Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

Albert et les autres par Thierry Bellefroid
« Albert et les autres », par Delisle. A L'Association.

Si vous avez lu en son temps « Aline et les autres », on ne vous la fera pas. Vous savez déjà ce qui va se passer dans cet album qui n'est autre que la réplique sur un mode masculin du recueil paru il y a deux ans. Comme pour « Aline... », « Albert... » est l'occasion de coucher sur le papier vingt-six saynètes muettes mettant en scène les vingt-six personnages inspirés à l'auteur par chaque lettre de l'alphabet. Cette version très personnelle de l'abécédaire n'est pas à proprement parler hilarante. L'humour de Delisle s'exprime aux confins de l'absurde et du surréalisme. Il est volontiers gentiment cruel aussi, comme ce gag intitulé « Isidore » où un pêcheur à la ligne remonte une jolie jeune fille.. finalement remise à l'eau pour cause de mensurations insuffisantes. Delisle connaît bien le cinéma d'animation (il raconte dans Shenzhen, également paru à L'Asso, son séjour en Chine alors qu'il travaillait sur une série d'animation pour les éditions Dupuis). Et à regarder ses petites séquences de deux pages à l'apparence faussement grossière, on se rend compte qu'il maîtrise parfaitement la technique de la narration par l'image. Quinze cases de grandeur identiques par page, pas une de plus, pas une de moins ; la contrainte semble parfaitement lui réussir. Fernand, Klebert, Quentin, Urbain ou Zoltan, ses héros éphémères, ne s'en plaindront pas.
" La vallée des âmes tordues ", tome 1 de Angus Powderhill, par Luc Brunschwig et Vincent Bailly. Aux Humanos.

Sacré Brunschwig ! On peut le mettre dans n'importe quel genre, il fait encore du Brunschwig ! En l'occurrence, le voilà parachuté au pays ultra-piégé de l'héroïc fantasy. Et tout en respectant parfaitement les règles du genre, il arrive à nourrir ses personnages d'une dimension psychologique absolument magnifique. C'est vraiment là que Brunschwig excelle et c'est là qu'il fait sans doute la différence avec la plupart des autres concepteurs d'univers. Rejoignant un Letendre sur « La quête de l'oiseau du Temps », Luc nous propose une aventure prétexte, une quête qui doit avant tout servir de révélateur aux personnages. Et pour éviter que le lecteur « s'égare », ces personnages, il les invente difformes ou handicapés. Même son héroïne, une jeune pré-ado, est cul de jatte. On est loin des pulpeuses créatures qui foisonnent chez d'autres éditeurs. Ce n'est pas par hasard. C'est aussi parce que la fable que Brunschwig nous raconte est une fable sur la différence et sur la tolérance. Un très beau message qui n'encombre en rien le récit.

Parlons-en du récit. L'univers d'Angus Powderhill est profondément poétique. Cela tient à plusieurs choses, parmi lesquelles le choix d'une réunion de saltimbanques totalement pacifistes comme toile de fond. La nature est également très présente et les errances amoureuses de la jeune héroïne sont parfaitement traduites à chaque étape du scénario. A croire que Luc Brunschwig s'est souvenu de l'ado pré-pubère qu'il a été (je m'égare, là...). Bref, vous l'aurez compris, le conte est beau quand le conte vous fait oublier qu'il en est un. Avec des ingrédients aussi proches du merveilleux -c'est à dire aussi éloignés de notre monde- que ceux-là, on peut presque se demander comment Brunschwig se débrouille pour nous faire croire à son univers. Pourtant, on y croit. Tout de suite. Parce qu'il a les accents de la sincérité, de la vérité, de la maturité, aussi.

Mais on ne peut pas se contenter de trouver toutes les qualités au scénario de cet album sans s'arrêter un instant au dessin. Vincent Bailly s'y exprime avec aisance et simplicité. Son dessin est fluide, généreux et parvient à faire passer énormément d'émotions, notamment à travers les yeux des personnages. La mise en couleur d'Isabelle Cochet est sans faille ; elle rappellera -tout comme le dessin et l'univers des saltimbanques- l'excellent Ring Circus de Pedrosa et Chauvel chez Delcourt. Bailly est cependant plus proche de la ligne d'une Claire Wendling.
Bref, la lecture de cet album ne correspond en rien à la pléthore de quêtes plus ou moins abouties qui déferle sur la BD depuis quelques années. Il y a ici un jardin secret, un éden au coeur même des personnages. Et c'est ce jardin qui fait la beauté de l'album.

Mention spéciale pour la très belle couverture !
L'usurpateur (Arthur Pendragon) par Thierry Bellefroid
« L'usurpateur », tome 1 de la série Arthur Pendragon, par Istin, Michel et Chani. Chez Nucléa.

