Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

Un grain de sable (Jane) par Thierry Bellefroid
« Un grain de sable », tome trois de la série Jane, par Falque et Bonifay. Chez Casterman.

Embrouille chez les bikers, des camionneurs leur cherchent des crosses. Sur fond d'intimidation musclée et de baston dans les bars, une nouvelle aventure qui va plonger Jane et les siens dans les filets d'un drôle d'oiseau : Peter. Ça commence comme un joli pique-nique au camping de la page, ça se termine en stock-car avec trafic de drogue et tout le toutim. Pas à dire, Bonifay ne fait pas dans la dentelle. Ça change de « Zoo », la série qu'il anime avec Frank chez Dupuis ! Logique, direz-vous puisque celle-ci exalte l'esprit motard. Quand même, on a parfois l'impression qu'il en remet des tonnes. Même si la plupart des personnages sonnent plutôt juste, de prime abord.
La liste (O'Malley) par Thierry Bellefroid
« La liste », tome 1 de la série O'Malley, par Nemeth, Kalonj et Sorrentino. Chez Paquet.

Parodie de détective privé du début du XXème siècle à Londres, le petit O'Malley habite à une rue de chez Sherlock Holmes. Mais il a beaucoup moins de succès. En fait, il est surtout doué pour prendre des beignes et se faire chier dessus par les mouettes. Cet Irlandais un peu teigneux qui ferait souvent mieux de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de l'ouvrir se retrouve au coeur d'une bien étrange affaire : une liste de noms parmi lesquels certains mouilleraient la couronne semble intéresser beaucoup de monde. Et lui coller aux basques. Nemeth s'amuse à truffer son récit de références, pas toujours avec bonheur, il faut dire. C'est parfois lourd et la voix-off ne trouve pas vraiment son style, malgré quelques phrases du meilleur cru. Mais le climat prête tout de même à sourire. Quant à Kalonji, il quitte le noir et blanc tranché de Helvéthika pour un dessin très caricatural qui ne plaira pas à tout le monde. Ses personnages ont tous l'air d'être nains, avec des têtes exagérément grosses sur des corps minuscules. On aime ou on n'aime pas, c'est le style de Kalonji. Il accentue le côté risible du héros. Mais il l'éloigne en même temps des ambiances londoniennes propres à ce genre d'histoires.
Sainte famille par Thierry Bellefroid
« Sainte famille », par Xavier Mussat. Chez Ego Comme X.

A part David B, et dans une autre mesure Fabrice Neaud, peu d'autobiographies ont été si loin dans l'analyse de soi et des siens. Xavier Mussat nous balade pendant près de 90 pages grand format dans une crise d'adolescence sans fin. Elle a démarré lorsque son père, modèle par excellence, placé à l'égal de dieu par Xavier, a fait sa valise et quitté la maison, abandonnant femme et enfants. Xavier analyse et commente rétrospectivement le chemin qui l'a poussé à détester ce père, à se détester lui-même, et à « tomber amoureux » de sa mère, seule référence de sa vie pendant une dizaine d'années. C'est évidemment d'une totale impudeur. Le lecteur a l'impression d'assister à une thérapie en direct, de pénétrer les secrets les plus intimes de l'auteur. Il le ressent d'autant plus que Xavier Mussat se décrit sans complaisance. Et n'épargne pas davantage ses proches. Mais cette impudeur n'est pas de l'exhibitionnisme. C'est la voie qu'a trouvé un artiste pour exprimer un parcours personnel, quasi initiatique. En cela, la lecture de Sainte Famille est un moment intense et poignant comme on en connaît peu en BD.
« Rising Stars 1 », par J. Michael Straczynski et Keu Cha. Chez Semic.

Dessin efficace, précis, musclé. Scénario dense. Rising Stars démarre fort. Au début, il y eut un éclair, le ciel de la ville de Pederson s'embrasa. Et ensuite, on découvrit les « Special », à savoir toute la génération d'enfants en cours de conception le jour de la chute de la météorite sur cette ville de l'Illinois, en 1969. 113 garçons et filles qui développeront au fil des ans d'étranges pouvoirs et dont certains deviendront des super-héros. Le récit lui-même mêle ces ingrédients à une passionnante enquête policière. L'occasion de suivre les destins de quelques-uns de ces surdoués surveillés de très près par l'Administration et protégés par le docteur Welles. Depuis quelque temps, les « Special » sont assassinés les uns après les autres. Qui est l'assassin ? Pour ceux qui les connaissent vraiment, voire pour les « Special » eux-mêmes, il n'y a pas de doute, c'est l'un d'entre eux. Brillant, le premier volume de cette saga qui racontera les 64 années de la vie de ces êtres exceptionnels est avant tout une très belle étude de personnages. On se passionne pour chacun d'entre eux et pour les trouvailles que le scénariste a su glisser dans son histoire pour la rendre à la fois attractive et digeste.
Welcome to the death club par Thierry Bellefroid
« Welcome to the death club », par Winshluss. Chez 6 Pieds Sous Terre.

