Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

« Madame la lune », par Jean-Luc Loyer, Nathalie Ferlut et Thierry Leprévost. Chez Delcourt Jeunesse.

La collection Delcourt Jeunesse ne manque pas de talents. Elle est sans doute à ce jour la seule vraie collection de BD pour enfants (à ne pas confondre avec les livres illustrés pour enfants qui pullulent) à se maintenir avec régularité et qualité constantes. Ce « Madame la lune » nous emmène à la rencontre de personnages adorables, qui fabriquent les rêves des enfants, quelque part sur leur bateau, dans le ciel. Et qui découvrent soudain l'existence d'autres fabricants de rêves... mais méchants ceux-là, les fabricants de cauchemars. S'en suit une confrontation dans laquelle les trois personnages principaux vont montrer leur courage et leur détermination alors même qu'ils étaient dévolus aux tâches les moins prestigieuses sur le navire des rêves : pousser les étoiles dans le ciel à coups de râteau. C'est mignon tout plein, c'est forcément une BD qui pousse les enfants à explorer l'imaginaire et c'est très joliment dessiné. Ce qui ne gâche rien : le personnage central est une fille qui a un peu de mal à s'imposer dans un monde imaginaire, certes, mais un rien macho !
Protocole Oslo (Travis) par Thierry Bellefroid
« Protocole Oslo », le tome 4 de la série Travis. Par Duval, Quet, Schelle et Rosa. Dans la collection Neopolis des éditions Delcourt.

Fred Duval est un fameux scénariste. Que ce soit avec Carmen Mc Callum ou Travis, ses deux séries, il arrive à ferrer le lecteur dès les premières pages et à garder intact le suspense pendant plusieurs épisodes. Ses histoires sont denses, intelligentes, extrêmement bien découpées, populaires dans le sens positif du terme. Et ses héros sont attachants. Le souci du détail ajoute une touche de crédibilité à l'ensemble. Que dire d'autre sans paraître suspect ? Travis ne faiblit pas. Cet avant-dernier épisode du premier cycle nous emmène à un rythme toujours aussi musclé dans une station orbitale de l'ONU pour une négociation entre les deux grands groupes agroalimentaires rivaux -Transgenic et Baxter & Martin- où va se jouer une sérieuse partie de poker menteur. C'est Pacman -le hacker surdoué- qui tire les cartes, cette fois. Et qui en apprend un peu plus au lecteur sur le commanditaire des attentats qui se sont succédés depuis le premier album. On en saura juste assez pour imaginer la grande confrontation finale. Mais avec Duval, il faut s'attendre à des retournements de situation jusqu'à la dernière minute. Le moindre d'entre eux, dans cet album-ci, n'est pas de voir deux des plus fidèles ennemis de Travis -Pacman et Vlad- lui prêter main forte pour faire triompher le bon droit ! Mais pas la peine d'en dire plus, la lecture de ce quatrième album est un must pour les lecteurs de la série. Elle est hautement recommandable pour les amateurs de bonnes histoires de politique-fiction futuristes. Le dessin et surtout le découpage de Christophe Quet assurent le rythme côté visuel. Du travail de pros.
« Le dernier voyage d'Opa Julius », volume 1 de la série « Ingrid » par Isabelle Dethan, dans la collection Encrages des éditions Delcourt.

Après « Tante Henriette ou l'éloge de l'avarice », Isabelle Dethan avait le choix entre deux options. Ou continuer d'explorer une veine semi-biographique saluée par la critique (mais pas par sa famille, dont un membre la traîne en justice ). Ou renouer avec les univers de ses deux premières séries -Mémoire de sable et Le roi cyclope-, travail sans doute moins personnel mais assurément plus « vendeur ». Elle a choisi la voie la moins commerciale. Et à ce titre, on ne peut que l'en féliciter... ainsi que son éditeur qui aurait pu lui demander de revenir à une collection et un format plus visibles. Passé ce constat, il faut reconnaître que le travail réalisé par Isabelle Dethan sur ce nouvel épisode de la vie de sa famille dépasse largement en qualité celui -pourtant déjà remarquable- effectué sur « Tante Henriette ». Il y a dans ce premier volume des « aventures » de sa mère allemande une véritable générosité et un ton parfois bouleversant. Je l'avoue -et cela ne m'arrive pas souvent-, j'en ai eu les larmes aux yeux.
Grâce au prisme de l'enfance, Isabelle Dethan arrive à faire passer des sentiments et des événements qui, plus de cinquante ans après la fin de la guerre, ne sont pas aisés à faire partager aux « vainqueurs » que nous fûmes. Comment se prendre de pitié ou de compassion pour une famille allemande qui assiste à la débâcle de ses armées, qui découvre l'occupation, les rationnements, la privation de liberté ? Isabelle Dethan y parvient sans forcer le trait, avec une sensibilité, une justesse de ton, une légèreté exemplaires. Son dessin toujours aussi remarquable ne fait qu'y aider un peu plus. Choisissant un lavis proche des tons sépias, elle se rapproche étonnamment de « La guerre d'Alan », le récit fleuve entamé l'an dernier par Emmanuel Guibert et qui raconte... la vie d'un GI américain durant la même période. Les deux livres sont appelés à se compléter. Avec un graphisme très différent, ces deux auteurs de talent ont choisi de raconter une histoire d'hommes et de femmes, pas une histoire de guerre. Tous les deux se sont laissés guider par l'amour qu'ils avaient pour leur principal protagoniste. Guibert pour son ami, Alan Ingram Cope. Isabelle Dethan pour sa mère, Ingrid. A lire absolument.
L'Or Bleu (Stéphane Clément) par Thierry Bellefroid
« L'or bleu », une aventure de Stéphane Clément, par Ceppi. Aux Humanoïdes Associés.

