Un petit résumé des posts "intéressants" du
précédent sujet :
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6. Coacho - 17/08/05 11:29 - (375519)
Et bien puisqu'il en est ainsi, entrons pleinement dans la polémique que ne manquera pas de susciter ce sujet !
Je remercie Maravilla d'avoir mis en meilleure place ma modeste contribution à l'exposition de cette oeuvre qui lui tient autant à coeur qu'à moi.
Et Ro aussi pour me faire l'honneur d'être "Chronique de la semaine" sur BDT mais je souhaitais souligner une fois encore que l'important, c'est plutôt Panorama !
En fait, j'ai longtemps hésité à rédiger un petit compte rendu de mes impressions sur ce livre tant je ne me sentais pas à la hauteur. Cette rédaction, je l'ai faite sous le coup de l'émotion, encore forte et tenace, et c'est comme sur-oxygéné, un peu absent, un peu groggy, que j'ai essayé de donner un minimum de cohérence à l'expression de l'indicible...
Car c'est bien la force de ce livre que de nous emmener sur des territoires inconnus et que l'on se laisse émouvoir par ce voyage sentimental.
Je pense que les plus calés d'entre nous trouveraient beaucoup de résonance avec Panorama et des écrivains, des peintres, bref, ce que commençait à ébaucher Maravilla dans son post 3.
Je ne crois d'ailleurs pas qu'il faille remettre en cause ton activité neuronale mon Vieto à moi que j'ai, pas plus que la propre sensibilité de chacun pour apprécier ce livre.
Il faut sûrement que certaines conditions soient réunies pour se laisser pénétrer par cette histoire et que la magie opère (ce qui n'a rien à voir avec les jeunes filles blondes que l'on voit parfois tenter de remplir le même rôle en gardant des enfants ! ;o)).
Il faut tout d'abord ne pas être hermétique aux thèmes abordés et surtout, je crois, ne pas lire Panorama avec un esprit critique ou analytique car on perd beaucoup à ne pas se laisser porter par l'étrange mélodie de cet ouvrage, se laisser bercer par son lent tempo qui envahit nos sens comme parfois certaines musiques vous entêtent, à l'image de certains rythmes africains...
Enfin, je reviens sur la comparaison de Panorama avec Prestige de l’uniforme pour dire que pour moi, Loo Hui Phang est une créatrice de talent, et qu’elle sait aller d’un thème à l’autre avec toujours beaucoup de sensibilité et d’intelligence.
Mais autant la construction du dernier de ses ouvrages est remarquable et touchante, autant on n’en reste plus impressionné qu’ébouriffé.
Et Dieu sait combien j’ai apprécié « Prestige de l’uniforme » !
Panorama emporte son lecteur d’une façon dévastatrice, émotionnellement parlant, et ne permet plus le même style d’enthousiasme ressenti à la lecture de Prestige de l’uniforme car, comme écrit plus haut, la sensation est indicible…
Enfin, je ne suis pas sûr de bien me faire comprendre en fait !
Alors en espérant que la tentative salissante d’Alban n’altèrera pas l’envie des internautes de découvrir ce livre hors-normes ( ;o)), j’espère moi aussi que ce lieu puisse devenir celui d’échanges constructifs pour soutenir une œuvre trop confidentielle qu’Atrabile a la chance de posséder dans son catalogue !
Mais j’ai aussi peur que l’enthousiasme que nous partageons Mara et moi soit peut-être paralysant, voire bloquant pour certains dans le sens que l’on peut peut-être promettre beaucoup et risquer de décevoir le lecteur potentiel ?
C’est un peu ce que j’ai ressenti après Ripple…
J’avais adoré ce livre et donné mes sensations un peu rapidement de telle façon que j’avais peut-être donner l’apparence de « sur-vendre » un livre qui pourtant, comme Panorama, m’avait littéralement absorbé…
Hors j’aimerai que le plus grand nombre puisse se laisser aller à la même rêverie ressentie à cette délicieuse lecture… Essayez-là au moins, et je promets d’essayer d’être plus court dans mes posts ! ;o)
4. Ro - 17/08/05 09:51 - (375513)
Puisqu'on en parle et puisque ce thread est amené à devenir extrêmement polémique et mouvementé, je voulais juste vous faire remarquer que la critique de Coacho reproduite ci-dessous a par ailleurs été nommée "Critique de la semaine" sur le site www.BDtheque.com.
Quel artiste du clavier, ce Coacho !
3. Maravilla - 16/08/05 14:50 - (375374)
J'ai personnellement beaucoup moins aimé Le Prestige de l'uniforme.
Mais dans Panorama, il y a du Buñuel, du Bernanos, du Salinger ou du Lynch. C'est aussi envoûtant que déroutant, entre onirisme, fantasme ou phobie, et pourtant, ça raconte quelque chose.
J'espère que ce bijou va trouver quelques lecteurs de plus grâce à ce forum.
2. Vieto - 16/08/05 12:39 - (375362)
P'tain, il m'épate toujours, mon Coacho à moi que j'ai : quel style!
Il m'a donné envie de relire ce bouquin qui personnellement m'a paru assez hermétique.
Ca m'a fait un peu le même effet que Blutch, je sens que je devrais trouver ça génial, mais qu'il doit me manquer quelques neurones pour apprécier.