Evidemment, avec un titre et une couverture pareils, il ne faut pas s'attendre à une gentille BD pour enfants. Mais à l'inverse, « Welcome to the death club » n'est pas du tout morbide. C'est une grosse farce avec la mort dans le rôle principal. Sur le mode « tel est pris qui croyait prendre », une succession de petites histoires muettes en noir et blanc dans lesquelles le gagnant n'est pas toujours celui qu'on attend. Ma préférence va à « Salut l'artiste », bref récit sur la douleur d'aimer.. et de créer un best seller au bon moment. Quand un écrivain désargenté se suicide, il devrait penser à d'abord payer son loyer... Souvent amorales, les histoires de Winshluss sont avant tout drôles et débridées, à l'inverse d'un dessin aux apparences très sombres. Après le Monsieur Ferraille paru en janvier aux Requins Marteaux, voilà qui confirme la bonne santé de cet auteur.
« Une autre guerre », tome 1 de « Libre à jamais », par Marvano et Haldeman. Dans la nouvelle collection « Fictions » des éditions Dargaud.

On avait déjà vu des choses étranges dans le monde de l'édition. Mais celle-ci en dépasse sans doute beaucoup d'autres. Plus de douze ans après la fin de la magistrale trilogie de science-fiction « La guerre éternelle » parue dans la collection Aire Libre des éditions Dupuis, voici qu'une suite voit le jour chez Dargaud... et devient le fleuron d'une nouvelle collection de SF. Pas le choix, l'éditeur doit bien annoncer dans toute sa communication que « Libre à jamais » est la suite de « La guerre éternelle » ; même si « Une autre guerre » a été conçu pour être compris de lecteurs n'ayant jamais ouvert aucun des tomes de la première trilogie, il est clair que c'est dans l'oeuvre initiale que se trouvent les clés de compréhension de cette nouveauté. Surtout que cet album ne raconte pas vraiment la suite de la première partie. Marvano et Haldeman nous éclairent, treize ans plus tard, sur ce qu'est devenue Marigay, la compagne de Mandella, pendant le troisième et dernier album de « La guerre éternelle ». Avec une conclusion parfaitement identique à celle de 1989. Déroutant.
En fait, Joe Haldeman a bien écrit une suite à son roman 20 ans après. Cette suite s'appelle bien « Libre à Jamais » et est l'objet de cette nouvelle adaptation par Marvano. Mais il a aussi écrit une courte nouvelle constituant une transition entre ces deux romans de science-fiction. C'est cette nouvelle que raconte le premier tome de « Libre à Jamais ».

On peut refermer « Une autre guerre » en se demandant ce qu'il apporte de plus à la première trilogie. On y retrouve l'intention première de Joe Haldeman, qui était de s'inspirer de son expérience au Vietnam pour dénoncer l'absurdité de la guerre dans un récit de Science-Fiction. Mais cet album étant un élément de transition entre deux cycles, il n'est en rien révélateur de ce qui attend le lecteur dans la future série ; « Libre à jamais » racontera en effet essentiellement comment Marigay, Mandella et leurs deux enfants vivent la paix après la fameuse Guerre Eternelle. Et comment ils intègrent une société où, a priori, ils n'ont plus leur place. Car dans « Libre à jamais », l'ennemi de l'homme, c'est l'homme. Après avoir banni l'hétérosexualité pour juguler la croissance démographique, la Terre a en effet été un pas plus loin. Et c'est ce pas qui lui a permis de faire la paix avec l'ennemi de toujours, le Tauran, à qui, pour la première fois, Marvano donne un aspect physique, plutôt réussi, d'ailleurs. Il faut dire que le dessinateur a eu l'occasion d'évoluer, durant toutes ces années. Toujours en compagnie de Joe Haldeman, il a créé entre-temps chez Dupuis la série « Dallas Barr », dans laquelle on retrouve certains points communs avec « La Guerre éternelle ». Son dessin est devenu plus fluide, « plus BD » et l'on retrouve cette nouvelle patte sur « Libre à jamais ». Très rond -jusque dans les formes d'une Marigay méconnaissable- son trait est bien plus lisible qu'à l'époque de « La guerre éternelle ». Les couleurs de Bruno Marchand, complice de la première heure, reflètent bien la palette du dessinateur de « Little Nemo » ; on y trouve la même prédilection pour le bleu azur et l'ocre.

