Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

« Y : Le dernier homme », volume 1. Par Brian K. Vaughan et Pia Guerra. Chez Semic Books.

Si la littérature s'est déjà penchée plus d'une fois sur le thème d'un monde sans homme (le meilleur livre du genre est sans doute le roman d'Amin Maalouf, Le siècle après Béatrice), la BD semble négliger ce qui constitue pourtant un vivier d'histoires particulièrement riche. De toute manière, après ce « Y : Le dernier homme », il faudra se lever tôt pour trouver un angle d'attaque plus original et une histoire aussi bien ficelée. De l'élément qui a supprimé en une fraction de seconde toute vie masculine sur Terre, nous ne saurons rien. Du moins, pas cette fois. Le scénariste Brian K. Vaughan a choisi de ne pas s'attaquer aux causes du mal dans ce premier livre, mais de dresser une sorte de cartographie minutieuse et alléchante du monde qu'il nous propose. D'abord, il y a le prologue, la mise en place du drame, avec ses allers-retours entre les Etats-Unis, l'Australie et Israël. Flashes-back habilement utilisés. D'emblée, on sent que le scénariste ne se contente pas de raconter de manière linéaire mais s'offre une vraie gestion du temps. Puis, après le « cataclysme », il y a cette société de femmes, loin d'être aussi idéale et pacifique que ce qu'ont décrit la plupart des écrivains qui ont idéalisé ce thème. Vaughan imagine un monde livré à lui-même, avec les mêmes luttes claniques, les mêmes ambitions politiques que dans le monde actuel. Le fait qu'il n'y ait plus d'homme sur la planète ne change rien au fait que vivre ensemble est un défi. Surtout quand l'industrie, le téléphone, le trafic routier se sont arrêtés sans prévenir. Vaughan va plus loin. Il joue à la politique-fiction. Que serait le pouvoir dans une Amérique privée d'hommes ? Démocrates et républicaines enterraient-elles la hache de guerre pour construire ensemble un monde meilleur ? Pas d'après le scénariste qui nous propose un joli foutoir politique dans ce premier livre, ajoutant à l'imbroglio de la succession présidentielle un collectif de féministes fanatiques parti en croisade contre tous les symboles masculins. Mais tout cela ne serait qu'un livre de science-fiction intéressant si l'argument principal de « Y » n'était pas ce fameux... dernier homme (et son singe domestique...). Yorick, le héros, a le choix entre quelques milliards de femmes. Selon toute vraisemblance, il est le dernier survivant. Sa seule obsession est pourtant de retrouver sa fiancée. Idéaliste, romantique, mais pas forcément naïf, ce héros devient un excellent argument pour faire avancer l'histoire. Et comme le dessin de Pia Guerra (tiens... une femme) est parfaitement efficace et découpé, on se prend à lire ce premier volume d'une traite, avec une certaine voracité. Aucun doute : voici une des séries américaines à suivre.
« Sicaires de la sainte coke », tome 2 de « Cuervos », par Marazano et Durand. Chez Glénat.

Suite de l'excellent premier tome paru l'an dernier. Avec une différence de taille. Le héros, Joan, est toujours aussi violent... mais il n'est plus l'enfant auquel on pardonne tout. Le lecteur doit donc accepter de l'accompagner dans ce périple sans retour et sans amour (ou presque), un périple sans états d'âmes qui verra le héros régler ses comptes tant avec sa mère qu'avec ses associés. La violence de ce récit rappelle le « Juan Solo » de Bess et Jodorowski. Et le désespoir qui se dégage de l'univers de Marazano est toujours aussi interpellant. Bien sûr, il est plus aisé de suivre les débuts de pistolero d'un gosse des rues que de regarder froidement un ado tuer tout ce qui bouge. Mais la progression du récit est telle que l'on doit accepter de ne pas prendre parti et de ne pas s'attacher à Joan. Les auteurs ne jugent pas, ils ne prennent pas de gants non plus. Ils constatent. Et « dénoncent », sans insister, un monde qui fabrique la mort comme d'autres fabriquent des jouets. « Cuervos » n'est pas une BD engagée. C'est tout simplement une BD qui parle de ce que vivent aujourd'hui des millions de gens à l'autre bout du monde, en Colombie. Une autre manière de parler d'aventure et de montrer le justicier à l'oeuvre. Une manière crue. Décapante. Mais qui sonne juste. Dangereusement juste.
« Midnight nation » tome 3, par Straczynski et Frank. Chez Semic.

