Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

Sanctions (Alpha) par Thierry Bellefroid
« Sanctions », N°5 de la série Alpha, par Jigounov et Mythic. . Dans la collection Troisième vague du Lombard.

Alpha s'est imposé en peu de temps comme le chouchou de Troisième Vague. Au Lombard, on se frotte les mains :non seulement, la série cartonne, mais en plus, elle tire derrière elle toute cette jeune collection dont les chiffres de vente ne sont pas négligeables. Pourtant, Alpha a beaucoup changé. Passant du papier à l'ordinateur, Youri Jigounov a peut-être perdu un peu de spontanéité. Mais il a surtout gagné en efficacité et en propreté. Le côté un peu brouillon des débuts a maintenant disparu de son dessin, aujourd'hui plus précis et dégagé de traits inutiles. Les découpages ont suivi la même voie. Même les couleurs sont un peu moins criardes, mais l'ordinateur leur donne en revanche ce côté trop lisse et artificiel qui caractérise nombre de BD actuelles (et que certains, à tort, imputent à la technique informatique, faisant bien rire ceux qui arrivent à manier celle-ci sans qu'on se doute une seconde qu'ils y ont eu recours). Quant au personnage, il semble cette fois fort en retrait, presque spectateur de sa propre enquête ce qui ne peut que le rendre plus sympathique. Dommage qu'il effectue un triple salto arrière sur la fin en se posant comme le grand détenteur de la vérité en trois pages finales très bavardes qui gâchent l'ensemble. Il n'empêche, cet Alpha est plutôt à placer dans les bons que dans les mauvais albums de la série. Sans innover d'une virgule, Mythic recycle habilement des ingrédients déjà mille fois employés en BD et au cinéma pour faire monter la sauce. Qu'à cela ne tienne, l'intrigue n'est pas mauvaise, l'histoire bien menée et le public en redemandera.
« Anna des mille jours », Dallas Barr N°5 par Marvano et Haldeman. Dans la collection « Repérages » de Dupuis.

Nouvelle histoire pour notre immortel, Dallas Barr. Et là où on croyait s'installer dans une certaine routine, Haldeman parvient à nous surprendre. L'idée de faire surgir du passé une fille de plus d'une cinquantaine d'années qui vienne demander son dû au père qui ne l'a pas élevée est surprenante, car elle ne cadre pas avec l'esprit de la série. Anna est donc un beau cadeau, pour Dallas Barr. Un cadeau empoisonné, bien sûr. Mais Anna est-elle vraiment la fille de Dallas Barr ? Les auteurs s'amusent à jeter le lecteur sur des fausses pistes, et même les analyses d'ADN peuvent devenir suspectes dans un monde à la technologie aussi avancée que celui dans lequel vivent nos héros. Bref, les ingrédients sont à la fois originaux et intéressants, le rythme reste soutenu, les surprises sont nombreuses. Cerise sur le gâteau, l'album ne nous laisse pas sur notre faim et offre une fin provisoire à l'histoire, tout en laissant ouvertes une série de portes intriguantes pour la suite. Bref, tout cela est diablement bien mené, toujours aussi bien découpé, dessiné sans effets inutiles (mais avec des couleurs qui ne sont guère excitantes, elles). Du bon boulot, quoi.
« Aphrodite, livre troisième », par Pierre Louÿs et Claire Wendling, aux Humanoïdes Associés.

Incroyable, quand on y pense. Claire Wendling n'a derrière elle qu'une seule série -et quelle série- : « Les lumières de l'Amalou » (disponible -et hautement recommandable, même- sous forme intégrale aux éditions Delcourt. Scénario de Gibelin à qui l'on doit aussi les excellents « Vieux Ferrand » et « Ailes de plomb » chez le même éditeur) Pourtant, cette dessinatrice originaire de Montpellier a déjà une réputation internationale. En 1997, elle s'envolait d'ailleurs pour les Studios Warner, à Los Angeles, après avoir travaillé sur « The Quest for Camelot » (Excalibur) à la demande de Warner France. Delcourt a d'ailleurs réuni quelques-uns de ces dessins « américains » sous le titre « Desk », un petit bijou de 64 pages. C'est que Claire a de l'or dans les doigts. Elle le prouve en assurant le troisième volet de l'adaptation de Pierre Louÿs entreprise par les Humanos. Une troisième partie plus noire que les précédentes qui lui va à ravir. Car Claire, tournant le dos à son prénom, s'aventure dans les souffrances de l'âme humaine (en l'occurrence, celle d'Aphrodisia) et nous propose des dessins au fusain sur carton et quelques aquarelles dont le trait commun est avant tout la noirceur. Très loin des deux premiers essais magistralement assurés par Manara et Bess, Wendling ne se soucie plus d'évoquer ici la sensualité. Epousant parfaitement le tournant que prend le récit de Pierre Louÿs, elle se fond dans l'univers de peintres pratiquement contemporains de l'auteur d'Aphrodite.
Ainsi, comment ne pas penser à Gustav Klimt en découvrant la couverture, l'huile de la page 46 ou le fusain de la page 33 ? Il y a la même approche de la femme, le même type de postures, les mêmes ornements de décor (même si le dessin de la page 33 va beaucoup moins loin que les tableaux du maître autrichien dans le domaine de l'ornementation). En revanche, les corps noueux et décharnés des pages 7, 9, 21 ou 39, évoquent immanquablement Egon Schiele, né en 1890, soit six ans avant la sortie du livre de Pierre Louÿs et mort en 1918. Schiele qui a régné en maître sur l'expressionnisme autrichien. D'autres dessins rappellent également le namurois Félicien Rops, né en 1830 et mort en 1898. Bref, Claire Wendling n'a pas travaillé ses illustrations au hasard et a voulu rendre hommage aux expressionnistes qui étaient à la fois les contemporains de Pierre Louÿs et les meilleurs ambassadeurs de cette partie du récit. Elle réussit brillamment à rehausser le livre initial et ne souffre pas de la comparaison des grands maîtres dont elle s'inspire car elle prend suffisamment de distance avec leurs oeuvres. Surtout, elle met la barre très haut pour le quatrième et dernier illustrateur chargé de conclure cet essai de symbiose entre art, littérature, érotisme et bande dessinée.
Leopold (Le dernier Marduk) par Thierry Bellefroid
« Léopold », tome 1 de la série « Le dernier Marduk », par Eric Liberge. Chez PMJ.