Guy Michel ne peut pas cacher son admiration pour Loisel. Ouvrir Arthur Pendragon, c'est plonger dans un univers « loiselien » que les couleurs de Chani viennent souligner de manière évidente. La suite de Merlin n'est pourtant pas à ranger dans les albums de fantasy. La légende y occupe une place de choix ; elle dicte aux personnages leurs funestes destinées. Avec un poil de merveilleux et surtout une magie parfois puissante et noire, le lecteur assiste ici au véritable avènement de Merlin, désormais dans la force de l'âge. Il observe aussi les luttes de pouvoir fratricides qui précèdent « l'âge d'or ». Saga historique ou saga fantastique, on ne peut pas toujours dissocier les deux. Istin, lui, semble se plaire à jouer sur les différents registres. Peut-être lui reprochera-t-on un album plus compliqué que ceux de la série « Merlin ». Les lecteurs inattentifs (surtout au début) risquent en effet d'avoir un peu de mal à suivre une histoire aux personnages nombreux. Les autres tenteront de faire la part entre la légende originale et le travail de réécriture propre à la vision du scénariste.
« Doron le Calvite II », par Clément et Olivaud. Chez Pointe Noire.

L'humour de Nicolas Clément est à l'image de son personnage fétiche : massif, caricatural. Pourtant, comme chez Hérenguel (dans les aventures de Krän le Barbare parues aux éditions Vents d'Ouest) il y a ici une façon de prendre à contre-pied toute la mythologie du héros médiéval musculeux pour provoquer le rire. Les gags sont cependant très inégaux. Certains jouent beaucoup trop sur l'effet provoqué par la chute (le coup des pieds puants, en page 15, par exemple), d'autres sont un peu tirés par les cheveux. Les meilleurs sont sans doute ceux dans lesquels les auteurs arrivent à installer un climat, une progression qui rend chaque case intéressante. C'est la cas du gag de la page 4 : « Et la tendresse ?... mortelle ». Ce sont souvent aussi les planches dans lesquelles le dessin aux apparences très brouillonnes de Sébastien Olivaud s'épure quelque peu. J'avoue avoir du mal avec ce graphisme , ainsi qu'avec la mise en couleurs d'Eric Liberge et Thomas Cloué. Tout cela manque singulièrement de lisibilité, qui est quand même la principale qualité que l'on peut attendre d'un dessin, quelle que soit sa personnalité.
Quoi qu'il en soit, les gags que je préfère sont ceux en un seul strip, une voie que devraient explorer davantage les auteurs, car c'est dans la concision qu'ils livrent leur meilleur humour.
Alberdog (Tony et Alberto) par Thierry Bellefroid
« Alberdog », tome 2 de la série Tony et Alberto, par Dab's. Chez Glénat.

Je l'avoue, le premier album m'avait davantage amusé. Mais je dois reconnaître que le deuxième est loin de m'avoir ennuyé ! Tony et Alberto reste l'une des meilleures séries du magazine « Tchô ». Et même si, en ce qui me concerne, le petit dernier, « Raghnarok », lui vole un peu la vedette, je trouve que Dab's conserve dans ses gags une vivacité et une fraîcheur qui n'est pas courante. Les plus drôles sont peut-être les gags entièrement muets, ce qui rejoint des exercices similaires chez Kid Paddle. Le Kid n'est jamais aussi hilarant, en effet, que lorsque le comique est totalement visuel. Sans doute ces gags sont-ils les plus difficiles à inventer. Mais ils apportent la preuve éclatante que leurs scénaristes ont tout compris au dessin et à l'image.
Dab's est arrivé à conserver son univers tout en décalant légèrement son regard, pour cette deuxième livraison de planches en album. Moins centré sur les performances sonores et odorantes de ses deux héros qui fournissaient la matière de nombreux gags du tome 1, ce « Alberdog » fait la part belle aux personnages secondaires. Les plus drôles sont la montagne de muscles avec laquelle Tony a quelques démêlés à la plage et le justicier Alberdog qui n'est autre qu'Alberto, affublé d'un ridicule masque noir. En passant, un gag qui m'a fait beaucoup rire, c'est celui où Tony est surpris par un de ses copains en train de humer une fleur. Le copain lui demande : tu fais quoi ? Tony s'empresse de répondre : tu vois bien, j'écrabouille cette fleur. Les deux gamins repartent. « C'est marrant, de loin on aurait dit que tu la sentais », dit son copain. Et Tony répond « Hé ho ! chuis pas une fille ! ». Ce qui est très amusant, c'est que vous pourrez retrouver exactement le même gag dans le tome 2 de « Doron le Calvite », chez Pointe Noire. La petite fleur est simplement devenue un petit oiseau tombé du nid. Hasard ou plagiat ? Et si plagiat... qui a copié qui ?...
Self-Service par Thierry Bellefroid
« Self Service », album collectif paru aux éditions Fréon

J'avais déjà tenu des OVNIS dans mes petites mains, mais celui-ci surclasse tous les autres ! Conçu pour l'exposition éponyme qui s'est tenue au Salon de l'illustration et de la BD de Lisbonne 2001, « Self Service » est un album aussi ironique qu'onirique.

