Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

« Le fléau des dieux », tome 1, « Morituri te salutant », par Valérie Mangin et Aleksa Gajic. Chez Soleil.

Il fallait y penser : transposer l'affrontement entre Huns et Romains dans l'espace ! Seul Denis Bajram pouvait avoir une idée aussi folle. Valérie Mangin (sa compagne à la ville) a sauté sur l'occasion pour se lancer à son tour dans la grande aventure de la BD. La jeune scénariste a toutefois dû prendre son mal en patience. Alors que Soleil était prêt à miser sur son projet, la guerre en Yougoslavie l'avait privée de son dessinateur. Le festival d'Angoulême 2000 devait lui permettre de renouer avec Aleksa Gajic et de publier, moins d'un an plus tard, le premier tome de cette étrange aventure de space opera. Baroque, violent et futuriste à la fois, le monde qu'a imaginé Valérie Mangin est dominé par une foi aveugle, côté Hun. Une déesse, Kerka, est l'objet de dévotions et de sacrifices sanglants. C'est justement à l'occasion d'un de ces sacrifices qu'une jolie prisonnière romaine, Flavia, va confondre son destin avec celui de la déesse. Echappant par miracle aux bourreaux, Flavia se relève du tas de corps sacrifiés. On crie au miracle. Sa ressemblance avec Kerka fait le reste. Mais être un objet de divination n'est rien d'autre qu'être en prison. Dans ce premier album, la belle prisonnière est partagée entre plusieurs alliés. Celui qu'elle choisit est le plus brutal, le plus sanguinaire de tous : Attila. Assoiffé de pouvoir et de conquêtes, cet Attila de SF va donc jouer les empereurs conquérants de l'espace. Le tout sur fond vaguement historique, puisqu'en face de lui se trouve bien une réplique de l'empire romain. L'entreprise permet évidemment de prendre des libertés avec l'Histoire. Elle permet aussi de renouveler deux genres à la fois : la BD historique d'une part, la SF de l'autre. Le risque, c'est que le mélange des genres finisse par lasser. Ce n'est pas le cas dans ce premier album qui a été un succès de librairie dès sa sortie.

« Comment faire de la « Bédé » sans passer pour un pied-nickelé », par Florence Cestac et Jean-Marc Thévenet. Chez Dargaud.

Dargaud ne pouvait pas rater la réédition de cet album, écrit en son temps par l'actuel Directeur Général du Festival d'Angoulême et dessiné par le Grand Prix d'Angoulême 2000, Florence Cestac. A côté d'un nouvel album des Déblok, cette galerie de portraits éditée il y a près de quatorze ans par Futuropolis vient donc enrichir la fameuse collection « Cestac pour les grands », collection dans laquelle on retrouve l'inénarrable « Démon de midi ». Publiés en 88 par Futuropolis, ces portraits, augmentés et rafraîchis (ça se sent dans les phylactères qui font la part belle aux techniques et au vocabulaire d'aujourd'hui) n'ont rien perdu de leur pertinence. Ils nous proposent un panorama complet de ce que nous appellerions la « jeune création en bande dessinée ». Avec son trait « gros nez » déjà bien affirmé à l'époque, Florence Cestac passait en revue le dessinateur introverti, le gaffeur, le motard, l'étranger, le fils de, etc... C'est de la caricature, mais pas si éloignée de la vérité. Certains se reconnaîtront. Et ceux qui ne se reconnaîtront pas peuvent faire confiance à leurs amis qui ne se priveront pas de leur dire : c'est tout à fait toi, ça ! En deux à trois pages, c'est à chaque fois un type d'attitudes avec ses tics de langage, d'habillement, ses regards, sa gestuelle et sa farde de dessin que les auteurs ont réussi à croquer. Il faut dire qu'ils étaient bien placés, à l'époque. Florence était l'une des deux chevilles ouvrières de Futuropolis et Jean-Marc y était directeur de la collection « X » A eux deux, ils en ont vu défiler, des « petits jeunes »...
Regards de femmes par Thierry Bellefroid
« Regards de femmes » par Marina, chez Paquet.

