Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

« La forêt suspendue » tome 1 de la série Finn, par Arnaud et Stambecco. Chez Pointe Noire.

Une énième histoire d'héroïc fantasy pur jus. Monde imaginaire issu des légendes celtiques, arbres vivants, univers merveilleux détruit par une malédiction, quête... tout y est. Les héros ont la gueule de l'emploi, les méchants aussi. Casting et scénario sans surprise, quoi. A tel point qu'on se demande si tout cela est bien utile. Evidemment, on ne peut pas empêcher des auteurs de raconter les histoires auxquelles ils croient ni les éditeurs de les publier. Mais tout cela est si convenu. Les quelques belles choses qui parsèment l'histoire (la page 31 est assez réussie, par exemple) ne suffiront pas à ôter l'impression de déjà vu déjà lu déjà oublié qui prévaut en refermant cette BD honnête mais laborieuse.
A la recherche du non-emploi par Thierry Bellefroid
« A la recherche du non-emploi » par Ness. A l'Echo des Savanes/Albin Michel.

Livre réjouissant qui célèbre le culte du RMI comme aucun autre ne l'a fait avant lui, ce « A la recherche du non-emploi » est une succession d'histoires loufoques sur fond de bistrot tenu par un dingue de la gâchette. Le trait est gros, que l'on parle du dessin ou des scénarios, mais cette caricature de l'éloge de la paresse est rudement bien tapée. On s'amuse avec Ness à observer comment deux copains finalement plutôt pas con font tout pour rester sans emploi. Tout est bon, y compris le recours à un improbable justicier du nom de « Super Remi Man ». On pense à Vuillemin, à Max et Dodo/Ben Radis, à Reiser et à quelques autres encore. Bref, à toute cette bande d'humoristes grinçants sans lesquels la France serait orpheline de quelque chose...
Las Vegas (Pin-up) par Thierry Bellefroid
« Las Vegas », tome 7 de la série Pin Up. Par Berthet et Yann, chez Dargaud.

De plus en plus glamour, la petite Dottie. Il faut dire que c'est ce qui plaît au public nombreux et passionné de la série. Pourquoi Yann et Berthet se priveraient-ils de cultiver ce qu'ils font le mieux ? Alors, tant qu'à faire, ils ont rangé la guerre -la vraie- et la guerre froide -la suivante- au vestiaire. Et ils « attaquent » les sixties de plein fouet. Parce que c'est la période rêvée pour faire de leur héroïne une créature définitivement mythique. Ils transportent donc la jolie Dottie (c'est fou ce qu'elle supporte bien le poids des ans...) à Las Vegas et lui trouvent un métier original, celui de « physionomiste ». De quoi s'agit-il ? De repérer les gueules des mauvais clients dans les casinos pour prévenir les ennuis, tout simplement. Et à cet exercice, personne ne peut rivaliser avec celle qui fut jadis l'égérie des GI sur le front. L'idée est excellente, l'ambiance polar convient parfaitement à Berthet et pour couronner le tout, nos compères plongent Dottie dans les bras du fondateur de Playboy. Les « Bunnies » fleurissent à toutes les pages, plus belles les unes que les autres, ça va encore fantasmer sec chez les lecteurs -essentiellement masculins, faut-il le dire ?- de la série. Bref, tout ça roule comme sur du papier à musique et le bellâtre Frank Sinatra ajoute encore un grain de sel amusant à l'ensemble. Pin Up, un produit parfait ? Si l'on se place au plan du marketing (et des produits dérivés, de la statuette à l'ex-libris en passant par les objets à effigie et autres sérigraphies), on ne peut que le penser. Certains diront que tout ça n'a pas d'âme et ils n'auront pas forcément tort, mais en bon mercenaire, Yann devrait assumer sans trop de mal cette « petite » tare. Pour ma part, je reconnais que ce nouveau cycle brille tout autant par son efficacité que par son côté convenu. Mais il y a tout de même une chose qui a attiré mon attention, la qualité du dessin et des couleurs. Le coloriste « officiel » de la série, Topaze, a quitté le projet. Bertrand Denoulet l'a remplacé et on ne peut que s'en réjouir. Si les couleurs de Topaze n'avaient rien de raté, celles de Denoulet apportent une touche vivante, un relief nouveau au dessin. D'autant que Berthet a cessé de livrer des crayonnés publiables tels quels pour les besoins des tirages de tête et qu'il encre ses planches avec plus de souplesse. Le résultat est magnifique ; la texture de la couleur se caractérise par une chaleur et une densité qui lui manquaient. C'est LA bonne surprise de ce nouveau cycle. Ah oui, avant que les puristes créent un forum de discussion sur les erreurs historiques de cet album, Yann a explicitement reconnu avoir pris des libertés avec la chronologie de certains événements. Pas la peine de vous étrangler en découvrant que Sinatra chante « Strangers ni the night » quelques années trop tôt ou que Dottie monte dans un avion qui n'existe pas encore... A bon entendeur...