L'ironie n'échappera à personne. Le titre et les vignettes de réduction collées les unes aux autres qui constituent la couverture ne laissent aucun doute. A l'intérieur, toutes les notes et les textes eux-mêmes sont représentés sur des tickets de caisse. Pied de nez à la grande distribution, ce livre est avant tout le livre d'artisans tisseurs. Les tisseurs de mots d'un côté, les tisseurs d'images de l'autre. Rencontre improbable entre la poésie et la BD, « Self service » vous propose 27 poèmes sur ou autour de la BD illustrés par autant de dessinateurs qui, eux, ont joué la carte du pastiche. Ça vous paraît compliqué ? Prenons un exemple. A gauche, un poème de Jan Baetens sur Little Nemo, présenté en français, en anglais et en portugais. A droite, une planche de Pascal Placeman, qui est un pastiche de la BD de Winsor Mac Cay. Pastiche ? Pas si sûr. Dans cette petite histoire qui joue les mises en abîme, le vrai pastiche n'est peut-être pas celui qu'on croit.

Plus loin, d'autres poèmes de Jan Baetens (hormis « Baetens ad hoc anacoluthe », un texte sur Hergé écrit par Olivier Deprez, tous les poèmes sont de lui). Ils s'attaquent à E.P. Jacobs, à Tardi, à Vandersteen ou Marc Sleen (respectivement créateurs de Bob & Bobette et de Néron), à Schuiten-Peeters, à Maus (de Spiegelman), à Lorenzo Mattotti ou à Alberto Breccia. Et à chaque fois, un dessinateur renvoie l'ascenseur à sa manière. C'est singulier, à la fois très intellectuel et très primitif, purement destiné à un public averti, désireux d'aller demander à la poésie ce qu'elle pense de l'image et à l'image ce qu'elle pense de la bande dessinée. Pour ceux qui sont prêts à tenter l'aventure, cela réserve de très beaux moments.
La maison double (Dylan Dog) par Thierry Bellefroid
« La maison double », une aventure de Dylan Dog, par Sclavi et Casertano. Chez Hors Collection.

Hors Collection poursuit la traduction des aventures du détective de l'étrange. Moins proche de la veine X-Files que le premier, ce deuxième album distille l'angoisse dès les premières pages. On suit les affres d'un locataire introverti et paranoïaque mis sous pression par les autres habitants de son immeuble. Le moindre geste, le moindre bruit lui fait craindre de nouvelles représailles. Et puis tout bascule. A la mort du bonhomme, Dylan Dog entre en scène. Et contre toute attente, il perd les pédales à son tour. Le malaise monte d'un cran, l'angoisse sourd du dessin de Casertano, on ne sait plus ce qui est vrai et ce qui est faux... L'enquêteur en cauchemars en a pour son argent. Et nous aussi !
Le chien de minuit par Thierry Bellefroid
« Le chien de minuit », par Toshy et Serge Brussolo. Dans la collection « Petits Meurtres » des éditions du Masque

Avec ce pari de faire se croiser les meilleurs romanciers de la littérature policière et de jeunes dessinateurs pour la plupart très peu connus, la collection « Petits meurtres » est en train de se créer un nom. Les derniers albums sont d'excellente qualité et le dernier d'entre tous, « Le chien de minuit », est peut-être tous simplement le meilleur de la collection.

Serge Brussolo, cinquante ans, écrit depuis plus de vingt ans. D'abord versé dans le fantastique et la SF qu'il a largement contribué à dépoussiérer, il s'est ensuite tourné vers tous les autres genres de la littérature. Le roman adapté ici, « Le chien de minuit », est d'ailleurs à cheval sur plusieurs genres. Il a obtenu le Prix du Roman d'Aventures en 1994. Toshy, lui, est un jeune belge établi en France, à Lille, que l'on a déjà pu voir à l'oeuvre dans « Groupe Tel-Aviv », chez le même éditeur, en compagnie de Maud Tabachnik. Il signe ici une adaptation nerveuse, hallucinée parfois, de ce roman à la fois fantastique, sociologique, urbain et psychanalytique.