Pierre Paquet brouille les pistes. Alors qu'il publie un très bel ouvrage consacré à Manara, qui fait la part belle aux travaux non érotiques du « prince de la BD érotique », il publie cette BD qui a tout d'un Manara... mais qui a été imaginée et dessinée par une femme. Qui plus est, par une femme dont le nom n'est pas loin de ressembler à celui du Maître : Marina.
Un jeune homme victime d'une malédiction connaît les fantasmes de chaque femme dont il croise le regard. (Non, ce n'est pas l'adaptation d'une comédie jouée par Helen Hunt et Mel Gibson, c'est un pur hasard si la BD et le film sortent à peu près au même moment en exploitant une idée si proche) Le héros ne peut s'empêcher de réaliser les fantasmes qu'il « voit » dans les yeux des femmes, ce qui nous vaut des situations plus scabreuses les unes que les autres et ce qui lui cause pas mal d'ennuis. On est pas très loin du « Déclic » quand la femme de son patron se transforme en « chienne lubrique » en plein dîner d'affaires. Alors, plagiat ? Pas tout à fait, mais Marina ne nous fera pas croire qu'elle ne connaît pas ses classiques. Son histoire louche à la fois sur l'univers de Manara, on l'a dit, et sur celui de Jean-Claude Servais, car ici, sexe et sorcellerie se rejoignent. Elle va même jusqu'à épouser en partie le style graphique de l'un et de l'autre, ajoutant une touche plus personnelle, surtout au début. Bref, on ne peut s'empêcher de lire cette BD en lui trouvant un petit goût de déjà vu. Comme dirait Pierre Paquet : si cette histoire avait été du Manara, ce serait un best seller. Sans doute, mais comme elle n'est pas de lui, c'est donc une histoire érotique de plus, dessinée par une femme (ce qui n'est pas courant, c'est vrai) qui semble ne pas réussir à se choisir un style graphique définitif, ce qui ne veut pas dire qu'elle n'a pas de talent. Signalons que contrairement à d'autres, Marina ne s'est pas sentie obligée d'avoir recours à des gros plans « dégoulinants » pour exprimer ses fantasmes... ou ceux de ses personnages. « Regards de femmes » est en effet plutôt allusif que descriptif.
Gare au Garou (Krän le Barbare) par Thierry Bellefroid
« Gare aux garous », tome 3 de la série Krän de Eric Herenguel aux éditions Vents d'Ouest.

Après un deuxième album un rien plus faible, Herenguel retrouve la forme et nous propose un Krän qui n'est pas loin d'être parfait. On retrouve les héros désormais bien connus : Krän, Kunu, le Garou, etc... On retrouve aussi l'humour décalé de l'auteur. Herenguel s'amuse à flirter avec le genre « Conan le Brabare » tout en prenant de la distance par une dérision constante. Ses personnages musculeux ne sont jamais les derniers à balancer un jeu de mots idiot ou à livrer une réplique inattendue. Partis chasser la « garoue », ils font quelques rencontres amusantes en chemin, notamment celle d'un certain planteur de pieux, en lisière de forêt. « Salut, j'suis Krän, du royaume de Torgnol, et nous cherchons l'accès le plus direct pour Garouland » fait Krän. Et l'autre répond : « Moi, j'suis Charles Ingalls et j'habite dans la p'tite maison pourrave de la prairie ». Puis, Charles Ingalls explique à Krän qu'il plante des pieux pour canaliser son énergie parce qu'à la maison, entre sa femme qu'il peut pas toucher et ses deux filles, il s'emmerde ferme. Un clin d'oeil parmi d'autres. Herenguel détourne tout : les légendes, les films, les habitudes de genre. Seule la dérision guide sa démarche. C'est parfois gros comme Obélix (il y a quelque chose de Gosciny, d'ailleurs, dans la façon d'aborder la violence) mais c'est souvent très drôle. A lire quand on a la migraine et qu'on arrive difficilement au bout d'un roman d'Umberto Ecco.
Pastille par Thierry Bellefroid
« Pastille », par Francesca Ghermandi. Au Seuil.

La politique d'édition du Seuil, en matière de BD, reste d'une cohérence exemplaire. Le catalogue propose des auteurs complets, souvent de véritables artistes, comme Baudoin, Mattotti, Giandelli ou plus récemment Killoffer. Voilà qu'une nouvelle signature italienne vient s'ajouter aux autres, celle de Francesca Ghermandi. Son dessin doit beaucoup à Mattotti, même si elle a choisi de s'exprimer par le noir et blanc. Le crayon est affûté, les formes travaillées, recrées, en fonction d'un univers graphique personnel. Avec « Pastille », Francesca Ghermandi s'essaie à la BD muette, un genre de plus en plus prisé et pourtant bien difficile. Elle n'a recours à aucun stratagème pour raconter son histoire ; ni onomatopées ni phylactères en forme de rébus comme le récent Love Stroy de Eco, chez Paquet. Seul le dessin guide le lecteur. La force d'évocation des images est donc très grande, de même que la fluidité du récit. A cheval entre BD pour enfants (qui ne doivent même pas savoir lire pour entrer dans ce monde merveilleux et cruel à la fois) et BD adulte, Ghermandi invente comme elle respire. Ca sent l'inspiration immédiate, l'envie de raconter, d'emmener son lecteur au-delà des images et des miroirs. Et c'est vrai que la folle aventure de « Pastille » -une gamine au visage rond et plat comme un grand cachet d'aspirine- a quelque chose d'un Alice au Pays des Merveilles en version moderne. Preuve s'il en est qu'elle touche tous les publics. Car le conte de Lewis Carroll convient à tous les âges, comme cette BD sans paroles. Francesca Ghermandi maîtrise parfaitement le mouvement, la perspective, les expressions des visages, la stylisation, le découpage... bref le dessin ! Un bonheur.
« Hutch Owen travaille dur ! » par Tom Hart, à La Comédie Illustrée.

