nous sommes tombés dans ce piège au cours de la discussion qui précède ! :o)

150. Coacho - 04/10/05 11:37 - (en réponse à : pour le retour de vacances de Danyel !)
Quelques interrogations à la va-vite !

Tu posais la construction d'un tableau et nous comparions avec un encrage en BD.
Nous parlions de la spontanéité du trait et l'encrage devenait une sorte de déplacement de nos attentes.
En cela, tu citais l'exemple de Rembrandt dont personne ne voyait les croquis préparatoires.
Je me pose la question de l'époque en fait et du niveau d'attente.
Peut-être les croquis étaient-ils magnifiques, ou pauvres, mais qu'ils ne revêtaient pas le même intérêt que l'on porte aujourd'hui à ceux-ci ! Comme une sorte d'évolution de l'attente et qui pousseraient les peintres à faire comme les dessinateurs aujourd'hui, c'est-à-dire compiler les étapes de leur travail ?

Bon, ça mérite développement et de ne pas s'arrêter à la concision de mon propos hein ?! ;o)

Autre truc qui m'effleure, c'est l'art contemporain, sans vouloir en faire un débat qi étoufferait celui de la BD.
Je ne faisais que reprendre une phrase pour la placer hors de son contexte car je sais qu'il y a des interrogations qui apparaissent comme identiques à celles d'antan.
Mais je disais en substance que amlgré le déplacement et l'utilisation des matières qui permettent l'expression, si on n'est pas pris par la main avec un minimum d'explication, ce questionnement reste assez abstrait. Il faut voir certaines expositions pour s'en convaincre et ne pas perdre de vue que nous n'avons pas tous la même capacité d'analyse et/ou de compréhension devant certaines oeuvres ! ;o)

Enfin, pour parler des dessinateurs qui aiment les femmes, je me rappelais un gus considéré comme un grand fou de la gente féminine : Aslan.
Que pensez-vous de son travail (j'ai le souvenir de bulles de savon dessinées que j'avais l'impression de pouvoir faire éclater du doigt) ?

149. daiboken - 22/09/05 11:38 - (en réponse à : danyel)
***Non, Ratafiol, le terme pin up américaine n'a rien de péjoratif. Il y a de vraies talents qui ont œuvré dans ce domaine, je suis d'accord avec toi. Mais il me semble que trop souvent, les femmes présentées sont tellement idéalisées qu'elles finissent par ne plus rien dégager de sensuel. On obtient l'effet contraire de ce qui était recherché.***

Tiens, que penses-tu des femmes dessinées par Milton Caniff ?


148. Danyel - 22/09/05 09:42
Non, Ratafiol, le terme pin up américaine n'a rien de péjoratif. Il y a de vraies talents qui ont œuvré dans ce domaine, je suis d'accord avec toi. Mais il me semble que trop souvent, les femmes présentées sont tellement idéalisées qu'elles finissent par ne plus rien dégager de sensuel. On obtient l'effet contraire de ce qui était recherché.

Coacho,
Je suis d’accord avec toi concernant la perte de spontanéité du trait lors du passage à l’encrage. Mais il est peut-être plus raisonnable de dire que cette perte est inévitable et dès lors déplacer nos attentes vers les qualités propre au dessin encré et à l’image finie. Par exemple apprécier l’énergie et la souplesse d’une courbe, le rendu d’une matière, la beauté d’une ombre, l’élégance d’une composition…
L’étape du croquis qui permet un tracé sans enjeu ou les ratés sont même les bienvenus offre une liberté totale qu’il est quasi-impossible de retrouver une fois confronté au passage à l’encre. La recherche est une étape nécessaire mais non suffisante. C’est parce que le dessin a pris une valeur autonome que l’on est déçu par sa finalisation. Après tout, du temps de Rembrandt, personne ne voyait ses croquis de recherche et de mises en place. C’était sa tambouille à lui. Et si quelqu’un les avait vus, il est probable que ces dessins que nous considérons aujourd’hui comme géniaux n’auraient certainement pas été considérés comme tel.
Si je reprends l’analogie avec la cuisine. On peut dire que tu peux apprécier les ingrédients non cuisiné, mais aussi une fois transformés par la recette. Les critères sont ceux du plaisir, mais ils se sont déplacés.
Je crois que les dessinateurs eux-mêmes sont rarement satisfaits de leur encrage quand ils comparent avec la vivacité de leur croquis de départ.
Mais à ce stade la main est tellement plus libre, les traits sortent d’eux-mêmes. Les jeux de courbes et contre-courbe d’une jambe jaillissent sans préméditation, d’un seul élan, une main à peine esquissée laisse deviner les articulations du poignet ou les doigts sans qu’il soit besoin de les matérialisés. Des lignes se superposant et donnent une vibration et une consistance au dessin qu’on ne retrouve pas à l’encrage (l’archétype de cette distance qui sépare la spontanéité du rendu fini me semble être Hergé).
Un dessin fini n’est pas pour autant un dessin amoindri, c’est autre chose tout simplement. Evidemment, en poussant moins les crayonnés, on peut espérer laisser une petite part d’improvisation qui permettrait de retrouver de la spontanéité. Sauf que c’est assez risqué. On n’est jamais à l’abri d’une erreur et en terme de productivité, c’est assez dommageable (recommencer la case, faire une rustine, retoucher au blanc couvrant, ça prend du temps, ça décourage plus ou moins). Il faut aussi parvenir à garder son énergie intacte entre le crayonné et la finition à l’encre. Là aussi, ce n’est pas facile. Pour toutes ces raisons, certains dessinateurs encrent sur table lumineuse, non seulement c’est plus propre, mais en plus on a moins l’impression de recommencer deux fois le même dessin et on conserve ses crayonnés originaux.
Il y a un domaine dans la BD sur lequel on peut difficilement ne pas être laborieux, c’est celui de la perspective. Si quelque chose relève bien de la convention c’est bien la perspective conique. En même temps, il est difficile de s’en passer dans la narration. Il est donc nécessaire d’en connaître les règles et de les appliquer, pas moyen d’y couper, surtout pour les décors d’architecture. Aligner les fenêtres d’un bâtiment ou des briques, n’est jamais très fun. Manier la règle, l’équerre, le trace ellipses, les reports de distance, les points de fuite hors de la planche, les fuyantes qui noircissent la page et embrouillent la vision demandent de la patience et de l’opiniâtreté. A présent on utilise des logiciels 3D, c’est moins fastidieux.
La simplification du style est directement liée à la productivité. Mais de là à penser qu’elle en est la conséquence, j’ai comme un doute. Je ne sais pas si on peut adapter son style pour devenir plus productif. C’est-à-dire renoncé à une part de soi-même et du rapport intime qu’un artiste entretient avec son art. Je sais que cela se pratique en illustration et en rough qui sont des arts commerciaux (au sens américain), naïvement sans doute, j’aimerais pourtant que la BD y échappe.

Concernant l’art contemporain, je ne vois pas de différence entre celui-ci et les démarches artistiques du passé. L’art plastique contemporain n’est pas un art décadent. Il a simplement abandonné les supports traditionnels, la toile, la peinture, le savoir-faire traditionnel. Mais je t’assure Coacho, qu’on y retrouve les mêmes interrogations. Enfin, c’est un débat qui nous éloignerait trop de la BD.

Ce soir, je pars en vacances pour trois semaines. J’espère pourvoir poursuivre la discussion à mon retour. :-))






147. nemOrtel - 21/09/05 18:00 - (en réponse à : ViKtor)
C'est ce que je me tue à dire ici, mais en retour on me traite de gribouilleur prétentieux.
Les gens ne comprennent rien à l'Art!