Ce prologue n'est pas un coup dans l'eau. Il permettra à tous de posséder le « décodeur » nécessaire à la lecture de « Libre à jamais ». Pour l'instant, cela fait à peu près le même effet que quand Moebius et Jodorowski nous avaient balancé en 2000 un « Après l'Incal » qui s'intercalait avant la fin de la série initiale. Mais la suite devrait prendre un tournant radical... Et prouver que Haldeman a tiré le meilleur parti de la science-fiction, qui est d'être une métaphore de la société contemporaine.
Fines Matrice (Fides) par Thierry Bellefroid
« Fines Matrice », tome 2 de Fidès, par Ploy et Pagot. Aux Humanoïdes Associés.

Rappelons le contexte. Fidès est l'une des quatre séries imaginées par Anne Ploy autour du concept de la Transgénèse. Quatre époques successives pour raconter quatre moments clés de notre avenir, en commençant en 2025 et en terminant en 2042. Dans « L'ancêtre programmé » (2025-2028), c'est la machine qui prend le pouvoir. Dans Fidès (2029-2034), au contraire, la science est au service de Mezza, grande prêtresse sans scrupule qui règne sur la France grâce à sa secte, l'Arquante. L'endoctrinement forcé est au coeur de cette série-ci et l'on y retrouve, comme dans « S.O.S. Bonheur », une société entièrement contingentée dans laquelle l'individu abandonne, sans même s'en apercevoir, son libre-arbitre et sa capacité de révolte. La manipulation est partout. Le héros de l'histoire, Janos, en fait les frais. Mais la « contre-révélation » est en marche. Anne Ploy tisse sa redoutable toile et distille intelligemment les révélations, ni trop (pas la peine de prévoir un rebondissement à chaque page, le récit est déjà suffisamment fort par lui-même), ni trop peu. Didier Pagot assure plutôt bien, même si certaines pages, comme la page 26, ne respirent pas forcément le bon goût. Mais l'ensemble tient décidément en haleine, en attendant le premier album du « silence de la terre » qui s'attachera à la période suivante, allant de 2035 à 2039.
Le chemin de Saint-Jean par Thierry Bellefroid
« Le chemin de Saint-Jean », par Baudoin. A L'Association.

Baudoin n'écrit pas, il chante. Il ne dessine pas, il vole, virevolte, plane au-dessus de la feuille. Son pinceau dépose des taches d'encre de Chine proches de la calligraphie japonaise. De près, on chercherait bien de quel alphabet elles s'inspirent. De plus loin, on est happé par ses paysages et ses lignes de fuite. « Le chemin de Saint-Jean » n'est pas une énième BD sur son village natal. Edmond Baudoin ne fait que se servir de ce chemin, de sa beauté insaisissable, pour nous parler de lui, de son passé, des gens qu'il aime ou a aimés. Il gravit la montagne, nous confie qu'il y demeure parfois nu, s'abreuve à l'eau des sources, revient mille fois sur les traces laissées depuis l'enfance, nous offre six versions du même dessin, de demi-heure en demi-heure. Mais jamais, ce faux carnet de croquis naturaliste ne s'éloigne de l'essentiel. La vie. La mort. Le souvenir et l'amour. La beauté et le refus des bonheurs artificiels. Edmond Baudoin se dessine la tête en forme de pierre. Il a toujours aimé dessiner des têtes « en forme de ». Sans doute parce que la tête, c'est le siège de l'âme. Et que celle de ce génial créateur est pleine de cris d'amour. Qui mieux qu'une pierre au bord d'un chemin d'enfance peut vous parler d'amour ? ...