Il faut reconnaître que de prime abord, ce petit album ne paie pas de mine. Le dessin de Tom Hart est pour le moins naïf et minimaliste. Mais la lutte que se livrent Hutch Owen et Dennis Worner -les deux personnages principaux- est très réussie, car elle symbolise le David et le Goliath de l'Amérique d'aujourd'hui. D'un côté, un vieux garnement SDF, c'est Hutch Owen, il nargue l'autorité et pisse sur les affiches publicitaires du plus gros consortium de la ville. De l'autre, Dennis Worner, le patron de la Worner, une entreprise vouée au profit (mais ceci est sans doute un pléonasme !) qui se caractérise par les décisions dénuées de scrupules de son conseil de direction. Les deux personnages se détestent et se croisent sans cesse. A eux deux, ils symbolisent le capitalisme et l'anarchie. Aucun des deux ne peut gagner, même si le lecteur sent vite son coeur balancer vers le rebelle Hutch Owen. Et au milieu de tout ça, il y a la pureté de l'enfance, une sorte de Petit Prince qui voudrait se construire une cabane, Willie. A lire ce livre, on se rend compte qu'il est moins innocent qu'il paraissait, de prime abord. Et que Tom Hart arrive à faire passer bien des choses avec un minimum de moyens.
« Nouveaux marchés », numéro 2 des « exploits d'Hutch Owen, par Tom Hart, à La Comédie Illustrée.

Les deux ennemis quasi héréditaires que sont l'anarchiste Hutch Owen et le businessman sans scrupule Dennis Worner se retrouvent dans ce deuxième recueil, encore plus savoureux que le premier. Le cynisme atteint ici un degré qui confine à l'art. Dans un pays sous-développé pudiquement baptisé « Boïnga-Desh », Dennis Worner débarque des dollars plein les yeux. Il passe devant une marchande de tapis à 12 dollars pièce ? « Achetez l'usine », commande-t-il à son bras droit. Il voit qu'une chanteuse locale vend des cassettes par centaines ? « Il faut qu'on la mette sous contrat », dit-il au téléphone à un de ses collaborateurs. Et il ajoute : « dites, ils ont un truc terrible, ici, leurs bandes enregistrées cassent après quelques écoutes; pourquoi on a jamais pensé à ça, nous ? » Le monde du marketing en prend pour son grade. C'est toute la société de consommation, le capitalisme et la publicité que Tom Hart remet en question. Venant d'un Américain, voilà qui est doublement réjouissant.
Les Amériques (Isaac le Pirate) par Thierry Bellefroid
« Les Amériques », une aventure d'Isaac le pirate, par Blain. Dans la collection Poisson Pilote des éditions Dargaud.

Voilà ce qu'on peut appeler une grande BD d'aventure. Depuis Barbe-Rouge, beaucoup se sont essayé à la BD de piraterie. Peu ont réussi. Seul L'Epervier de Pellerin tire son épingle du jeu. Christophe Blain, fort de ses expériences maritimes plus modernes (Le réducteur de vitesse, entre autres), s'embarque à bord d'une histoire magnifique, sur les traces des plus grands. Parce que la piraterie en tant que telle n'est pas son propos. Parce que la vérité historique ne l'intéresse pas davantage. En fait, Blain est à la croisée des chemins entre Barbe-Rouge et L'Epervier d'une part, Les passagers du vent et Le passage de Vénus, de l'autre. Son héros est un brave homme, peintre un peu bohème, qui se laisse entraîner malgré lui dans une histoire incroyable. Un pirate célèbre veut le recruter pour qu'il immortalise un voyage aux confins des terres connues. Le pirate se mue en explorateur et Isaac, en journaliste du bord. Les situations se suivent sans jamais se ressembler. Le peintre apprend la vie à bord, la piraterie, les îles lointaines où de superbes femmes expatriées n'attendent qu'un aventurier pour tromper leur ennui (et accessoirement leur mari). L'imagination de Christophe Blain fait merveille. Cette croisière, on la fait avec lui sans hésiter, il nous fait si bien rêver. Et puis il y a ce dessin absolument magistral qui rappelle un peu Joann Sfar (son grand ami) en moins tourmenté. Un vrai régal !
Tea Time (Six jours et mourir) par Thierry Bellefroid
« 6 jours et mourir », par Dieter et Nicaise, dans la collection Bulle Noire des éditions Glénat.