En trois livres, les auteurs de ce conte fantastique ont su tenir toutes leurs promesses. Pourtant, le pitch est particulièrement basique. David Grey se réveille entre deux mondes, avec pour mission de parvenir dans les délais à New York sous peine de ne jamais récupérer son âme. L'ancien flic est accompagné par une jeune femme séduisante et courageuse, Laurel, qui le protège des Marcheurs, des zombies assoiffés de violence qui préfigurent ce que deviendra Grey s'il ne récupère pas son âme. Straczinski aurait pu tirer son histoire en longueur. Au lieu de cela, il garde un rythme soutenu et conclut dans ce troisième livre une marche forcée et hallucinante qui mènera le héros face à son destin. Le final est tout sauf attendu. Laurel n'est pas forcément celle que l'on croyait et le choix qui s'offre à David Grey est bien plus compliqué que prévu. Le dessin de Gary Frank est en parfaite symbiose avec l'histoire et installe d'emblée le climat de malaise et d'angoisse qui sied au récit d'un bout à l'autre. Au terme de ces cinq à six cents pages (elles ne sont pas numérotées et je ne me suis pas amusé à les compter, les puristes me pardonneront si cette estimation est fausse !), on s'aperçoit qu'on a lu une des bonnes histoires fantastiques de ces dernières années. Et qui plus est, dans un genre où les Américains ont parfois tendance à s'en tenir aux stérétotypes les plus éculés. On croit que c'est le cas ici dans les premières pages du tome 1. Mais on s'aperçoit ensuite que « Midnight Nation » est plus original qu'il n'y paraît. Avec l'avantage d'être en outre extrêmement bien découpé et dialogué.
« Les amis de Josy », tome 1 de Lieutenant Kate, par Efix, Chric et Myriam. Chez Petit à Petit.

Le premier album de Efix, « K, une jolie comète », était déjà centré sur le personnage de Kate. Mais elle n'était pas encore lieutenant de police. Dépouillé, le dessin en noir et blanc affichait sa filiation avec celui de Crisse et parvenait à osciller entre onirisme et réalisme. Une réussite. Vint ensuite la série « Mon amie la poof ». Moins convaincante, surtout en ce qui concernait le scénario. Et voici en grand format le premier album des aventures du Lieutenant Kate et de ses deux acolytes, l'intello amoureux de musique et le gros nounours un peu râleur. Derrière une couverture prometteuse, force est de constater que l'ensemble manque singulièrement de lisibilité. Le dessin de Efix manque d'air, le lecteur éouffe vite (dès la page 6-7) face à cette BD bavarde et brouillonne. Pas facile non plus d'entrer dans une histoire de serial killer quand on se retrouve face à un dessin si rond. Il faut donc une certaine dose d'auto-persuasion pour croire à cette enquête et la suivre jusqu'au terme. Surtout que les phylactères sont inutilement surchargés par des mots en gras (quelle étrange et désagréable manie) censés attirer l'attention du lecteur. Au final, une enquête classique avec des héros sympathiques, mais parcourue de stéréotypes. Si c'était un premier album, on souhaiterait que les auteurs fassent simplement mieux la première fois. Mais c'est le cinquième. On espère donc qu'ils se remettront véritablement en question.
« Les blagues de Toto », tome 1 : L'école des vannes. Par Thierry Coppée. Chez Delcourt.

Difficile de dire à quel point cet album a créé la surprise. Le succès immédiat auprès des plus jeunes -et parfois de leurs parents comme le prouvent les dédicaces de l'auteur- ne ment pas. Thierry Coppée a trouvé une voie dans la BD d'humour. Reste à voir s'il tiendra la distance, le vivier d'histoires drôles à disposition étant forcément limité. En attendant, j'avoue avoir été très agréablement surpris par ce premier album. Pas forcément convaincu par le sujet, j'ai ouvert cette BD distraitement et me suis laissé prendre au trait sympathique de la première planche en me disant qu'il était très inspiré de celui de Geerts. C'est donc avec soulagement que j'ai découvert dès la deuxième case que Thierry Coppée assumait son héritage, en proposant un gros clin d'oeil à la série Jojo. Et je me suis dit qu'après tout, le principal était de voir si ça fonctionnait. Les deux trois premiers gags m'ont gentiment fait sourire. Mais il y avait déjà quelque chose. Ce gamin à la fois espiègle et candide, me rappelait bel et bien les blagues de mon enfance. Son univers très simple, la lisibilité du dessin... tout concourait simplement à donner l'envie de tourner la page. Peu à peu, les sourires ont tourné aux rires. C'était gagné. Thierry Coppée a dû sélectionner les meilleures histoires parmi celles qui circulent. Mais il a aussi eu le talent de les découper de manière telle que le seul intérêt de la lecture ne réside pas dans la chute. Voilà sans aucun doute son plus grand mérite. Une blague est par essence concentrée dans la chute. Le reste n'est destiné qu'à vous faire patienter. Si ce « reste » est négligé, on s'en rend compte et on finit par très vite s'ennuyer. Si au contraire, l'univers parvient à faire exister les personnages et le dessin à attirer l'oeil, si le découpage est économe, on mord. C'est le cas ici.
« La voix de son maître », tome 1 de « Fats Waller », par Igort et Sampayo. Chez Casterman.