La poésie du « Chemin de Saint-Jean » éloigne plus que jamais Edmond Baudoin des routes traditionnelles de la BD et même, de la BD autobiographique. En jouant les mises en abîme, montrant ses pages de carnets de croquis au milieu de paysages cadrés en large, il fait prendre un grand bol d'air à nos paysages intérieurs, nos peurs de dire, nos envies d'être. Et toujours ce texte aux apparences de simplicité qui fait chanter les mots, danser les phrases. « Ce n'est pas un sentier. C'est un album qui déborde de photos. Elles tombent d'entre les pages, le vent les éparpille et je m'efforce de vouloir les récupérer. Pourquoi je viens ici ? Pourquoi c'est dans les retours en arrière que je vais devant ? » s'interroge l'auteur. Sans doute parce que ce chemin, c'est celui d'une vie entière. D'une vie d'artiste virtuose, vissé à son pinceau. Mais la virtuosité n'est rien si l'on n'a rien à dire... Ce qui ne risque pas d'arriver à cet oiseau-là !
« Andy & Gina », par Relom. Chez Fluide.

Voilà un premier album pour le moins réjouissant ! Ces deux chenapans-là ne s'arrêteront sûrement pas en si bon chemin. Andy, c'est le gentil petit garçon qui se couperait en quatre pour faire plaisir à sa soeur. Et Gina, la peste parfaite, délicieusement cruelle et insensible aux horreurs les plus crues. Ce duo amusant est complété par un couple de parents sado-masos dont on retiendra surtout le père, sorte de Dick Rivers qui aurait réussi à se donner des airs de mauvais garçon. Il rêve de faire un homme de son fils et ne déteste rien plus que son beau-frère chanteur, Eric Moreno. Il faut dire que celui-ci affiche ses préférences sexuelles sans pudeur, réveillant un intérêt pour les garçons chez le petit Andy. Travaillées sous forme de courts récits indépendants mais chronologiques, les histoires de Relom sont souvent drôles par leur côté amoral et déjanté. Tout y est permis, qu'il s'agisse de bouffer une vieille momie cachée à la cave, de tuer les colombes au lance-pierres ou de rendre vie aux chats et aux chiens découpés et stockés dans le frigo par les parents... Absolument irrésistible !
L'as des astres (Nostra) par Thierry Bellefroid
« L'as des astres », premier album de la série « Les prédictions de Nostra ». Par Cazenove, Amouria et Lunven. Chez Bamboo.

Il y avait déjà Léonard (par Turk et Degroot pour les distraits), désormais, il y a Nostradamus. Sur un mode plus grivois, Cazenove imagine des gags en un planche qui ne donnent pas de ce roi de la prédiction une image très flatteuse. Mais qu'importe, le but est de faire rire et ça fonctionne. Nostradamus apparaît comme un mage très intéressé -surtout par les femmes- qui ne loupe pas une occasion de jouer les charlatans. Les situations sont amusantes, les gags bien menés et suffisamment diversifiés pour tenir la distance en album. Evidemment, notre Nostra ne pourra pas continuer éternellement à prendre des gifles de toutes les femmes qu'il aura essayé de mettre dans son lit en inventant des stratagèmes gros comme des maisons. Mais Cazenove semble avoir de la ressource et pouvoir trouver d'autres idées. Il joue parfois un peu sur les plates-bandes de l'ami Léonard, mais avec suffisamment de distance pour qu'on ne soit pas tenté de crier au plagiat. Quant à Amouria, il développe un style de dessin personnel bien qu'inspiré des maîtres du genre, Bercovici en tête. Leur association devrait réjouir les lecteurs durant un bon moment.
Bye Bye Soho par Thierry Bellefroid
« Bye Bye Soho », par Antonio Cossu. Chez ORO Productions.

Le Belgo-Sarde Antonio Cossu fut aussi prolifique dans les années 80 que discret dans les années 90. Grand complice de Berthet avec qui il a entre autres commis « Le marchand d'idées » (réédition intégrale en 1998 par Glénat dans le cadre des 30 ans de l'éditeur), il a aujourd'hui bifurqué vers l'enseignement. Ceux qui le connaissent aiment dire que Cossu est l'homme le plus chaleureux du monde de la BD. Il le prouve à travers cet album gentiment idéaliste qui est le résultat d'une démarche personnelle généreuse. Cossu a intégré un projet roubaisien, « Travail et Culture », de 1998 à 2001. Trois années durant lesquelles le dessinateur a partagé son temps et son savoir avec une quinzaine d'élèves du collège Albert Samain de Roubaix. Thème : comment les jeunes d'aujourd'hui se représentent le travail ? Intérêt : renouer le dialogue avec la vie professionnelle en passant par la BD. Résultat : des centaines de planches dessinées par les élèves, qui, si elles n'ont guère de valeur artistique et encore moins commerciale, ont atteint leur objectif.