Pas facile de permettre au lecteur de s'identifier à une héroïne tout en se promettant de la faire mourir en 6 jours. C'est pourtant ce qu'arrive à faire Dieter. Pour cela, il choisit de se mettre dans la peau de cette héroïne, de raconter l'histoire à travers ses yeux, ses mots. C'est en effet Ellen qui est la narratrice de cette étrange histoire policière où les éléments s'emboîtent à un rythme soutenu, peu après la visite d'un enquêteur de la police à son domicile. Trois jours se passent pendant ce premier album. La moitié de l'histoire nous laisse donc en plein suspense, même si Dieter a pris soin de nous donner quelques pistes avant de conclure le premier tome de ce diptyque. Il a en tout cas admirablement réussi à se fondre dans son personnage. Ellen est crédible et on suit son cheminement sans se forcer. Quant à Viviane Nicaise, elle a réussi à camper cette trentenaire anglaise aisée avec beaucoup de justesse. Décors et traits sont l'exacte réplique de l'univers suggéré par le scénario. Ellen est une belle femme mais elle reste transposable dans la réalité : Viviane Nicaise ne lui a pas inventé des mensurations ou des tenues trop « BD ». Dommage en revanche que trop d'attitudes soient empruntées, figées. On dirait que les corps -et principalement les mains- des personnages gênent souvent la dessinatrice. Le résultat est que pour se débarrasser de cette gêne, elle « surjoue », pour paraphraser le mari d'Ellen, lorsqu'il parle d'une des actrices qu'il dirige au théâtre. Pour le reste, la mécanique m'a paru bien huilée et le rythme parfait. On ne pourra se prononcer qu'à la fin du deuxième album, mais à première vue, les auteurs ont bien fait de choisir un nombre de pages plus restreint que pour « Loranne », leur précédente série ; ce choix évite de tirer l'histoire en longueur.
« Premières chaleurs, tome 1 : du mois de mai... » par Jean-Philippe Peyraud. Chez Casterman.

Difficile de ne pas rapprocher cet album du « Pyjama Party » de Christopher, paru quelques mois plus tôt à La Comédie Illustrée. D'abord, le thème est presque le même. Ensuite, le traitement est similaire. Enfin, il s'agit pour l'un comme pour l'autre d'un premier album en grand format et en couleur. Pour être complet, signalons que les deux auteurs se connaissent bien ; Christopher a publié Peyraud à La Comédie Illustrée. Bref, plutôt que de rechercher le plagiat, il faut davantage voir dans ces deux albums une communauté d'intérêts et peut-être même, le signe de l'émergence d'une école, qu'ont tirée derrière eux -parfois sans le savoir- des auteurs comme Dupuy et Berberian. Non seulement ces dessinateurs se caractérisent par un trait assez proche, mais en plus ils racontent des histoires profondément ancrées dans le quotidien qui, si elles ne sont pas directement autobiographiques, sont largement inspirées de la vie autour d'eux. Ainsi, quand Christopher prenait le parti de laisser parler des filles d'une vingtaine d'années de leurs amours, de leurs parents, de leurs rêves, etc... il les disposait sur quelques coussins dans une chambre et inventait la « pyjama party ». Peyraud, lui, fait à peu près la même chose, si ce n'est qu'il fait parler alternativement un groupe de garçons et un groupe de filles. Les uns sont continuellement en mouvement : on les voit au resto, dans la rue, chez un copain... les autres sont réunies dans un appart' et discutent entre elles tout en faisant participer une copine plus lointaine grâce au téléphone main libre. Pour passer des premiers aux secondes, Peyraud joue sur un procédé souvent utilisé en théâtre, qui consiste à faire terminer une phrase dite par un des protagonistes du premier groupe par l'un de ceux appartenant au second. C'est évidemment amusant, mais c'est vite lassant. Le recours systématique à ce petit truc devient gênant dès le milieu de l'album. En revanche, ce qui est drôle, c'est d'avoir choisi de montrer les deux facettes d'une même bande. Les mecs parlent entre eux de leurs nanas pendant que celles-ci parlent le plus souvent d'eux. Il y a quelques très belles trouvailles (la cocotte qui se promène pendant toute l'histoire, le coup de l'interphone bloqué,...) et surtout, il y a un ton qu'il n'est pas évident de garder tout au long d'un album de 46 pages. Les répliques sont souvent savoureuses, parfois cinglantes, les personnages en font juste assez pour qu'on y croie. Bref, ça tient la route. En revanche, j'avoue préférer le dessin de Jean-Philippe Peyraud sans les couleurs. J'invite ceux qui auraient un doute à lire ou relire le très beau « Il pleut », paru à La Comédie Illustrée.
« L'héritage des trente velus », tome 1 de « La région ». Par Jouvray et Roland. Chez Paquet.