Beaucoup de bonnes surprises, ces derniers temps, dans la collection « Un monde ». Et celle-ci n'est pas la moins agréable. Il peut y avoir chez le lecteur une sorte de réflexe pavlovien à la lecture de signatures connues. Un peu comme le chien qui se met à saliver, on fantasme à la simple idée de voir deux noms s'associer. J'avoue que ce fut mon cas ici. Igort, c'est un trait magistral et une mise en page toujours novatrice que l'on a heureusement redécouvert en France grâce au « Sinatra » des éditions Amok, avant le superbe « 5 est le numéro parfait » de Casterman. On avait presque oublié à quel point ce dessinateur italien très présent dans les années 80 était élégant et essentiel. Quant à Sampayo, son nom évoque inévitablement les albums qu'il a réalisés en compagnie du génial José Munoz. Bref, cette association momentanée a tout pour séduire. Et Casterman ne s'y est pas trompé, couchant cette histoire sur un papier ivoire, avec un luxe d'impression qui en fait d'emblée un objet magistral. Sampayo joue avec la musique, avec le temps, avec l'espace tout au long de ce premier volume. Igort le suit. Tantôt il propose un dessin proche de celui que Mattotti adopte dans ses projets noir et blanc (on pense à « Stigmates »), tantôt il apure les lignes jusqu'à la stylisation la plus parfaite. Certaines trouvailles visuelles valent à elles seules la lecture de ce livre, comme l'idée du labyrinthe en fondu enchaîné avec la croix gammée. Bref, tout cela tient parfaitement ses promesses. Ce livre est une symphonie, il parvient à vous faire oublier qu'il lui manque la bande-son et vous emporte sur ses portées musicales dans un univers qui échappe à la logique narrative habituelle. C'est désarçonnant. Pas toujours aisé. Mais Sampayo ne nous a jamais habitué à autre chose.
Face à face : « L'Immeuble d'en face », par Vanyda. Chez La boîte à bulles.
Aucun mot ne me vient à l'esprit en lisant et relisant cet Immeuble d'en face, tant l'œuvre est forte, mature, sensible, foisonnante, etc.. À l'heure où les récits du quotidien semblent à la mode en BD, mais donnent lieu trop souvent à des histoires artificielles ou nombrilistes, Vanyda réussit le double pari de ne pas parler d'elle - mais des autres... donc, potentiellement, de nous - et de nous proposer un récit qui « sonne juste ». Les événements du quotidiens sont disséqués avec intelligence ; le moindre acte, même anodin, est restitué avec sensibilité et éveille en nous des émotions simples. Outre la qualité narrative de chacune des petites anecdotes racontées, Vanyda réussit à un autre exercice difficile : faire cohabiter ses références franco-belges et ses influences manga. Là aussi, l'auteur évite le piège du « plaquage artificiel » d'un code sur l'autre (comme trop jeunes auteurs qui sévissent en S-F et fantasy pour le moment), au profit d'une réelle fusion des contraintes graphiques des deux « écoles ». Vraiment, cet Immeuble d'en face est un lieu dans lequel on aime revenir... pour le plaisir !

Je viens de lire, de Michael Day.


Face à face : « L'immeuble d'en face », par Vanyda. A La Boîte à Bulles.

Modérément séduit par le scénario de « L'année du dragon » récemment paru chez Carabas, j'avais toutefois apprécié le graphisme de cette nouvelle venue, Vanyda. C'est donc avec un a priori positif que j'ai ouvert « L'immeuble d'en face », sans me douter que j'allais recevoir un coup de poing à l'estomac en lisant l'autre Vanyda, la scénariste.
Composé de petits tableaux sur des instantanés de la vie de trois couples habitant le même immeuble, le livre ne se laisse apprivoiser que lentement. On est d'abord surpris par les cadrages et le découpage, extrêmement inventifs et jamais gratuits. Vanyda travaille à l'économie, mais elle sait surprendre l'oeil. On est ensuite séduit par la justesse des détails : les dialogues semblent tous avoir été captés sur le vif, les positions des personnages lorsqu'ils parlent ou se déplacent semblent l'avoir été tout autant. Ce n'est qu'après la lecture des vingt ou trente premières pages, lorsqu'on a fait la connaissance de cette maman enceinte et de son petit garçon, de ce couple d'un certain âge avec son dogue allemand et de ces deux adorables jeunes amoureux habitant au dernier étage de l'immeuble que l'on prend la mesure de ce que Vanyda nous raconte. Sans y toucher, elle tise une toile de la vie quotidienne d'une justesse de ton et d'une intelligence qui relèguent les tentatives du genre « Pyjama party », « Les filles » et autres BD du quotidien au rang de pâles ersatz. Tout sonne juste. Et rien n'est là par hasard. De tableau en tableau, on avance dans une histoire qui joue à cache cache avec le lecteur. On mesure bientôt à quel point ces personnages semblent sortis de NOTRE immeuble d'en face, tant ils nous paraissent vrais, existants, proches. Et lorsqu'on referme ce livre, on se dit que sans aucun doute, on vient de lire la première histoire d'un futur grand auteur. Vanyda possède tout, malgré son jeune âge : un oeil aiguisé, une patte personnelle, mais aussi et surtout un talent rare, celui-là même que souligne Frédéric Boilet dans la préface de ce livre -elle sait raconter des histoires. Comme personne.