Dixième tome des aventures de Stéphane, du moins si l'on prend en compte la numérotation des Humanos. Car les anciens lecteurs de la série auront remarqué que l'un des sept premiers albums parus entre 1977 et 1986, « La malédiction de Surya », n'a pas été réédité dans la nouvelle collection grand format des Humanos. Résultat, ce tome 10 est en fait... le tome 11. Mais n'ergotons pas. Ce « dixième » tome des aventures de Stéphane Clément renoue avec les meilleurs moments de la série. Pas seulement parce qu'on y retrouve un très ancien protagoniste, Ömer, ni même parce que Stéphane retourne à Istanbul où ont véritablement commencé ses aventures (après un premier album qu'on pourrait qualifier de mise en place (Le Guêpier), « A l'Est de Karakulak » inaugurait en effet une série d'histoires qui allaient mener le héros de la Turquie à l'Inde et créer l'engouement pour les aventures de Stéphane). Si l'on peut dire que cet épisode renoue avec les meilleurs moments de la série, c'est surtout parce que Daniel Ceppi y donne toute la mesure de son talent de « reporter de fiction ». S'appuyant sur des éléments d'actualité (ce qu'il fait d'ailleurs depuis toujours), il plante le décor d'un épisode à la fois grave, palpitant et intéressant qui emmène le lecteur au-delà de la simple aventure. Stéphane est à nouveau plongé dans une histoire qui le dépasse. Mais cette histoire, c'est l'Histoire elle-même. Ceppi imagine en effet une révolte unifiée de l'ensemble des Kurdes répartis sur les quatre pays que sont la Syrie, la Turquie, l'Iran et l'Iraq (on en trouve aussi en Arménie et dans une moindre mesure au Liban, mais les quatre pays choisis pour cette histoire forment réellement ce qu'il est convenu d'appeler le Kurdistan). Et il construit une sorte de piège qui va se refermer sur Stéphane et le faire participer de près à une sordide page de politique fiction. Les ingrédients sont solides, les bases sur lesquelles s'appuient l'auteur suisse ne sont pas laissées au hasard. Au coeur de la question qui unit cette mosaïque d'Etats et de peuples : l'eau, que l'on sait être un des enjeux essentiels au Proche Orient. Bref, la trame est sans faille. Mais il n'y a pas que ça. En 1995, « Pondicherry, filiation fatale », le premier album des aventures de Stéphane Clément après neuf ans d'absence renouait avec les décors de la série initiale, mais pas avec l'ambiance. Plus encore, les deux suivants s'éloignaient géographiquement de l'univers du premier cycle de sept albums et semblaient trop inspirées par la lecture des journaux. Cette fois, tout y est. Les lieux et les gens. L'ambiance et la sincérité. Peut-être le ton est-il plus grave qu'à l'époque. Peut-être faut-il y voir l'envie de Ceppi de proposer une BD passée de l'adolescence à l'âge adulte à l'instar de ses protagonistes. Toujours est-il que « L'or bleu » est une histoire remarquable et que le dessin de Daniel Ceppi, toujours plus réaliste, s'attache volontairement à l'efficacité de son propos plutôt qu'à des critères esthétiques (ni Bosphore ni Basilique sainte Sophie ni minarets de la mosquée Süleymaniye dans cette nouvelle vision d'Istanbul, par exemple). Dommage qu'après tant d'années de pratique, il ne maîtrise toujours pas les regards de ses personnages. Mais c'est bien peu de choses...
La Solimère (Aquilon) par Thierry Bellefroid
« La solimère », tome 1 de la série Aquilon, par Istin, Michel et Paitreau, chez Soleil.

