Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

Lettre aux survivants par Thierry Bellefroid
« Lettre aux survivants » de Gébé. Dans la collection Côtelette de L'Association.

« Lettre aux survivants » exploite le thème le plus en vogue du début des années 80 : l'apocalypse nucléaire. Gébé choisit de se placer à mi-chemin entre « Malevil », le roman -ou le film- sans doute le plus réussi sur la question... et « 99F ». Pourquoi évoquer ici le roman de Frédéric Beigbeder ? Pour cette forme de cynisme désabusé que distille l'auteur. Les survivants dans leurs abris anti-atomiques sont en fait « la famille heureuse » des publicités, celle qui a acheté clés en mains la maison de ses rêves, négocié sans erreur l'achat de la grande routière et du 4X4, cédé à l'appel de l'appartement grand large et du duplex au pied des pistes... Aujourd'hui, cette famille modèle -sans le chien, devenu une ombre sur un mur, puisqu'il a été soufflé par la bombe- végète au fond de son abri. Un facteur à vélo en combinaison anti-radioactive passe en surface et lui raconte des histoires par le conduit d'aération. A mi-chemin entre fable et pamphlet, Gébé distille tout son art dans ce bijou graphique qui n'a pas pris une ride en vingt ans et des poussières... non radio-actives. Même si le thème est moins porteur aujourd'hui, l'album, lui, reste passionnant et bizarrement poétique.
Les 30 clochettes (Djinn) par Thierry Bellefroid
« Les trente clochettes », tome 2 de la série Djinn. Par Dufaux et Mirallès. Chez Dargaud.

On n'ose pas imaginer les critiques, si cet album n'avait pas été dessiné par une femme. Jean Dufaux l'avait très bien compris d'emblée, puisqu'il confessait à la sortie du premier tome de Djinn qu'il avait attendu longtemps avant de se lancer dans l'aventure de cette BD, cherchant une femme pour la dessiner. Si ce choix paraissait un peu comme un caprice à la lecture du premier album, il apparaît dans toute sa cohérence quand on se plonge dans ces « 30 clochettes ». Non seulement Dufaux continue d'explorer la vie du harem, mais il le fait au travers d'un épisode extrêmement délicat que certain(e)s ne manqueront pas de trouver avilissant. Grâce à Anna Mirallès, parfaite de bout en bout, cette initiation érotique qui a tout d'un scénario d'Emmanuelle ne sombre jamais dans la vulgarité. Pourtant, le récit est souvent limite et le thème de la soumission y est abordé sans aucune pudeur. Dufaux joue avec le feu, mais il faut l'avouer, la réussite est totale et Djinn reste sans doute ce qu'il fait de meilleur.
Mémé d'Arménie (Petit Polio) par Thierry Bellefroid
« Mémé d'Arménie », tome 3 de la série Petit Polio. Par Farid Boudjellal. Chez Soleil.

Il nous a manqué, Petit Polio. Depuis 1999, silence radio. Chacun des albums de cette série est pourtant l'occasion d'une plongée tendrement nostalgique dans le monde de l'enfance. Mais une enfance immigrée, avec son lot de personnages plus attachants les uns que les autres et ses quartiers populaires de Toulon à la fin des années cinquante. On retrouve la famille Slimani au grand complet. Mahmoud -Petit Polio- se découvre une grand-mère. En effet, à la suite du décès du grand-père, Mémé d'Arménie débarque à Toulon. La rencontre est belle, à la fois tendre et dure. Car la grand-mère n'est pas Algérienne mais Arménienne, torturée par le souvenir du génocide qui a effacé tous les siens. Et pour corser les choses, elle n'est pas musulmane mais chrétienne. Farid Boudjellal, révélé dans les années 80 par Futuropolis est aujourd'hui édité « à la maison » (Soleil appartient à Mourad Boudjellal, son frère). Mais il n'a rien perdu de sa sincérité ni de son talent. Ses histoires sont à chaque fois d'une justesse de ton et d'une pudeur magnifiques. Et cela en approchant des thèmes aussi audacieux que l'oubli d'un génocide, l'alcoolisme ou encore, pour un des personnages principaux de cette histoire, la recherche de ses racines.
Le dérisoire par Thierry Bellefroid
« Le dérisoire », par Omond et Supiot. Dans la collection Carrément BD des éditions Glénat.