La lecture de cet album m'a replongé dans l'ambiance du dernier Pétillon (L'enquête Corse, Alph'Art du meilleur album à Angoulême, paru chez Albin Michel). Mais ici, tout est imaginaire : le pays, le contexte politique, les protagonistes ; Denis Roland a tout inventé. Comment ne pas penser à la Corse, pour autant ? La trame centrale de l'histoire repose sur un territoire annexé à une métropole où gronde la colère indépendantiste. Dans « La région », puisque c'est comme ça qu'on appelle ce territoire, il y a ceux qui veulent respecter la tradition. Et la tradition, c'est la contrebande, depuis des générations. Et puis il y a ceux qui veulent ouvrir le pays au tourisme, à tout prix. Ceux-là ne jurent que par la proutasse et le pâté de crêtes, les deux spécialités culinaires locales. Les deux clans s'affrontent. le Canal Indépendant Illicite colle ses affiches sur celles du Comité du Typique Universel, des commandos masqués et armés détruisent les stocks d'un cafetier qui ose proposer des boissons non-issues de la contrebande... bref, c'est loufoque, déjanté, drôle... et vrai à la fois. La caricature est à peine poussée. Et en plus, il y a l'enlèvement d'un éminent représentant de la métropole -qu'on appelle la Nation- dès les premières pages de l'album, ce qui vient encore compliquer les choses. C'est tant mieux, car il reste deux autres tomes avant de conclure et on espère qu'ils seront aussi drôles et touffus. Pour l'instant, en tout cas, c'est garanti, on ne s'ennuie pas une minute ! Quant au dessin de Jérôme Jouvray, il se situe quelque part entre Larcenet et Dupuy-Berberian : simple, efficace, agréable.
Sang Noir (Nocturnes Rouges) par Thierry Bellefroid
« Nocturnes Rouges », tome 1 : « Le sang noir », par Nhieu. Chez Soleil.

Premier tome d'une nouvelle série sur les vampires -encore une ? Eh bien non, pas encore une. « Nocturnes rouges » rompt avec tout ce qui existe déjà dans ce genre qu'on pouvait craindre totalement éculé. Parce qu'Emmanuel Nhieu a eu la bonne idée d'en faire une histoire mi-humoristique mi-onirique. Pour le premier album de sa première série, cet élève d'Arleston et Tarquin prouve en tout cas qu'il a tout compris. Non seulement, il se confond parfaitement dans le paysage des productions Soleil, mais en outre, son récit est efficace et plaisant. D'un côté, les vampires et leur maître. De l'autre, les chasseurs de vampires. Entre les deux : une malédiction. Ethan le chasseur a été forcé de boire du sang, il va à son tour devenir un vampire. Il envoie donc sa fille auprès de son frère, le très respecté (mais pas très respectable) Granite. Et voilà qu'une gamine haute comme trois pommes se retrouve télescopée dans une histoire de quête dont le but est le sauvetage de son propre père. Des ingrédients qui différencient franchement cette série de concurrentes potentielles dans le domaine du vampirisme et la rapprochent au contraire des récits d'Arleston et consorts. J'avoue, j'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce premier album qui, pour être de facture classique, n'en est pas moins très réussi. Pour un nouveau venu, Emmanuel Nhieu se débrouille bien.
La réplique inattendue (Jules) par Thierry Bellefroid
« La réplique inattendue », une « épatante aventure de Jules », par Emile Bravo. Chez Dargaud.