Soleil exploite bien son fonds de commerce. A tel point qu'on finirait par confondre les séries entre elles. Interchangeables, les récits sont basés sur une recette immuable, qu'on a presque envie d'appeler « La Méthode Arleston ».
-Prends un univers imaginaire plus ou moins féerique. Installes-y des peuples en guerre les uns avec les autres. Trouve un élu, invente-lui une quête. Ajoutes-y une dose de muscles, de la baston, un rien d'humour, voire une compagne aux formes généreuses (ce n'est pas le cas ici). Tu es prêt pour être publié dans Lanfeust Mag est faire parler de tes héros dans les cours de récré.
Bon, je caricature un peu. Et je reconnais à Arleston un talent certain de conteur d'histoires que n'ont pas nécessairement tous ses clones, de plus en plus nombreux. J'ajoute qu'Aquilon n'est pas plus mauvais qu'un autre et qu'il trouvera sans aucun doute son public dans cette veine que Mourad Boudjellal exploite en éditeur avisé. Voilà qui devait être précisé.
Alors, venons-en à cette nouvelle série imaginée par Jean-Luc Istin. Je reconnais que ce qui m'a un peu énervé à la lecture de cet album, c'est le recours à un vocabulaire qu'un lecteur normal peut difficilement digérer en une lecture. Créer un univers ne se limite pas à rendre compliqués tous les mots employés par les protagonistes. Encore une fois, ce jugement est un peu exagéré, je l'admets. L'univers d'Aquilon ne se limite pas à ça, c'est vrai. Mais Istin complique à souhait un récit qui jusque là est somme toute assez simple. Et en refermant la dernière page, on se demande s'il fallait 46 pages pour que Gal et Aquilon chevauchent ensemble vers... la prochaine digression avant leur chasse aux « vennkiz ». Bref, je suis modérément convaincu. Même si le dessin de Guy Michel m'a semblé très en rapport avec le type d'histoire, ménageant quelques effets efficaces, comme la découverte de la « reine-mère ». Peut-être la violence exagérément crue des pages 18-19 a-t-elle du mal à passer. Ou peut-être que j'étais levé du pied gauche. Allez savoir...
NDE (Fox One) par Thierry Bellefroid
« NDE » troisième volume de la série Fox One, par Olivier Vidal et Renaud Garreta. Paru chez Wilco Editions.

Fox One, c'est un peu le Buck Dany des temps modernes. Une BD qui mêle l'aviation à des histoires ancrées dans leur temps. Ici, la disparition d'une quinzaine de tonnes de plutonium, transporté secrètement sur un cargo français faisant route vers le Japon. Du plutonium que les pilotes du porte-avions Charles de Gaulle croisant en Mer de Chine vont tenter de récupérer, bien sûr. Deux héros : Mattéo Conti et Hannah Bergson, la première ayant mystérieusement disparu au cours d'une mission de reconnaissance et le second étant suspecté de ne plus être tout à fait opérationnel depuis que la disparition de sa coéquipière l'obsède. Un « méchant » de service, au sein de l'escadrille, qui vendrait sa mère pour faire « tomber » Mattéo. Et un typhon qui vient jouer les « shaker » dans tout ça. Voilà les ingrédients de ce thriller technologique dont les auteurs revendiquent avoir passé un certain nombre d'heures avec des pilotes de chasse sur des bases aériennes comme sur des porte-avions, et avoir potassé un maximum de documentation. Avec les 80.000 albums qu'il affirme avoir vendus pour les deux premiers tomes, l'éditeur ne doute pas un instant détenir une poule aux oeufs d'or. Il est vrai que face à des concurrents de plus en plus faiblards, ce thriller aéronautique fait figure de challenger. Le dessin hyper réaliste de Renaud Garreta est proche de la photo et rend très bien les notions de vitesse ou de fureur des éléments. Et la crédibilité est poussée à l'extrême, avec tout ce que cela comporte d'exagération (termes techniques surabondants avec renvois en bas de page.) Bref, ça fonctionne. Et cela prouve au passage que le créneau a encore de l'avenir. En revanche, la douzaine de pages qui termine l'album ne m'a pas tout à fait convaincu. Le titre -« NDE » pour Near Death Experience- laissait présager une histoire où l'un des protagonistes flirterait avec la mort. Mais ce final qui arrive sans prévenir et laisse le lecteur interrogatif avait-il vraiment sa place dans l'histoire ou vient-il, en « guest star », rehausser un scénario qui pouvait paraître trop conventionnel sans ça ?
Viva Pâtàmâch ! par Thierry Bellefroid
« Viva Pâtâmâch ! ». Par Capron et Killoffer.