J'ai par contre adoré Le Prestige de l'Uniforme.
1. Maravilla - 13/08/05 19:41 - (375126)
Je remets ici la critique du père Coacho, qui vaut le détour, et pour permettre à ce livre hors-norme mais néanmoins incroyable d'avoir une meilleure visibilité.
Ce que dit Coacho est assez juste et sensible. Les sentiments d'étourdissement qui déboussolent le lecteur, pour le laisser planer dans une douce torpeur, entre érotisme et perturbation morale, voyeurisme, désir et malaise, confèrent à ce livre une mélodie qui n'a pas de comparaison possible dans le paysage bédéïstique contemporain. Ca arrive, comme ça, comme des jaillissements rarissimes : un ovni, un bijou, un travail d'orfèvre. C'est suffisamment rare pour devoir plus qu'en parler, peut-être militer. Et ce livre qui a déjà presque un an n'a pas eu l'exposition qu'il méritait. Le faire ici, c'est pas grand chose, mais c'est toujours ça. Espérons que l'onde se répande.
Coacho :
"Parfois, vous ouvrez un livre, vous le parcourez, puis vous le lisez attentivement pour en ressortir d’une humeur différente. Il s’est passé quelque chose, vous avez été transformé.
Vous ne savez ni comment, ni pourquoi mais c’est pourtant bien réel.
Vous avez envie de communiquez à votre entourage ce sentiment mais voilà que vous ne savez pas comment faire cela. Comme une paralysie lexicale, ou bien la sensation de ne pas être à la hauteur d’exprimer correctement ce que vous avez ressenti sans risquer d’abîmer ou dénaturer l’œuvre…
C’est le cas de « Panorama », dessiné par Cédric Manche et scénarisé par la brillante Loo Hui Phang que l’on connaît dernièrement pour son non moins sublime « Prestige de l’uniforme ».
Cette scénariste a le don de nous conter des histoires hors-norme face auxquelles il est difficile de rester de marbre.
Mais quid de « Panorama » donc ? Puis-je essayer d’en dire quelque chose de cohérent ?
Sur la base d’une idée simple, nous sommes conduits à pénétrer la vie d’une maison de famille dont les 2 locataires sont aussi différents que complémentaires.
Hariyoshi est un étudiant un peu désabusé et cynique qui termine sa thèse de littérature.
Yukio est plus mystérieux mais semble être un photographe fortuné dont les sujets de prédilection se trouvent du côté de la gente féminine.
Ami et mécène, Yukio suscite, consciemment ou non, une fascination de la part d’Hariyoshi.
M. Mizumi, le propriétaire, fait le lien entre ces deux personnages en les appréciant tous les deux mais en les opposants tout de même, signe d’une aigreur dont nous ne connaîtrons peut-être jamais les raisons…
Dans cette maison, les femmes se succèdent et Hariyoshi, intrigué, va se laisser aller à quelques curiosités bien coupables qui ne vont qu’aiguiser plus encore sa curiosité et son envie de s’approprier le personnage de Yukio, qui devient peu à peu son ami…
Tout en délicatesse, l’histoire rédigée par Loo Hui Phang va nous montrer le chemin trouble que va emprunter ce jeune étudiant qui, pour aussi cynique qu’il puisse être, n’en est pas moins jeune et naïf.
Il passera par le jeu des confidences, celui de la découverte des femmes d’âge mûrs (ou plus perverses), découvrira des pratiques jusqu’alors inconnues de lui, et connaître l’obsession.
En effet, de nombreuses cases illustrent celle-ci par ces créatures « pluri-mamellaires », qui serpentent et l’enserrent, jusqu’à l’intenable.
Ce trouble confirmera son changement de personnalité et conduira inexorablement Hariyoshi à sa mutation en adulte, définitivement, quand il se heurtera aux vices, secrets, et situations particulièrement confuses qui tissent la vie familiale de son ami Yukio.
Cela le conduira à un abandon (de sa chrysalide ?) et à une chute vertigineuse d’un point de vue sentimental.
La perdition, la perversion, l’abandon, le travestissement, jusqu’à l’humiliation même, finiront d’achever sa mutation. D’autres épreuves l’attendent et seront impitoyables.
Le dessin de Cédric Manche est on ne peut plus juste.
Clair, épuré, et non pas minimaliste, il souligne parfaitement les apnées orchestrées par la diabolique Loo Hui Phang qui nous entraîne dans un maelström émotionnel, au rythme nonchalant, qui nous fait finement et habilement accepter le franchissement souvent difficile de ce que notre morale réprouve, sème le trouble, révèle des éléments pour mieux en cacher d’autres.
Les allusions sont légion, les révélations sont prises avec émotion, les silences sont parlants alors que certains dialogues sont volontairement silencieux, bref, vous l’aurez compris, avec beaucoup de sensibilité, vous traverserez toute une gamme de sentiments simples et complexes sans que la dualité soit basiquement binaire.
Qu’ai-je réussi à en dire ? Je ne sais pas… Je suis sûrement aussi illisible que perdu dans ma contemplation introspective. Ce livre est beau, riche, fort, émouvant, frissonnant, inhabituel, prenant, troublant et, à coup sûr, envoûtant pour quiconque veut se laisser bercer par ce conte qui gravite entre réalité et onirisme. Bravo et merci."
Merci aussi à toi Monsieur Coacho.