Prépubliées dans le magazine « Okapi », les aventures de Jules s'adressent à un jeune public désireux de lire des BD à la fois fantaisistes, étonnantes et d'y apprendre l'une ou l'autre chose sur le monde qui les entoure. A priori, ces objectifs semblent plutôt inconciliables, car on pense que la BD est avant tout un instrument de pur délassement, surtout pour les plus jeunes. Mais il suffit de repenser à ce que furent les aventures d'Astérix et Obélix, à l'époque de leur parution, pour se rendre compte que même les enfants peuvent apprendre en lisant des bandes dessinées. Ce sera le cas ici, car le thème de « La réplique inattendue » est le clonage. Mais l'auteur ne s'est pas contenté de sortir des clones de son chapeau. Comme les protagonistes adultes sont des scientifiques, il place dans leur bouche des explications techniques intelligentes sur des choses aussi rébarbatives que la composition de l'ADN. Si une émission de télévision comme « C'est pas sorcier » rencontre un succès phénoménal en mettant des mots simples sur des réalités complexes, pourquoi une BD d'aventure ne pourrait-elle pas, au passage, atteindre quelques objectifs similaires ? D'autant que les aventures de Jules ont un double avantage : primo, les héros -les vrais- sont des enfants. Ils permettent donc l'identification. Secundo : l'histoire est drôle, mêlant habilement ingrédients de la vie quotidienne (disputes entre frères et soeurs, par exemple) et éléments de fiction, voir de science-fiction. Un joli cocktail qui devrait trouver son public sans problème auprès des 8-12 ans. A condition d'avoir lu « L'imparfait du futur », le premier opus des « épatantes aventures de Jules », car la plupart des personnages présentés ici y ont fait leurs débuts. C'est tout de même mieux de savoir qui est qui...
La bombe par Thierry Bellefroid
« La bombe » par Benoît Delépine et Stan & Vince. Chez Albin Michel.

Voilà un album qui porte bien son nom. Difficile de regarder la « plastique » de Vic, l'héroïne de cette histoire, sans comprendre le sens du titre. Rien à dire, il s'agit d'un album de mecs fait... pour des mecs. Sur le mode SF (on est en 2035) et avec un certain humour, Delépine nous propose l'histoire d'une fille taillée dans un obus qui rêve de faire du cinéma -mais qui n'a pas tenté de réaliser son rêve jusqu'ici pour ne pas faire de peine au père qu'elle aime tant. Cette superbe brune (à condition d'aimer les modèles hors gabarit !) a gardé à la fois son innocence... et sa virginité. Ce qui doit arriver arrive et dans ce monde de brutes, il y a bien un producteur sans scrupule qui va lui conter fleurette pour abuser d'elle. Seulement, comme on est en 2035, il ne s'agit pas d'une bête histoire de coucherie. Le méchant de service prend une empreinte « hologramique » de la fille et décide ensuite de faire disparaître l'original ; le voilà prêt à lancer Vic sur le marché, sans devoir la payer un franc. Succès immédiat pour le clone qui a pris la place de la jeune ingénue. Mais celle-ci ne va pas se laisser tuer, comme prévu. De naïve, elle se transforme en combattante aguerrie et n'est pas loin de rivaliser avec Rambo (si ce n'est qu'elle fait plus de dégâts avec ses dents qu'avec un couteau) pour accomplir sa terrible vengeance. C'est gros, très gros. Mais si on marche, on s'amuse jusqu'au bout. Inutile de dire que la belle est souvent habillée juste ce qu'il faut, voire pas habillée du tout. Mais Walthéry n'a pas inventé Natacha pour l'affubler de jupes longues, de chemisiers fermés jusqu'au dernier bouton et de talons plats...
La route de Pointe Noire (Tramp) par Thierry Bellefroid
« La route de Pointe-Noire », tome 5 de la série Tramp, par Jusseaume et Kraehn. Chez Dargaud.

Difficile de reprendre du service quand on a si brillamment conclu un premier cycle d'aventures. Jean-Charles Kraehn ressuscite pourtant « Tramp » avec une apparente aisance. Après la parution de l'intégrale reprenant les indispensables quatre premiers volumes, ce cinquième album -le début d'un diptyque- nous replonge avec délice dans une histoire qui mêle toujours aussi parfaitement marine et grande aventure. De prime abord, « La route de Pointe-Noire » est peut-être un peu trop technique. Les annotations de bas de page sont nombreuses, le souci du détail poussé à l'extrême, l'histoire presque repoussée au second plan au début du récit, tant la volonté d'emmener le lecteur dans la réalité du bord est poussée loin. Mais on oublie vite ce petit travers. Pour deux raisons. D'abord, une histoire « policière » dans laquelle Jean-Charles Kraehn laisse planer suffisamment de zones d'ombre pour laisser de la place à l'imagination du lecteur. Qui a tué Avron, le commandant du Ouessant ? Bien malin qui pourrait le dire avec certitude à la fin de cette première partie... L'autre point fort de cet album est incontestablement le magnifique trait de Patrick Jusseaume. Après un tome 4 (« Pour Hélène ») assez violent et peu maritime, il peut donner ici toute la mesure de son talent en taillant des ambiances de moiteur africaine et de lente « croisière » le long des côtes. Il y a une très belle lumière, quelques paysages superbes (même si la terre ferme est plutôt rare dans cet album), mais aussi et surtout une lisibilité et une découpage admirables. Sans parler de couleurs plutôt réussies. L'air de rien, Jusseaume n'a jamais cessé de progresser depuis le début de cette série. Il nous propose ici quelques planches absolument parfaites d'équilibre et de clarté. Tout cela sur une histoire classique, certes, mais intéressante. Une histoire qui exploite à merveille les aspects peu connus de la marine marchande des années cinquante dans les anciennes colonies africaines.