Eric Liberge quitte provisoirement Monsieur Mardi-Gras Descendres (deux tomes parus chez Pointe Noire) et nous prouve qu'il a plus d'une corde à son arc. Infographiste, Liberge nous montre ici ce qu'il peut faire en mélangeant habilement diverses techniques de dessin. L'ordinateur n'est jamais loin dans ce « Marduk », mais il s'insère dans un graphisme très BD qui ne renie ni le coup de crayon ni le trait de la plume. Le résultat est étonnant, notamment parce que le noir et blanc est très bien exploité, parce que les décors oscillent entre réalisme architectural et fantastique. En fait, « Le dernier Marduk » a quelque chose des Cités Obscures de Schuiten et Peeters, et pas seulement parce que l'histoire raconte comment une ville est victime de la maladie de la pierre qui tue, une sorte de gangrène qui fait s'écrouler les immeubles les uns après les autres... et disparaître leurs occupants. Cette ville malade qui déteint sur ses tristes habitants, cette architecture rappelant Prague mais jamais totalement fidèle, cette utilisation des mondes parallèles ont en effet un côté « Cités Obscures ». Mais la comparaison s'arrête là. Notamment parce que le dessin d'Eric Liberge n'a rien à voir avec celui de François Schuiten. Très libre, très inventif aussi, il explore les mondes à la façon d'un aventurier touche à tout. Le résultat est réussi. Léopold, sur les traces du dernier Marduk, découvre comment se prépare l'avènement de la nouvelle Babylone sur les ruines de Krpeliany (merci le nom facile à prononcer dans les conversations entre amis.. ou les chroniques radiophoniques !). Il nous entraîne dans une histoire peut-être un rien trop courte pour décoller vraiment. Mais le prochain volume viendra sans doute combler ce petit manque.
Mormol par Thierry Bellefroid
« Mormol », par Sardon. A L'Association.

Le très rare Sardon (trois albums en cinq ans dont deux dans la minuscule collection « Patte de Mouche » de L'Asso) nous propose une jolie fable toute en rondeur. On entre dans ce « Mormol » comme dans les ouvrages de Bruno Heitz. Comme un clin d'oeil, l'histoire démarre d'ailleurs par une conversation entre le héros et un livreur de volailles qui l'a pris en stop (plus ou moins forcé) dans sa fourgonnette, sur le thème « la cambrousse, ça sent mauvais ». Mais « Mormol » n'est pas le « privé à la cambrousse » et Sardon n'est pas Heitz. Il y a ici une chronique douce-amère de la vie d'un pauvre type. Mormol glisse sur la vie comme un ski fou sur une piste noire. On croirait qu'il ne peut rien lui arriver, tant le personnage semble transparent. Et de fait, il ne lui arrive pas grand chose, du moins dans un premier temps. Mais la machine se dérègle, puis s'emballe. Le gentil Mormol est-il le responsable des catastrophes en série qui jalonnent son parcours ? Attire-t-il les emmerdes comme un aimant la limaille ? Les habitant de St Balbin ne prennent pas le temps d'y réfléchir. C'est tellement plus simple de désigner un coupable que de le juger...
Ibicus - tome 3 (Ibicus) par Thierry Bellefroid
« Ibicus, Livre 3 », par Rabaté, chez Vents d'Ouest.