« Le chien de minuit » se déroule dans un univers américain en déliquescence, dominé par les gangs, la drogue et la violence. Le terreau idéal exploité par certains pour développer leurs super-héros. Point de super-héros ici, mais des super-pouvoirs, quand même, dans le chef de certains, comme cet ancien trapéziste aux poignets brisés qui va mener sa petite « famille » d'un toit à l'autre. Car pour fuir la violence qui règne en bas, la seule issue est de s'élever et d'occuper les toits des gratte-ciel. Seul l'un d'entre eux demeure inaccessible, celui que garde l'homme à la batte de base-ball surnommé « le chien de minuit ». Dans cette ambiance de guerre des gangs et sur fond de course à la came qu'une jeune junkie a dérobée à un gros bonnet, les personnages ont l'air de tout simplement suivre les rails tracés par le destin. Violent, désoeuvré, le monde de Brussolo se cherche une raison de vivre. Cette raison peut être assez proche de celle des Yamakasi de Besson. Comme eux, on escalade les façades des buildings en guise de défi à l'autorité. Mais c'est fait ici dans un esprit de clan proche du surnaturel et d'une certaine forme de religiosité.

Et puis surtout, il y a cette rencontre entre deux personnages que tout séparait : le faux ange de la nuit et la vraie défoncée, Loretta. Deux personnages à la dérive qui vont unir leur destin jusqu'aux confins de l'insoutenable. On a soif avec eux, on voudrait ouvrir une fenêtre pour échapper aux relents pestilentiels de l'appartement où ils ont dû se barricader. Avec un talent certain, Toshy nous fait pénétrer à la fois toute l'horreur de leur univers et toute leur détresse intérieure. C'est fort, triste, poignant, frissonnant et terriblement juste à la fois.
« Le chevalier du Christ », tome 1 de la série « Le deuil impossible » par Lizé et Massano. Chez Glénat.

La collection Vécu compte aujourd'hui tant de séries semblables que la plupart des nouveaux venus passent inaperçus. Ce serait dommage que la chose arrive au « Deuil impossible ». Cet album conte un destin pour le moins original, celui du roi du Portugal, Dom Sebastiao, mystérieusement disparu peu avant 1580. Les auteurs ont chois de raconter le récit à rebours. L'histoire commence à Venise, lorsque l'homme que Felipe II d'Espagne s'est empressé de remplacer lors de sa disparition réapparaît sans pouvoir apporter la preuve de son identité. Il va s'efforcer de convaincre les autorités vénitiennes de la véracité de son récit, un récit passionnant à bien des égards et qui emmène le lecteur sur les traces d'une étrange croisade au départ de Lisbonne. Bien documenté, original par son propos, ce premier volume surprend agréablement. Le dessin, fidèle à la « ligne Vécu », est en revanche beaucoup moins enthousiasmant. Proportions, visages et perspectives manquent de finesse et de lisibilité. Il faut dire que la mise en couleur ne sert pas le dessin. Le rose domine outrageusement l'ensemble et l'on se prend à espérer un second album plus en rapport avec l'illustration de couverture qu'avec les planches contenues dans l'album.
Innuat, en quête de mémoires par Thierry Bellefroid
« Innuat, en quête de mémoire ». Ouvrage collectif, aux éditions Paquet.

Paru il y a quelques mois déjà, ce superbe livre collectif est dédié à l'une des « Premières Nations » du Canada, comme on les appelle. En guise de prologue, trois pages en noir et blanc du regretté Michel Crespin. De quoi planter le décor de la « grande transhumance » par le détroit de Béring, il y a trente mille ans, celle qui a permis aux premiers « Indiens » de fouler le sol de l'Amérique. Le livre proprement dit commence ensuite, mélangeant textes explicatifs et illustrations ou courtes BD de deux ou trois planches. Première leçon : ne pas confondre Innuat (ou Innus)... et Inuits. Le territoire des uns et des autres n'est pas le même, leur langue non plus. Deuxième leçon : ne pas brûler les étapes à la recherche de signatures connues. Le livre accueille aussi bien les stars de la BD que d'illustres inconnus. Et chaque page mérite le détour, quelle que soit la signature qu'on y trouve. Certains dessins se reconnaissent de loin : Servais fait du Servais, Hermann du Hermann, Boucq fait du Boucq et Derib fait du Derib. Mais c'est peut-être du côté de dessinateurs un peu moins connus qu'il faut aller chercher des perles. Nicolas Dumonthueil, Efa (dessinateur des Icariades, chez le même éditeur), Tom Tirabosco (qu'on a l'habitude de voir en noir et blanc et à qui les couleurs vont à ravir), Kalonji (un autre auteur Paquet), Cabanes, Plessix, Pierre Duba, Jacques Ferrandez, Emmanuel Lepage et quelques autres donnent vraiment le meilleur d'eux-mêmes. Quant aux véritables inconnus, ils ne sont parfois pas loin de leur voler la vedette. Mais la seule véritable vedette du livre, ces sont ces Innuats que cet ouvrage contribue à mieux faire connaître. Quand une initiative aussi louable débouche sur un résultat aussi réussi, il ne faut pas passer à côté. Sans parler des dessins « fil rouge » de l'ami Lidwine, qui ravissent le lecteur d'un bout à l'autre du livre...
Ca swing (Edika) par Thierry Bellefroid
« Ça swing », 26ème album d'Edika. Chez Fluide Glacial.