Fan de la première heure de Marie Frisson, j'ai ouvert cet album avec une grande curiosité. Qu'allait pouvoir faire Olivier Supiot « libéré » de la BD enfantine, qui plus est dans un format de pages carrées qui permet toutes les audaces et les découvertes visuelles ? Je n'ai pas été déçu. Si on peut considérer qu'à l'heure actuelle, Olivier Supiot a une manière absolument unique de traiter la couleur, il trouve ici une histoire et un format à la mesure de son talent. Son dessin explose (y compris dans le vrai sens du terme, aux pages 52-53 !) et passe avec bonheur de la rouille la plus triste aux éclats de couleur pure. Quelque part, il rejoint le parti-pris chromatique de Blain sur le Réducteur de Vitesse, mais en le poussant beaucoup plus loin.
L'histoire, fantastique et onirique à la fois, est un véritable écrin pour le dessin de Supiot. Pas étonnant, lorsqu'on sait à quel point Eric Omond est sensible aux qualités graphiques de « ses » dessinateurs. Ses débuts aux côtés de Yoann sur « Toto l'ornithorynque » l'ont suffisamment prouvé. Un tel amour du dessin demande presque une sorte d'humilité dans le chef du scénariste dont l'histoire de capitaine de navire à la dérive racontée ici ne tiendrait pas une minute en cinéma ou en littérature. Fantômes et créatures du rêve se disputent le bateau comme autant de métaphores de la vie et de la mort, permettant au dessinateur de passer du morbide glacial à la féerie la plus éclaboussante. Le genre de livre qui donne à la BD sa raison d'être. Visuellement, il y a longtemps que je n'ai plus eu une telle surprise à la lecture d'une bande dessinée. Supiot a le même sens inné de la couleur pure et de la lumière qu'un Mattotti. Son découpage est d'une intelligence parfaite. Et ses effets sont saisissants. Il ne lui manque sans doute qu'un peu de bouteille pour devenir un tout grand.
« Les affreux », tome 1 de la série Célestin Spéculoos. Par Bodart et Yann. Chez Vents d'Ouest.

Paru à la fin des années 80 chez Glénat, ce premier album de Célestin Spéculoos est réédité aujourd'hui chez Vents d'Ouest où sera également réédité le second volume de la série avant une nouveauté prévue pour la fin de l'année. La lecture -ou la relecture- de cette histoire est un pur moment de bonheur. Yann s'est lâché dans ce scénario comme il a rarement osé le faire, abordant avec une totale franchise le problème des barbouzes employés au Congo à la fin des années soixante, dans les années qui ont suivi l'indépendance. Contrairement à d'autres, Yann n'avait eu aucun scrupule à planter le décor sans changer les noms. Il était même allé plus loin, en gardant et les noms des plus célèbres mercenaires de l'époque -Bob Denard en tête- et ceux du maréchal Mobutu et de sa clique. Tout ça donne un album corrosif, à la fois truffé de vérités et délibérément fou dans lequel les personnages sont peut-être caricaturaux mais tout de même très proches de ceux qui ont écumé l'Afrique post-coloniale. Cette histoire pleine d'humour et d'enseignement est en plus servie par un dessinateur au talent époustouflant, Denis Bodart, récemment « ressuscité » si l'on peut dire, grâce à Green Manor. Bodart dessine comme il respire et peut tout se permettre. Fils spirituel d'un Conrad mâtiné de Morris, son trait est d'une spontanéité et d'une énergie débordantes. Un régal.
Indian Way par Thierry Bellefroid
"Indian Way", par Barton J, chez Point Image.

C'est une première BD, avec tous les défauts que cela suppose, surtout quand l'auteur manque de moyens et de temps. Barton J est un passionné du neuvième art. Après avoir porté les ouvrages des autres à bout de bras (il a été l'organisateur du festival de la BD de Bruxelles aujourd'hui disparu), il a décidé de tenter l'aventure. Et il a choisi de mettre ses pas dans ceux de Maryse et Jean-François Charles en jetant son dévolu sur l'Inde. « Indian Way » est l'histoire d'une enquête étrange et pas toujours très claire au cours de laquelle le héros se laisse entraîner par sa fascination pour ce pays-continent. Un grand classique du récit de voyage sublimé. Le scénario a des failles magistrales mais il est attachant à plus d'un titre. Notamment, parce qu'il n'est là que pour permettre à Barton J de dessiner une Inde aussi vraie que possible. Le noir et blanc manque de relief, de vie propre. Il est là comme un canevas à remplir par la couleur, mais comme celle-ci n'est pas au rendez-vous, le dessin apparaît souvent comme un peu vide. En revanche, il rend réellement l'ambiance du quotidien des lieux traversés et se perd en mille précisions qu'il faut aller traquer dans ces cases à la ligne claire méticuleuse.
« Les nouvelles aventures de l'incroyable Orphée », par Martin Tom Dieck et Jens Balzer. Chez Fréon.