A force d'insister, je finirai par paraître suspect : Pascal Rabaté est un génie. Génie du dessin, d'abord. Après avoir travaillé ses deux premiers tomes au lavis, il s'est mis à l'acrylique. Le résultat, à l'impression, n'est guère différent des deux premiers. Mais voir ses planches originales permet de comprendre tout le trajet effectué depuis les débuts de cette audacieuse adaptation d'Alexis Tolstoï. Avec l'acrylique, Rabaté travaille moins la transparence et davantage la matière. Il privilégie les gris. Et surtout, il se passe désormais totalement de crayonné. Seul le pinceau le guide. Le résultat est toujours aussi magique. Ibicus reste un souffle qui vous emporte à chaque album, quelles que soient vos attentes. Avec ses visages déformés et ses « effets de caméra », Pascal nous entraîne dans l'univers tortueux et sans scrupule du plus veule des héros de BD. Siméon Nevzorov est plus pleutre que jamais dans ce livre troisième. Et Rabaté le maltraite avec un plaisir évident. Brillamment réussie, cette adaptation n'a rien d'un roman mis en image. C'est de la narration, de l'image et de l'évocation. Car à l'instar d'un Guibert, Pascal Rabaté n'en rajoute jamais. Aucun détail inutile dans les décors, aucun frein à la lisibilité. Juste ce savant mélange de signifiant et d'esthétique. Prenez une planche au hasard, mettez-la sous verre. Ca y est, vous avez un très joli cadre ! Tout ça pour dire que les planches d'Ibicus ne sont pas seulement belles. Elles sont équilibrées, chaque case y a sa place et met les autres en valeur. Avec ce livre troisième, Pascal se montre bel et bien à la hauteur de ce qu'on peut attendre d'un dessinateur qui a reçu l'Alph'Art du meilleur album.

Si vous passez par Bruxelles, ne manquez pas la superbe expo organisée par la librairie Brüsel (100, Boulevard Anspach, à 1000 Bruxelles, jusqu'au 6 novembre). Et si vous ne pouvez pas vous y rendre, faites un tour sur leur site, www.brusel.com, vous pourrez au moins y visiter l'expo virtuelle.
No Limits par Thierry Bellefroid
« No limits » par derib, dans la collection Signé des éditions du Lombard.

Bon, c'est vrai, « No limits » est très premier degré, très attendu, cousu de fil blanc. Mais passé ce constat évident, l'album n'est pas dépourvu de qualités, loin de là. A commencer par celles de son auteur, qui débordent des cases. Derib n'est pas à son coup d'essai en matière de BD « éducative ». Il signe ici la plus évidente d'entre elles. Qu'est-ce qui peut toucher plus de jeunes, en effet, que la simple crise d'adolescence décuplée par un divorce parental ? Plus que la drogue, plus que la prostitution ou le SIDA, il s'agit d'un thème universel qui concerne tous les ados. Reste à savoir s'ils se laisseront prendre par la main et conduire comme de gentils agneaux vers un happy end inéluctable... Rien n'est moins sûr. Car derrière les motivations tout à fait louables du projet demeurent certaines interrogations. Comment les jeunes élèves mis en présence de cette histoire par leur professeur de morale ou de français vont-ils prendre la chose ? Comment « l'obligation » de lecture jouera-t-elle en défaveur du propos ? Difficile d'y répondre. En Suisse, en tout cas, plusieurs « sponsors privés» ont rejoint les pouvoirs publics et ont déjà acheté des centaines d'exemplaires pour les offrir aux écoles. Leurs fonds s'ajouteront à ceux de la « Fondation pour la Vie » créée lors du projet « Jo », cette BD sur le SIDA dessinée au début des années 90 par Derib et que l'auteur voulait largement diffuser parmi les jeunes. Le principe, cette fois, est plus compliqué. « No limits » existera en deux versions. La version commerciale, disponible en librairie, servira de bailleur de fonds pour le projet. Les droits d'auteur seront intégralement reversés à la Fondation qui pourra, avec cet argent, imprimer l'autre version, la version éducative. Moins onéreuse et surtout agrémentée d'un dossier spécifique, cette BD-là devrait inonder les écoles suisses, françaises et belges, où elle sera proposée gratuitement.
Au-delà de l'aspect purement pédagogique du projet, la BD -la vraie, serait-on tenté de dire- se vendra donc en librairie ; elle figure dans la collection « Signé » d'une maison d'éditions très « morale », souvent décrite comme historiquement catholique. Mais elle figure aussi au milieu d'un catalogue qui reprend désormais l'ensemble de l'oeuvre de Derib. L'un ne va pas sans l'autre. Derib se sent bien au Lombard parce que le Lombard apprécie Derib, son engagement et son talent. Il faut donc voir ce nouveau livre « engagé » comme le résultat à la fois d'une volonté personnelle de l'auteur (qui s'affirme de plus en plus au fil des ans) et d'une complicité avec un éditeur qui sait pourtant que « No limits » n'atteindra sans doute pas des chiffres de vente proches de ceux d'un « Alpha », par exemple. Fort du succès de ses dernières séries, le Lombard peut se permettre de jouer les mécènes et on ne peut que l'en féliciter. Espérons simplement que le lecteur fera la différence entre cet album et d'autres titres de la série comme le récent « Liens de sang » de Hermann...
Quant à l'histoire, elle est aussi simple que révélatrice du malaise que peuvent ressentir les jeunes d'aujourd'hui. En choisissant un trio d'ados (la soeur aînée et ses deux frangins) très « dans l'air du temps » (beau talent d'observation de Derib en matière de look des personnages, entre autres) l'auteur peut espérer toucher plusieurs couches d'âge et les deux sexes, en dépit du côté très masculin de l'album. Le récit est bien découpé, bien mené. Même si, comme je l'écrivais plus haut, il ménage peu de surprises. Et surtout, il y a le trait de Derib, vif, aéré, que l'on connaît et que l'on apprécie depuis plus de 35 ans.
« Les mangeurs de rouille », tome 4 de la série Chinaman, par TaDuc et Le Tendre. Aux Humanoïdes Associés.