Houyo (Nävis) par Thierry Bellefroid
« Houyo », tome 1 de la série Nävis, par Morvan, Buchet, Munuera, Lerolle. Chez Delcourt.

Tout a commencé dans les pages de feu Pavillon Rouge. S'il doit rester quelque chose de cet épéhémère magazine, ce sont ces expériences qu'il a permises et qui débouchent ces temps-ci sur des albums qui n'auraient peut-être pas vu le jour autrement. La rencontre entre Morvan et Munuera est déjà ancienne, mais elle se double ici d'une assistance de Philippe Buchet sur le scénario. Le trio explore l'enfance de Nävis, l'héroïne principale de Sillage, après le crash de son vaisseau sur une planète inconnue peuplée d'animaux sauvages. Nävis a six ans. Elle est espiègle, indisciplinée, et son seul lien avec l'ordre, le robot Nsob, a bien du mal à gérer ses humeurs fantasques. Ce contexte permet essentiellement aux auteurs de se faire plaisir. Il y a dans ce premier album une fraîcheur et une énergie virevoltante qui emportent l'adhésion. L'histoire est forcément moins complexe. Le public visé est sans doute un peu plus jeune. Mais Munuera se surpasse dans l'action ! Du dessin animé sur papier, c'est ce qu'on ressent en tournant les pages de cette sympathique première histoire à l'issue forcément connue des lecteurs de la série Sillage. Eh oui, cacun sait que le tigrours Houyo deviendra le compagnon de Nävis ; il n'y a donc aucun suspsense. Pourtant, grâce à l'humour qui se dégage de ces pages, grâce à la tendresse que les auteurs parviennent à nous faire ressentir pour la petite Nävis, on se laisse prendre par la main et emmener dans une folle sarabande. Rien à dire, quand une équipe comme celle-là s'amuse, ça se sent et c'est tout bénéfice pour le lecteur !
Lupus - T. 2 (Lupus) par Thierry Bellefroid
« Lupus Volume 2 », par Frédérik Peeters. Chez Atrabile.

Nommé dans la catégorie meilleur album cette année à Angoulême pour le tome 1 de cette série, Frédérik Peeters est passé à côté du prix. Mais à la lecture de ce deuxième volume, on se dit qu'il aura encore bien des occasions de nous étonner. Avant toute chose, on est frappé par l'élégance de son dessin, qui s'exprime dès la couverture. Mais le dessinateur genevois révélé par « Pilules bleues » est aussi un sacré conteur. En fait, il s'agit de l'un de ces auteurs à part entière pour lesquels la bande dessinée semble avoir été inventée. Frédérik Peeters se servait déjà de la SF dans le premier volume pour traiter des relations humaines. Ici, il va bien plus loin et nous propose un livre sublime qui parvient à faire le grand écart entre une vision graphique très poétique et des thèmes graves traités avec légèreté. La liberté, la vieillesse, l'usure des sentiments, le respect d'autrui, l'idéalisme, le retour à la terre, la pudeur, le refus des normes, la remise en cause du bonheur social sont quelques-uns seulement des nombreux thèmes explorés à travers ce récit troublant, qui utilise la SF pour ce qu'elle peut apporter de poétique, voire d'onirique, mais se fout complètement des trous noirs, des failles spatio-temporelles et autres guerres des étoiles. Peeters nous invente un eden avec des arbres champignons « qui éjaculent leurs spores dans l'espace », des animaux sauvages proches du bestiaire terrestre et pourtant originaux, une flore abondante et pleine de ressources pour ceux qui savent comment l'utiliser, une jungle merveilleuse où tout son talent s'exprime dans un noir et banc parfaitement maîtrisé. Les cadrages sont toujours aussi inventifs (avec parfois, il faut bien le dire, une propension à réaliser de très gros plans un peu difficiles à décoder) et les planches sont un véritable modèle d'équilibre. Rien à dire, chacune d'entre elles est un petit tableau digne d'être exposé. Bref, dès janvier, on sait déjà qu'on tient entre les mains l'un des albums de l'année. Et que les onze mois à venir n'y pourront rien changer.
Le sang des Valentines par Thierry Bellefroid
« Le sang des Valentines », par De Metter et Catel. Chez Casterman.