L'auteur de Rancho Bravo et de Chiquito La Muerte nous a habitués à des histoires décalées, gentiment déjantées. Cette fois, on a envie de dire qu'il s'est surpassé. Roseville, entièrement sous la coupe d'une sorte de dictateur éclairé déguisé en grand industriel sauveteur de la ville, il fallait l'inventer. Dans cette « bulle » vivant en totale autarcie, tout le monde mange, mâche et emploie du bubble gum. Il sert de nourriture exclusive mais aussi de matière première pour les bretelles de cartable comme les films de cinéma. Un « premier de classe », Roger, va vouloir inscrire son nom dans l'histoire et mettre ses connaissances au service de ce beau produit. Il gravit très vite les échelons du pouvoir et devient le bras droit de Rosemou, l'inventeur de la pâte à mâcher, mais aussi le tyran qui règne sur la cité. Commence alors une rocambolesque descente aux enfers qui va durer plus de dix ans, pendant laquelle « Monsieur Roger » va approcher la terrible vérité. Un conte presque moral, une histoire à la fois surréaliste et très politique où l'on reconnaît les qualités de Capron. Mais aussi un récit mis en images par l'un des créateurs de L'Association trop rare en BD : Killoffer. Traînant derrière lui une (injuste ?) réputation de dessinateur en retard, Killoffer a mis trois ans pour venir à bout de cette histoire. Le résultat est déconcertant. L'album se présente comme un moyen format en noir, blanc et... rose. Le rose étant la couleur de la pâte à mâcher qui est presque l'une des héroïnes de l'histoire. C'est original, esthétiquement discutable mais sûrement beaucoup moins innocent qu'il y paraît de prime abord. Viva Pâtâmâch est un récit dense, qui se prolonge sur 130 pages et nous propose une réflexion sur le pouvoir, le mensonge, la manipulation.
Entretiens avec Edmond Baudoin par Thierry Bellefroid
« Entretiens avec Edmond Baudoin », par Philippe Sohet, aux éditions Mosquito.

Récemment, quelqu'un me demandait quel était l'auteur de BD pour lequel j'avais le plus d'admiration. Sans réfléchir, un nom s'est imposé, un seul : Edmond Baudoin. Perplexité de mon interlocuteur. Il n'avait visiblement jamais entendu parler de mon auteur de bandes dessinées fétiche. Baudoin est en dehors du circuit commercial et le restera. Mais il n'est pas pour autant ce que l'on peut appeler un auteur « underground ». Il suit simplement sa voie. Ou plutôt son chemin, pour reprendre cette image qui traverse toute son oeuvre et dont il use tant et plus dans ces entretiens. Baudoin est un artiste, un vrai. La première chose que j'ai remarquée chez lui, c'est un trait, son trait. Ces dessins incroyablement simples que le pinceau compose à même la feuille, sans crayonné. A près de soixante ans, Baudoin est aussi un auteur en recherche perpétuelle. Il ne se contente ni d'une oeuvre prolifique (et dispersée) ni d'une pensée unique. Il cherche. Il interroge. Il nous interroge. Et surtout il nous émeut. Parce que Baudoin, ce n'est pas que ce trait extraordinaire qui m'a fasciné dès la première fois que je l'ai vu. C'est aussi -c'est surtout- un homme qui a mal aux hommes. Ecorché vif mais désespérément accroché à l'amour et à l'art comme à une planche de salut. Tout cela, je le savais ou peut-être je le sentais avant de lire ce livre d'entretiens. Car Baudoin se raconte dans ses BD et dans les livres auxquels il collabore comme illustrateur. Mais je ne me doutais pas un instant de la surprise qui allait être la mienne à la lecture de cette interview d'un peu plus d'une centaine de pages. Philippe Sohet fait preuve à la fois d'une connaissance encyclopédique de l'oeuvre du Niçois et d'une sensibilité indispensable pour entrer dans son univers. Résultat : Baudoin se raconte, avec une incroyable humilité, une sincérité sans doute encore plus grande que dans ses livres. Et il ne parle pas que de lui. Il parle des hommes et des femmes qui l'ont marqué -Pasolini, Le Clézio, Vargas, Giacometti, Tahar Ben Jelloun, Jean Genet, Kamel Kélif, Picasso, Nietzsche et tant d'autres. Il parle du monde autour de lui -l'Algérie d'hier et d'aujourd'hui, la violence, Vitrolles, Nice, Villars, Cuba, Beyrouth et l'Egypte. Il parle du corps, de la danse, de sa mère. (... « elle ne se souvenait plus que de trois airs et quand je les chantais, son oeil s'illuminait un peu (...) Là, vaguement, elle parvenait encore à frapper dans ses mains, à faire comme font les idiots ; il y avait quelque chose qui remuait en elle et c'était extraordinaire ! Naturellement, je chialais : je chantais, je riais. »)
La lecture de cet ouvrage ne peut laisser personne indifférent. Et si vous n'avez jamais lu une BD d'Edmond Baudoin, vous ne pourrez qu'avoir envie d'aller en acheter une après cette « confession » à la fois grave, sensible, émerveillée et douloureuse. Une confession qui vous fera entrer dans la musique intérieure d'un des auteurs les plus complets que la BD ait connus ces trente dernières années. Baudoin, ou l'éloge de la fragilité. Baudoin, ou l'homme que la courbe d'un chemin peut bouleverser. Baudoin, cet artiste qui a un coeur en forme d'encrier.
« Les cosmonautes du futur, le retour ». Par Larcenet et Trondheim. Dans la collection Poisson Pilote chez Dargaud.