C'est pour donner une suite à ces ateliers que Cossu s'est remis à sa planche à dessin et a imaginé cette histoire de SF inspirée des lieux et des gens fréquentés à Roubaix durant cette expérience. « Bye Bye Soho » raconte comment un robot venu du futur peut incarner un idéal de justice revendiqué par des jeunes démotivés. Mais le robot ne peut remplacer la justice à lui tout seul. Adulé au début par une population ravie de se voir attribuer une sorte de super-héros à plein temps, Lam va devenir encombrant. Et finir par être l'objet d'une attaque en règle. Son aide aux jeunes désorientés va alors prendre une autre forme, plus humaine et plus discrète. Il va favoriser le savoir, la culture et l'échange. On l'aura compris, tout cela est plein de bons sentiments et de messages à destination de ces adolescents désoeuvrés que Cossu connaît trop bien. « Bye Bye Soho » est aussi le témoignage de l'engagement d'un auteur qui voudrait faire changer les choses. Lorsqu'on connaît tout ce contexte, la lecture de cette histoire de science-fiction qui se déroule sur deux périodes, 2005 et 2085, prend tout son sens.

Si « Bye Bye Soho » vous intéresse, sachez que la BD est éditée par ORO Productions, structure éditoriale indépendante créée par Cossu et qui se trouve en résidence au Centre Culturel de Mons (Belgique). Pour tout renseignement sur le projet ou sur la BD, un seul téléphone : 00.32.65.31.35.69. ou un E-mail : cossu.oro@swing.be. Enfin, pour les mordus de Cossu, il existe aussi un making of de « Bye Bye Soho » qui reprend les crayonnés et croquis préparatoires, c'est paru chez Pythagore Editions, 8, rue de Verdun, 52000 Chaumont, en France.
« Mortelles en tête », tome 2 de Grand Vampire, par Sfar. Chez Delcourt.

Pas toujours facile de suivre les méandres des scénarii de Joann Sfar. Dans ce deuxième volume des aventures du Grand Vampire, les séquences semblent avoir été posées bout à bout, apparemment sans rapport entre elles. Le lecteur doit jouer le jeu, se laisser prendre par la main, et découvrir une fois encore quelques-unes des pièces du grenier de l'imaginaire dont l'auteur a décidé d'explorer chaque recoin. Ça commence par une très belle scène au musée du Louvre, la nuit. Que de magie et de poésie dans ces quelques pages ; on aimerait d'ailleurs prolonger un peu plus ce beau moment. Mais déjà, Joann brise le rythme et nous ramène à l'Homme Arbre. Dans un désordre savamment orchestré s'enchevêtrent ensuite quelques épisodes de la vie des personnages de cette série qui nous valent, comme toujours, de magnifiques dessins et de subtils dialogues. Le Grand Vampire, c'est pétillant comme le champagne, enivrant comme le bon vin, décoiffant comme un coup de sirocco.
Nanotech (Némésis) par Thierry Bellefroid
« Nanotech », tome 4 de la série Némésis, par Ange, Janolle et Van den Abeele. Chez Soleil.

Anne et Gérard, plus connus sous le pseudonyme de Ange, nous avaient concocté, lors du premier cycle, un superbe thriller SF aux allures d'X-files. On croyait qu'ils ne feraient pas mieux. Du moins, dans ce domaine. C'est même avec un zeste de méfiance que j'ai ouvert cette suite, persuadé que je ne pouvais être que déçu. Mais la déception, ça a été qu'il n'y ait que 46 pages à lire ! Ce Nemesis 4 n'est pas seulement une excellente suite : c'est tout simplement le meilleur album de la série (et je l'ai relue intégralement avant d'aborder cette nouveauté, je ne suis donc pas trahi par mes souvenirs lointains).