146. ViKtor - 21/09/05 17:00 - (en réponse à : nemortel)
aaah que c'est rafraichissant de voir du très beau dessin, même si c'est une imitation. merci monsieur mortel, vous etes bon.

145. ratafiole - 21/09/05 16:44

144. ratafiole - 21/09/05 16:38 - (en réponse à : nouvel essais)

143. ratafiole - 21/09/05 16:34
"Un Berthet (pas sûr de l'orthographe) aurait fait partir la courbe du haut des hanches jusqu'au genou sans l'interrompre. Rejoignant ainsi le corps idéalisé, et donc déshumanisé, de la pin up américaine."
Le terme pin-up américaine apparaît péjoratif chez toi, Daniel. Si tu as sans doute raison pour Berthet qui me semble être un vulgarisateur du genre, bien des illustrateurs de l'âge d'or US savaient parfaitement rendre leur peinture vivante, le poids de la chair comme tu dis. Si les bas qui tiennent tout seul avaient existé du temps d'Elvgren, tu aurais vu les jolis petits "bourelets" qu'il t'aurait fait !
Et si je reconnais un style à Liberatore et même Serpieri, l'intérêt de leur travail se limite pour moi à partager leur goût ou pas (petit ou gros cul). Je dirais même qu'ils mettent leur talent au service d'une certaine esbrouffe pas si éloigné de ce que tu repproches à Hoggart. Bref je crois qu'on est loin de Degas, là...
Pour l'exemple, une pin-up de Gil Elvgren, avec le porte-jarretelle qui marque la cuisse (évidemment on remarquera certainement pas ça chez Berthet ou d'autres).

142. Coacho - 21/09/05 11:50
Enfin, il est juste comme tu le soulignes Coacho, que l'on est impressionné par les dessinateurs qui maîtrisent avec une apparence de facilité ce qui nous donne du fil à retordre. Mais souvent, ce ne sont pas sur les choses les plus spectaculaires.
On retrouve un peu le même type de fascination en musique d'ailleurs... La composition est un Art difficile mais tu as raison sur ce point que le spectaculaire ne se réduit souvent qu'à l'utilisation de ficelles d'esbrouffe.
C'est bien dans le jeu simple, honnête, discret, et donc souvent dans la sincérité et le criant de vérité que les vrais génies explosent. Rien de plus difficile...

Le talent d'un dessinateur, comme de tout artiste s'est de raconter le monde, voire de l'expliquer, de le clarifier.
Tu es sûr de ce que tu avances là ?
Parce qu'en art contemporain, je pourrais trouver une quantité incalculable d'artistes qui la compliquent cette vision ! ;o)

Lorsque tu abordes le thème du croquis, souvent donc préparatoire, il y a une vie que je ne retrouve personnellement que rarement après construction définitive de l'oeuvre...
Cette sensation de courbes et de déliés a une vie, propre.
Le crayon s'épaissit à certains endroits, la trace est multiple dans ses nuances de gris, et je suis, tout du moins au sujet de la BD, souvent deçu par l'encrage, et la colorisation...
Pour avoir la chance de posséder quelques originaux à mon domicile, je dois avouer que certains auteurs sont bluffants avec ceet encrage et les couelurs (Dumontheuil par exemple...).
Mais bien trop souvent, quelle perte de vie dans l'encrage (effet photoshop trop présent ?)...

L'impression que la spontanéité laisse place à une sorte de perfectionnisme, de recherche esthétique, surtout pour ceux qui peuvent avoir peur de l'erreur fatale dans l'application de l'encre, même quand certains vont la chercher en Chine (;o)).

Quand l'ennui pointe, on peut néanmoins trouver des parades : changer d'outil, de zone à travailler, supprimer les crayonnés (c'est assez excitant), mais le fin du fin, c'est encore de commencer un dessin par un endroit complètement inattendu.
Oui, mais j'ai pourtant l'impression que c'est vers une forme d'efficacité, qui sous-entend le terme de rentabilité, qui anime nos auteurs de BD aujourd'hui...
A part quelques grands, dont un a dans ce même sujet de longues déclarations d'amour à son trait, la plupart des auteurs sont soumis à une cadence de production importante, délaissant certains effets, donnant leurs planches à des coloristes toshop plus ou moins talentueux, quand l'encrage lui-même n'est pas confié à d'autres... J'ai pour exemple les dernières productions de Dumontheuil qui expliquait lors d'une rencontre qu'il devait accélérer sa production pour mieux en vivre.
De Crécy, qui nous avait habitué à la texture presque palpable de ses planches, à l'utilisation de matières épaisses qui se voyaient sur ses couleurs, en est venu à la colorisation informatique pour les mêmes raisons...

Se dirige-t-on vers une formalisation (uniformisation ?) du trait dans l'univers de la bande-dessinée par manque de temps ?
Le futur génie ne sera-t-il pas celui qui prend le temps de façonner son oeuvre (Guibert ?), ou qui encrera directement, sans retenue et avec fougue (Peeters ?) ?
Ou doit-on commencer à se faire des cheveux blancs parce que Giraud, ben, il est plus tout frais non plus hein ?! ;o))

141. nemOrtel - 20/09/05 18:36 - (en réponse à : ViKtoR)

140. ViKtor - 20/09/05 18:29
tout cela est-il bien raisonnable?

139. Vieto - 20/09/05 18:13 - (en réponse à : Altaïr)
Maîtrise technique" ne sous-entend pas "maître du dessin réaliste", mais "maître de son propre dessin", si je puis m'exprimer ainsi

Merci d'exprimer clairement pourquoi je ne supporte pas le dessin à prétentions "réalistes" mal maîtrisé, dont l'archétype est Graton (dont Vance a pris pas mal de défauts) :-)
Leloup (Yoko Tsuno) est assez redoutable dans le genre aussi (erreurs de proportions et de perspectives multiples).
Il est intéressant de noter à quel point en revanche ces dessinateurs sont doués pour dessiner les machines roulantes ou volantes.

138. Danyel - 20/09/05 18:04
C'est un avis personnel mais, pour ma part, je trouve que les églises romanes sont avec le corps des femmes ce qu'il y a de plus émouvant à dessiner.

-------------

Concernant les canons esthétiques des corps, ils ne sont évidemment pas absolus. Chaque dessinateur, les redéfinit selon sa sensibilité. Ainsi dans l'exemple de Liberatore, et vu la morphologie du modèle, il n'est pas logique que des petits bourrelets se retrouvent à cet endroit. Liberatore s'est fait plaisir. Il a recréée un autre corps selon ses critères à lui. Un Berthet (pas sûr de l'orthographe) aurait fait partir la courbe du haut des hanches jusqu'au genou sans l'interrompre. Rejoignant ainsi le corps idéalisé, et donc déshumanisé, de la pin up américaine.

Ce qui est intéressant et rejoint la poésie à mon sens, c'est la liberté que l'auteur s'accorde, ce petit décalage de réalité basé sur une connaissance précise de celle-ci. La poésie utilise des mots que tout le monde connaît, mais ce sont les rapprochements ou les télescopages de ces mots qui font naître une émotion. C'est un peu la même chose avec le dessin. Il y a une connaissance et après on la tord.
Ce qui fait vibrer, mais je l'ai déjà expliqué plus bas, c'est de retrouver dans un dessin ce que tout le monde sait être la vie. Pas la réalité. La vie. Ainsi les bourrelets de Liberatore, on les retrouvent à des degrés divers sur les plages par exemple. Ça peut faire penser à la gravité, à Newton, à l'Univers, à notre place dedans, c'est bien plus fun qu'un équation (sauf peut-être pour Altaïr, :-)) … j'exagère un peu, mais à peine.
Le talent d'un dessinateur, comme de tout artiste s'est de raconter le monde, voire de l'expliquer, de le clarifier. Un jour j'ai vu une exposition de dessins d'étudiants en médecine. La plupart des dessins représentaient des modèles nus. C'était incroyable de voir à quel point ces personnes qui disséquaient des cadavres ne connaissaient rien à la morphologie, même la plus simple. Je suis ressorti assez dubitatif de cet expo.