Château Montrachet par Thierry Bellefroid
Château Montrachet, par Clarke, chez Fluide Glacial.

Pour son troisième album chez Fluide, Clarke nous a mitonné une série d'histoires courtes du meilleur tonneau. Ce tonneau, il est allé le chercher dans la cave d'un vieux château encore habité par une famille de nobles français comme on n'en fait plus. Lui, Harald, le sourcil que l'on devine légèrement levé derrière les verres de ses lunettes, ne perd presque jamais son flegme. Elle, Honorine, la bouche pincée et le chignon toujours impeccable, brille par son éducation, même si ça doit parfois lui coûter un peu de son amour-propre. A eux deux, ils incarnent la parfaite caricature de la « fin de race » encore accrochée à quelques-uns de ses rites : la chasse à courre, l'escrime ou les oeuvres de bienfaisance. Les huit récits regroupés dans ce livre sont souvent gentiment délirants. Tant qu'à pousser la caricature en question, Clarke s'en donne à coeur joie et ne respecte rien. C'est évidemment très drôle. Et même quand une histoire est un peu lourde comme c'est le cas de « Chasse à courre et Mastercard », il y a toujours le petit quelque chose qui sauve tout, en l'occurrence, lorsque Harald s'adresse dans la dernière case aux parents d'un petit louveteau abattu et leur balance : comment ça, vous n'avez pas de sabot Mastercard ? Une lecture rafraîchissante qui rappelle parfois la cruauté tranquille d'un Tronchet, mais avec un côté plus délirant et parfois volontiers « nonsense ». Un bon cru, dirait-on, si on ne craignait pas que ça fasse un peu jeu de mots facile.
« Torticolis et deltoïdes », tome 1 de Ocean City, par Chauvel, Komorowski et Barroux. Chez Delcourt, dans la collection Sang Froid.

Chauvel est sur tous les fronts. Ce prolifique scénariste nous gratifie en septembre d'une intégrale noir et blanc et de trois albums, dont la fin d'un cycle attendu (Le poisson-clown) et le début d'un diptyque, cet « Ocean City » créé avec le dessinateur Vincent Komorowski. Une telle activité ne peut être totalement exempte de redites. En lisant le premier tome de « Ocean City », on a forcément une impression de déjà-lu. Très proche d'autres récits (notamment de ceux de la série « Ce qui est à nous »), on y retrouve son goût pour le cinéma policier américain et pour les grains de sable qui gâchent irrémédiablement des vies de toute façon assez médiocres. Spécialiste de « l'engrenage », Chauvel a monté une nouvelle machine efficace qui repose comme il l'écrit lui-même dans les récitatifs de cet album sur les « mauvaises décisions » prises par ses personnages. Tout s'emboîte inexorablement et la descente aux enfers peut commencer. C'est d'une efficacité parfaite, le lecteur se laisse entraîner en sachant pertinemment dans quel jeu il joue et le rythme est bien soutenu. Mais comme la plupart des récits de Chauvel, c'est du cinéma en BD, que ce soit dans le mode narratif ou dans le choix des gueules des héros. A la longue, cette impression de faire du cinoche du pauvre en BD finirait par devenir lassante. L'histoire a beau être parfaitement huilée, elle n'est « que » délassante, presque un exercice de style pour élève doué.
« L'académie des Beaux-Arts », tome 1 de la série « Le minuscule mousquetaire », par Joann Sfar. Dans la collection Poisson Pilote de Dargaud.

« Le minuscule mousquetaire » est une auberge espagnole. On y trouve de tout. De l'érudition sans prétention, de la littérature au sens le plus noble du terme, du fantastique et du fantasque, du merveilleux et de l'hilarant, des leçons de dessin et une leçon de vie. On y entre comme on lirait les aventures de Gulliver ou celles de Gargantua et Pantagruel. Et c'est bien de cette tradition rabelaisienne que Joann Sfar peut se revendiquer avec ce nouvel opus.