Retour en force du moins américain des western. Après avoir un peu perdu son âme en louchant vers les classiques du genre (dans « Pour Rose », le tome 3), Chinaman retrouve tout ce qui fait sa spécificité. Et c'est tant mieux. Car ce quatrième opus est peut-être bien le meilleur depuis le tout premier qui bénéficiait, lui, de l'effet de surprise.
Le Tendre s'amuse ici à confronter son héros chinois à un épisode du Far West pourtant totalement éculé : la construction du chemin de fer. Y penser, c'est déjà avoir un certain nombre d'images indélébiles en tête, allant de Blueberry à Lucky Luke en passant par Comanche. Pourtant, il y avait moyen de faire du neuf avec cette page d'Histoire déjà tant disséquée par la BD. Il suffisait d'adopter un autre point de vue, en l'occurrence celui du Chinois. Et Le Tendre réussit parfaitement à nous faire oublier les autres BD du genre. Mieux, il redonne à Chinaman une raison d'exister dans le paysage surchargé du western. La rivalité entre les ouvriers irlandais et chinois sur le chantier, les « hommes-paniers », les codes et les lois régissant la vie de la communauté chinoise, tout cela constitue la matière d'une histoire originale et inédite que TaDuc dessine avec beaucoup de minutie. Au contraire du précédent, que j'avais parfois ressenti comme bâclé, cet album me semble soigné. Découpage, décors et personnages sont efficaces et mériteraient peut-être un plus grand format.
« Le chemin de Laurie », tome 4 de la série « Le cercle des Sentinelles ». Par Desberg et Reculé, chez Casterman.

Pas facile de reprendre une série au pied levé. C'est pourtant ce que réussit Henri Reculé dans ce quatrième et ultime tome du cercle des sentinelles créé par Wurm et Desberg. Il n'y aura pas de suite pour autant. Reculé, qui travaille déjà avec Desberg chez les même éditeur sur la série Poppéa, a accepté de « dépanner » son ami et scénariste désireux de mettre fin à son association avec Wurm, mais soucieux de terminer une histoire inachevée. Pas la peine de chercher pour quelle obscure raison le tandem original n'a pu aller au-delà de trois albums, penchons-nous tout simplement sur le quatrième. En commençant d'abord par saluer la prestation graphique de Reculé qui donne au récit une vivacité ou une nervosité qu'il n'avait pas jusque-là et qui tombe fort à propos dans cet album plus violent que les précédents. Peu à peu, en effet, les collégiens de Cambridge ont vieilli. Une certaine innocence, qui caractérisait le début de la série, a fait place à davantage de réalisme. L'histoire entamée avec le troisième tome « Bienvenue Mister Gandhi » trouve ici un prolongement grave et tendu auquel on ne s'attendait pas nécessairement. Intelligent, documenté, historique, le scénario ne vire jamais pour autant à la tranche d'Histoire. Ces tomes trois et quatre reposent sur la fin de l'Empire colonial britannique et sur l'Indépendance de l'Inde et du Pakistan. Plusieurs personnages sont réels et leurs motivations tout à fait plausibles. Mais on est bien dans de la BD, dans la mesure où les principaux protagonistes sont des personnages de fiction souvent guidés par une vision romanesque de la vie. Le souffle de la grande aventure n'est pas loin. Et Desberg a la bonne idée d'y jeter de jeunes adultes pétris de défauts et de contradictions, ce qui les rend justement crédibles et intéressants. Dommage, bien sûr, que Wurm n'ait pas été de l'aventure jusqu'à la fin, pour une question de cohérence. Mais que cela ne vous empêche pas de lire cet album, ni les trois précédents.
« Marcher dans Carthage une nuit sans lune » tome 2 de la série Koblenz. Par Thierry Robin. Chez Delcourt.

Thierry Robin est un dessinateur hors norme. Soucieux du moindre détail -pour ne pas dire maniaque, mais au bon sens du terme !- il nous livre des albums qui sont autant de petits bijoux. Celui-ci nous emmène à Carthage, puisque Koblenz change d'époque et de lieu à chaque histoire. Et Thierry nous livre une vision personnelle, totalement onirique de cette ville détruite. Mais une vision qui s'appuie sur des recherches minutieuses et un patient travail d'archiviste. C'est là tout l'intérêt de ce livre, à cheval entre rêve et Histoire. Le lecteur perd un à un ses repères et plonge à l'intérieur du monde imaginé par Thierry Robin pour ses héros. Un monde qui renvoie aux lectures et aux films vus par l'auteur sans jamais les plagier. Ici, l'érudition sert l'imaginaire, à la manière d'un David B ou d'un Emmanuel Guibert. C'est rare. C'est riche. C'est beau. Et c'est, en plus, empreint d'une émotion toute personnelle qui déteint sur le lecteur. C'est vrai, les méandres de l'histoire ne sont pas toujours faciles à suivre. Mais vous serez pleinement récompensés si vous vous concentrez un peu. Un très beau livre.
« L'Ascension du Haut Mal N°5 » par David B. A L'Association.