Depuis qu'il a publié « Emma » chez feu Triskel, De Metter n'a jamais cessé de nous surprendre. Il y a eu « Le curé », il y a eu « Dusk », voici maintenant « Le sang des Valentines », une oeuvre puissante qui doit beaucoup à son talent réaliste mais aussi à la très belle profondeur qu'il donne à ses personnages. Car Christian De Metter n'est pas seulement un bon peintre physionomiste, qui vous restitue avec justesse les traits d'une tronche croisée dans la rue ou immortalisée sur une photo. C'est aussi un peintre de l'âme, qui sonde l'intérieur de ses héros, à travers des silences savamment dosés, des regards d'une intensité éloquente. Le scénario imaginé par Catel Muller lui fournit une matière première abondante. Catel, que l'on aurait à tort pu enfermer dans le registre léger des « Lucie » est bien plus qu'un clone féminin de Dupuy-Berbérian. Elle le prouve avec cette histoire dramatique de poilu démobilisé au sortir de la Grande Guerre, de retour dans une vie qui n'a plus ni sens ni valeur. Le spleen désabusé d'Augustin Dortet parcourt les pages de ce livre, jouant utilement sur les flashes-back pour mettre en place les pièces du drame final. La colère remplace bientôt le mal-être, mais Catel passe aussi par la palette du désespoir, parvenant, dans cette histoire sombre et implacable, à interroger toute la noirceur humaine. A défaut d'être très neuf, ce récit (d)étonne d'abord par sa justesse, son humanité et la parfaite adéquation entre son scénario et son traitement graphique. Une fois terminée, sa lecture vous laisse presque un goût de trop peu. On est réellement tenté de reprendre le livre à la page une.
Ma circoncision par Thierry Bellefroid
« Ma circoncision », de Riad Sattouf. Chez Bréal Jeunesse.

Bréal, éditeur universitaire, accueille depuis quelques mois quelques-uns des amis de Joann Sfar dans une collection Jeunesse très réussie. Après avoir illustré « Le banquet de Platon » chez eux, Sfar a accepté de diriger cette collection au ton résolument neuf dans le secteur très balisé de l'édition jeunesse. Un roman d'Emmanuel Guibert, une histoire de Sandrina Jardel, la compagne de Joann, un livre d'Emile Bravo, deux de Riad Sattouf... le doute n'est pas permis : il s'agit bien d'un repaire éditorial d'amis « Sfariens ». Ce qui est troublant, c'est de constater à quel point tous ces auteurs qui possèdent des univers personnels très différents, se rejoignent sur certains points. A lire « Ma circoncision », par exemple, on est étonné par la parenté existant entre Riad Sattouf et Marjane Satrapi. Utilisant comme elle des souvenirs d'enfance « orientaux » (le récit se passe en Syrie) pour dégager de l'expérience autobiographique une « leçon » plus universelle, Sattouf dépouille son dessin et le mèle à l'écriture, presque à la manière du livre illustré pour enfants, si ce n'est qu'il y intègre des phylactères. Le résultat, c'est ce livre drôle et touchant à la fois, qui aborde une question pourtant difficile et un sujet plutôt tabou chez les éditeurs enfantins. Riad Sattouf avait déjà publié quelques mois plus tôt « Manuel du puceau » dans la même collection, il a donc décidé de ne pas jouer l"autruche et d"appeler un chat un chat... et une bite une bite ! Manifestement, son intention n"est pas de choquer -le récit n"a rien de choquant- mais bien de dépoussiérer la littérature destinée aux plus jeunes. En abordant de front des thèmes qui les préoccupent et qui peuvent les initier aux autres cultures. Professant son ignorance à longueur de pages (Riad, enfant, ne savait rien de ce qui l"attendait et pensait que la circoncision le distinguerait des Juifs, ignorant justement que ces « ennemis » de son peuple pratiquaient précisément la même opération), et nous faisant rêver avec lui à ce Goldorak géant qu"il avait fait promettre à son père de lui acheter en contrepartie de l"opération, l'auteur nous emmène dans une histoire à la fois grave et légère, une histoire qui ne fonctionne bien que parce que le ton pour la raconter est le bon.
« Où le regard ne porte pas... », par Abolin et Pont. Chez Dargaud.