« Nanotech » a toutes les qualités que l'on a pu trouver aux trois premiers volumes de Nemesis : personnages attachants, univers mystérieux à cheval entre SF et anticipation, souci de crédibilité constant, suspense permanent... Il a en outre une qualité supplémentaire : il nous propose une fin provisoire, ce qui donne l'envie d'en lire plus tout en diminuant l'inévitable frustration que provoquent ces histoires tronçonnées en trois ou quatre morceaux sans aucune pitié pour le lecteur.
Enceinte et désormais intégrée au FBI, l'ex-agent de la CIA, Roxanne, est plus intéressante que dans le premier cycle. Mais Jonathan a lui aussi un profil bien plus attractif, puisqu'il apparaît à la fois moins solide et « habité », sans cesse prêt à perdre la raison. En fait, les scénaristes ont choisi d'accentuer la fragilité de chacun des personnages, pris séparément (y compris Mallow, sur la fin de l'histoire), pour mieux justifier la cohésion du groupe qu'ils forment. Face à eux, ce n'est plus un marchand d'armes qui se livre à de petites expériences de transferts sur des handicapés, mais une secte puissante qui a récupéré les expériences des années d'après-guerre pour créer des êtres de métal liquide redoutables. Il y a un petit côté Terminator à tout cela, mais compensé par l'équipe d'enquêteurs luttant avec des armes dérisoires contre « le Mal ». Pas de super-héros dans cette histoire, donc. Juste des hommes et des femmes plus attachants les uns que les autres. Le dessin de Janolle n'y est sans doute pas pour rien. Bien que stylisés, ses personnages sont très humains, tant dans leurs expressions que leurs attitudes. Janolle réussit par ailleurs à jouer parfaitement sur le climat d'angoisse en campant des scènes de fantastique qu'on croirait tirées d'un excellent film d'animation.
Lâchez les chiens (XIII) par Thierry Bellefroid
« Lâchez les chiens », tome 15 de la série XIII, par Jean Van Hamme et William Vance. Chez Dargaud.

On croyait XIII en roue libre, après un quatorzième épisode d'une platitude déconcertante. Le voici requinqué pour la conclusion d'un diptyque finalement bien meilleur que prévu. Pour faire plaisir à son dessinateur, Jean Van Hamme a mis de côté les ingrédients du grand complot et s'est offert une course-poursuite haletante. Ce n'est rien d'autre qu'une bonne série B, comme le confesse le scénariste lui-même, mais c'est rudement bien foutu ! Tant le précédent album sonnait creux, tant celui-ci, malgré des ficelles visibles, est un délassement réussi. Il faut dire que le dessin de William Vance y est pour beaucoup. Le lecteur que je suis a -enfin- retrouvé le dessinateur des Bruno Brazil de son enfance. Vance n'aime rien mieux que l'action, les embruns et la pluie. Il s'offre la totale, ici. Et on ne peut que songer aux meilleures ambiances de Brazil, genre « Orage aux Aléoutiennes », en lisant ce nouveau XIII. Quel plaisir de voir un dessinateur se faire plaisir sur une série apparemment ronronnante. Bien sûr, les ficelles sont grosses et l'intérêt de l'histoire est limité (on est loin du tout premier cycle). Bien sûr, on a froid pour XIII et Jessica qui passent quelques heures en sous-vêtements au bord d'un lac sur fond de montagnes aux sommets enneigés (faut bien que leurs fringues sèchent...). Bien sûr, la meilleure ennemie qui tombe dans les bras de l'irrésistible XIII a un côté attendu qui peut énerver. Mais si on accepte le principe que Jean Van Hamme ne vise pas un Alph'Art à Angoulême mais plutôt un smash éditorial de plus, on ne peut que reconnaître qu'il y a un monde entre ce nouveau Treize et son prédécesseur qu'on s'empressera d'oublier, malgré son succès commercial.
Metropolitain par Thierry Bellefroid
« Metropolitain », par Hyuna, dans la collection Encrages des éditions Delcourt.

Hyuna brouille les pistes. Elle égare le lecteur pour mieux le harponner. Se présentant comme un ensemble de petits tableaux apparemment sans lien entre eux, son livre est déroutant, énigmatique. Il semble figer l'instant de quelques personnages, choisis presque au hasard. Hyuna travaille sur la narration à la manière d'un sculpteur : elle taille la matière brute, découvrant des récits courts au relief anguleux, comme son dessin, très écorché, plus proche des productions de maisons comme La Cinquième Couche ou Ego Comme X que de celle des éditions Delcourt, fût-ce dans cette collection dévolue au noir et blanc. Ses histoires nous mènent dans une ville aux accents connus, Bruxelles, mais la dessinatrice allemande semble vouloir brouiller les pistes, là encore, jouant sur des éléments rapportés afin de réinventer la ville, effaçant les inscriptions trop précises, inventant des lieux ou des lignes de métro qui n'existent pas. Troublant mais d'une beauté formelle, « Metropolitain » est un album d'auteur, la vision « Polaroïd » d'une ville qui trahit un évident intérêt pour l'écriture, qu'elle soit graphique ou littéraire.
Le charisme de Ben-Hur par Thierry Bellefroid
« Le charisme de Ben-Hur », par Jean-François Caritte, chez PMJ éditions.

