Parce que j’ai adoré « Tout seul » et « Henri Désiré Landru » de Chabouté, je me suis mis à découvrir quatre autres œuvres de cet auteur pour le début de 2009. Et ça tombe bien ! Parce que j’ai apprécié le premier d’entre eux : « Zoé ». Zoé est une jeune femme qui vient de sortir de prison, elle y a passé dix ans de sa vie… elle va vivre dans un petit village perdu au fin fond de la France, là où sa grand-mère qui est décédée depuis peu lui a légué sa maison. Malgré les réticences des habitants qui voient d’un mauvais œil l’arrivée d’une « étrangère », Zoé aspire à habiter dans ce bled qui semble respirer la tranquillité. Elle va faire connaissance d’un simple d’esprit, d’une vieille folle dans le cimetière et de choses qui semblent très louches… On ne peut pas dire que c’est une lecture sympa que nous propose Chabouté parce que son histoire est assez noire, parce que son dénouement est désespérément immoral ! Mais voilà, moi, j’aime beaucoup qu’un auteur sorte des sentiers battus d’un « happy end » à la hollywoodienne, qu’un scénariste arrive à m’impressionner et ne me laisse pas indifférent à la fin d’une lecture ! Bref, j’ai trouvé cette lecture très captivante et attachante par son atmosphère étrange. Mais revenons un peu sur le récit proprement dit : Chabouté nous présente une galerie impressionnante de personnages du « terroir », ces derniers peuvent paraître très stéréotypés car ils s’apparentent la plupart du temps à des brutes, à des types forts en gueule très attachés à leur terre… bref, ce sont des paysans très conservateurs, à la limite idiots, en tout cas, ces gus sont très loin de ressembler à José Bové et ceux dont je garde de très bonnes relations ! L’arrivée de Zoé, la seule « étrangère » et aussi la seule jeune de ce patelin, va faire ressortir des vieilles histoires pas si innocentes que ça ! Et tout ceci prend sa source à partir d’une « mise à mort » d’une sorcière et d’autres trucs ésotériques de ce genre… ça peut absurde tout ça mais dans ma région (la Picardie), il existe des endroits où on trouve des tissus accrochés à des branches d’arbres au bord des petites routes départementales : ce sont des femmes qui les attachent lorsqu’elles viennent d’avoir un enfant, ceci afin que ça leur porte bonheur… alors, toutes ces croyances que nous balancent Chabouté à travers son récit, je me dis « Pourquoi pas ! ». Ce qui fort avec cet auteur, c’est que la plupart des personnages qu’ils soient mauvais, inquiétants ou pas me sont apparus captivants, Chabouté est à ma connaissance un des rares scénaristes à nous intéresser à ce point à ses protagonistes. Pour moi, Chabouté est actuellement un des meilleurs metteurs en scène de la bande dessinée : il le doit au format de ses livres qui lui permet de faire respirer ses récits, d’ailleurs, il serait assez intéressant de le voir à « l’œuvre » sur des albums standardisés aux 48 pages… Chabouté est aussi –à mon avis et de nos jours- un des meilleurs dessinateurs en noir et blanc. J’aime beaucoup son travail pour les ombres qui lui permet de créer des ambiances : ceux-ci sont de plus en plus noirs lorsqu’une scène va vers une atmosphère tendue. Seule, la représentation de Zoé ne m’a pas parue très convaincante car elle parait avoir 25 ans alors qu’elle vient de passer dix ans en prison… Il est clair que « Zoé » ne vous laissera indifférent à la fin de la lecture, un peu comme « Henri Désiré Landru » du même auteur… moi, j’apprécie beaucoup qu’un récit me marque à ce point (surtout le dénouement) ! Et ce, malgré des clichés sur les habitants du monde rural dont cette histoire se situe. Le dessin et surtout la mise en scène de Chabouté sont –à mon avis- comme d’habitude excellents. Pour tous les bédéphiles qui n’ont pas peur d’être découvrir un dénouement pessimiste : cette bd est à lire impérativement !