Je vais faire plus long que Coacho (!!!!!!) pour une fois, et tenter de donner un avis rationnel sur un album qui, à mon humble avis, ne l'est pas. Mais l'amour l'est-il ? Ca tombe mal, j'aime cet album. Prado nous emmène, telle la craie sur le tableau bleu de l'océan, vers cette île inconnue, ce caillou blanc oublié par un poucet. Et nous y voilà, sur cette île étrange où rien ne se passe, où rien ne semble devoir, pouvoir se passer. Et pourtant, ici on tue. Le temps surtout. Ici on aime. Ici on oublie la raison, les raisons, on oublie pourquoi on est venu, on oublie... quoi? Les pages se tournent seules, comme une mécanique d'horloge. Tic-tac, tic-tac, tic-tac, ticaticatoucaticaticatoc, le temps se débloque, et le monde devient fou. Un jour on méprise, une nuit on appelle au secours. Et puis, tout ça est emporté par le vent, comme la craie sur un tableau noir. Peut-être n'y a t'il rien à comprendre, au fond. Peut-être Trait de craie n'est-il qu'un poème graphique, mélancolique, sur le décalage toujours plus grand entre la nostalgie d'un moment blessant, et le temps qui s'en écoule. Qui s'écoule, jusqu'à l'océan. Mélancolie d'un moment précis, où tout peut changer, où tout change parfois, parfois jamais. Mais toujours, les regrets. Blancs comme la craie. Et pour trouver la bonne lumière sur cette île qui fait tourner les têtes, mieux vaut monter en haut de son phare éteint. Et de là, embrasser l'océan du regard, en se demandant si ce n'est pas là, le seul endroit clair de l'aiguille qui ne bouge pas. "Inutile phare de la nuit..." Comme cette inscription à la craie, sur le mur jetée : "between the sky and the sea". Je reviendrai l'année dernière, sauf si j'oublie.