que pensent les professionnels de la DEBAUCHE de Tardi et Pennac ?

Quand les professionnels reagissent a l'album de Tardi et Pennac: LA DEBAUCHE, cela donne l'article suivant, paru dans le quotidien belge "le soir" (supplement emploi, bien sur). La situation sociale belge est differente de la situation francaise, mais les reactions n'en demeurent pas moins tres interessantes, et j'aimerais savoir ce que les DRH francais en pensent… et pourquoi diable ont-ils voulu garder l'anonymat ?

UN DRH, ANTIHÉROS DE BD
Daniel Pennac, écrivain, et Tardi, auteur de bande dessinée, clament leur colère contre les licenciements abusifs. En images.
Dédié à tous les «virés, les éjectés, les humiliés...», «La Débauche» est le fruit de la collaboration de deux des plus grandes stars du monde de l'édition: Daniel Pennac le romancier (la saga des Malaussène...) et Jacques Tardi, le dessinateur de bande dessinée (Adèle Blanc-Sec...). Cet album, surprenant à plus d'un titre, brosse au travers d'une passionnante intrigue policière située dans le Paris d'aujourd'hui, le portrait d'un DRH, exploitant la misère humaine - celle du licenciement abusif et du chômage interminable - pour mieux vendre les produits de sa multinationale: des aliments pour chiens. On ne dévoilera pas ici comment, mais la manière de procéder est aussi efficace que peu ragoûtante...
Après Procter Gamble et Coca-Cola, l'annonce cette semaine par un autre géant des produits de grande consommation, l'anglo-néerlandais Unilever, de procéder à des coupes sombres dans ses effectifs (25.000 emplois supprimés!) pour doper ses bénéfices apporte évidemment du grain à moudre aux deux compères qui, dans leur opus, s'en prennent au travers de ce patron-DRH sans scrupules aux affres de la mondialisation de l'économie et de son florilège de restructurations et de suppressions d'emploi.
UNE VISION TRES FRANCAISE
Qu'en pensent ceux dont les relations sociales sont le métier quotidien?
C'est évidemment caricatural et donc un peu excessif, observe un conseiller social d'une fédération professionnelle, qui a préféré garder l'anonymat. Cette description du chômage correspond à une vision très française de la situation; le taux de syndicalisation chez nous est nettement plus élevé et la protection des travailleurs plus forte dans ces cas-là. En Belgique, le tribunal du travail est présidé par un juge professionnel assisté par deux juges sociaux représentant l'un le patronat, l'autre les syndicats.
Pour une responsable (qui elle aussi a voulu rester anonyme...) des ressources humaines d'une grande firme de distribution d'électronique de loisirs, «La Débauche» donne une vision tronquée des relations sociales dans l'entreprise:
L'histoire est compliquée et la vision des relations sociales très grossière, juge-t-elle dans un premier temps avant de reconnaître que, ici et là, les auteurs parviennent à évoquer habilement les conséquences sociales et familiales souvent dramatiques du licenciement. Ils mettent le doigt sur certaines dérives de notre système économique et social, ajoute le conseiller social, notamment la propension qu'ont les entreprises à prépensionner. Or, cela leur coûte cher à la communauté, et on se rend compte aujourd'hui que cette main-d'oeuvre expérimentée est bien nécessaire à une époque où certaines ressources se font rares sur le marché de l'emploi.
Au-delà du directeur des ressources humaines caricatural présenté dans la BD, il y a une autre réalité bien tangible dans l'entreprise qui n'y est pas abordé, tient aussi à faire remarquer notre interlocutrice: Celle des petits chefs: dès qu'ils ont une parcelle de pouvoir, ils ont tendance à en abuser, au point de demander le licenciement d'un de leurs collègues pour des questions d'animosité personnelle.
Mais ce qui a sans doute le plus intéressé notre conseiller social, c'est la confrontation entre l'humain et le financier, le fait de considérer l'homme comme une marchandise que l'on jette, quand les résultats financiers ne correspondent pas aux objectifs de rentabilité. Une question d'une brûlante actualité ces jours-ci. Mais les artistes ont parfois une longueur d'avance.
JEAN-FRANÇOIS SACRE
«La Débauche», Jacques Tardi et Daniel Pennac, éd. Futuropolis/Gallimard, 80 p., 635 F.
© Le Soir du samedi 26 février 2000

Autrement dit, on tempere (mais la debauche est un pamphlet, donc certaines situations sont evidemment exagerees) mais on admet quand meme que tout n'est pas faux et que meme certaines choses sont tres justes… une preuve de plus de la qualite de l'album, et une raison de plus de se precipiter.
Au passage, cet article etait suivi d'un entretien avec Tardi et Pennac, qui n'apportait rien de neuf par rapport aux autres entretiens qu'ils ont donne precedemment, je ne l'ai donc pas repris (surtout qu'il n'est pas sur le site du soir, et je n'avais aucune envie de le retaper ;o))
A+