Il existe aussi une part de spontanéité qui peut s'appuyer sur la connaissance comme un tremplin. Quand on voit un croquis vite fait de grand dessinateur, ils sont toujours justes. La justesse devient un réflexe et c'est la spontanéité qui lui donne son degré supplémentaire de poésie. C'est particulièrement frappant sur les minuscules croquis de John Buscema par exemple.

Dans le dessin plus "fini" de bande dessiné, la difficulté est de parvenir à garder cette spontanéité. Pour cela il faut trouver un juste équilibre entre le crayonné et l'encrage. Si tout est dit au stade du crayonné, le dessinateur va s'ennuyer : cela revient à faire deux fois le même dessin. Il faut donc se garder des zones d'improvisation avec des garde-fou qui permettront d'éviter les erreurs les plus grossières.

Quand l'ennui pointe, on peut néanmoins trouver des parades : changer d'outil, de zone à travailler, supprimer les crayonnés (c'est assez excitant), mais le fin du fin, c'est encore de commencer un dessin par un endroit complètement inattendu. Par exemple l'ongle du pouce d'un pied et de remonter tout le corps ainsi. Ça a pour effet de changer la vision, l'appréhension des volumes, la ligne, la composition. Je me demande si Egon Schiele ne procédait pas ainsi par moment.
Ah ! commencer à dessiner une église romane par une simple et humble tuile ! :-))

Enfin, il est juste comme tu le soulignes Coacho, que l'on est impressionné par les dessinateurs qui maîtrisent avec une apparence de facilité ce qui nous donne du fil à retordre. Mais souvent, ce ne sont pas sur les choses les plus spectaculaires.

137. Danyel - 20/09/05 18:00
C'est un avis personnel mais, pour ma part, je trouve que les églises romanes sont avec le corps des femmes ce qu'il y a de plus émouvant à dessiner.

-------------

Concernant les canons esthétiques des corps, ils ne sont évidemment pas absolus. Chaque dessinateur, les redéfinit selon sa sensibilité. Ainsi dans l'exemple de Liberatore, et vu la morphologie du modèle, il n'est pas logique que des petits bourrelets se retrouvent à cet endroit. Liberatore s'est fait plaisir. Il a recréée un autre corps selon ses critères à lui. Un Berthet (pas sûr de l'orthographe) aurait fait partir la courbe du haut des hanches jusqu'au genou sans l'interrompre. Rejoignant ainsi le corps idéalisé, et donc déshumanisé, de la pin up américaine.

Ce qui est intéressant et rejoint la poésie à mon sens, c'est la liberté que l'auteur s'accorde, ce petit décalage de réalité basé sur une connaissance précise de celle-ci. La poésie utilise des mots que tout le monde connaît, mais ce sont les rapprochements ou les télescopages de ces mots qui font naître une émotion. C'est un peu la même chose avec le dessin. Il y a une connaissance et après on la tord.
Ce qui fait vibrer, mais je l'ai déjà expliqué plus bas, c'est de retrouver dans un dessin ce que tout le monde sait être la vie. Pas la réalité. La vie. Ainsi les bourrelets de Liberatore, on les retrouvent à des degrés divers sur les plages par exemple. Ça peut faire penser à la gravité, à Newton, à l'Univers, à notre place dedans, c'est bien plus fun qu'un équation (sauf peut-être pour Altaïr, :-)) … j'exagère un peu, mais à peine.
Le talent d'un dessinateur, comme de tout artiste s'est de raconter le monde, voire de l'expliquer, de le clarifier. Un jour j'ai vu une exposition de dessins d'étudiants en médecine. La plupart des dessins représentaient des modèles nus. C'était incroyable de voir à quel point ces personnes qui disséquaient des cadavres ne connaissaient rien à la morphologie, même la plus simple. Je suis ressorti assez dubitatif de cet expo.

Il existe aussi une part de spontanéité qui peut s'appuyer sur la connaissance comme un tremplin. Quand on voit un croquis vite fait de grand dessinateur, ils sont toujours justes. La justesse devient un réflexe et c'est la spontanéité qui lui donne son degré supplémentaire de poésie. C'est particulièrement frappant sur les minuscules croquis de John Buscema par exemple.

Dans le dessin plus "fini" de bande dessiné, la difficulté est de parvenir à garder cette spontanéité. Pour cela il faut trouver un juste équilibre entre le crayonné et l'encrage. Si tout est dit au stade du crayonné, le dessinateur va s'ennuyer : cela revient à faire deux fois le même dessin. Il faut donc se garder des zones d'improvisation avec des garde-fou qui permettront d'éviter les erreurs les plus grossières.

Quand l'ennui pointe, on peut néanmoins trouver des parades : changer d'outil, de zone à travailler, supprimer les crayonnés (c'est assez excitant), mais le fin du fin, c'est encore de commencer un dessin par un endroit complètement inattendu. Par exemple l'ongle du pouce d'un pied et de remonter tout le corps ainsi. Ça a pour effet de changer la vision, l'appréhension des volumes, la ligne, la composition. Je me demande si Egon Schiele ne procédait pas ainsi par moment.
Ah ! commencer à dessiner une église romane par une simple et humble tuile ! :-))

Enfin, il est juste comme tu le soulignes Coacho, que l'on est impressionné par les dessinateurs qui maîtrisent avec une apparence de facilité ce qui nous donne du fil à retordre. Mais souvent, ce ne sont pas sur les choses les plus spectaculaires.

136. Coacho - 20/09/05 17:22 - (en réponse à : qui remet les lettres de son pseudo dans l'ordre !)
"maître de son propre dessin", si je puis m'exprimer ainsi. C'est plus clair ?
Oui oui, ne te fâche pas, c'était juste pour te titiller hein ?! ;o))

Pour le cas de Soleil, je me rappelle que Danyel disait de prendre qui on veut chez Soleil pour démontrer une théorie (à vous de chercher plus bas !). Je dis Ricard et Gauthier ?! Wahahahaha !
C'est con, je me fais rire tout seul ! Sont trop bons ces deux-là ! ^___^


Sinon, quelques mots sur Loisel... Quand vous dites qu'il dessine de vraies femmes... On ne peut pas dire que ses femmes aient des anatomies communes, tout de même. Par contre, il prouve (tout comme Jeffrey Jones, Wendling, et bien d'autres) que certains détails anatomiques jugés habituellement disgracieux (et donc gommés des photos de mode ^^) peuvent au contraire être très sensuels. C'est là son talent.
Ah mais quand j'écris vraies femmes, je pense en fait aux détails anatomiques que tu cites !
Il existe tellement de morphotypes que l'on ne peut pas s'arrêter sur un seul et le sublimer au point d'en faire une idéologie définitive (cas de la pub).
Mais je trouve qu'il ne cherche pas ces critères souvent recherchés par le mâle en rut !
En conséquence, le dessin de Loisel, ou plutôt sa vision de la femme, je la trouve très respectueuse et réaliste en un sens (il dessin des maigres d'ailleurs, t'as vu La Rige ! ;o))).