Rien à dire, c'est du grand art. Le premier album était déjà d'une étonnante justesse de ton et d'un humour délicieux. Le second est tout simplement encore meilleur ! Bon, on croit qu'on ne nous aura plus ; on le sait, maintenant, que Gildas et Martina sont les seuls humains entourés de robots. Et pourtant, Larcenet et Trondheim nous retournent encore une fois comme une crêpe au gré d'un récit plein de fantaisie, d'humour potache et de rebondissements. Les trouvailles se succèdent à un tel rythme qu'on ne sait jamais ce que nous réserve la case suivante. C'est totalement jouissif et la lecture de l'album s'apparente plus à une plongée en apnée dans le cerveau fou de deux créateurs de délire qu'à la simple lecture d'une BD. Il y a des moments vraiment géniaux, comme la course-poursuite en vaisseau qui passe par le musée des Mawissiens puis par le métro avant de s'achever bêtement contre un réverbère. Il y a ce langage de cour de gosses qu'on avait déjà tant aimé dans le premier album (la première page avec la scène de la corde et la deuxième avec l'entrée en scène du professeur Vatter donnent le ton). Il y a cette tendresse parfois inattendue et tellement bien observée (quand Gildas sauve son emmerdeuse de soeur qui n'est pourtant qu'un robot). Bref, tous ces ingrédients de la comédie humaine croqués avec un humour généreux qui font de ces cosmonautes du futur un pur régal.
Le fusil dans l'eau (Jeremiah) par Thierry Bellefroid
« Le fusil dans l'eau », une aventure de Jeremiah, par Hermann, dans la collection « Repérages » des éditions Dupuis.

Bon, d'accord, Esra nous manque et ce ne sont pas deux motos qui nous la feront oublier. Mais en dehors de ça, il faut bien admettre que Jeremiah a connu de moins bonnes aventures. « Le fusil dans l'eau » est l'un des meilleurs albums de ces dernières années et prouve qu'on peut en être au tome 22 et ne pas s'essouffler (à méditer par certains, ça...). Hermann -que l'on sait infatigable travailleur et intéressé par le défi technique que peuvent lui amener ses nouvelles histoires- a de toute évidence eu envie d'autre chose. Il a opté pour le bayou et nous a concocté un récit faussement classique dans une famille bien glauque sur fond de marais nauséabond. Un secret convoité par des inconnus postés à proximité de la maison où se sont réfugiés Jer' et Kurdy, un secret qui sème la zizanie au sein même de leur famille d'accueil composée d'une galerie de portraits peu banale... un secret en forme de petit tas de billets verts, on s'en doute... et le tour est joué. Avec des ingrédients finalement assez simples, Hermann vous construit une ambiance à couper au couteau de boucherie, des atmosphères visuelles exceptionnelles (ce vert couleur malachite dans les marais, qu'on trouve un peu partout dans l'album mais que les pages 4 et 41 magnifient encore plus que les autres...), une tension exacerbée par des caractères forts et caricaturaux mais pourtant crédibles, une petite fille rousse qui louche, une grand mère nymphomane et imbibée... on ne s'ennuie pas à la lecture du « fusil dans l'eau ». On aurait plutôt envie de dire : « respect, Monsieur Hermann. Respect ».
« Kid Korrigan, Le physique de l'emploi » par Corbeyran et Lejonc. Chez Delcourt.

Difficile de savoir si cet album va trouver son public. Guy Delcourt a pris un risque sur ce coup-là (même si le nom de Corbeyran devrait suffire à attirer la curiosité de certains lecteurs inconditionnels du scénariste bordelais) mais on ne le lui reprochera pas. Avec Kid Korrigan, Eric Corbeyran boucle quelque part la boucle de son univers enfantin (Les Soupetard ou Sales Mioches) même s'il ne s'agit pas ici de BD pour enfants. Mais c'est dans la même partie de son imaginaire que le scénariste a puisé l'inspiration. A l'opposé du « Chant des Stryges », il a décapé ses idées à l'extrême, cherchant à toucher dans la simplicité. En sont sorties des histoires d'une planche proches de l'aphorisme et de la réflexion philosophique. Kid Korrigan est donc tout sauf un héros de BD. C'est un petit lutin qui converse avec un son ami dragon et se propose de nous faire sourire tout en nous faisant réfléchir. C'est délicieux, frais. Il n'y pas un mot de trop, c'est spirituel et chaque page ménage la surprise. Mais ne limitons pas le propos au scénario. Régis Lejonc a sa part de responsabilité dans la réussite de l'entreprise. Son dessin épuré et le recours aux seules couleurs proches du brun et de l'ocre assurent une cohérence et une efficacité aux « gags » (le mot ne convient pas tout à fait) imaginés par son comparse. On retrouve la stylisation et le trais épais que Régis Lejonc avait déjà développés dans l'une des deux histoires dessinées sur une adaptation de Corbeyran pour le collectif « Paroles de taulards » mais il y a ici un véritable travail de création d'univers et de recherche de simplicité qui font mouche. On espère que le public récompensera ce joli travail de duettistes.
« Arrêtez le carrelage », une aventure du Poulpe, par Patrick Raynal et Joe G. Pinelli. Chez 6 Pieds Sous Terre.