David B poursuit sa petite psychanalyse personnelle en forme de chef d'oeuvre. C'est vrai, pour certains, ce déballage intérieur est dérangeant et malsain. Je reste convaincu pour ma part qu'il ne s'agit pas que d'une oeuvre égoïste ou égocentrique au voyeurisme insupportable. Oui, David B se montre sans aucune pudeur et montre avec lui tous ceux qui l'ont accompagné dans cette ascension du Haut Mal : son frère épileptique, sa soeur, ses parents. Mais il le fait avec cette distance qui caractérise les quatre premiers tomes. Et avec, cette fois, une volonté de transcender la confession familiale en nous faisant pénétrer comme jamais son petit monde intérieur.
Car si quelque chose rend cet album indispensable, ce n'est pas seulement d'être la suite d'une des histoires autobiographiques les plus troublantes de sincérité qui soient. C'est d'être la clé d'un monde intérieur dont la richesse est le ferment de quelques-unes des meilleures BD de ces dernières années (ne citons que « Le capitaine écarlate » chez Dupuis, l'un des deux ou trois meilleurs albums de l'année) En cela, la lecture de « L'ascension du Haut Mal » s'impose déjà. Elle vous permettra d'entrer dans les méandres d'un imaginaire à peu près sans limite et d'en comprendre la genèse. En parlant moins immédiatement de son parcours familial, David B vient en effet de nous livrer le tome le plus personnel et le plus abouti de cette série, y compris au plan graphique.
« Le retour de Mananifek », tome 1 de la série Chiquito la Muerte. Par J-L Capron et H. Micol.

Rien que le nom de la série donne envie d'ouvrir l'album. Chiquito la Muerte, ça sonne vachement bien. Jean-Louis Capron nous offre un délire digne du « Rancho Bravo » qu'il avait déjà commis chez Fluide avec Blutch au dessin (en attendant un album de plus de 150 pages avec Killoffer, à paraître sous peu au Seuil). On retrouve l'imaginaire et l'humour décalé de cette nouvelle génération d'auteurs français qui ont su renouveler la BD ces dix dernières années. Le dessin d'Hugues Micol, qui laisse volontiers apparaître la plume, rappelle quant à lui les Joann Sfar et Christophe Blain qui se sont taillés une jolie réputation dans ce créneau. Mais ne nous méprenons pas, cet album n'est pas un hommage ou un plagiat. Il a sa vie propre. Capron recycle habilement un thème usé jusqu'à la corde et nous raconte une histoire de vampires drôle et originale. Rien à voir avec « Rapaces » ! Ici, on nage dans la dérision, dans l'imagination totale. Deux esprits s'opposent (on pourrait résumer en disant qu'ils représentent le Mal et le Bien, mais le Bien est loin, ici, d'être parfait !) et entraînent avec eux tous ceux qu'ils croisent : hommes, enfants, animaux. Tout est permis dans cette farce macabre. Le ton est libéré, ce qui permet de rencontrer des situations ou des personnages tout à fait inattendus. Ainsi, le shériff Slim qui promène ses parties génitales au grand air. Ou le petit Chiquito dont le fantôme pleurnichard vient gâcher la vie de celui qui a volé son enveloppe corporelle. Vous passerez un bon moment à la lecture de cette BD qui aurait aussi bien pu paraître à L'Asso ou dans la collection Poisson Pilote de Dargaud, mais qui a finalement trouvé une place chez Delcourt, dans la collection qui abrite déjà les excellents albums de la galaxie « Donjon ». Preuve que le genre s'exporte bien...
Ante Genesem (Prophet) par Thierry Bellefroid
« Ante Genesem », le tome 1 de Prophet. Par Xavier Dorison et Mathieu Lauffray. Aux Humanos.

Ouvrez cet album à n'importe quelle page. Cherchez une erreur de découpage ou de dessin. Vous n'en trouverez pas. Au contraire, vous avez toutes les chances de tomber sur des planches d'anthologie et sur des dessins qui pourraient connaître une belle carrière sous forme de sérigraphie. A tel point que l'on regrette presque qu'un album aussi abouti accouche d'une couverture finalement assez moyenne. Certaines pages sont tout simplement incroyables. Ainsi, la double page 20-21. La page 26. L'autre double page 46-47. Et bien sûr, la page finale, la 48. Mais il y a bien d'autres planches extraordinaires et en faire le relevé prendrait trop de temps. Résumons en disant que non seulement Mathieu Lauffray est un très grand dessinateur qui a réussi à mettre en images les visions apocalyptico-dantesques de Dorison mais qu'en outre le découpage (qui doit sans doute beaucoup à Dorison lui-même) est un modèle du genre.
Quelques mois après le très remarqué tome 1 des « Mémoires mortes » imaginé par Denis Bajram et dessiné par Lionel Chouin, revoici une Manhattan d'Apocalypse, avec tout ce que cela permet d'images choc. Mais en véritable orfèvre du scénario, Dorison va chercher son inspiration dans les textes sacrés qui lui ont si bien réussi par ailleurs (qui n'a pas encore lu « Le troisième Testament », par Dorison et Alice, chez Glénat ?) Avec cet habituel mélange d'Indiana Jones et du Nom de la Rose, adapté cette fois à l'époque moderne et à un monde fantastique qui rappelle les maîtres du genre, Dorison construit un suspense haletant, peuplé d'images fortes. La construction du récit est intelligente, l'imaginaire du lecteur constamment suscité, l'horreur plus suggérée que montrée. A ce sujet, l'errance de Jack Stanton dans les marais est assez exemplaire, avec ce paroxysme atteint dans les pages 33-34. Rien à dire, on frise la perfection. Et pour un dessinateur qui a abandonné la BD après son premier essai (« Le serment de l'ambre », pour rappel), Mathieu Lauffray relève tous les défis avec brio. Cette nouvelle association vaut donc bien celle qui lie Xavier Dorison à Alex alice. Et même si quelques esprits chagrins ne manqueront pas de dire qu'il y a quelque chose du troisième Testament dans cette nouvelle série, il n'y a pas lieu de s'en formaliser. Car ce quelque chose, c'est avant tout le talent !
Le chant du bourreau (Macadam) par Thierry Bellefroid
« Le chant du bourreau », tome 2 de la série Macadam. Par Lacaf. Dans la collection Bulle Noire des éditions Glénat.