Le minuscule mousquetaire est un album jouissif où un auteur se fait plaisir jusqu'à ciseler un texte irréprochable sur un support -la BD- où le mot est généralement le parent pauvre. Sfar est sans doute le premier auteur de bande dessinée que je connaisse à faire l'usage du « ; » dans les textes de ses phylactères. Cela en dit long sur la vocation littéraire de son oeuvre dessinée. Mais Sfar, c'est aussi une virtuosité graphique qui donne parfois le tournis. Des personnages aux contours d'une apparente simplicité, voire parfois d'une réelle naïveté, qui existent sur le papier dès que le regard du lecteur s'est posé sur eux. Le minuscule mousquetaire doit tout à une certaine France, celle des plaisirs de la table et de la chair, celle de Dumas et de Molière aussi. Mais il doit par ailleurs beaucoup à la tendresse de Sfar pour ses personnages, gigantesque famille de substitution que l'auteur aime choyer d'album en album, au gré de séries qui s'entrecroisent.

A la lecture de cet album magnifique, vous découvrirez aussi la véritable passion dévorante de Joann Sfar pour le dessin (ceux qui en douteraient peuvent s'en convaincre en lisant les cinq premiers tomes d'une gigantesque biographie imaginaire qu'il consacre au peintre Pascin, ami de Soutine et Chagall, des albums parus à L'Association). Ses cours de dessin imaginaires donnés à l'Académie des Beaux Arts de la minuscule France à partir de l'anatomie du minuscule mousquetaire sont à la fois étourdissants de drôlerie et rafraîchissants d'audace. (« ... Mais que vous l'aimiez ou pas, ce sexe, il faut tout de même le dessiner. Or que vois-je sur vos chevalets en cet emplacement ? Du vide... de vagues formes... des oiseaux, des nuages... parfois des interprétations scabreuses... mais de vrais dessins, point. C'est pourtant un corps physique, soumis aux lois de la pesanteur et sculpté par la lumière, qu'il vous faut dessiner. Regardez sur notre modèle : la verge évoque une tête de canard allant à l'abreuvoir. ») Sfar sera quand même le premier à avoir osé disserter aussi librement -dessin à l'appui- sur les parties génitales de l'homme aux éditions Dargaud. Rien que pour avoir fait avancer ce débat et tomber les tabous, l'auteur mérite notre respect.
« Tintin, le rêve et la réalité », par Michael Farr, et « J'apprends à raconter une histoire », tome 2 de « L'atelier de la bande dessinée avec Hergé ». Aux éditions Moulinsart.

A l'heure où la polémique continue de diviser les héritiers spirituels d'Hergé et la toute puissance de l'organisation Rodwell, les éditions Moulinsart multiplient les ouvrages de référence autour de l'oeuvre de Tintin ; de quoi calmer, peut-être, certaines des inquiétudes formulées par les tintinophiles. Au rang des nouveautés, outre le set complet des agendas et calendriers au design irréprochable mais qui n'apportent guère de contribution à la pérennité de l'oeuvre, deux livres se distinguent. Le premier est remarquablement documenté. « Tintin, le rêve et la réalité », sous-titré « L'histoire de la création des aventures de Tintin » nous propose d'entrer pour ainsi dire dans la bibliothèque de Hergé. L'auteur, Michael Farr, analyse album par album les coulisses de la création ainsi que les sources de documentation employées par Hergé, et consciencieusement conservées par lui d'abord, par la Fondation ensuite. C'est passionnant, éclairant, et même si on n'y trouve guère de scoops, c'est le genre de livre qu'on ne regrette pas d'avoir lu.
L'autre nouveauté, est destinée aux enfants de plus de dix ans. Il s'agit du deuxième tome de « L'atelier de la BD avec Hergé ». Dans le premier, les plus jeunes apprenaient si l'on peut dire à tenir un crayon. Ils apprennent cette fois le langage et les subtilités du neuvième art. Qu'est-ce qu'un synopsis, un scénario, une ellipse ? Comment créer le mouvement, comment doter un phylactère de caractères spécifiques pour renforcer le texte qui y est placé, comment camper des personnages bien typés ?... Les questions abordées donnent des clés indispensables aux auteurs en herbe. Elles sont illustrées par des exemples tirés de l'oeuvre de Hergé qui apparaît aussitôt comme un modèle pédagogique ! Le tout est mis en page avec beaucoup de soin. Résultat, ce livre devient presque un objet de collection. Ce magnifique ouvrage (qui plaira aussi aux adultes amoureux de Hergé, sans doute) est vendu aux environs de 15 euros, ce qui n'est pas gratuit. Peut-être qu'au terme de la collection, l'éditeur serait bien inspiré de rééditer l'ensemble de ces livres en intégrale dans une version moins onéreuse. Il y a évidemment peu de chances que cela arrive un jour, lorsqu'on connaît la philosophie de la maison Moulinsart... mais on peut rêver !
« C'est quoi ce cirque ? », tome 15 des aventures du Marsupilami. Chez Marsu Production.