Les années passent. Edika ne change pas. Et surtout, il ne perd rien de cet humour tout sauf délicat qu'on lui connaît. Maltraitant ses personnages sans aucune espèce de pitié, il nous fait rire de farces hénaurmes parmi lesquelles « Instants de bonheur » est sans doute l'une des plus réussies. Le pauvre Bronsky, plâtré à l'endroit le plus délicat, harcelé par une Olga à la libido très éveillée... un grand moment d'humour façon Fluide ! Ce n'est bien sûr pas le seul. Comme tous ces prédécesseurs, cet album regorge d'histoires loufoques, gentiment crades, qui peuvent passer de pages presque muettes à des planches croulant sous le texte, comme «dans « Péché véniel », une histoire dont les trois premières pages rappelleront aux esprits chagrins qu'Edika sait tenir un crayon ! Bref, voilà une bouffée d'humour dans laquelle on mord comme dans un gros saucisson à l'ail : ça ne rafraîchit pas l'haleine, mais ça fait du bien par où ça passe !
Blagues coquines par Thierry Bellefroid
« Blagues coquines 2 », ouvrage collectif, aux éditions Joker.

Bel effort de maquette pour cette collection qui évite les couvertures affreuses des 24 autres albums du genre parus chez Joker. Pour le reste, il s'agit de l'exercice dans lequel excelle le team Joker, « la blague de cul ». Quoique. A la lecture exhaustive de ce recueil de 96 pages (on ne peut pas dire que l'éditeur soit chiche sur la quantité !), on découvre quelques planches qui n'ont rien à voir avec le sexe et qui semblent s'être perdues dans l'album. Quoiqu'il en soit, l'exercice consiste à mettre en images les dernières meilleures blagues de comptoir. Pas de surprise, on lit cet album comme on feuilletterait les pages du « Petit farceur ». A la différence près que d'un dessinateur à l'autre, les nuances de qualité sont évidentes. Gursel est sans conteste le meilleur des cinq « fournisseurs » de cet album. Ça tombe bien, c'est lui qui amène la plus grosse part de gags. Manque évidemment le maître du genre : Dany. Normal, ses albums marchent si forts qu'ils ont droit à leurs propres Best Of.
« Le commandement », tome 1 du Grand Pouvoir du Chninkel, par Van Hamme et Rosinski. Chez Casterman.

Pendant que Dupuis réédite « S.O.S. Bonheur » sous forme d'intégrale, une autre « vieille » BD de Jean Van Hamme a elle aussi les honneurs de la réédition, mais là, on fait le chemin inverse. Le Grand Pouvoir du Chninkel est en effet paru d'une seule pièce, en 1988, chez Casterman, après une prépublication dans (A SUIVRE). Alors, comme on peut difficilement faire une intégrale d'un one shot, l'éditeur a eu l'idée géniale et juteuse... de le découper en tranches ! Résultat, le Grand Pouvoir « colorisé » (par la coloriste de Thorgal) pourra se vendre en trois fois, dans la collection grand format de Casterman. Pour une BD déjà rentabilisée, on peut dire que c'est du bénéfice net ! Le mercantilisme confine à la mesquinerie lorsqu'on tourne la dernière page de ce premier tome, puisque la pagination est ainsi faite qu'on n'a même pas droit à une page blanche pour séparer la dernière planche du rabat de couverture...

Mais passons. A côté de ces petits défauts, cette réédition a une grande qualité : elle permettra aux plus jeunes lecteurs, aujourd'hui attirés par la signature de Jean Van Hamme, d'accéder à ce qu'il a livré de mieux. Avec S.O.S. Bonheur et Histoire sans Héros, le Chninkel fait partie de ces perles que le scénariste de XIII a livrées à ses débuts. Et je serais même tenté de dire que de ces trois scénarios, le plus passionnant, le plus abouti, disons même le plus beau est cette « fable » religieuse ou théologique, le Chninkel. Qu'importe qu'on y trouve des idées ou des images « piquées » ailleurs, comme le monolithe de « 2001, l'Odyssée de l'Espace » ou l'univers du Seigneur des Anneaux. Van hamme a toujours puisé son inspiration dans celle des autres ; tant qu'il en fait du neuf, ce n'est pas gênant. Et son, regard, ici, est un enrichissement pour les éléments disparates qu'il a pompés ailleurs. J'avoue préférer la version en noir et blanc. Peut-être parce qu'elle a été créée pour ça. Les effets de trame (page 9 et plus encore page 16 de cette nouvelle édition) passent assez mal le cap de la mise en couleur et l'ensemble prend un côté un peu « thorgalien » qui trompe sur la marchandise. Mais en dehors de ce choix personnel, je ne peux que me réjouir à l'idée que cette superbe histoire va séduire un nouveau public. Elle le mérite bien !
USS Nebraska (Sanctuaire) par Thierry Bellefroid
Je viens de lire... « Sanctuaire », tome 1 de USS Nebraska. Par Xavier Dorison et Christophe Bec. Aux Humanoïdes Associés.