Que dire de plus que lors de la sortie du tome 1 ? Lacaf écrit de bonnes histoires, ancrées dans la réalité et dans l'actualité. Après sa précédente affaire, le flic à la réputation de flingueur est censé se faire oublier à Aix en Provence, mais il tombe sur l'oeuvre d'un serial killer. En toile de fond, les anciens d'Algérie et un coupable au profil inattendu protégé par un certain groupe « Delta ». Klein mène son enquête en compagnie d'une jolie stagiaire qui va lui permettre de réviser son jugement sur les femmes. Bref, jusque là, rien de fracassant, mais une histoire qui tient la route et des personnages dont certains sont bien étudiés. (Il y a Klein lui-même, bien sûr, mais aussi surtout son ami et mentor Pietro) Et comme dans le premier album, les compliments s'arrêtent là. Le dessin de Lacaf est toujours aussi tristement maladroit. Les visages de ses protagonistes, dont la plupart ont un l'air de sortir de feuilletons et de films français, sont toujours aussi peu convaincants. Les décors sont surchargés, brouillons, certaines pages comme la planche 20, par exemple, demandent un véritable effort de lecture. Bref, Lacaf est loin de convaincre comme dessinateur. Ajoutons au plan scénaristique que le portrait du tueur est tout de même un peu chargé. Sans dévoiler les raisons de sa névrose, on peut dire que le pauvre garçon a à peu près vécu toutes les horreurs de la vie en une fois ! Un peu de finesse n'aurait pas fait de mal...
« L'ange endormi », tome 2 de La Croix de Cazenac. Par Boisserie et Stalner. Editions Dargaud.

Suite de cette intéressante histoire d'espionnage située durant la guerre 14-18. Aussi étonnant qu'il puisse paraître au lecteur du premier album, nos personnages vont quitter la France et s'envoler pour la Russie. Une bonne idée de Pierre Boisserie qui prend son lecteur à contre-pied et qui peut ainsi développer plus avant non seulement l'intrigue familiale des Cazenac mais aussi le contexte politique européen de la Première Guerre Mondiale. L'album est donc intéressant à plus d'un titre et pour peu que le lecteur ait encore bien en mémoire le premier épisode (une relecture est fortement conseillée si vous n'avez plus les idées tout à fait claires, mais un bref résumé est également proposé en ouverture d'album), il se laissera mener sans trop de problème jusqu'à Saint Petersbourg. Le dénouement de cette histoire n'est pas des plus vraisemblables, mais il faut reconnaître que Boisserie a pris un malin plaisir à brouiller les pistes depuis le début de l'histoire. On sent bien qu'on est sur le point d'apprendre enfin des choses capitales pour la compréhension de l'intrigue... et qu'il faudra patienter un an avant de les lire. Aussi est-il encore un peu tôt pour juger la série dans son ensemble, car trop d'éléments manquent au puzzle. Bref, un épisode de transition qui sans combler le lecteur parvient du moins à l'étonner.
Eric Stalner, fidèle à ses habitudes, nous propose des décors rigoureux, un dessin à la fois réaliste et soucieux du moindre détail. C'est efficace, ça sert le propos de Pierre Boisserie et ma seule réserve va à la scène de la grotte, que Stalner dessine de manière très impressionniste. Peut-être cela correspond-il au fait que l'endroit sert aussi de cadre à un rêve symbolique, mais j'avoue que ce changement de traitement m'a un peu gêné. Pour le reste, rien à dire, découpage et dessin sont hyper classiques mais efficaces.
Pauvre Tom (Dusk) par Thierry Bellefroid
« Pauvre Tom », tome 1 de la série Dusk. Par Richard Marazano et Christian de Metter. Aux Humanos.