Franquin avait abandonné les droits sur le Marsupilami de son vivant. Il ne faut donc pas regretter que la sympathique bestiole vive des aventures qui ne sont plus nécessairement dans l'esprit de son créateur. Ainsi, cet album de gags confine-t-il le Marsupilami dans un rôle d'animal de cirque, un cirque très inspiré lui-même d'une aventure de Spirou et Fantasio, « Bravo les Brothers » (publiée à l'occasion du tome 19 des aventures de Spirou et Fantasio, « Panade à Champignac ») dans laquelle le dresseur Noé avait vendu ses singes à Gaston. Bref, tout ça pour dire... que le Marsu de ce quinzième album vit des gags d'une page essentiellement en compagnie de Lucas, un petit garçon du cirque Zabaglione qui est son meilleur ami. Dugomier propose des planches inégales, mais dans l'ensemble, il exploite bien toutes les ressources de l'animal pour inventer des situations loufoques ou comiques. Les gags récurrents avec l'agent de police et la cage dans laquelle Lucas est obligé de balader le Marsupilami rappelleront les affres de Gaston face à l'intransigeance d'un Longtarin. Mais bien sûr, tout cela n'est QUE gentil et honnêtement dessiné. Nulle trace du génie de Franquin dans ces pages, ce qui n'empêchera nullement les plus petits d'en raffoler.
Le signe des démons (Sillage) par Thierry Bellefroid
« Le signe des démons », tome 4 de la série Sillage, par Morvan et Buchet. Dans la collection Néopolis des éditions Delcourt.

A chaque album, c'est la surprise. Que vont explorer Morvan et Buchet ? Les thèmes se suivent et ne se ressemblent pas, c'est sans doute un des atouts majeurs d'une série qui ne cesse d'agrandir le cercle de ses adeptes. Après un épisode qui explorait une SF rétro (un style de SF qui se définit par le terme « steampunk » pour les puristes) sur une planète peuplée d'humanoïdes trop proches de Nävis pour être tout à fait honnêtes, voici un album faussement calqué sur les codes de l'Héroïc Fantasy. Tout y est, l'univers merveilleux des contes, les oiseaux porteurs, les petits lutins attaqués par de grosses brutes sur leur joli moulin posé en haut d'une gigantesque chute d'eau, les légendes anciennes et la quête de liberté de tout un peuple promis depuis toujours à l'esclavage. Et pourtant, c'est du Sillage, du vrai. Parce que tout cela, tout ce décorum, c'est l'écrin d'une nouvelle aventure de Nävis. Bref, un prétexte pour la confronter au monde, pour la voir grandir, mûrir. Une aventure dans laquelle le lecteur découvrira Bobo sous un nouveau jour ; le voici l'égal de Nävis, agent « spécial », lui aussi. Mais votre surprise sera plus grande encore en découvrant Houyo, le tigre avec lequel Nävis vivait sur sa planète, avant l'irruption de Sillage dans son univers, et qui n'avait survécu que l'espace de quelques pages avant d'être sacrifié par les auteurs. Lorsque vous verrez ce que Morvan a imaginé pour cette jolie bestiole dans ce tome 4, vous comprendrez qu'il n'est jamais à court d'idées. Des idées, Sillage en fourmille. Sous l'apparente légèreté de la série, le scénariste explore les uns après les autres les travers de notre bonne vieille société. Corruption, idéalisme et trahison sont au menu, cette fois. Sans parler de l'individualisme puisque la Constituante envoie Nävis en mission au sein d'un petit groupe d'individus tous dotés d'un sacré caractère. Une belle histoire, comme on aimerait en lire chaque semaine.

" La symphonie maléfique ", tome 1 de " La Maison Dieu ", par Rodolphe et Nathalie Berr. Chez Albin Michel.