« Caïn et Abel », le tome 3 de « Universal War One », de Denis Bajram. Chez Soleil.

Alors qu'on est à peine à la moitié de l'histoire, Universal War One semble prendre une dimension supplémentaire à la lecture de cet excellent album. Cette fois, on entre dans le vif du sujet avec une explication de ce qu'est le fameux « mur » surgi dans l'espace tout au début de l'histoire. Maîtrisant parfaitement son sujet et ne laissant rien au hasard, Denis Bajram nous propose une aventure complexe, qui délaisse un temps la psychologie des personnages pour s'intéresser à la structure du récit elle-même. Une grande pirouette scénaristique basée sur le fameux principe du paradoxe temporel, brillamment exploité par l'auteur dans cet album. Puisque passer à travers le Mur, c'est changer de dimension temporelle, celui qui se trouve de l'autre côté a transgressé une loi physique. Il court évidemment le risque de mener l'univers au chaos s'il retourne sur ses pas, modifiant le présent qui lui a permis d'arriver jusqu'au Mur. Seul cerveau à mesure de comprendre les dangers de l'entreprise, Kalish va passer tout l'album à tenter d'éviter le pire, allant jusqu'à emprisonner ses coéquipiers. L'histoire est passionnante, complexe, bien développée. Le dessin de Bajram est pareil à lui-même, c'est-à-dire efficace et cinématographique. On a parfois un peu le tournis face aux explications et aux contre-explications qui se télescopent d'une page à l'autre mais c'est sans doute l'album le plus intéressant de la série. Il serait donc dommage de le négliger par paresse.
Nuit polaire (Golden City) par Thierry Bellefroid
« Nuit polaire », le tome 3 de la série Golden City, par Pecqueur, Malfin, Schelle et Rosa.

Un jour, Golden City pourrait voler la vedette à Aquablue. Si la SF écolo du second semble en effet tenir la route, elle ne bénéficie plus pour autant d'un courant de mode aussi efficace qu'à ses débuts. Golden City, en revanche, est en phase totale avec son époque. L'histoire d'Harrison Banks remplacé par un clone à la tête de Golden City pendant que l'original croupit dans un bagne de l'Antarctique à l'abri des regards, contient tous les ingrédients des bonnes séries. D'abord, elle ne s'essouffle pas. Ensuite, le dessin de Malfin (et les couleurs de Schelle et Rosa) est à la fois consensuel et très réussi. Enfin, il y a d'une part le héros qui subit l'injustice depuis les débuts de l'histoire et deux personnages de femmes qui incarnent les deux contraires que sont le Mal et le Bien. Soeur Léa, peut-être un peu effacée jusqu'ici, devient même un personnage clé dans le scénario de ce troisième album. Pecqueur enchaîne les événements à un rythme soutenu, mais il faut quand même admettre une chose : ses albums sont vite lus. Avec pour corollaire que l'on reste à chaque fois un peu plus sur sa faim. Il lui faudrait une petite vingtaine de pages de plus pour rassasier pleinement le lecteur. En dehors de cette petite remarque négative, rien à dire, Golden City est en vitesse de croisière pour le plus grand plaisir de tous...
L'Outrage (Tirésias) par Thierry Bellefroid
« L'outrage », tome 1 de la série « Tirésias », par Le Tendre et Rossi. Chez Casterman.

On attendait depuis longtemps un prolongement à « La gloire d'Héra ». Non pas une suite, mais un album dans le même ton. Cinq ans ont passé. Et le résultat est à la hauteur des espérances. Il les dépasse, même, tant le dessin de Christian Rossi a évolué entre les deux albums. Poser côte à côte « La gloire d'Héra » et ce premier volume de « Tirésias » vous en convaincra. Rossi est ici au sommet de son art avec un dessin vigoureux, plus réaliste, plus personnel aussi (on l'a trop longtemps présenté comme un simple « suiveur » de Giraud) et magnifiquement mis en couleurs. Quant à l'histoire, on peut faire confiance à Serge Le Tendre, il sait ce que c'est. Tirésias nous emmène à Thèbes, dans un monde cruel dominé par la guerre, la gloire personnelle et la soumission aux dieux. Un monde qui semble aux antipodes du nôtre mais que le scénariste nous rend plus proche que jamais. La recette est à la fois simple et difficile à mettre en pratique avec tant de brio : créer des héros mythiques aux histoires universelles, captivantes. Tirésias en fait partie. Son destin incroyable correspond très exactement à ce que Le tendre maîtrise le mieux : le sens de la quête. Une quête pour retrouver son identité, une quête pour quitter le corps de femme dans lequel il est emprisonné, lui, le fier guerrier. C'est passionnant, admirablement raconté et tout aussi bien dessiné.
Temps nouveaux par Thierry Bellefroid
« Temps nouveaux » de Tomaz Lavric (TBC) dans la collection Grands Chapitres des éditions Glénat.