Caritte, habitué des Requins Marteaux, signe son premier album chez Pierre-Marie Jamet et nous y propose une histoire en bleu, blanc et orange vif qui décoiffe. Un comédien raté se voit proposer une formule magique pour réussir les meilleurs rôles de composition : il lui suffit de toucher quelqu'un pour entrer dans sa tête. La formule est trop tentante. Notre comédien ne résiste pas et va se trouver tour à tour dans le corps d'un alcoolo teigneux, d'un flic de quartier, d'un demeuré musclé au grand coeur et enfin d'une psy à l'ego surdimensionné. Tout cela ne va évidemment pas sans provoquer de joyeux dérapages. A chaque fois, notre comédien et son hôte se télescopent, trop à l'étroit dans un seul cerveau et les choses ne tournent pas comme elles le devraient. Réjouissante, la farce est menée sur un rythme soutenu ; il faut dire que l'album est composé d'une trentaine de pages, ce qui rend les développements impossibles.
« La nurse aux mains sanglantes », une enquête de l'inspecteur Canardo, par Benoît Sokal. Chez Casterman.

C'est sûr, Benoît Sokal cherche la manière de se renouveler et de ne pas s'ennuyer. Il faut dire qu'en dépit du nombre assez peu élevé d'albums de cette série, l'inspecteur Canardo existe tout de même depuis... 1978 ! Le précédent opus explorait -avec un bonheur très relatif, rappelons-le- le voyage dans le temps. Celui-ci nous emmène aux Etats-Unis où Canardo, à la manière d'un assistant de Perry Mason, doit aider un avocat à innocenter une cliente promise à la chaise électrique. L'enquête est bel et bien le moteur de l'histoire, et comme toujours, Canardo va la mener à sa manière, se fiant à ses intuitions, buvant des coups, avec cet air du type qui ne contrôle rien et subit les événements. Tout cela est bien classique me direz-vous. Oui, peut-être, la nouveauté est ailleurs. Avec cette histoire ancrée dans un univers géographique très précis -les Etats-Unis-, Sokal change ses habitudes. Cela lui permet de jouer à fond sur les différences culturelles entre Français et Américains. Résultat, d'excellents dialogues au ton désabusé qui ont fait le succès de la série et qui semblent retrouver une nouvelle jeunesse. Exemples :

Premiers dialogues de l'histoire, Canardo débarque aux Etats-Unis. Scène entre lui et le douanier :
-I have no drugs... and no french cheese !
-Fuckin' french duck, pense le douanier.

Un peu plus loin, Canardo fait la connaissance de l'avocat avec lequel il va travailler :

-J'étais sûr de vous reconnaître... un je ne sais quoi d'Européen.
-Excusez-moi Monsieur Keegan, mais huit heures sans fumer, ça m'affole les bronches ! Soyez gentil, laissez-moi le temps de refaire les niveaux...

Et plus loin :

-Faut que je vous prévienne, Canardo, elle n'est pas commode.
-Rassurez-vous, Keegan, ça me connaît... pour nous, en France, les chieuses, c'est un peu une spécialité... comme le camembert et le béret !
-Dites donc, vous êtes plutôt amer. Vous avez eu un chagrin d'amour récemment ?
-Mmh, dans ce domaine, en vieillissant, on n'a plus de chagrin, on n'a que des inconvénients.

Bref, Sokal est au mieux de sa forme et même si l'on est moins ému que par des histoires comme « La mort douce » ou « L'Amerzone » et moins étonné qu'à la lecture de « La marque de Raspoutine », on s'amuse beaucoup à la lecture de ce treizième album. La fin est peut-être un peu attendue et les explications au procès un rien tirées par les cheveux, mais le plaisir est là. Quant aux ambiances volontairement ternes, sombres, confinées, elles sont assez réussies.
« Le temps du jugement », tome 3 de « L'ancêtre programmé ». Par Anne Ploy et Loïc Malnati. Aux Humanos.