" Ils sont neuf. Dotés soudainement de pouvoirs incroyables. Terrifiants. Que vont-ils en faire ? Que vont-ils nous faire ? " C'est avec ces quelques mots en quatrième de couverture que le lecteur pourra se faire une idée de ce qui l'attend à la lecture de " La maison dieu ", une nouvelle série due au scénariste déjà bien connu de " Trent ", Cliff Burton ", " Dock 21 " et plusieurs autres : Rodolphe. En fait de pouvoirs terrifiants, vous ne découvrirez dans ce premier tome que ceux d'une partie du groupe. Rodolphe a choisi de centrer l'histoire sur un personnage, surtout, Pierre. C'est lui qui sert de fil rouge au lecteur pour pénétrer cet univers à cheval entre fantastique et thriller. Pierre, comme son ami Philippe, était un médiocre, jusqu'au jour où il a reçu le don. Aujourd'hui, l'un est un brillant chef d'orchestre, l'autre un champion olympique. Tous les deux se sont métamorphosés sans prévenir, du jour au lendemain. Ils ont maigri, rajeuni, sans aucune explication. Pour profiter de leur incroyable pouvoir, ces surdoués sont obligés d'effacer les témoins de leur transformation. Ils iront jusqu'au meurtre pour préserver leurs privilèges. D'où vient ce don du ciel qui les a cueillis au sortir de l'adolescence ? Qui sont ceux qui semblent les avoir repérés et tentent de les enlever pour les soumettre à des examens approfondis et percer leurs secrets ? Quels liens y a-t-il entre eux ? Ce sont toutes ces questions que le récit imaginé par Rodolphe soulève page après page. La plupart des réponses viendront plus tard, au fur et à mesure des albums. Mais le suspense est déjà là, bien établi dès les premières planches, aidé par le dessin réaliste de Nathalie Berr. Incontestablement, un très bon début.
« Vieux Fou contre Godzilla », par Moynot et Dieter, dans la collection Sang Froid des éditions Delcourt.

Après un premier album aussi étonnant qu'inattendu et un deuxième qui n'avait pas démérité, voici le dénouement du casse du casino de Biarritz par la bande de vieux anars espagnols aidés du jeune Joaquim. Et le soufflé retombe dangereusement ! Bien sûr, il y a quelques bons moments dans cette rocambolesque suite, mais les personnages semblent tellement prisonniers de leur rôle qu'on se surprend... à ne plus être surpris ! Peut-être était-ce l'album de trop. Reste un univers déjanté que personne avant Moynot et Dieter n'avait au l'idée d'explorer, qui plus est sur un ton aussi jubilatoire. Reste une mise en couleurs très réussie pour un auteur longtemps cantonné au noir et blanc (un auteur que « Monsieur Khôl » dans la collection Carrément BD de Glénat a cependant installé au rang des grands coloristes !). Le seul personnage qui surprenne vraiment dans cette farce énorme est la mère de Joaquim. C'est sans doute elle qui apporte l'indispensable touche de fraîcheur à ce troisième album finalement assez dispensable...
« Par des temps incertains », une aventure de Valérian, agent spatio-temporel. Par Christin et Mézières. Chez Dargaud.

Valérian et Laureline renouent avec la meilleure période de leurs aventures, celle des albums « Métro Châtelet direction Cassiopée », « Brooklyn Station terminus cosmos », « Les spectres d'Inverloch » et « Les foudres d'Hypsis ». Quatre albums mythiques qui ont définitivement assis la série au rang de classique de la SF en BD. Mais cette nouvelle aventure renoue aussi avec une série d'autres personnages ou d'objets issus d'aventures précédentes tantôt anciennes (« La cité des eaux mouvantes », « Les héros de l'équinoxe ») tantôt récentes (« Otages de l'ultralum », « Les cercles du pouvoir »...). Tout simplement parce que Christin ose la pari fou de donner un sens à un univers qui devient de plus en plus difficilement cohérent. Parce qu'il tente de boucler la boucle, de jouer avec le temps, l'espace, les paradoxes spatio-temporels et les deux hypothèses d'avenir terrestre qui se côtoient dans la série. C'est ambitieux, risqué et pour tout dire, brillamment réussi ! D'autant que le scénariste égratigne au passage une série de thèmes contemporains qui lui sont chers : progrès non-maîtrisés de la science et surtout, recherche frénétique du profit pour lui-même. En mettant Valérian et la délicieuse Laureline sur les traces de l'hiatus qui a fait disparaître la terre d'après 3152, l'auteur s'amuse à dépeindre à sa manière, caustique et critique, la société d'aujourd'hui. C'est intelligent, comme toujours on en a pour son argent puisque l'histoire est à la fois inscrite dans la continuité de la série et conçue comme un one-shot et pour le même prix, Christin retrouve un humour léger qu'il avait tendance à perdre ces derniers temps, toutes séries confondues. Bref, la surprise est générale. Elle est malheureusement moins agréable au plan graphique. Mézières s'ennuie-t-il ? On peut se poser la question. A part quelques pages -dont la magnifique planche des pages 56-57- on a souvent l'impression qu'il va au charbon, voire parfois, qu'il bâcle (pour vous en convaincre, relisez « Otages de l'ultralum », c'était il y a cinq ans, seulement, quelle différence !) C'est d'autant plus dommage que la série, elle, se réveille après quelques albums ronronnants.
« Adalbert perd les pédales », tome 2 de la série « Le roi catastrophe », par Trondheim et Parme. Chez Delcourt Jeunesse.