« Pour avoir le droit de poser son cul dans une Triumph, faut en connaître les entrailles à fond. Etre capable de diagnostiquer chacune des invraisemblables pannes...de tomber le moteur sur le bord de la route, et... après avoir rangé les pièces sur un grand mouchoir blanc, de le remonter tout en laissant assez de jeu pour que la mécanique vive librement. Tout en éliminant les vibrations intempestives. » Voilà le genre de phrases qu'on trouve au détour des pages du Poulpe. Ou encore « ce pays est trop beau, c'est sûrement qu'on lui veut du mal ». Faut-il encore présenter le Poulpe, succès incontestable de la littérature dont les éditions 6 Pieds Sous Terre ont entrepris l'adaptation en BD avec déjà 6 albums confiés à des tandems (ou trios) différents à chaque fois ? Cette fois, Raynal et Pinelli emmènent Gabriel Lecouvreur dit Le Poulpe en Bretagne. Il y a du vent sur la lande et des embruns le long des côtes, ça sent le petit village de pierre oublié pendant l'hiver et les goélands qui tournoient dans les nuages. Pinelli traduit exactement cette ambiance faussement bucolique qui convient au récit noir (comme la nuit dans laquelle le dessinateur aime tant se perdre), un récit lui-même moins important que les relations humaines dans lesquelles il plonge les protagonistes. Pinelli a en outre eu la chance de travailler avec l'un des pères spirituels du Poulpe (que Jean-Bernard Pouy a créé et qui a connu depuis 150 romans sous des plumes plus ou moins connues). Patrcik Raynal, auteur de romans noirs depuis vingt ans et directeur de la Série Noire de Gallimard depuis dix, connaît la musique sur le bout des doigts. Et ça se sent !
Un petit coin de paradis par Thierry Bellefroid
« Un petit coin de paradis » par Le Brun et Yeb, Comix N°19 des éditions du Cycliste.

Un très beau récit de 24 pages en noir et blanc qui nous prouve que ces auteurs sont prêts pour « le grand saut ». Le dessin de Le Brun est soigné et tourmenté à la fois. L'univers de Yeb lui fournit l'occasion d'en montrer l'étendue. Un homme émerge d'un étang, il est accueilli par son nounours qui l'entraîne dans une drôle de masure, genre maison hantée. Dedans, Franck, le héros, retrouve tous ceux qui ont compté dans sa vie. Et sous les yeux de Bolino -le nounours-, il règle quelques comptes avec son passé. Ce récit initiatique et onirique à la fois semble nous proposer une vision très personnelle du « paradis » (ou de l'enfer ? , se demanderont certains) On s'aperçoit à la fin qu'il était plus subtil que ça.
Sinatra par Thierry Bellefroid
« Sinatra » par Igort. Chez Amok.

Igor Tuveri sort de l'anonymat à la toute fin des années 70. Pendant la décennie qui suit, il collabore à de nombreux magazines avant de se tourner vers le marché japonais (il travaille pour Kodansha milieu des années 90) et la peinture. Le voilà qui réapparaît avec une BD d'une beauté stupéfiante, premier volet d'une trilogie noire en bichromie. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'Igort est là où on ne l'attendait pas ! Ce polar sombre dans lequel le héros opère une descente aux enfers proche du suicide pour tourner le dos à la solitude doit beaucoup à un traitement graphique absolument exceptionnel. Difficile d'ouvrir ce livre et de ne pas craquer. La bichromie basée sur l'utilisation du bleu ciel et du noir est à la fois surprenante et totalement maîtrisée. Il y a des pages qui exercent une véritable fascination sur le regard (dans les chapitres trois et cinq, surtout) à tel point qu'il faut prévoir deux lectures de cet album. La première n'épuise pas la force d'évocation du dessin. D'autant que la narration s'exprime aussi à travers un texte bien écrit et une mise en page très originale. Le lecteur en a donc pour son argent et explore sur les traces d'Igort des thèmes à la fois intimistes, graves, difficiles à traiter. Sinatra est un très bel album. C'est aussi une démonstration de ce qu'un grand dessinateur peut faire avec un mélange de lavis traditionnel, de pastel et de marqueur noir et du bleu. Remarquable !
Bijoux de Famille par Thierry Bellefroid
« Les bijoux de famille » par Papazoglakis et Witko. Aux Requins Marteaux.