Décidément, la rentrée est synonyme de qualité, chez les Humanos. A côté de l'excellentissime « Prophet » et d'un troisième volume d'Aphrodite confié à la talentueuse Claire Wendling, voici un très bon polar que l'on retiendra surtout pour son atmosphère et la qualité de son dessin. Christian de Metter n'est pas -ou n'est plus- un inconnu. « Emma », trilogie écrite au début des années 90 et que vient de publier Triskel (le troisième volume vient de sortir) nous a révélé sinon un grand scénariste un merveilleux dessinateur. Moins libre que dans cette oeuvre en solo, de Metter laisse cependant ici son pinceau sortir des sentiers battus. Il nous campe trois personnages principaux magnifiques et une ambiance de ville américaine enneigée très réussie. Tout le charme de l'album tient dans cette atmosphère à la fois glauque, mystérieuse, malsaine, par ailleurs hommage aux « Sorcières de Salem » d'Arthur Miller. A Salem, justement, trois agents fédéraux enquêtent sur quatre décès survenus le même jour. En fait, toute la ville est complice, on le sent très tôt. Mais les enquêteurs ne lâchent pas leur os. Et s'acharnent, interprétant chacun les signes à leur manière. Car les trois agents -un vieux, une jeune femme et un adolescent attardé- ont des profils très différents, poussés assez loin par le biais d'excellents dialogues qui sont autant de confrontations presque théâtrales. Il y a quelque chose dans le traitement des personnages et dans l'ambiance générale de cet album qui rappelle la série « Miss » chez le même éditeur. Cette façon de ciseler les textes, de s'en servir pour donner de l'épaisseur aux personnages sans en avoir l'air. Le plus réussi étant le jeune Joe, constamment à côté de ses pompes, qui semble aussi à sa place dans cette enquête qu'un conducteur de bus sur un circuit de F1. Bravo, donc, à Richard Marazano pour l'écriture.
Côté dessin, on regrettera peut-être que de Metter se soit davantage coulé dans le moule BD que lors de la réalisation d'Emma. Mais l'histoire ne se prêtait sans doute pas à une mise en page floue et très picturale. Cela n'enlève rien au talent du dessinateur qui manie le pinceau avec un réel brio. L'ensemble est assez dense, il faut du temps pour lire cet album où les textes sont nombreux (mais à mon sens restent bien équilibrés tout de même...) et qui contient pas loin de soixante pages. Une belle surprise qui confirme la pertinence des choix opérés par l'ancien directeur éditorial des Humanos avant son départ pour Dupuis.
Cobayes (Milane & Arlov) par Thierry Bellefroid
« Cobayes », tome 2 de la série Milane & Arlov, par Djian et Rouan. Chez Soleil.

En ouvrant ce deuxième album, une chose m'a immédiatement frappé. Le dessin d'Olivier Rouan est plus fluide, plus dépouillé que dans le tome 1. Il n'a rien perdu de son côté dessin animé japonais, mais il a gagné en lisibilité. Dommage que la tentation soit parfois très forte de « faire du manga » et de jouer un peu facilement sur les lignes de vitesse par exemple. On peut aussi bien suggérer la vitesse plus subtilement... mais ça demande plus de travail que d'entourer son personnage de lignes qui bouffent tout le décor. Enfin, globalement, saluons le travail positif effectué par le dessinateur qui ne s'est pas endormi sur ses lauriers.
Côté scénario, Jean-Blaise Djian nous fait à la fois le coup du fantastique et du thriller SF. Le fantastique se caractérise ici par les manipulations génétiques sur des cobayes humains (pas vraiment nouveau) et la création d'un bestiaire préhistorique qui n'a pas grand intérêt dans l'histoire, si ce n'est de faire courir les protagonistes. Quant au thriller SF, force est de constater qu'il n'avance guère dans cette seconde histoire. Pour rappel, Milane & Arlov sont envoyés sur Kobadia, l'astéroïde exclusivement dévolu aux moins de dix-huit ans, afin de comprendre pourquoi les adolescents qui en reviennent sont atteints d'un mal mystérieux. Les deux gosses, pourchassés par les sbires de Metcalf dès leur arrivée, passent ces deux premiers albums à jouer au chat et à la souris avec les uns et les autres. La violence est très crue et les explications, elles, très rares. Djian dilue. Quelques rebondissements de moins et quelques réponses aux questions de plus ne feraient pas de tort... On reste avec un goût de pointillé dans la bouche.
Le gardien (Nexus) par Thierry Bellefroid
« Le gardien », tome 1 de Nexus. Par Froideval et Bournay. Chez Zenda.

J'avoue, je ne suis ni un fan de Zenda ni un grand amateur des mises en pages folles des dessinateurs habituels avec lesquels travaille Froideval. Les Chroniques de la Lune Noire (Dargaud), pour ne citer qu'elles, me tombent des mains. Alors, pour une fois que je trouve un album de ce scénariste dessiné de manière presque traditionnelle, j'ai voulu pousser la curiosité plus loin (sachant que d'autres albums scénarisés par Froideval sont eux aussi « lisibles », soyons justes. Exemple, la série « Lex » dont le N°2 vient également de sortir).
J'aime bien l'idée de faire du Mont St Michel un lieu de passage entre des mondes que tout sépare. Cela permet de faire se télescoper des personnages et des époques que rien n'est censé relier entre eux et Froideval joue de cet élément avec beaucoup de plaisir, semble-t-il. Autre bonne idée, avoir imaginée non pas deux successeurs potentiels au Gardien mais davantage (je vous laisse la surprise). Cela permet de camper des personnages aux motivations très diverses dont on ne doute pas que la confrontation donnera matière à de nombreuses histoires mais cela permet aussi de ne pas limiter le récit au combat du bien et du mal comme on le craint au début de l'histoire. Bref, le scénario est bien dosé, ce qui fait de ce « Nexus » (qui veut dire « noeud » en latin, pour rappel) un album sans autre prétention que de délasser mais qui y parvient sans trop de mal. Quant au dessin, comment ne pas penser au « Troisième testament » en le regardant ? La filiation semble évidente, jusque dans certains cadrages. Mais elle est franchement troublante en ce qui concerne les deux personnages principaux. La fille du Gardien ressemble étrangement à Elisabeth d'Elsenor. Quant au Gardien lui-même, il rappelle Conrad de Marbourg. Dommage, car pour le reste, cette histoire ne manque ni d'originalité ni d'une pointe d'humour bienvenue dans ce genre d'album. On espère en revanche que la prochaine histoire exploitera davantage le fantastique décor naturel du Mont Saint Michel.