L'excellente collection Delcourt Jeunesse semble décidément exempte d'erreurs de parcours. L'une des meilleures surprises de cette année aura été l'arrivée de ce petit « roi catastrophe ». Et voilà que l'increvable Trondheim a déjà imaginé un tome 2. Rien à dire, c'est au moins aussi drôle que le tome 1. Voire plus. Les trois histoires courtes dessinées par Fabrice Parme sont délicieuses de drôlerie et de péripéties inattendues. Trondheim soigne particulièrement ses chutes surtout celle de « le chocolat ne fait pas le bonheur », histoire très amusante dans laquelle Adalbert lance un nouvelle économie juste pour ne pas se sentir humilié par son cousin Romaric (« Je déteste mon cousin Romaric. Il est prétentieux, orgueilleux, richissime et, comble de tout, il a un an de plus que moi »). Dans la première histoire, Adalbert se voit adjoindre les services d'un bodyguard qui doit beaucoup au talent graphique de Fabrice Parme et qui finit par être hilarant lorsqu'il commente les attentats de phalanges plus farfelues les unes que les autres auxquels il échappe en compagnie de son protégé. Tout cela ravira le jeune public -c'est le but- mais ne devrait pas moins amuser les grands enfants que beaucoup d'entre nous sont restés !
G. comme Gowap (Le Gowap) par Thierry Bellefroid
« G... comme Gowap », recueil N°5 des gags du Gowap. Par Mythic et Curd Ridel. Au Lombard.

Le Gowap new look est arrivé. La maquette revue et corrigée, apparemment pour attirer le regard des plus jeunes (l'autre faisait peut-être un peu plus adulte, mais elle était tellement plus jolie...), ne doit pas nous tromper sur la marchandise. Mythic et Curd Ridel tiennent un personnage qui est naturellement atypique et sympathique, drôle, gaffeur, goinfre, incongru dans le paysage et pourtant transformé en animal de compagnie... bref, le héros idéal pour une série à gags. Mais le succès du Gowap tient au moins en partie à sa famille d'accueil et surtout à Géraldine, sa petite copine. C'est donc toute la galerie de personnages qui est au point. Les strips (Ridel et Mythic en ont déjà imaginé plus de quatre cents), voire les gags en un seul dessin prouvent que la concision est souvent la meilleure arme des humoristes. Vous l'aurez compris, voilà une série qui, sans faire beaucoup de bruit, fait partie de la moyenne supérieure parmi les dizaines de BD d'humour présentes sur le marché. Pourvu que ça dure !
Ca change tout ! par Thierry Bellefroid
« Ca change tout ! » par Pessin. Dans la collection Humour des éditions Glénat.

Glénat inaugure une nouvelle collection d'humour. L'éditeur n'en est pas à son coup d'essai dans ce domaine. Qu'on se souvienne des traductions de Mafalda ou des albums de Serre (qui seront en partie réédités dans cette collection). Mais cette fois, il s'agit d'éditer non plus un ou plusieurs auteurs à succès, il s'agit de créer un univers. Avec une première salve de deux albums de cartoons, Glénat donne le ton. Qu'il s'agisse de ce « Ca change tout ! » ou de « Ils sont parmi nous », l'autre album publié lors de la première salve, l'esprit est à la dérision et à la concision. Des dessins sobres et des gags qui font sourire quand ils ne font pas grincer des dents.
Pessin, qui officie dans le journal Le Monde, croque dans « Ca change tout ! » la plupart des travers de notre belle société moderne. Ordinateur, téléphone mobile, mal-bouffe, clonage et autres progrès de la science... Deux coups de marqueur pour tracer des personnages anonymes et une ou deux petites phrases de dialogue entre eux : il n'en faut pas plus quand on a du talent. Ça donne des petites phrases du genre : « Le problème, dans cette révolution informatique, c'est qu'on ne sait pas qui se révolte ». Ou « Cet ordinateur, c'est quand même cher pour ce que tu n'arrives pas à faire avec ». Ou encore : « De plus en plus, on sait ce qu'on mange et on le mange quand même ! ». Un dernier ? : « Avez-vous la cassette « apprenez à vivre sans la télé » ? ». Bref, Pessin donne dans la caricature. Mais ce ne sont pas nos hommes politiques qui sont croqués sous sa plume, ce sont nos petits travers à nous et notre monde de fous...
Relayer - T. 1 (Relayer) par Thierry Bellefroid
« Relayer », tome 1. Par Liberge et Gravé. Chez Pointe Noire.