La collection Long Courrier renaît une fois de plus de ses cendres. Mais on ne peut pas dire qu'on le lui reprochera ! « Où le regard ne porte pas... » est LA surprise de ce début d'année. Derrière une couverture d'une grande sobriété mais aussi et surtout d'une efficacité rare -qui ne se sentira pas interpellé par ce dessin épuré et ces deux enfants nostalgiques en équilibre au-dessus du vide ?- un livre qui devrait réconcilier les lecteurs de tous âges autour de la BD dite grand public. Soulignons que les auteurs ont l'humilité de s'effacer devant le titre de leur oeuvre, ce qui n'est pas courant. Leur nom se trouve sur la tranche, mais ni en couverture, ni en quatrième de couverture, ce qui prouve qu'ils croient avant toute chose au pouvoir évocateur du dessin présenté et d'un titre mystérieux, poétique et suggestif.
« Où le regard ne porte pas... » est d'abord un ravissement pour les yeux. Avec un dessin qui rappelle celui d'André Benn (Mic Mac Adam, Woogee...) alliant visages stylisés et décors réalistes très présents, Olivier Pont nous emmène loin de ses précédents travaux (La honte, et Totale maîtrise, chez Vents d'Ouest). Il peut s'appuyer sur une mise en couleur remarquable, assurée par Jean-Jacques Chagnaud. Elle donne à l'ensemble du livre cette touche à la fois nostalgique et intimiste qui colle si bien à ces paysages baignés de lumière. 96 pages qu'on peut feuilleter plusieurs fois avant de les lire, ou même après, car elles sont tout simplement belles, au sens le plus noble du mot.
Pourtant, si l'écrin est beau, le bijou qu'il contient ne l'est pas moins. Georges Abolin parvient à allier des influences littéraires à la Pagnol (on pense bien sûr à Jean de Florette/Manon des Sources) à un univers très personnel, installant en filigrane une intrigue fantastique qui prendra sans doute le dessus dans la deuxième partie. Comme chez Pagnol, il y a cette dualité entre deux modes de narration. D'une part, une histoire poétique empreinte d'enfance à la limite de la chronique rurale où l'humour et la légèreté affleurent. De l'autre, le drame, avec ses retournements de situation, ses personnages à la face sombre, ses paroxysmes et ses héros entêtés qui creusent eux-mêmes le gouffre de leur malheur. Le tout est subtilement dosé et emporte le lecteur dans une lecture au rythme parfait, jusque dans ses silences. Le dessin tout en nuance de Pont vient remplacer les mots quand il le faut, jouant sur les regards, exploitant la physionomie et le langage universel de la complicité enfantine. Quand on parle de rythme, d'ailleurs, on doit souligner le courage éditorial de Dargaud qui a eu l'audace de publier d'emblée cette première partie en 96 pages, ce qui laisse aux auteurs la latitude nécessaire au développement des personnages secondaires (tous très importants et très réussis) ainsi qu'à l'épanouissement des relations entre les enfants. Le tout avec ce qu'il faut de mystère pour nous mettre l'eau à la bouche sans pour autant que nous nous sentions frustrés. A la différence d'autres livres, celui-ci nous en donne assez pour ne pas nous laisser sur l'impression de n'être qu'une mise en place -voire une mise en bouche. Pourquoi ? Parce que les scènes inexpliquées ne sont là qu'en guise de teasing sans être l'argument principal de l'histoire. Les relations entre les personnages, leur charisme, les dialogues et la justesse de ton de cette première partie suffisent à notre bonheur de lecteur.
Indian Tonic (Lincoln) par Thierry Bellefroid
« Indian Tonic », tome 2 de la série « Lincoln », par Olivier, Jérôme et Anne-Claire Jouvray. Chez Paquet.

Les deux frères Jouvray et leur coloriste, Anne-Claire, ont assurément trouvé leur voie. Ils avaient créé la surprise avec le premier volume de Lincoln. Ils ne déçoivent nullement en proposant un deuxième album finement ciselé. Le dessin de Jérôme est toujours aussi vif et enlevé, le découpage est sans doute encore plus réussi que dans le premier tome, mais ce sont surtout les dialogues absolument savoureux d'Olivier que l'on retriendra de cette suite très attendue. Le héros le plus teigneux jamais choisi par Dieu le Père pour redresser les situations d'injustice reste un excellent vecteur d'humour. Ses confrontations avec « Le Vieux » comme il appelle Dieu le Père sont toujours l'occasion pour les frères Jouvray de donner toute leur mesure dans la drôlerie décalée. Quant aux personnages secondaires, principalement les trois acolytes de Lincoln qui sont loin d'avoir inventé le fil à couper le beurre, ils tirent parfaitement leur épingle du jeu et contribuent à la bonne humeur de l'histoire. Cette BD allie avec brio une écriture rigoureuse et réfléchie à un dessin d'apparence presque brute, proche de la vivacité d'un crayonné. Même si l'influence de Blutch se fait toujours un peu sentir, on aime Lincoln d'un bout à l'autre. Une série qui mériterait d'avoir la reconnaissance d'un bon Larcenet et qui aurait très bien pu figurer sans aucune honte dans la collection Poisson Pilote.
Rien de neuf à Fort Bongo par Thierry Bellefroid
« Rien de neuf à Fort-Bongo », par Loustal et Coatalem. Chez Casterman.

Deuxième expérience d'adaptation des nouvelles de Jean-Luc Coatalem par Loustal avec, cette fois, une différence essentielle : il s'agit d'une seule histoire d'une soixantaine de pages. Rien de neuf à Fort-Bongo est tiré de deux nouvelles d'Affaires indigènes, un livre paru en 92 chez Flammarion. Mais les deux histoires initiales n'en forment ici plus qu'une seule, qui nous raconte la descente aux enfers d'un jeune expatrié désoeuvré dans l'Afrique coloniale de la première moitié du vingtième siècle. Loustal y trouve une inspiration évidente. Son dessin, souvent imité jamais égalé comme le dit la formule, exploite les clichés de la moiteur africaine et même son bestiaire -la scène des hippopotames, par exemple- avec un regard qui paraît toujours neuf. Et la longueur du récit lui permet en outre de prendre son temps, installant de très belles images et un découpage respectueux des mots de l'auteur. Puisqu'on parle des mots, Loustal leur laisse une place importante dans son dispositif narratif. Les récitatifs sont nombreux, la langue du romancier grand reporter de Géo y sonne admirablement, sans jamais se placer en concurrence avec le dessin. Quand Loustal s'empare d'un texte, on le sent, c'est avec respect. Pas de redondance entre l'écrit et le dessin, mais pas d'illustration non plus. Il s'agit bel et bien de donner une nouvelle vie à l'oeuvre en réalisant une vraie bande dessinée, avec ses ambiances colorées, ses visions propres (le chantier de « La Lune », la chasse aux papillons, les nuits au bord du fleuve...) et son rythme spécifique. La réussite est évidente. Et comme l'histoire fige un instantané d'une certaine noirceur, la gamme chromatique de Loustal a d'autant plus d'importance pour habiller ce récit.
« Nat et Lisa, deuxième partie », tome 2 de la série « Red River Hotel », par Cornette et Constant. Chez Glénat.