(surtout celui en couleur) particulièrement immondes. ça plait aux mecs, ce genre de choses ?
Ce dessin était volontairement provocateur (je suis un agitateur ! ;o)) et je ne sais pas pour les autres mais en tout cas, pour moi, ça ne fonctionne pas... Déjà à cause des couleurs qui m'empêchent à la base d'aller plus loin dans ma vision du dessin !
Caricature ratée certainement...

En tous cas, ça fait du bien de voir quelques photos truquées. On devrait les montrer dans les magazines, ça ferait remonter le moral de la population ^^. Et puis vive la pub Dove ^^
Je savais que ça te plairait (t'as vu al brune aussi avec tous ces pores de peau hyper dilatés ?!) ^___^

135. Altaïr - 20/09/05 17:06
En revanche, et pour la titiller joyeusement, je lui demanderai de m’expliquer mieux cette phrase : « Bien souvent, on s'entend dire quand on critique un dessin que "c'est une affaire de goût". Pourtant, c'est faux……il s'agit de la maîtrise technique du dessinateur, que son style sooit réaliste ou abstrait. ». Juste parce que le cas Trondheim est le contre-exemple qui me paraît excellent, si tant est que l’on puisse ne pas considérer sa maîtrise technique de l’abstrait ! ;o)

Trondheim a une excellente maîtrise technique !!! Il ne fait pas de faute, et maîtrise son style d'un bout à l'autre ! "Maîtrise technique" ne sous-entend pas "maître du dessin réaliste", mais "maître de son propre dessin", si je puis m'exprimer ainsi. C'est plus clair ?
Par contre, dans de nombreuses BD qui paraissent actuellement chez Soleil ou chez Paquet, il y a de véritables erreurs, de proportions, de perspective, d'anatomie, pour ne citer que les plus fréqentes. Là, il n'y a pas maîtrise technique. Et on peut en toute objectivité parler de mauvais dessin.

Sinon, quelques mots sur Loisel... Quand vous dites qu'il dessine de vraies femmes... On ne peut pas dire que ses femmes aient des anatomies communes, tout de même. Par contre, il prouve (tout comme Jeffrey Jones, Wendling, et bien d'autres) que certains détails anatomiques jugés habituellement disgracieux (et donc gommés des photos de mode ^^) peuvent au contraire être très sensuels. C'est là son talent.
Alors que chez trantkat on a juste une exagération vulgaire des détails érogènes des femmes. Aucune subtilité, pas une once de sensualité. Enfin je parle pour moi, mais je trouve ces dessins (surtout celui en couleur) particulièrement immondes. ça plait aux mecs, ce genre de choses ?

En tous cas, ça fait du bien de voir quelques photos truquées. On devrait les montrer dans les magazines, ça ferait remonter le moral de la population ^^. Et puis vive la pub Dove ^^

134. cOACHO - 20/09/05 16:41 - (en réponse à : qui tartine !)
Bien les amis, me revoilà avec un peu de temps pour avoir lu et apprécié vos interventions qui, effectivement, précisent de plus en plus ce que chacun cherche dans le dessin.

J’ai à mon tour, fêtant comme un Nouvel An chinois le retour de mon Altie à moi que j’ai, eu plusieurs réflexions à vos propos et je vais les exposer rapidement, et sûrement confusément, ci-après.

Revenons un instant sur la notion de beau dessin.
Je relève quelques paroles de nos dessinateurs qui sont révélatrices de ce que chacun voit.

Danyel parle de détail, des feuilles, des masses graisseuses, des articulations.
Altie bavouille sur les bourrelets sensuels après avoir été bluffée par la courbe cassée des hanches.
Yan et Manu parlent de techniques déliée, de pinceau qui chante, etc…
Je crois qu’entre des dessinateurs comme vous, et tous selon vos niveaux respectifs, vous avez des attentes différentes et qui le sont tout autant que celles des lecteurs néophytes.
C’est d’ailleurs ce que je disais en fin de post 103, à savoir qu’en fait, on se met à apprécier d’autant plus un auteur, à l’admirer pour son art, que lorsque l’on est devant ses propres limites non ?
C’est d’ailleurs ce qu’explique fort bien Altie dans son post 121 (L'émotion que ressent Danyel devant certains détails particulièrement bien vus de certains dessins, je crois qu'elle touche toutes les personnes qui se sont un jour un temps soit peu sérieusement essayées au dessin).
En gros, n’admire-t-on pas ce que l’on ne sait pas faire ? Ou, plus douce formulation, ce que l’on a du mal à faire, à rendre ?
Lorsque Danyel parle, par exemple, de l’automatisme de Vance, il souligne une analyse sur es drapés que je ressentirais plus humblement comme étant « raides ».

Cela fait appel donc au regard, mais aussi à l’appréciation de la technique.
Le lecteur lambda ne connaît pas tous les outils destinés à la création, et n’a d’ailleurs, malheureusement, que faire de celles-ci…
Or, de votre point de vue, elle est essentielle. Normal.
Cela va au point d’une analyse très détaillée, sorte de plongée dans la matérialisation du dessinateur (exemple de la forêt et des feuilles toutes différentes des arbres de Giraud) et qui prend au ventre et donne le tournis au contemplateur qui s’enivre de la maestria de celui qu’il apprécie.

Je confirme au passage deux hypothèses de Danyel.
J’ai visionné un reportage sur la pratique du Katana et il y avait un exercice qui consistait à faire faire aux élèves des idéogrammes dans le sable en pratiquant de larges mouvements.
Le deuxième point, c’est celui qui concerne la technique supputée de Giraud, à savoir le tracé à la main levée, le poignet ne reposant pas sur le papier. Lorsque je l’ai vu dessiner, c’était bien la technique utilisée, plus proche de celle du peintre qui travaille debout en fait.

J’aime beaucoup ces définitions très sensibles et poétiques de concevoir le dessin que vous écrivez. Et je me suis sentie proche de ce qu’écrivait Altie à ce sujet, parlant d’observation, de rendu, de talent, mais surtout de source d’émotion et de cette confusion avec le réel.
Car cela me conforte dans cette idée, du dessinateur admirateur non pratiquant, qu’il est très complexe de concevoir une image comme absolue et de ne lui prêter aucune résonance sentimentale, ou contextuelle. Car il existe une part inconsciente qui nous fait concevoir le dessin ou l’image ou la photo avec ce qu’elle a de plus puissant comme force évocatrice.
En revanche, et pour la titiller joyeusement, je lui demanderai de m’expliquer mieux cette phrase : « Bien souvent, on s'entend dire quand on critique un dessin que "c'est une affaire de goût". Pourtant, c'est faux……il s'agit de la maîtrise technique du dessinateur, que son style sooit réaliste ou abstrait. ». Juste parce que le cas Trondheim est le contre-exemple qui me paraît excellent, si tant est que l’on puisse ne pas considérer sa maîtrise technique de l’abstrait ! ;o)

Bien, maintenant que mon post a eu pour effet de creuser les cernes de toutes et tous, et que la barbe commence à poindre sur les mentons fatigués des lecteurs, je souhaitais revenir un peu sur le dessin, des femmes en particulier puisque les divers exemples portés à notre connaissance en étaient le sujet.