Comment ne pas penser à Jules Vernes au moment d'aborder cette BD ? Jules Vernes qui a lui-même livré sa vision des abysses et du fantastique. Jules Vernes qui a sans doute bien plus influencé le cinéma qu'on ne l'imagine. Et si à l'heure d'écrire ces quelques lignes, je pense au septième art et à ses influences dans la littérature, c'est parce que Xavier Dorison fait partie des auteurs de bande dessinée qui lui doivent tout. «Du « Troisième Testament » à « Prophet », on retrouve la même écriture cinématographique chez ce jeune scénariste. Et je ne serais pas étonné qu'il finisse un jour par écrire ou réaliser lui-même un film ; il en a l'étoffe. Pourtant, on dit souvent qu'une bonne BD est une histoire que seul le medium de la bande dessinée peut raconter, qui n'a sa place que dans la narration dessinée. Dorison et Alice ont prouvé depuis quelques années qu'il y avait moyen de faire du très bon cinéma sur papier. Ne manquent ni le découpage redoutable, ni les cadrages intelligents, ni le suspense, ni les effets spéciaux. Et finalement, quel que soit le dessinateur qui exprime les idées de Dorison, il y a toujours la même vision qui est comme une griffe personnelle.

D'aucuns objecteront que Xavier Dorison recycle les mêmes recettes. Son imagination semble stimulée par les énigmes à la Indiana Jones. Archéologiques et souvent théologiques. Du fantastique mâtiné d'aventure que des héros mal préparés subissent autant qu'ils le défient. C'est encore le cas dans ce sous-marin, confronté à un mystère scientifique majeur. Des maladies qui apparaissent de manière foudroyante sans aucune explication, des membres de l'équipage qui commettent des actes inexplicables, une vieille épave qui est comme un rébus à déchiffrer. Et une grotte sous-marine (on dit un machélodon, j'ai appris ça en lisant cette BD) qui n'a encore presque rien livré de sa mystérieuse origine. Les ingrédients s'emboîtent, de manière peut-être un peu complexe au début, et vous emmènent, 20.000 lieues sous les mers, sur les traces de Babel. C'est captivant, tout simplement. Et rudement bien documenté. Dorison joue comme dans « Prophet » sur les illustrations pleines pages pour envoyer à la figure du lecteur quelques-unes des images les plus fortes (c'est le cas en pages 8 /9, mais surtout, en pages 22/23) et manie les ingrédients du huis-clos avec beaucoup de savoir-faire. L'intensité dramatique dépasse de loin l'expérience similaire menée dans la série « Les Aquanautes » (deux volumes parus chez Soleil).

Le dessin de Christophe Bec est quelque peu rugueux et rebutera peut-être quelques lecteurs potentiels. Pourtant, en dépit d'une certaine aridité et de quelques profils parfois vraiment trop cinématographiques, Bec brille par son efficacité. Il le prouve notamment avec une couverture très réussie !
« Y a rien de plus beau que le boulot » par Vuillemin. Chez Albin Michel/L'Echo des Savanes.

Regardez la couverture. Lisez l'album. Et quand vous l'aurez refermé, lisez la quatrième de couverture. C'est le gag final. Et si ce n'est pas le meilleur que Vuillemin ait trouvé, c'est tout de même ce qui résume le mieux cet album. Des dessins (un par page, sauf exception) « de presse » qui tournent tous autour du travail et qui sont plus cruels les uns que les autres. Il y a quelques jeux de mots faciles (le poste à trois patates par mois, par exemple) mais il y a surtout une vision du monde que l'on connaît depuis longtemps et qui n'est pas aussi gratuitement méchante qu'on veut le faire croire, parfois. Vuillemin fait rire, oui. Il fustige les malheurs des plus faibles et des exclus. Mais il est évident que c'est davantage pour prendre leur défense que pour les ridiculiser. Sa cible idéale, finalement, c'est la bêtise humaine qui s'exprime au boulot mieux qu'ailleurs. Et que l'administration érige souvent carrément en principe universel. Voilà pourquoi le gag de bas de page préparé pendant tout l'album à travers une galerie de portraits géniale vous fera forcément rire quand vous lirez l'unique phylactère, sur la dernière page. Parce que la caricature, ce n'est que l'art d'exagérer un peu ce qui existe vraiment !
La colonne (Lefranc) par Thierry Bellefroid
« La colonne », une aventure de Lefranc, par Jacques Martin et Christophe Simon. Chez Casterman.