Sans en avoir l'air, Jean-Luc Cornette installe peu à peu un univers personnel qu'une collaboration avec Moynot viendra très bientôt compléter chez Glénat. Un univers où cet auteur complet (on se souvient de son original « Visite guidée » dans la collection Tohu Bohu des Humanos) se transforme de plus en plus en scénariste, abandonnant le crayon à des collaborateurs. Un univers qui peut à la fois loucher sur le polar ou le drame et se décliner de manière très réussie dans la collection Jeunesse des éditions Delcourt. Cornette a en lui une part d'enfance mal enfouie et c'est là qu'il puise sans doute sa meilleure inspiration. Mais il peut également s'étendre sur des sujets plus graves, comme il le fait dans Red River Hotel, sans jamais oublier de privilégier avant toute chose les rapports entre ses personnages. Malgré l'aspect dramatique de cette histoire -un livreur de pizzas qui pleure sa fiancée disparue sans savoir que c'est l'un de ses employeurs qui a écrasé la belle par erreur et le lui a caché-, il tisse son récit autour des caractères atypiques de ses héros, traquant les bizarreries des uns et des autres, se servant des décors de New York en contrepoint d'une histoire finalement plus romantique qu'elle y paraît. On aime ses personnages bizarres, le mélange du sordide et du romantique (Lisa en flash-back lors d'une partie de pêche, Lisa en train de se faire découper en morceaux après avoir passé trois heures à cuire dans un four à pizzas... deux images qui voisinent dans ce même album), les dialogues à l'humour parfois caustique. Le tout servi par un Michel Constant qui semble s'être totalement fondu dans l'univers de son scénariste sans perdre sa patte propre. Du joli travail.
A Holy Hole (Shaolin Moussaka) par Thierry Bellefroid
« A holy hole », tome 1 de Shaolin Moussaka. Par Chauvel et Pedrosa. Chez Delcourt.

Si tout l'album était de la tenue des premières pages, on tiendrait là l'une des BD de l'année qui commence ; drôle, élégante, poétique, nouvelle. Que des qualités. Comme dans Ring Circus, Chauvel y déploie en tout cas une facette de son talent particulièrement intéressante. Et comme dans Ring Circus, le dessin de Pedrosa est une petite merveille de délicatesse, de légèreté et de lisibilité. Ce dessinateur a du talent, il faut le dire. Et il l'exprime ici d'une manière à la fois différente de celle qu'il développe dans Ring Circus et à la fois très complémentaire. Plus épuré, plus « cartoon », son dessin fonctionne à merveille, particulièrement dans les scènes mouvementées. Alors, me direz-vous, qu'est-ce qui peut bien tempérer mon enthousiasme ? La constance n'est malheureusement pas au rendez-vous de ce premier album ; sans doute est-ce dû à sa confection, qui s'est faite à travers un rythme de parution en chapitres dans feu Pavillon Rouge... Après une entrée en matière d'une rare drôlerie et d'une grande originalité dans laquelle Chauvel prouve qu'il est aussi un excellent dialoguiste d'humour, l'histoire semble souvent perdre son rythme et partir dans tous les sens. A tel point que la fin -qui n'en est d'ailleurs pas une- laisse le lecteur sur une interrogation majeure : mais qu'ont voulu dire les auteurs, au fond ? Je ne suis pas sûr de l'avoir bien compris. Mais ce bon moment de lecture ne m'empêchera pas de lire le second volume de Shaolin Moussaka pour creuser la question !
« Les enfants du siècle », deuxième tome des aventures d'Eugène de Tourcoing Startrec, par Edith et Corcal. Chez Casterman.