Nikola Witko doit être un fan de cinéma. Ses « bijoux de famille » doivent beaucoup à des réalisateurs comme Tarentino. Mais il va encore plus loin qu'eux. Aidé par le dessin semi-réaliste de Christian Papazoglakis, il campe une bande de fous furieux qui ne respectent rien ni personne. Au départ de l'album, un joli casse perpétré par quatre malfrats déguisés en Simpsons. Les quatre types embarquent un beau paquet de diamants et décident de fêter ça en se défonçant à qui mieux mieux. Sur la route, ils embarquent une auto-stoppeuse (forcément nymphomane) et tout ce petit monde continue de sniffer tant qu'il peut jusqu'au lendemain matin. Mais au réveil, dans la salle de bains du motel, la belle auto-stoppeuse gît, du sang plein les cuisses... et les bijoux ont disparu. S'en suit une joyeuse partie de « si c'est pas toi ni moi, c'est forcément lui » où tout le monde soupçonne tout le monde. Dans cette descente aux enfers où tout est permis, même et surtout les coups sous la ceinture, personne n'est épargné. Et tout ça pour des diams qu'un lecteur avisé aura tôt fait de localiser ! Pour amateurs de road-movies violents et déjantés.
Premiers Pas (Inspecteur Moroni) par Thierry Bellefroid
« Premiers pas », une aventure de l'inspecteur Moroni, par Guy Delisle, dans la collection Poisson Pilote des éditions Dargaud.

En un an d'existence, Poisson Pilote n'a déjà plus rien à prouver. A part un dispensable « Venezia » (et encore, c'est surtout en regard des autres albums de la collection qu'il est dispensable), rien à jeter. Et certainement pas cet inspecteur Moroni. Ceux qui ont lu « Shenzhen » à L'Asso ne seront pas nécessairement étonnés de retrouver Guy Delisle dans cet exercice. L'humour tout en auto-dérision qu'il déployait dans son journal de bord d'un Français en Chine se retrouve à l'état plus travaillé dans ce faux polar. Moroni est un héros taillé sur mesure pour la collection Poisson Pilote. Parce qu'il parle avec son chien (qui lui répond, oui, madame). Parce qu'il est névrosé. A côté de ses pompes. Sous Lénax ou sous Fébrilox, voire sous placebo, il passe sa vie entre une mère envahissante avec laquelle il n'arrive pas à couper le cordon ombilical et un travail qu'il idéalise complètement. Absurde, décalé, exaltant le second degré à l'extrême, ce nouveau héros est le prototype du flic beauf intègre et con. Parfait pour le service. Surtout que Delisle l'envoie se faire les dents sur une affaire de trafic d'essence qui n'a a priori rien de Starsky et Hutch. Pas d'action -ou très peu, mais d'excellents dialogues et un dessin clair, convenant parfaitement à l'esprit de la série. Bref, efficace, plaisant . Et déjà mûr.
Morphing Amer (Alvin Norge) par Thierry Bellefroid
« Morphing amer », le tome 2 de la série Alvin Norge, dans la collection Troisième Vague des éditions du Lombard.

Chris Lamquet est vraiment ce que l'on peut appeler un auteur à part entière. Et dans le domaine où il oeuvre, ils ne sont pas si nombreux. Là où la concurrence affiche souvent trois noms au générique (voire plus), lui additionne avec le même bonheur les rôles de scénariste, dialoguiste, concepteur d'univers et dessinateur. Voilà sans doute pourquoi Alvin Norge est si cohérent. Et pourquoi Lamquet a choisi de modifier son dessin en profondeur en abordant cette nouvelle série. Les lecteurs du premier album avaient pu apprécier un scénario charpenté, une voix-off bien écrite, un humour parfaitement dosé dans un album qui se voulait avant tout thriller réaliste, une connaissance parfaite de son sujet, un découpage d'une redoutable efficacité et des héros joliment taillés. Que dire d'autre pour ce deuxième album ? Pas de chute de régime, pas d'erreur de rythme, on est replongé dans l'univers de Norge dès la première page, sans pour autant avoir l'impression de lire une suite. Car la force de ce deuxième album est de commencer radicalement là où on ne l'attend pas, en feignant de refermer la parenthèse « Kimberley », objet du premier opus. Mais Lamquet sait que ses lecteurs attendent encore des réponses. Il les fait reculer pour mieux sauter et nous offre un nouveau récit haletant qui vient s'ajouter au précédent à la manière d'une pièce de puzzle. Bien malin qui pourrait deviner à ce stade où tout cela va nous mener. Mais on ne s'en plaindra pas. Ce n'est pas tous les jours qu'on lit des BD qui sont à la fois aussi intelligentes que divertissantes. De toute évidence : le fleuron de la collection Troisième Vague.
« Un misérable petit tas de secrets », une enquête de l'inspecteur Canardo. Par Sokal. Chez Casterman.