Liens de sang par Thierry Bellefroid
« Liens de sang » par Hermann et Yves H. Dans la collection « Signé » du Lombard.

Après une seconde lecture attentive, je n'ai toujours pas l'impression d'avoir tout compris. Je n'ai pourtant pas le sentiment d'être particulièrement attardé. Le scénario du fils d'Hermann, Yves Huppen, est à la fois limpide et complètement tordu. Limpide dans son mode de narration. Le narrateur, un homme qu'on voit de dos au cimetière (je vous laisse la surprise de découvrir qui c'est), raconte l'histoire de Sam Leighton de manière chronologique. Il y a donc peu de difficulté à suivre le récit. Ce qui n'empêche pas celui-ci de se compliquer à souhait vers les deux tiers de l'album et surtout, sur la fin. Le mélange des deux Gladys et Josh est particulièrement difficile à comprendre et à plusieurs reprises, il m'a semblé qu'il manquait les « sous-titres ». Beaucoup d'éléments restent sans réponse. Bref, je suis perplexe. Mais cela n'empêche pas ces « Liens de sang » (dont le titre fait inévitablement penser à une autre association père/fils, dans le monde de la musique, celle-là : le « Sang pour sang » des Hallyday) de constituer un bel exercice du genre polar noir ricain pur jus. Je ne suis toutefois pas convaincu par l'exercice de style sur le parricide, qui paraît un peu facile. Les ambiances sont sombres à souhait. Les personnages sont caricaturaux mais pas exagérément. Et Hermann trouve dans les rues mal famées noyées de brouillard de belles occasions de prouver sa maîtrise du mariage de la couleur et de l'eau. Le souci du détail est poussé très loin, comme ces visages presque colorés à la façon des peintres pointillistes pour respecter toutes les nuances des lumières et de leurs diffractions. On l'a déjà dit et redit, Hermann est un grand coloriste. Attention, quand même, à l'emploi outrancier de couleurs très typées comme le cyan ou le rose... Quant aux cadrages, ils sont très réussis. Seul regret, mais on prêche dans le désert, il y a près de vingt ans maintenant qu'on revoit les mêmes tronches dans tous les albums d'Hermann. Et qu'on rêve de le voir dessiner un jour une fille à peu près jolie (il y a un « effort » sur Gladys, mais c'est pas elle qui va faire fantasmer le lecteur...) En résumé, « Liens de sang » n'est pas un mauvais album, mais je dois avoir l'honnêteté de dire que je ne l'ai pas totalement compris. En espérant que ce ne sera pas votre cas.
Les larmes du tigre par Thierry Bellefroid
« Les larmes du tigre » par Comès, aux éditions Casterman.

Vingt ans après « Silence », Comès nous donne un album fort dans lequel le silence, justement, est un élément essentiel. Car « Les larmes du tigre » se lisent surtout entre les lignes. Jamais, sans doute, l'Ardennais n'avait tant insisté sur les ambiances, n'avait tant fait se taire ses personnages. Outre le magnifique prologue entièrement muet, cet album s'articule autour d'une action très courte dans le temps, mais diluée grâce aux silences presque intemporels qui la traversent. Les cases muettes finissent par en dire plus que les phylactères et le dessin livre toute sa puissance, oscillant avec grâce des visages en gros plan à de grands paysages enneigés. Sur les traces de son maître de toujours -Hugo Pratt- Comès propose un noir et blanc très tranché, essentiellement travaillé à partir de larges aplats noirs. Une technique qu'il semble n'avoir jamais si bien maîtrisée non plus. Avec cet album court (62 pages, alors que la plupart de ses albums vont de 100 à 150 planches), Comès paraît avoir enfin retrouvé une certaine fraîcheur, sans doute due au fait qu'il quitte cette fois ses habituels personnages ardennais pour s'attacher aux destinées de trois Indiens. Avec une pointe d'humour qu'on ne lui connaissait pas, il revisite son propre répertoire sans en avoir l'air et nous ressert des plats ultra-connus (sorcellerie, perte de l'ombre déjà évoquée par plusieurs autres auteurs, etc...) sans qu'on ait jamais l'impression de s'ennuyer. Le tigre rappelle quelque peu le chat de l'album « Iris », certaines pages du prologue rappellent « La Belette » et l'ensemble des « gueules » a forcément un côté familier. Mais qu'importe, puisque l'histoire est belle et remarquablement racontée. Si ce n'était pas de la BD, ce pourrait être une leçon de cinéma sur papier. Mais du cinéma d'auteur !
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