J’ai d’ailleurs comme Quentin saisi rapidement où Danyel voulait en venir avec cette image de Liberatore. Et il faut avouer que l’exemple est diablement bien choisi.
Ceci dit, cette démonstration est renforcée par une image un peu « pâteuse » ( ?) qui mettent en valeur ces chairs et graisses. Le terme de couleurs contrastées est sûrement plus approprié je pense.
Et pourtant, l’image de Jeffrey Jones nous prouve que l’on peut faire de même avec un trait sans couleurs contrastées. Preuve encore de la pertinence de ce sens de l’observation et de cette sensibilité évoquée par Danyel.
Ce qui amène aussi à se poser la question de savoir comment le dessinateur interprète son modèle. Quel est son rapport avec les femmes, aux femmes.
Il en existe beaucoup et en chassant les fantasmes et autres représentations érotiques ou pornographiques, il reste des courants révélateurs.
Ceux qui considèrent la femme comme objet et l’instrumentalise (peut-être le cas de Manara), ceux qui aiment la femme, et ceux qui aiment particulièrement les formes généreuses.
Dans une veine graveleuse qui fait rire, il y a Serpieri.
J’ai cherché sur le net une image, puis je suis tombé sur une qui montre l’écho, à la façon de celles de Giraud ci-dessous.
La voilà.

J’aimerai savoir si les critères dont nous parlions s’adaptent à cette image (c’est pour voir si j’ai tout pigé ! ;o))).

Dans un ton plus contrasté, la même image se trouve ici .
Il en existe d’autres, comme celui-là , mais vous pouvez faire quelques recherches sur le net !

Enfin, il y a le travail de Trantkat. Dont voilà une esquisse.


Mais je voulais essayer dans un autre domaine, volontairement plus flash et provocateur, en affichant ce dessin, toujours copyrighté Trantket.
.
Formes généreuses, courbes, amour du corps, mais sur-interprétation de celui-ci ?
Quid de votre avis sur la technique employée ?

Et puis, au passage, je souhaitais rendre hommage à Loisel moi aussi, pour sa volonté de faire les femmes telles qu’elles sont, imparfaites, pulpeuses, avec des formes qui nous touchent, avec toute la sensualité que ça implique.
Je pense d’ailleurs que son lectorat comporte beaucoup de femmes car il a réussi à les flatter, à leur parler, en montrant des femmes normales, mais qui en étaient belles, attirantes, et non pas des objets de désir purement bestiaux.
Il n’est qu’à constater le succès non démenti de sa Clochette, ou même de sa Poteline, sans parler de la plantureuse Pélisse… A son niveau, en tout cas, je ressens aussi cela comme un hommage.

Mais nous sommes prisonniers de l’image, et j’entame ainsi le troisième volet de mon tout petit post ! ;o)
C’est la force du conditionnement de l’image qui m’interpelle.
Car en effet, lorsque vous dites à une femme que vous aimez ses rondeurs, que sa morphologie est une poésie, que son corps est tout entier une œuvre d’art, elle va croire que vous faites de la flatterie facile et risquera même de se vexer… Voilà donc le poids des publicitaires.

Je reviens donc vers l’image de notre naïade sous la douche pour dire à Altie qu’en fait, cette publicité américaine a été inversée !
Il fallait voir l’image de droite avant (une américaine saine, belle, athlétique) et celle de gauche ensuite (la même américaine après un passage en Europe, en France plus particulièrement, pour démontrer que le climat français est pourri et nocif pour les ricains ! ;o)))).

J’ai essayé de retrouver les liens que Dens avait mi il y a quelques temps et qui vont démontrer les propos de Danyel (Moralité : ne croyez rien de ce que vous voyez dans une publicité. :-))

Car en effet, les produits aussi sont retouchés, pas que les femmes (et ne me faites pas faire un lien que je n’ai pas fait en assimilant les deux termes employés ! ;o))).

Voilà le travail pour un téléviseur (cliquez sur l’image qui vous ouvrira un lien et faites passer le curseur de la souris sur l’image qui vous est ainsi nouvellement proposée) :



Voilà un autre exemple :


Enfin, et parce que l’on ne s’en lasse pas, voilà mesdames, mesdemoiselles, comment vous êtes trafiquées (pour ne pas dire horriblement customisées !) ! ;o)))



Vous trouverez de nombreux autres exemples dans la galerie de GREG en cliquant ICI.

133. Odrade - 20/09/05 13:42
Ah merci Altair, justement j'avais perdu l'adresse du site !

biz

O.

132. Altaïr - 20/09/05 13:05
Pour Jeffrey Jones, son site officiel est fabuleux. Pour ceux qui ne connaissent pas, jetez y un oeil c'est magnifique !
(O. pourquoi utilises-tu le passé ? Jeff Jones est toujours en vie, non ? En mauvais état, mais en vie, non ?)

131. Danyel - 20/09/05 12:22
Odrade, grâce à toi, je découvre que mon exemplaire d"'idyl" vaut à présent 99 dollars et que mon "Yesterday's Lily" en vaut 270 ! Je me demande à combien cote "The Studio" que je possède également. Merci pour ces bonnes nouvelles. :-))

130. Odrade - 20/09/05 11:48
Argl JeffreyJones !
Il était trop doué ce mec !

http://www.bookpalace.com/acatalog/Home_Jeff_Jones_Art_178.html


O.

129. Danyel - 20/09/05 10:22
Je ne souhaite pas polémiquer autout d'Andreas une nouvelle fois. Si on regardait plutôt d'autres exemples intéressants ? Par exemple, ici Jeffrey Jones, autres grand connaisseur du "poids de la chair". Cet artiste a su "reconstruire" le corps des femmes à son goût, loin des pin up passe-partout. Ses femmes débordent de sensualité, même habillées.


128. Altaïr - 20/09/05 09:32
Aïe... j'adore Andreas mais je crains que tes exemples soient mal choisis pour démontrer que c'est un bon dessinateur, Quentin. Je ne suis pas spécialiste en anatomie, et je laisse le soin à maître Danyel de décortiquer ces dessins, mais plusieurs erreurs me sautent aux yeux. La plus énorme, c'est le ventre de Mil, qui remonte au dessus des côtes ! Sinon, le rendu des bras au niveau des coudes me semble tout de même douteux, et la poitrine trop haute.

A la décharge d'Andreas, il a déjà dit maintes fois qu'il était conscient de ses faiblesses en dessin, et que ses effets géométriques, de cadrages et de perspectives étaient un moyen pour lui de les cacher. Et personnellement, je trouve que ça marche bien, et qu'esthétiquement il a sa patte bien à lui. Et puis on sent qu'il se fait plaisir.
Il n'empêche que j'aimerais bien qu'il fasse plus d'albums dans la veine de "Doro Zengu", le tome 7 d'Arq (un petit bijou), où il a stylisé ses personnages et mis en valeur ce en quoi il excelle en mettant de côté ses points faibles.


cette planche n'est pas la meilleure, mais c'est la seule que j'aie trouvé sur le net

127. Quentin - 19/09/05 20:10
Avec les images, c'est encore mieux





126. Quentin - 19/09/05 20:07 - (en réponse à : Ca devient clair!)
Je commence à voir. C'est même très clair :o) Dommage que Liberatore ne sache pas raconter de chose intéressante.