Ceux qui connaissent « Monsieur Mardi-Gras Descendres » et « Le dernier Marduk », les deux autres séries commencées par Eric Liberge, savent qu'il affectionne les univers fantastiques en déliquescence. « Mardi Gras Descendres » (Pointe Noire) raconte une vision du purgatoire où des squelettes errants tentent tant bien que mal de rester entiers. « Le dernier Marduk » (PMJ) aborde quant à lui les relations entre une ville victime d'une maladie étrange et ses habitants. On retrouve ces thèmes dans « Relayer », le nouveau projet d'Eric, pour la première fois confié à un autre dessinateur, Vincent Gravé. Un monde aquatique « post-moderne » dans lequel quelques humains font figure de reliques. Des espèces mutantes crées en fonction de leur utilité dans la cité. L'ombre d'un génie -le père du héros- dépassé par ses inventions. Des poissons électriques. Les inventions ne manquent pas et l'esprit imaginatif d'Eric Liberge donne toute sa mesure dans ce conte fantastique. Il lui manque toutefois un peu de place pour aller au-delà de la simple présentation des acteurs. C'est un défaut de plus en plus courant aujourd'hui : les premiers albums de série ont un petit air de teasing. Oh, regardez le bel univers, les belles couleurs, les personnages mystérieux aux origines incertaines. Dans un an, le tome 2 paraîtra et vous en saurez plus ! « Relayer » n'échappe pas à cette règle et laisse le lecteur songeur à la page 48. Dommage. Car l'album est loin de manquer de qualités. A commencer par celles de son dessinateur. Même si je ne partage pas l'enthousiasme dont fait preuve Eric Liberge en avant-propos, je reconnais que Vincent Gravé donne un ton magnifique à cette histoire. Son talent est certain, mais il est, pour l'heure, très inspiré de celui de de Crécy (qui fait décidément école). Trop en tout cas pour qu'on puisse crier au génie. Elève appliqué, Gravé semble vouloir rivaliser avec le maître plutôt que s'en affranchir. Ses couleurs sont superbes, son toucher est léger, le crayon et la plume semblent se marier au moment de l'encrage. reste à trouver une voie réellement personnelle. Laissons-lui du temps. Et laissons-en aussi au futur tome 2 pour achever de nous convaincre.
L'ange de lumière (Aleph) par Thierry Bellefroid
« L'ange de lumière », tome 3 de la série Aleph, par Istin, Dim. D et Paitreau. Chez Nucléa.

Aleph n'est finalement pas si éloigné du Chant des Stryges. Il intéressera pourtant un public différent. D'abord parce que l'univers imaginé par Istin est purement un univers de science-fiction avec de petits airs de space opera. Ses stryges à lui sont des anges de mort qui combattent pour le pouvoir absolu et finiront par s'affronter entre eux, lors de l'apocalypse finale. L'idée qui sous-tend ce troisième et dernier album est que l'un de ces anges de mort est peut-être moins mauvais qu'il n'y paraît et que le Mal peut abriter le Bien. Le monde peut-il être sauvé du chaos par ceux-là mêmes qui le menacent ? Peut-être, mais il faut que des hommes de foi les aident. C'est ce qui se passe dans cette ultime confrontation aux origines satano-bibliques. Jean-Luc Istin a beaucoup puisé dans ses lectures mais son univers comporte quelques personnages attachants et une certaine cohérence graphique sous la plume de Dim. D. Aleph ne révolutionne pas la SF. Mais il fera partie de ces séries inspirées par la Bible et pourtant inscrites dans leur temps qui plairont à un public jeune.
« La lumière d'un siècle mort », tome 2 des « Mémoires d'Amoros », par Felipe H. Cava et Federico Del Barrio. Chez Amok.

Derrière une couverture en négatif jaune sur noir, derrière un superbe titre (dont la signification n'apparaît que très tard dans l'histoire), le tome 2 des « Mémoires d'Amoros » ne déçoit pas. Comme dans « Signé Mister Foo », le premier opus de cette collection, les auteurs racontent les souvenirs de jeunesse d'un journaliste que le hasard met en présence de gens et d'événements à la portée politique. Mais il ne s'agit pas pour autant d'un livre d'histoire d'Espagne en BD, loin de là. Chacune des enquêtes que raconte le journaliste (inspiré d'un personnage réel : Eduardo de Guzman, journaliste anarchiste qui a tâté des geôles de Franco et auquel l'auteur consacre une page d'hommage en guise de postface) est en elle-même à la fois une peinture de la société espagnole de l'époque et une histoire policière. On y entre comme on lirait un Léo Mallet ou un Daeninckx. Et si je fais référence à ces deux écrivains français mis en images par Tardi, c'est qu'il y a aussi quelque chose de Tardi dans le dessin de Del Barrio. Un noir et blanc d'une rare efficacité qui privilégie les gris, les ambiances et suggère les décors plus qu'il ne les montre.