Le premier album était charmant, le second est magnifique. Eugène de Tourcoing-Startrec, le peintre visionnaire, n'est finalement que l'un des personnages d'une galerie surtout composée de seconds rôles. Dans le monde imaginé par Edith et Corcal, les vrais héros ne sont pas les protagonistes des histoires, mais ces personnages de chair et d'os qui ont fait l'Histoire et que l'on croise au détour d'une page : Monet à Giverny, ou ce petit garçon féru de peinture qui aura plus tard un destin des plus terribles (vous comprendrez si vous lisez l'histoire jusqu'au bout). Les « Orteils », cette bande d'anarchistes qui parlent espagnol comme une vache du même nom et projettent des attentats artistiques comme d'aucuns aujourd'hui des attentats patissiers, sont bien sympathiques et ma foi très drôles. L'humour affleure constamment, joliment décalé, en clin d'oeil, embusqué juste derrière une poésie souvent burlesque. Et comme tout cela est très joliment dessiné, pas moins joliment mis en couleur, encore moins joliment dialogué, nous voilà devant une série qui mériterait de trouver un large public. Eugène de Tourcoing-Startrec est un peu comme Odilon Verjus : une manière décalée et drôle de revisiter l'Histoire. Mais sans doute avec un véritable supplément d'âme.
« La légende de Cassidy », tome 1 : « 100 tueurs dans la plaine », par Martin et Hanuka, chez EP éditions.

Hanouka aime décidément travailler avec des écrivains. Après Didier Daeninckx et Etgar Keret, l'un des écrivains israéliens les plus en vue, il démarre cette trilogie sur Cassidy en compagnie de Roger Martin, auteur, entre autres, de « AmeriKKKa ». Hanouka en profite pour se frotter au western, un genre qu'il aborde avec une patte toute personnelle. On pourra discuter sur la mise en couleur des histoires de Keret et sur le goût parfois immodéré de ce dessinateur pour les tons mauves et les effets informatiques (même si le coloriste est Cédric Forest, on se doute que Keret lui fournit des indications. Et si l'on jette un oeil à ses précédents travaux, on verra que le dessinateur avait déjà privilégié cette voie). Mais il parvient à éviter la plupart des clichés de la BD de western et se singularise grâce notamment à l'excellente histoire de Roger Martin. Comme dans AmeriKKKa, c'est une Amérique sociale qui intéresse l'auteur, plus qu'un pays de « folkore » facile et cinématographique. L'histoire se confond avec l'Histoire, les personnages de légende avec les pages noires du Far West, le romanesque avec le tableau d'une époque. Le résultat n'est pas décevant. Une autre vision du western en BD, ce qui n'est pas courant.
Le cabinet chinois par Thierry Bellefroid
« Le cabinet chinois » de Nancy Pena, à La Boîte à Bulles.

Dès la première case, Nancy Pena installe une ambiance à la fois graphique et narrative, qui attire le lecteur. Assurément, cette histoire-là va nous emmener dans un univers personnel, original. Le trait est élégant ; il allie la rondeur, la féminité même, à une aridité propre au dessin inspiré de la gravure. Quelque chose comme un Isaac le Pirate plus rond que pointu. Et d'ailleurs, puisqu'on parle d'Isaac le Pirate, il est curieux de constater que l'histoire commence à peu près de la même manière. Isaac laisse sa fiancée pour aller dessiner sur les bateaux, Corneel abandonne la sienne par idéal de modernité. Le personnage de cet alchimiste n'est guère sympathique. Egoïste, vaniteux, son discours sur le monde qui l'entoure prête à sourire tant il est empreint de fatuité. La belle, elle, est tout à l'opposé. Séquestrée dans la maison labyrinthique d'un riche négociant -celui-là même pour lequel travaille en secret son ex-fiancé-, elle subit d'abord les événements, avant de trouver des alliés dans le cabinet chinois, la pièce magique où des êtres qu'elle est la seule à voir lui permettent de surmonter sa solitude. Tout cela se passe dans une Hollande des débuts de la Renaissance, au XVIème siècle, avec ce qu'il faut de poésie, de sagacité et de sensibilité pour qu'on reste accroché d'un bout à l'autre. Nancy Pena a un vrai regard sur ses personnages et sur son travail. Elle ne se contente pas de raconter. Elle se raconte, en pointillé.
La chambre par Thierry Bellefroid
« La chambre » de Lorenzo Mattotti. Au Seuil.

Au Seuil, on aime les beaux livres et tant pis s'ils ne rentrent pas dans les tiroirs -SF, héroïc fantasy, polar, roman graphique ou steampunk sont des mots qui n'existent pas dans la maison ! Tant pis aussi si leur forme en fait des objets inclassables, qu'il vous faudra laisser en exposition sur un coin d'étagère ou ranger dans un tiroir plutôt que de pouvoir l'aligner sagement sur votre collection de livres à tranche noire au format unique. Et puis tant pis encore si ces livres sont muets, si la succession de dessins ne raconte pas vraiment une histoire, tant pis si certains ne verront là qu'un carnet de croquis parmi d'autres. Quand Mattotti croque de son crayon généreux, quand Mattotti croque de son crayon économe, quand Mattotti croque de son crayon amoureux, cela donne 77 dessins noir et blanc sur un lit. Un homme, une femme, des postures troublantes d'exactitude, des scènes de la vie amoureuse, de la découverte amoureuse, de la somnolence amoureuse. Un hymne à l'amour, au lit, à la chambre et au dessin. Voilà ce qu'est ce superbe petit livre au format italien, un livre qui s'excuse presque d'exister, jouant la sobriété totale en couverture, mais qu'il est bon d'ouvrir, de feuilleter, de regarder, de retrouver.
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