Pour en revenir à Andreas, que dire de ces 2 dessins de couvertures? Sans approcher du brio de Liberatore, il me semble quand même que les "bourrelets" de raffington sont pas mal rendus, et qu'on voit aussi du volume dans le corps de l'enfant (même s'il reste très athlétique)




125. Danyel - 19/09/05 17:36 - (en réponse à : Quentin,)
C'est pour ça que les personnages féminins de BD sont la plupart du temps graphiquement très chiants . Il y manque tous les bourrelets (petits ou gros) dont parlait Altaïr et qui font une vraie femme de chair. Loisel dessine des vraies femmes, Liberatore aussi. Une bretelle de soutien-gorge par exemple, dans la vraie vie ça laisse un micro-bourrelet aux épaules, sur les flancs et sur les seins. C'est ce qui traduit "le poids de la chair" dont je parlais à propos de Liberatore. L'un des rares à le représenter.
Ce petit bourrelet n'est pas anodin, il donne une touche de vérité, permet de créer une petite inflexion dans la courbe de contour d'un corps, une petite pause sensuelle pour l'œil. On peut même, si l'on y tient, suggérer une retour de lumière sous le tout petit bourrelet qui provient de la réfraction de la lumière frappant sur la chair voisine. Cette petite lumière teintant alors d'un peu de la couleur voisine. Là on atteint des sommets de sensualité, on se retrouve au plus près des corps.
Debord, mon prof de morpho (celui dont parle Sfar dans ses carnets) insistait beaucoup sur les "localisations graisseuses" féminine comme étant parti intégrante de la féminité. On en retrouve aussi chez l'homme, mais pas aux mêmes endroits.
Allez, un exemple. C'est le dessin le plus chaste de Liberatore que j'ai pu trouver.



L'intérêt n'est pas dans la morphologie impressionnante du dos ou des bras. On peut dire que la dame n'est pas très en chair. Pourtant c'est ce qui se passe en haut des Dim Up qui fait basculer ce dessin vers autre chose qu'une image bêtement aguicheuse.
Quentin, regarde, est-ce que tu vois ces inflexions de courbes qui partent des hanches ? ou de l'intérieur des cuisses ? Un dessinateur ordinaire aurait fait un tracé direct, certes, il y aurait eu plus de dynamisme, aurait lancé une joli courbe dynamique, mais on aurait quitté le domaine de la justesse et du ressenti pour entrer dans celui de la pin up plus ou moins vulgaire.
Ici au contraire, Liberatorre interrompt son "trait", disons son volume en l'occurrence. Que fait-il ? Il passe directement à l'intérieur de la jambre. Il stoppe la courbe qui descend de la hanche, et dirige son pinceau vers l'intérieur des cuisses pour dessiner le haut du Dim Up. Il reprend son tracé juste après pour redescendre le long de la jambe.
Le mini bourrelet ainsi créé, génère une ombre, et là il nous fait un petit retour de lumière sous le bourrelet (jambe droite, faut regarder attentivement, mais il y est) et à l'inrérieur des cuisses (plus évident). C'est pas beau ça ? Loisel, en plus grossier, ne procède pas autrement. Avant eux Degas ou Rubens.
C'est en jouant en permanence avec ces paramètres, en les faisant varier qu'un dessinateur s'amuse.

124. Quentin - 19/09/05 16:44
La femme devient un objet, une abstraction de femme, dans laquelle aucune femme ne peut se reconnaître.

Mais n'est-ce pas ce qui se passe également dans la BD? Le "lissage" des courbes y est encore plus limpide - à moins que le dessinateur ne rajoute des "défauts" stratégiques. C'est peut-être pour ca qu'il y a plus de lecteurs de BD masculins que féminins ;o)

Un site parmi d'autres>

123. larry underwood - 19/09/05 16:33
c'est d'ailleurs quelque chose de magique : qu'est-ce qui fait qu'une image ou un objet nous émeuve alors que d'autres nous laissent de marbre ? Pourquoi les images exercent-elles un tel pouvoir sur nous ? Après tout, une photo n'est qu'on morceau de papier, déconnecté du réel, et pourtant, qui accepterait de déchirer la photo d'un être aimé sans arrière-pensée ? D'une façon ou d'une autre, notre for intérieur oublie quand il voit une image que ce n'est qu'un morceau de papier, et entretient une confusion avec le réel.

C'est mon altaïr à moi ça ! J'adore quand tu dis des choses comme ça.

122. Danyel - 19/09/05 15:12
A propos de la retouche d'image et de l'envers du décor. Il faut en effet avoir présent à l'esprit que toutes, je dis bien toutes, les photos publicitaires avec des mannequins ou pas sont retouchées. Pour les mannequins, après un tirage, le directeur artistique trace des petits cercles partout où il faut retoucher. Eh bien heureusement que les modèles ne voient pas à quoi ressemble ce tirage une fois passé entre les mains du DA, parce qu'elles auraient de sacrés complexes. On retire la moindre ridule, certains grains de beauté non stratégiques, on lisse la peau, on enlève des luisances, on retire des lumières, on redessine des oreilles, des jambes, des ongles, c'est aussi en cela que la femme devient un objet, une abstraction de femme, dans laquelle aucune femme ne peut se reconnaître. Qu'elle serve ensuite de modèle à atteindre pour certaines personnes est vraiment regrettable.
Et ces retouches se pratiquaient déjà bien avant l'invention de Photoshop.
Moralité : ne croyez rien de ce que vous voyez dans une publicité. :-)

121. Altaïr - 19/09/05 14:19
Ooooh un sujet qui parle de dessin ! Quel bonheur...

J'aurais bien aimé participer plus tôt, j'ai une foule de remarques qui me viennent à l'esprit. Un si beau sujet, dès le retour des vacances !

Tout d'abord, j'avais envie de parler de ce qui fait un "beau" dessin. Bien souvent, on s'entend dire quand on critique un dessin que "c'est une affaire de goût". Pourtant, c'est faux. S'il y a bien entendu une composante subjective évidente dans l'appréciation d'un dessin, il y a aussi une composante objective : il s'agit de la maîtrise technique du dessinateur, que son style sooit réaliste ou abstrait. C'est de cette maitrise technique qu'il est ici question (si j'ai bien suivi), même si nous savons tous qu'en BD un dessin imparfait peut être compensé par une bonne narration, chez Andreas ou Marjane Satrapi par exemple.

L'émotion que ressent Danyel devant certains détails particulièrement bien vus de certains dessins, je crois qu'elle touche toutes les personnes qui se sont un jour un temps soit peu sérieusement essayées au dessin. Je me souviendrais toujours d'être restée en extase devant un bas-relief de sirènes médiocre, où le rendu du pli des hanches et de l'ondulation des corps donnait beaucoup de grâce aux personnages. Moi-même à l'époque je m'essayais à donner un peu de sensualité à mes dessins de femmes, sans succès. Ce "truc" (pourtant galvaudé) de la courbe cassée dans le dessins des hanches m'était apparue comme proprement génial sur le moment. A présent, c'est le rendu des petits bourrelets sensuels qui m'épate (entre autres).
Je pense que derrière ce sentiment, il y a une profonde admiration sur ce que le dessinateur a su observer et reproduire sur son papier, alors que de notre côté nous savons en être incapable. Un peu comme si d'une certaine façon, le dessinateur nous montrait comment était fait le monde, ce monde que nous voyons dans son ensemble mais rarement dans ses détails. Enfin, c'est ainsi que je le ressens.
Décortiquer les images, et d'une certaine façon les décoder pour comprendre comment elles "fonctionnent" est une source d'émotions infinie, mais je pense qu'elle est un peu réservée aux dessinateurs, talentueux ou médiocres d'ailleurs. Ce qu'il faut, c'est un intérêt pour la chose et une éducation de l'oeil.
Même si, je pense, n'importe qui voyant Giraud interpréter une photo en dessin, se dit que c'est proprement génial, et que le dessin transcende la photo... alors que quand on compare les photos de la guerre de 14-18 aux copies que Larcenet en a fait pour "la ligne de front", ça fonctionne nettement moins bien.