Revenu au bercail après un passage express par les éditions Dargaud, Lefranc a changé de dessinateur, mais ça ne lui a pas rendu la santé ! Album poussif et invraisemblable comme les deux précédents (moins mauvais quand même, avouons-le, que « Le vol du Spirit » qui était un sommet absolu du genre !), « La colonne » nous emmène faire un peu de tourisme au Cambodge. On ne doute pas que Jacques Martin se soit renseigné sur le pays. Au contraire. (Il ressort d'ailleurs de ses conversations avec Stéphane Caluwaerts dans le petit livre « A propos de Lefranc » paru aux éditions Nautilus que sa principale source d'information était l'épouse d'un membre de MSF). Mais c'est tellement documenté qu'on a l'impression de lire une élocution en images. Ou un compte-rendu de voyage, c'est selon. Bref, ça sent la doc, les bons sentiments et le manque d'idées neuves. Quoique. Quand on parle de bons sentiments, il y a quand même des choses qui font bondir : Jacques Martin dénonce peut-être l'exploitation de la main d'oeuvre locale et le trafic de faux (encore que le mot « dénoncer » est un peu exagéré) mais il nous présente en revanche un Lefranc précieux qui s'indigne de ne pas trouver d'hôtel à son goût et de devoir subir des conditions de voyage rudimentaires...On croit rêver ! Pis, Lefranc accepte la mission que veut lui confier la richissime Barbara Trelaunay parce qu'elle le paye une somme rondelette ! Il est loin le héros désintéressé que seuls le destin du monde, la justice et l'information poussaient à l'aventure...

Que dire de cet album sinon que faire le compte-rendu des invraisemblances du scénario prendrait plus de place qu'il n'en mérite ici ? Qu'en dire sinon que les récitatifs redondants font presque rire tant ils sont démodés, que le dessin de Christophe Simon est aussi statique qu'une poterie Ming remplie de lingots de plomb, que les dialogues sentent l'air confiné du bureau du scénariste et que la scène finale à Paris est d'une rare vacuité ? Et dire qu'il y a tellement de jeunes gens qui font du bon travail en bande dessinée et qui n'auront ni les honneurs de l'interview ni la promotion d'un album comme « La colonne »...
« Trino, Le journal de la création », par Altan. Chez Rackham.

Si vous aimez l'humour nonsense et le dessin minimaliste, vous n'allez pas être déçu ! Je dirais même que vous risquez de ne pas parvenir à quitter la lecture de ce livre avant le dernier strip. Altan, connu chez nous pour ses collaborations au magazine (A SUIVRE) jadis et les dessins qu'il publie dans Le Monde, est une véritable star en Italie. A la manière d'un Philippe Geluck en Belgique, il « cartonne » chez lui depuis des années avec un humour qui peut paraître gratuit mais ne l'est pas. Rackham a eu l'excellente idée de traduire cette oeuvre totalement hilarante composée de centaines de dessins minimalistes où l'on voit Dieu aux prises avec son patron, tenter le difficile pari de la Création en sept jours. Revisitant la genèse avec irrévérence et fantaisie, Altan joue sans cesse avec les espèces, les inventions, les absurdités du genre « oui, mais que va-t-on faire de toutes ces crottes ? ». A chaque nouvelle idée, Dieu doit vite corriger les défauts qui en découlent. Et tout ça pourquoi ? Pour satisfaire les exigences de son patron, qui est avant tout un homme d'affaires et qui veut que cette Création soit à la fois rapide, efficace et bon marché. Les dialogues entre les deux hommes (appelons-les comme ça) sont ciselés de main de maître par Altan qui prend un plaisir manifeste à bousculer le lecteur sans jamais ralentir le rythme. L'hippo complète la galerie de personnages pour permettre aux deux autres de respirer de temps à autre, mais même sans lui, Altan aurait pu tenir pendant des dizaines de pages, tant son imagination est fertile.
Exemple de dialogue entre dieu et son patron :
-Le patron : Je vous écoute
-Dieu : Le mouton ! Il produit de la laine, mange de l'herbe, fertilise le sol.
-Le patron : bien !
-Dieu : L'oie ! Elle produit du foie gras.
-Le patron : Très bien, avez-vous songé à inventer le pain grillé ?
-Dieu : Non, pardon. Permettez-moi de me suicider.

Vous en voulez une autre ? Bon, celle-ci vient après une série de gags sur les caméléons et les mouches.

-Le patron, avec un caméléon sur la tête : On est envahis par ces affreux reptiles.
-Dieu : Les mouches...
-Le patron : Les mouches mangent les crottes. Les caméléons mangent les mouches...
-Dieu : C'est cela
-Le patron : Et qui va manger les caméléons ?
-Dieu : Ça ne vous dirait rien pour Noël ?

Ou encore...