Ça y est ! Voilà que Canardo se prend pour Valérian. Sokal nous avait habitués à la comédie humaine en version animalière, au ton désabusé et décalé de « son » privé. Du polar avec des dialogues cinglants et des clopes au coin du bec, nous voilà passés au voyage spatio-temporel. Une machine à remonter le temps renvoie Canardo sur les traces d'un magot dérobé aux Allemands et qu'une brave fille craint de voir lui passer sous le nez cinquante ans plus tard, à l'heure du dernier souffle du détenteur de ce trésor : son père. Le moins qu'on puisse dire, c'est que les lecteurs de la série vont avoir un peu de mal à se laisser entraîner sur un terrain aussi miné. D'une part, on cherche ce que cet épisode peut apporter à l'univers pourtant très cohérent d'un Canardo. De l'autre, on peut se demander ce qui n'a pas encore été écrit, dit, dessiné ou filmé dans le genre et qui mériterait que Sokal s'y attache. A la lecture de l'album, il faut reconnaître qu'il s'en tire plutôt bien. Dans un genre éculé, Benoît Sokal parvient à mettre des ingrédients personnels qui rendent la sauce buvable. Et il joue très bien avec le paradoxe temporel (même si c'est la énième variation sur ce thème qui deviendra bientôt aussi banal que l'amnésie chez les héros de BD). Mais on ne pourra pas refermer ce Canardo sans penser avec nostalgie à des épisodes comme « La marque de Raspoutine », « Noces de brume » ou « L'Amerzone ». Comme pour retourner le couteau dans la plaie, Casterman a eu la bonne idée d'offrir aux lecteurs une petite plaquette réunissant les femmes de Canardo. Pour souligner combien elles nous manquent dans cet album ?
Palooka - tome 1 (Palooka) par Thierry Bellefroid
« Palooka, tome 1 » par Fowler et Vanloffelt. Chez Paquet.

Il y a tout d'abord une nervosité pour ne pas dire une violence dans le dessin de Tom Fowler qui s'exprime au-delà des cases, jusque dans les dessins du port-folio. Le trait est épais, vif, coupant. Certaines pages sont très réussies, comme la scène de boxe des pages 20 à 24 (surtout les pages 20-21) ou comme celle du baiser (page 48). Il y a quelque chose de Baru dans tout ça, dans cette énergie libératrice, dans cette violence urbaine. Mais il y a aussi un scénario qui n'a l'air de rien au départ et se fait de plus en plus intéressant à mesure que l'on avance dans l'album. Le seul reproche qu'on lui fera peut-être est de justement traîner un peu avant de décoller vraiment, ou en tout cas, avant de justifier sa pleine originalité. Peut-être aurais-je préféré un album plus ramassé qui aille un peu plus loin et ne me laisse pas si frustré à la fin. Quoiqu'il en soit, Palooka est une histoire musclée qui ne laisse pas indifférent. On lui pardonne volontiers les quelques maladresses de style ou de dessin qui se laissent voir de-ci de-là.
Promethea - tome 1 (Promethea) par Thierry Bellefroid
« Prométhéa », tome 1, par Alan Moore et J.H. Williams III. Chez Semic.

Il n'est pas utile de rappeler qui est Alan Moore. Mais il est toujours étonnant de voir combien ce génial scénariste est capable de nous étonner. Moore a plusieurs visages. Il n'en montre qu'un à la fois, réservant aux lecteurs la surprise de ses métamorphoses à mesure qu'ils pénètrent ses autres univers. Avec Prométhéa, il explore un mythe littéraire et s'offre le luxe de faire exister des personnages différents sous la même identité. C'est que l'idée qui sous-tend cette série est particulièrement intéressante : Prométhéa se met à exister dès lors qu'on croit en son existence. Et ce postulat vaut aussi bien pour celles qui vont « devenir » Prométhéa à travers les âges que pour ceux avec qui elles vont être en interaction. Le résultat, c'est ce récit intelligent et original où Alan Moore joue sur la mise en abîme pour désorienter son lecteur et le forcer à adopter une lecture active. J.H. Willimas III arrive à donner cohérence et rythme à cet audacieux projet grâce à son trait énergique, mais aussi grâce à une mise en page dynamique, inventive, qui ne craint pas de recourir aux structures éclatées ou aux « enluminures » pour installer son propre code de langage.
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