« La Transgénèse », cette méta-série imaginée par Anne Ploy, prend forme avec deux nouveaux albums : un dans cette première série consacrée aux années 2025-2028 et un dans celle intitulée « Fidès » qui s'attache, elle, aux années 2029-2034 (Rappelons que deux autres séries doivent encore voir le jour. La première concernera les années 2035-2039 et s'appellera « Le silence de la terre ». La seconde, qui aura pour nom « Le dieu païen », s'intéressera aux années 2040-2042). La scénariste s'emploie à nous brosser un portrait de ce que pourrait nous réserver le troisième millénaire dans lequel nous venons de mettre le pied. Elle le fait avec une intelligence toujours aussi brillante. Et un savoir-faire évident, puisque ce troisième album de « L'ancêtre programmé » contient son lot de rebondissements et de révélations sur les liens existants entre certains des protagonistes. C'est clair, cette série est celle de la tentative de domination du monde par la machine. On sait déjà qu'elle échouera puisque l'action de « Fidès », située quelques années plus tard, nous montre que le monde est dominé par une secte surpuissante. Il n'empêche, « L'ancêtre programmé » ne manque pas d'attrait pour autant. La force d'Anne Ploy est en effet de parvenir à raconter simultanément une histoire et sa suite, sans déflorer aucunement le dénouement de la première. Une première série, « L'ancêtre programmé », où l'on suit donc les efforts d'une intelligence artificielle dénuée de scrupule. « Exe », c'est le nom de cet ordinateur surdoué, tente de dominer le monde et de guider la race humaine vers ce qu'il pense être le meilleur des futurs. Avec une cruauté prédatrice, il a expérimenté tous les détours des émotions humaines et connaît les moyens d'asservir le cerveau de l'homme. Le scénario d'Anne Ploy donne froid dans le dos. Rien n'est négligé pour installer le lecteur au coeur du malaise et le dessin de Loïc Malnati, plus efficace qu'au début de la série, contribue à la réussite du projet.
« Chaînons manquants », tome 1 de la série Silex Files, par Foerster. Dans la collection Troisième Degré des éditions du Lombard.

Voilà un album difficilement classable. Humour décalé, parodique et référentiel. Mais aussi véritable calque des récits et films mettant en scène des détectives privés. Il n'y a finalement que l'univers préhistorique qui évite à ce Silex Files de ressembler à mille autres histoires du genre. La voix off, souvent banale, ne rivalise pas avec la Série Noire ou le Serpent à Plumes. Et les dialogues sont trop souvent poussiéreux. L'indic qui monnaie ses confidences à coups de petites phrases du genre « Ca se pourrait. Mais y a aussi ma mémoire qui doit gagner sa croûte », ça sent plus que le déjà-lu. Pourtant, Foerster parvient à glisser quelques bons mots et l'une ou l'autre réplique carrément excellente, lorsqu'il joue sur les télescopages d'époque. Tout le sel de Silex Files est là : être joyeusement anachronique. Mais les anachronismes ne suivent pas tous le même rythme : si on accepte que le portable et le revolver en silex existaient à la préhistoire, l'aéronautique n'a pas encore été inventée, ce qui nous vaut cet amusant échange de propos :
-Ecoute, coco, quand l'humanité aura inventé l'aéronautique, tu seras chef d'escadrille.
-Ca ne veut rien dire, votre réplique, là...
-Mmh...
Bref, Foerster s'amuse à fixer lui-même les règles d'un univers qui en est totalement dépourvu. Du coup, tout est possible, ce qui rend évidemment la tâche du scénariste plus facile ; il peut sortir son héros de n'importe quelle situation difficile, simplement en inventant une nouvelle arme, une bestiole de sa création ou un anachronisme de plus. A la longue, ça pourrait lasser, mais c'est plutôt l'inverse qui se produit. Assez hermétique de prime abord (voire verbeux), Silex Files finit par emporter l'adhésion. Pas jusqu'à la franche hilarité. Mais jusqu'à une chute joliment absurde qui prouve combien Foerster pouvait encore nous étonner. Il faut dire que le chemin graphique allant de cet album à ceux de la période Fluide Glacial est aussi long que la route menant de Venise à Rome en passant par le Cap Horn !
« Panique au Middle West », tome 1 de Murder & Scoty, par Rod, chez Paquet.

Quitte à faire dans la caricature, autant y aller gaiement. C'est ce que fait Rod dans cet album totalement déjanté au dessin très Fluide Glacial (mais en couleur) dans lequel on a l'impression de voir les Bidochon de Binet croisés avec « Les Entremondes » de Larcenet. « Murder & Scoty » joue à fond sur les références cinématographiques, tout en proposant un polar sans queue ni tête où tout est permis. Un fermier qui n'aime ni les citadins ni les enquêteurs du FBI et qui ne laisse jamais son fusil hors de portée, un flic local qui se fout de la gueule des héros, des poules tueuses... Rod ne se prive de rien pour composer une symphonie débridée où la fantaisie se sert à la louche. La pirouette finale est un peu facile, mais elle amuse quand même, au terme de cette aventure de pépé-flingueurs plus cons et maladroits que méchants.
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