-Le patron : Alors, le problème des crottes est réglé ?
-Dieu : Voici la solution. Ça s'appelle le maïs.
-Le patron : il se nourrit de crottes ?
-Dieu : Avec avidité. Et il sert à nourrir les vaches.
-Le patron : si je ne m'abuse, les vaches font des bouses grosses comme ça.
-Dieu (la tête basse) : pardon.
Snoid par Thierry Bellefroid
« Snoid », par R. Crumb. Chez Cornélius.

Le Snoid n'est ni bête ni méchant ni obsédé, il est tout ça à la fois. Volontiers scatologiques, les courts récits qui composent ce livre ont été créés entre la fin des années 60 et 1980. Ils nous donnent une bonne idée de l'humour ravageur du pape de la BD underground US. Il y a de tout. Un zeste de fétichisme, pas mal d'onanisme, une bonne dose de voyeurisme, une histoire de nymphomane alpiniste, une autre de pute aux grands pieds... bref, rien que du Crumb 100% pur jus. Rien à dire, mais ce diable d'homme ne connaît guère d'équivalent en France. Avec son dessin plein de poils et de femmes obèses, il arrive à nous faire oublier la laideur pour mieux nous faire jouir de son humour si particulier. Cornélius n'est pas à son coup d'essai, puisque l'éditeur a déjà traduit d'autres albums de celui qui fut grand prix de la ville d'Angoulême il y a trois ans. Des albums qui sont à chaque fois comme un témoignage de l'inventivité graphique et névrotique de ce grand bonhomme qu'est Crumb.
« Les aventures de Fred et Bob », l'intégrale, par Thierry Cailleteau et Olivier Vatine. Chez Delcourt.

Réunion de deux albums dont le premier est paru il y a tout juste quinze ans, ces « aventures de Fred et Bob » fleurent bon la nostalgie. Nostalgie des sixties, d'abord, puisque c'est à cette période que se déroulent les aventures loufoques de ces deux dragueurs invétérés d'Etretat. Nostalgie des débuts de Guy Delcourt dans l'édition aussi. Car cette réédition est une manière, pour l'éditeur, de fêter les quinze ans de sa maison d'édition. Elle a en effet démarré avec la publication en album de « Galères balnéaires », le premier des deux recueils aujourd'hui réunis sous l'appellation des « aventures de Fred et Bob ».

A lire ces histoires courtes parfois gentiment absurdes (la rencontre de Fred et Bob morts-saouls avec deux extraterrestres qui les prennent pour des mercenaires de l'espace est un grand moment de délire) et souvent traversées par un humour assez potache, on est quand même content de savoir que les deux compères ont abandonné cette voie pour nous donner le magnifique « Aquablue ». C'est vrai que Fred et Bob, c'est drôle, c'est frais, ça fait pas de mal à une mouche et ça détend. Mais c'est tout de même un peu léger, comparé à ce qu'ont entrepris ensuite (et presque par hasard) les deux copains de lycée Jeanne d'Arc de Rouen (vous vous demandez comment je connais même le nom de leur lycée ? Aucun mérite.... Pour en savoir autant que moi, lisez leur interview dans le premier numéro de « Pavillon Rouge », le nouveau magazine de Delcourt).
« Les voisins venus d'ailleurs », premier tome des la série « Les Ostings » par Baraou et Sardon. Dans la collection Delcourt Jeunesse.

Sardon en couleur, pourquoi pas ? D'autant que c'est Walter, le coloriste de Trondheim, qui se charge de la chromie parfois assez violente de cet album décoiffant. Les Ostings sont une famille de squelettes sans histoires. Du moins, jusqu'à ce que, l'ennui aidant, ils en viennent à provoquer la naissance d'encombrants voisins par le seul pouvoir de leur imagination. Les situations très comiques qui découlent de cette coexistence difficile rappelleront à la fois l'irruption de la famille Séraphin Lampion à Moulinsart et « La vie est un long fleuve tranquille » de Chatillez. Car l'idée d'Anne Baraou est de nous rejouer la différence de classe parmi ces squelettes. D'une part, les Ostings qui vivent dans leur manoir, des gens très comme il faut, mais « coincés du bulbe », aux dires de leurs voisins. De l'autre, la famille sans-gêne par excellence, les Zintrux. Au milieu, un petit garçon et une petite fille qui n'ont pas du tout envie de devenir copains... et un adorable chien. Les dialogues sont savoureux à souhait. Tout cela est très mignon, malgré la référence à la mort qu'implique l'usage de héros squelettes. Finalement, Anne Baraou ne s'en sert que pour installer le fantastique dans son récit, mais ses deux familles rivales sont plus humaines que les humains. Le résultat est un conte amusant, inattendu, joliment dessiné par Vincent Sardon qui signe là une belle incursion dans le monde de la BD pour enfant. Il faut dire que son graphisme l'y prédisposait.
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