Fort heureusement, un dessin véhicule au moins autant d'émotions pour le néophyte. C'est d'ailleurs quelque chose de magique : qu'est-ce qui fait qu'une image ou un objet nous émeuve alors que d'autres nous laissent de marbre ? Pourquoi les images exercent-elles un tel pouvoir sur nous ? Après tout, une photo n'est qu'on morceau de papier, déconnecté du réel, et pourtant, qui accepterait de déchirer la photo d'un être aimé sans arrière-pensée ? D'une façon ou d'une autre, notre for intérieur oublie quand il voit une image que ce n'est qu'un morceau de papier, et entretient une confusion avec le réel.
Je n'ai certainement aucune réponse à ces questions, et heureusement. Les images continuent à me fasciner et à m'émouvoir, et c'est bien là le principal !

Sinon, pour ce qui est des images traffiquée montrées par Coacho : je me souviens d'avoir jubilé à la lecture d'un article du monde2, il y a quelques années, montrant justement une série de photos de mode avant et après Photoshop. Quel soulagement de voir que mêmes les top-model avaient des pores et des bourrelets ! Par contre, cela véhicule une image fausse du monde qu'il est très facile de prendre pour la réalité. Je suis sure que beaucoup de gens de part le monde imagine les américains comme étant beaux et athlétiques, comme dans les films de hollywood, et pas comme un peuple composée en partie d'obèses...

Désolée si mon message est un peu incohérent, j'ai laissé quelques neurones en vacances, il semblerait...

120. bert74 - 19/09/05 12:56
Et merci à toi, Danyel, de nous faire profiter de tout ça et des commentaires qui vont avec...
Quand est-ce que tu l'ouvre ton musée ?
;o)

119. Danyel - 19/09/05 12:40
Ouah ! Merci m'sieur. :-))

118. Coacho - 19/09/05 12:04
Ayé, Daniel m'a fait passer ses scans et je vous les livre ainsi, tout de go, le vent dans les cheveux et le sourire aux lèvres...^__^

Le fameux chevalier


et un autre de ces échos graphiques soulignés par le talent de Giraud :

Photo du film La Horde sauvage et interprétation sur un Poster de 1971


Voilà, j'espère que vous appréciez ces archives personnelles ! ;o)




Daniel, je te répondrai succinctement ce soir, dès que j'ai 5 minutes... ;o)

117. Coacho - 19/09/05 11:20
'Tain, pas trop le temps depuis 3-4 jours mais bon, je vous lurke hein ?! ;o)
Danyel, fais péter les images sur guy point bole arrowbase laposte point net et j'essaye de faire ça dans la matinée.
A défaut d'écrire, un dessin fera sûrement plus court ! ^__^

116. Quentin - 19/09/05 11:11
Je ne suis pas trop doué en informatique, mais je crois que l'image doit d'abord être mise sur un serveur pour qu'elle soit accessible en ligne. Si tu n'as pas accès à un serveur, le plus simple est que tu envoies l'image à quelqu'un qui en a. Si personne d'autre ne se propose, je pourrai t'aider, mais ce n'est pas l'idéal car l'image ne pourra pas rester indéfiniment sur le serveur de mon boulot.

115. Danyel - 19/09/05 10:42 - (en réponse à : Images)
Voilà, j'ai numérisé le chevalier et deux autres images dont je suis sûr qu'Altaïr ne les aura pas déjà mises ici puisqu'elles proviennent de mes archives perso. :-)
Juste un détail : je ne sais pas comment mettre des images sur ce site à partir de doc figurant dans mon disque dur. Quelqu'un peut-il m'expliquer la marche à suivre ou m'indiquer une page de BDP où on en parle ?
Et ne me parler pas de "clic droit", sur les Mac, y'a qu'un seul bouton sur la souris ! :-)
Merci

114. quentin - 17/09/05 11:56
La question du dessin de MA Mathieu est intéressante, surtout pour son album "Le dessin", où le dessin n'est pas présenté comme une représentation fidèle ou "juste" (technique) de la réalité, mais plutôt comme une énigme où il faut découvrir ce que l'auteur y cache. Bref, le "rendu juste" et "l'accumulation de traits", dans ce cas, concerne l'intention du dessin et son interprétation - ce qui est difficile si on ne connaît pas la biographie de l'auteur, mais qui est plus facile dans les BD grâce à la succession de dessins s'expliquant les uns les autres.

J'ai beaucoup aimé la comparaison des photso et des dessins de Giraud. C'est très fidèle, mais en même temps, on reconnaît Giraud ou Moebius au premier coup d'oeil. Ca serait intéressant de voir le résultat du même exercice fait par Boucq, Andreas, Blain ou Blutch.

(Pour tous les fans de MA Mathieu, je recommande la visite du site.

113. Manu Temj - 16/09/05 14:33 - (en réponse à : Danyel)
Aaaaahhhh... Parvenir à dessiner en tenant le pinceau ou le crayon par le bout du manche et pas comme un vulgaire stylo. Virevolter au dessus du papier dans un geste fluide, mais jamais improvisé, toujours réfléchi, ressenti... Une forme d'absolu !

Sinon, je ne serais pas si sévère avec Burne Hogarth en le classant parmis les auteurs incapables de retenir leurs envie de faire dans le "beau dessin". Son obsession anatomique finit par avoir quelque chose de sublime, de ces défauts dont nous parlions plus bas et qui font parfois la patte de très bons hauteurs. Par ses encrages noirs, ses muscles saillants, ses poses sculpturales à l'extrème, il a fait style, et servi au mieux le personnage de Tarzan (au point de rester dans la mémoire collective LE dessinateur de Tarzan éclipsant totalement au passage Harald Foster, qui n'est pourtant pas n'importe qui dans l'histoire de la bande dessinée).

Certes, quant il fait autre chose (Drago, par exemple), il passe à côté de son sujet, mais doit-on lui en vouloir ?

En tout cas, heureusement qu'il y a Franck Cho pour nous remettre en mémoire tous ces grands noms du Golden Age ! ;o)

112. spirou2733 - 16/09/05 14:15
Cool !
Merci :o)

111. Danyel - 16/09/05 14:07
Spirou 2733
Oui, dès que j'aurai trouvé un moment pour apprendre à me servir de mon scan, je le mets sur le site des archives du Major et ici. Sauf si j'ai le temps d'ici mon départ en vacances de le faire discrètement au boulot. Dans ce cas, il sera là la semaine prochaine.

110. Danyel - 16/09/05 14:03
Ah oui ! Baudoin, le plus fou des traceurs de traits !

109. spirou2733 - 16/09/05 14:02 - (en réponse à : Danyel)
Ce serait possible de le voir ce chevalier qui regarde le ciel ?
:o)

108. yan - 16/09/05 13:54
Très intéressant ce qu'écrit Danyel sur le trait.
Je pense aussi à Edmond Baudoin, le voir dessiner est un spectacle en soi.
Baudoin qui compare le geste du dessinateur à un geste de danseur, c'est assez fascinant.
À l'inverse je pense aussi à Chaland, dont le trait et sa maîtrise devaient demander une forte concentration (mais peut-être pas, peut-être était-ce naturel chez lui).

David T > Oui, ce que tu dis de Macherot est vrai.
Le moindre phylactère coloré est pensé dans l'ensemble de la page, la moindre onomatopée participe d'un équilibre général, une parfaite symbiose entre le but et les moyens.

107. spip - 16/09/05 13:37 - (en réponse à : NemOrtel)
Voilà,tu as tout compris,c'est moi.