Il y avait d'abord eu le fameux « Fables de Bosnie », puis « La cavale de Lézard ». Voici que TBC entre de plein pied dans l'univers Glénat avec deux albums. L'un est paru, il s'agit de ce « Temps nouveaux ». L'autre est à paraître, ce sera l'un des dix tomes du Décalogue, l'histoire imaginée par Frank Giroud (voir dossier par ailleurs). A n'en pas douter, celui-ci sera le plus personnel. Plus encore, peut-être, que « Fables de Bosnie » auquel on pouvait reprocher un certain académisme. « Temps nouveaux », c'est la Slovénie d'aujourd'hui, cette petite république jouxtant l'Autriche qui n'a guère eu de problèmes à se séparer de la Grande Yougoslavie, au début des années 90. Après une guerre éclair contre les troupes yougoslaves, les Slovènes gagnaient en effet le droit de devenir indépendants et ils allaient se tailler une réussite économique sans commune mesure avec ce que vivraient leurs voisins. Leur chance : avoir sur leur sol une unité ethnique et religieuse, contrairement à la Croatie, à la Bosnie-Herzégovine ou même à la Serbie. Dix ans plus tard, la Slovénie mesure le prix qu'elle a payé pour être dans le peloton de ceux qui réussissent. L'ancienne république socialiste de la Yougoslavie titiste est aujourd'hui confrontée à de nouveaux dangers, à des plaies jadis inconnues qui la gangrènent : violence urbaine, chancres, drogue, bandes néo-nazies, prostitution organisée, anciens membres de la police secrète reconvertis en « recouvreurs » de dettes... Ce sont ces phénomènes et ces gens que TBC a choisi de raconter à travers quelques courts récits durs, directs, sans concession. Une image fulgurante de ce que le capitalisme a pu amener dans un pays qui n'y était pas préparé et qui peut aussi bien s'appliquer aux pays baltes, aux anciennes composantes de l'URSS ou au reste des Balkans. Pour y avoir voyagé ces dernières années, j'ai retrouvé dans cet album des ambiances et des sensations plusieurs fois éprouvées dans ces pays de l'ex-bloc communiste. TBC, qui y vit, les rend mieux que personne et s'autorise un album engagé, polémique, dénonciateur. Un album que son trait noir et blanc réaliste transcende d'un bout à l'autre. Jouant tantôt sur les aplats noirs tantôt sur la précision de l'encrage, Tomaz Lavric prouve à ceux qui en doutaient encore qu'il est un grand dessinateur... et qu'il a des choses à dire !
Attaque (Capricorne) par Thierry Bellefroid
« Attaque », le tome 6 de la série Capricorne, par Andréas, dans la collection Troisième Vague du Lombard.

Voilà un album qui relance l'intérêt d'une série qu'on croyait entrée en phase quasi routinière. D'un coup, Andréas balaie les ingrédients des cinq premiers tomes, ou presque. Il ne garde d'eux que le personnage central, Capricorne. Tous les seconds rôles, tous les faire-valoir sont absents. Absentes également, la ville de New York, la grande bibliothèque, les histoires de SF basées sur les sources énergétiques. Cet album -qui pourrait aussi bien s'appeler « Rupture »- nous emmène dans une réplique à peine transformée de l'univers concentrationnaire nazi. Victime d'une rafle dans laquelle ont été emportés plusieurs centaines de voyants, chiromanciens et autres médiums, Capricorne se retrouve dans un camp de concentration, aux mains de tortionnaires sadiques, ivres d'autorité ; ils servent la secte mondiale « Concept » qui a pris le pouvoir un peu partout, par la force des armes. Plus réaliste que jamais, le récit privilégie les ambiances, les couleurs et même les cadrages classiques auxquels Andréas tourne généralement le dos. Le résultat est à la mesure de l'entreprise. On est véritablement prisonnier du climat de cet album. Et on redécouvre à quel point Andréas, débarrassé de ses tics, peut faire passer émotions et action avec un minimum d'artifices. Difficile, au stade actuel, de savoir où va mener cette histoire (dont la fin est assez déconcertante et ouvre à toutes les suppositions) mais une chose est sûre, elle témoigne d'une vitalité et d'une volonté de ne pas céder à la facilité qui honorent cet auteur de cinquante ans... C'est aussi un acte de courage et de foi pour un dessinateur né dans le pays responsable des camps de concentration.

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