L'histoire elle-même nous entraîne sur les traces d'un trafiquant d'oeuvres d'art et son fidèle ami faussaire de génie qu'une femme au sourire énigmatique va mettre sur la route d'Angel Amoros. Cette femme, Lola Negri, est à la fois le personnage central de l'histoire et un personnage secondaire. C'est par fascination pour elle que le journaliste va remonter une piste qui le mènera jusqu'à une vente d'armes aux troupes marocaines d'Abd el-Krim opposées aux Légions de Franco. L'histoire rejoint l'Histoire en passant par l'amour et la peinture de moeurs, un grand classique chez Cava, qui est sans doute l'un des scénaristes contemporains parmi les plus politiques. Sans intellectualisme, sans prétention non plus, il plante le décor des années précédant la guerre civile espagnole et nous montre des personnages qui sont aussi gris que les dessins de Del Barrio. Car dans le monde de Cava, on est rarement tout à fait blanc ou tout à fait noir. On subit davantage les événements et les cheminements parfois tortueux du destin.
Le robinet récalcitrant par Thierry Bellefroid
« Le robinet récalcitrant ! » par Jean-Pierre Duffour. Chez PMJ.

Imaginés pour l'éditeur japonais Kodansha, cinq récits en noir et blanc devaient raconter de petits épisodes de la vie d'un gratte-ciel. Duffour s'est mis au travail. Et puis l'éditeur n'a pas voulu de ses planches : pas assez logiques à son goût. C'est vrai qu'on est loin de l'univers bien terre à terre du manga. Ici, c'est l'absurde qui règne en maître. Dans un monde surréaliste, tout peut arriver, même et surtout que des personnages au faciès animalier disparaissent corps et âme dans une fuite d'eau ou escaladent des marches d'escaliers hautes comme des gratte-ciel. Le monde de Jean-Pierre Duffour est proche de celui des rêves, il est aussi plein de poésie et d'une très belle efficacité graphique qui s'exprime à travers un dépouillement qui n'a rien de hasardeux. Epuré, stylisé à la manière de celui d'un Trondheim (avec qui il a d'ailleurs produit l'excellent « Gare centrale » publié en 94 par Rackham et réédité par L'Asso en février dernier), son dessin privilégie l'équilibre et la simplicité. Il bénéficie en outre d'une très belle mise en couleur qui n'était pas prévue dans le projet initial. Quatre des cinq histoires ont été publiées dans Lapin. Ce qui n'a pas empêché Jean-Pierre Duffour d'en redessiner la moitié pour cette édition en livre. C'est tout à son honneur.
Loto et colles (Les profs) par Thierry Bellefroid
« Loto et colles », tome 2 de la série « Les profs », par Pica et Erroc, chez Bamboo.

Plébiscité par le jeune public qui lui a « offert » une superbe récompense, le prix du Meilleur Album Jeunesse à Angoulême, en janvier dernier, le premier tome des « profs » s'est vendu à plus de 26.000 exemplaires en un an. Pour une série débutante dans une petite maison d'édition ne bénéficiant pas des l'arsenal de communication des « majors », c'est un très beau résultat. Et ce n'est sans doute qu'un début. « Les profs » ne plaisent pas seulement au public enfantin. A la lecture des gags concoctés par Pica et Erroc, les adultes découvriront un monde qui leur est proche. Car contrairement aux histoires que racontent la plupart des séries d'humour qui s'intéressent à l'univers de l'école, ce ne sont pas les enfants qui sont les protagonistes principaux, mais les profs, avec leurs problèmes d'adultes. Mal payés, surmenés, chahutés, ils essaient tant bien que mal de lutter contre l'ignorance. Un humour parfois vache qui peut se lire aussi bien à dix ans qu'à soixante-dix. Les gags ne sont pas tous du même niveau, mais on leur reconnaît une qualité commune, celle de présenter une belle galerie de portraits et de ne pas mettre tous leurs effets dans la seule chute. Bien sûr, ce n'est ni Gaston Lagaffe ni Titeuf, mais il y a de la place pour tout le monde dans le créneau de l'humour. Un créneau que Bamboo a décidé d'investir à 100% puisque cette maison d'édition fondée en 1997 ne s'adresse qu'aux auteurs de BD d'humour. Un autre album paraît en même temps que ce tome 2 des « Profs » : « L'homme qui murmurait à l'oreille des 2 chevaux », par Achdé et Jenfèvre, tome 2 de la série « Les damnés de la route ».
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