106. Danyel - 16/09/05 13:27
Oui, Trondheim est l'exemple parfait du type qui s'est appuyé sur ses faiblesses pour en faire une écriture qui n'appartient qu'à lui. Parfois il vaut mieux ne pas avoir trop de qualités ou de connaissances (je rejoins Yan sur ce point). Il y a des dessinateurs qui sont décidément trop "bavards", Burne Hogarth par exemple. Son Tarzan a tous les muscles et leurs fibres qui saillent quoi qu'il fasse. Hogarh ne pouvait pas s'empêcher d'en rajouter, cela en devenant ridicule. Gotlib en a fait une parodie très réussi dans une des ses RAB. Dans le même créneau, il y avait Gil Kane, aux personnages beaucoup plus élégants, mais dont je n'ai jamais bien compris pour quelles raisons il allait jusqu'à représenter les muscles du nez et ses localisations graisseuses. Plus on en sait et moins on devrait en dire, c'est la leçon à retenir sans doute des grands maîtres du dessin. La tentation est toujours grande de faire étalage de virtuosité, d'accumuler les raccourcis anatomiques (Neal Adams) ou de multiplier les perspectives aériennes sur des architectures gothiques ou futuristes (qui vous voulez chez Soleil). Cela se fait en général au détriment de la lisibilité.

Sur le trait.
Quand on aborde ce domaine, on en vient à parler d'énergie et de mental, parce que c'est à cela que se résume un trait finalement. Etablir un parallèle avec les arts martiaux est facile dans la mesure où les samouraï étaient aussi des calligraphes pour certains d'entre eux et des adeptes du zen.
Chaque dessinateur a donc sa façon à lui de lancer son trait. En même temps, il y a une part qui relève de l'anatomie. C'est Giraud qui dit je ne sais plus où que cela dépend de la configuration des os du poignet et du bras, des tendons et de la musculature jusqu'à l'épaule. Si on se crispe sur l'outil, cela se voit tout de suite. Si l'on fonctionne en mode automatique, cela donne un trait répétitif, comme "en cycle" (oserais-je avancer Vance et Bilal à titre d'exemples ? Quand on regarde les drapés de Vance, on voit bien qu'ils résultent d'un automatisme : quelques zigzags sytématiques, toujours aux mêmes endroits). Le trait devient d'une certaine façon inhabité. Il reste juste une sorte d'enveloppe qui peut toutefois ne pas manquer de charme et donner du plaisir.
Il y a chez moi un petit original de Mœb. Un chevalier regarde le ciel. Le trait est filforme, probablement fait au Rotring 0,1. Aucune variation, pas de pleins ou de déliés.
Eh bien malgré tout on sent un volume incroyable, une délicatesse et une grâce dans le trait qui défie toute logique si l'on songe que le Rotring était au départ un outil d'architecte. Avec mon pote storyboader, on s'est demandé comment un tel miracle (insuffler de la vie à un trait mort) était possible. Il a émis l'hypothèse que Mœb tenait l'intrument en laissant son poignet flotter au dessus de la feuille au lieu de l'appuyer sur sa table, exactement comme un calligraphe ! Cela paraît plausible, et quand on voit la précision du tracé, presque sans reprise, on ne peut être qu'ébloui. Un véritable exercice de funambule, aucun droit à l'erreur, il n'y a pas de retouche sur le dessin.
On comprend qu'un Boucq, par exemple, pratique le kendo. La voie du sabre doit sûrement lui servir dans sa pratique professionnelle, c'est le même travail mental de concentration d'énergée qui préside aux deux activités.
Encore ne parle-t-on ici que du contour. Mais le travail de hachurage et de texturage est encore une autre discipline. Eviter le mode automatique dans ces domaines est là très difficile du fait de leur caractère forcément répétitif. Il faut avoir l'attention et la concentration présentes dans chaque trait, ce n'est pas facile. Dans "Le Hors-la-Loi", il y a cette case fabuleuse où un groupe de cavaliers traverse une rivière à gué. Il faut voir comment Gir représente la forêt dense environnante. Il n'y pas deux feuilles identiques, chaque coup de pinceau est habité d'une petite variation qui le différencie du précédent. On retrouve ça aussi dans certains dessins à l'encre très chargés en textures de Picasso (pour le coup j'ose la comparaison). A aucun moment Gir n'a dû s'ennuyer à cet exercice sinon il aurait trouvé une solution plus pratique pour représenter les arbres ! C'est donc bien que même dans ce cas extrême, il n'est pas passé sur automatique.

Tracer un trait est toujours une aventure. Certains aiment le risque, d'autres le jeu, d'autres préfèrent le confort et porter leur attention ailleurs. Mais chacun fait avec ses moyens et ses limites.

105. nemOrtel - 16/09/05 13:16 - (en réponse à : spip)
C'est toi?

104. spip - 16/09/05 13:05 - (en réponse à : Juste au passage,sans volonté d'interrompre cette interessante discussion:)
S'il y a bien quelqu'un qui détruit ce forum,ce n'est pas David t.

103. Coacho - 16/09/05 11:57
Héhé, MAM, Mon Artiste à Moi ! ;o))

un grand auteur ne serait-il que celui (ou celle) qui a les meilleurs défauts? je lance la question (sans compter qu'elle ne retombe d'ailleurs).
Ce n'est pas idiot comme question ça !
Mais au lieu de parler de "meilleur", je me demande si ça ne serait pas plus juste de dire "sublimer ses défauts" non ?
Un truc, dans la manière, qui permet de faire d'un défaut un avantage, une marque de fabrique.
Trondheim que tu citais fait partie de cette caste non ?

Il faut un peu de temps pour savoir utiliser un document, mais il en faut encore plus pour savoir le dépasser pour en faire une œuvre autonome.
Un oeuvre autonome... Dans ton post 99, Giraud à su sublimer son dessin en enlevant les rayures de la chemise du cowboy ?! ;o))

Bon, blague à part, j'avais déjà vu ces dessins et Altaïr en avait d'ailleurs déjà posté ici. C'est du grand talent !
Et pourtant, comme tu dis, il y aura toujours des gens pour dire que c'est du décalque tout pompé sans voir l'incroyable regard que porte Giraud sur son sujet.
Mais en réalité, ce n'est pas tant ces dessins qui m'ont ébloui.
J'ai eu la chance de le voir dessiner un jour et c'est plutôt ce qu'il est capable de faire d'un simple trait, sans lever le crayon de la feuille, pour faire une courbe, qui devient visage, qui devient corps, et la magie qui opère.
N'étant pas dessinateur, je suis émerveillé par cette facilité, mais je pense que je serais beaucoup lpus admiratif si j'étais justement dessinateur, en connaissant tous les points difficiles qui jalonnent la création et la représentation iconographique.
C'est sûrement un peu plus comme cela que tu perçois les choses Danyel non ?

Et que penser des expérimentations graphiques de Breccia en ces termes ? Tu as un avis sur l'auteur ?

A ce sujet, il y avait un album ou Tardi avait expérimenté une technique d'encrage particulière qui était longue, fastidieuse, pour un rendu que très peu de lecteurs avait perçu. ("Le Démon des Glaces").
N'est-ce pas une raison pour lui de changer son encrage ?
Cela ne pose-t-il pas la question de ce que fait l'auteur quand il dessine et la façon dont il prépare ou réalise son trait ?

On dérive légèrement sur l'encrage mais cela fait partie de la beauté d'un dessin aussi non ? ^___^

102. nemOrtel - 16/09/05 11:40 - (en réponse à : david t)
Toi aussi tu veux qu'on continue à violer collectivement la netiquette? Pas grave, je vais te faire une quinzaine de sujets avec ton pseudo, tu vas voir ça calme. moi je m'en fous, si vous voulez détruire ce forum pour prouver je sais pas quelle supériorité à la con, allez-y.



 


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