La BD intello existe, je l'ai rencontrée ! C'est un peu ce qu'on aurait envie de dire pour résumer cet étrange album qui fait suite au « Salut Deleuze ! » publié en 1998 et réédité pour l'occasion. Gilles Deleuze, vous connaissez ? Pas la peine de vous ruer sur le dictionnaire de la BD pour vérifier qui est ce nouveau personnage, c'est plutôt le Petit Larousse qu'il vous faut. Gilles Deleuze est un philosophe. Et grâce au talent conjugué de Jens Balzer et de Martin Tom Dieck, c'est désormais AUSSI un personnage de BD. Balzer a voulu s'appuyer sur certains des travaux principaux de Deleuze pour créer un univers qui en soit le reflet. Ainsi, le premier album explorait le thème de la répétition. Celui-ci aussi, bien qu'il le fasse de manière moins systématique, mais il laisse en outre beaucoup de place aux « amis » de Deleuze qui ont, comme lui, traversé le Léthé en compagnie de Charon. On retrouve Foucault, Barthes, Lacan dans des rôles caricaturaux. Plus loin, Buster Keaton fait son entrée, ainsi qu'Orphée et Eurydice. Attaques d'amazones, machines structuralistes, réflexion sur la mort et le monde, il y a de tout dans ces nouvelles aventures de l'incroyable Orphée. De tout et pour tout le monde. Car les auteurs se sont amusé à multiplier les pistes et les lectures. Chacun y trouvera donc un écho à ses propres préoccupations ou à sa propre culture. Le défi n'était pas simple à relever. Il faut dire que la réussite doit beaucoup à Martin Tom Dieck. Ses visages tout en longueur imposent une forme curieuse, grotesque, à l'ensemble du récit. Pour le reste, un savant travail sur la lumière organise les décors minimalistes. La cerise sur le gâteau est quand même de lire des dialogues en grec classique non traduits dans une BD. Il fallait oser. Ils l'ont fait !
Aqua (Sky Doll) par Thierry Bellefroid
« Aqua », tome 2 de la série Sky Doll. Par Barbucci et Canepa. Chez Soleil.

Noa, poupée synthétique destinée au plaisir s'est échappée du lavoir de vaisseaux spatiaux où elle était employée. Elle se lance dans une quête d'identité en compagnie des émissaires papaux Roy et Jahu et dépend de leur bon vouloir pour être remontée à l'aide d'une clé mécanique toutes les trente-trois heures. Sur la base de cette situation de départ, les deux auteurs, Alessandro Barbucci et Barbara Canepa, deux « anciens » de Disney, ont construit une trilogie SF audacieuse et d'une stupéfiante inventivité. Ils abordent de front la religion et les fanatismes, mais aussi les problèmes de l'identité, de l'individualité ou de la transgression... tout en conservant à l'esprit un humour permanent et une esthétique magistrale qui puise sa source chez les designers des années 60-70 ou dans les films cultes de la SF. Le résultat est irréprochable et place Sky Doll parmi les meilleures séries de science-fiction en cours. Il ne manque rien dans cet univers, pas même un zeste d'érotisme que le dessin de Barbara Canepa traduit généreusement, sans sombrer dans la vulgarité.
« Les orchidées de Volnaïev », tome 5 de la série Mandrill. Par Giroud et Baruti. Dans la collection Bulle Noire des éditions Glénat.

Mandrill rebondit, si l'on peut dire, au terme de ce cinquième épisode qui nous emmène à l'Est dans une histoire d'espionnage sur fond de nucléaire balbutiant. Après s'être illustré dans l'immédiat après-guerre, l'avocat imaginé par Giroud prend un véritable nouveau tournant dans cette histoire située en 1952. On ne peut que se réjouir de cette suite inattendue, tant la plupart des auteurs ont à coeur d'installer un univers rassurant et balisé dans leurs séries. Giroud, lui, prend des risques. Celui de dérouter, d'abord. Celui de se perdre ensuite. Comme dans l'autre série qu'il mène actuellement chez Glénat (Louis Ferchot), son héros voyage, change d'univers au gré des albums. Cela rappelle l'aisance avec laquelle Giroud se déplace à travers la fresque du Décalogue. Et cela prouve qu'il n'est pas en manque d'inspiration. Baruti suit le mouvement. Avec des couleurs toujours aussi discutables mais aussi avec des audaces comme cette pleine double page panoramique en planches 2 et 3, à l'effet saisissant. On attend évidemment le dénouement de cette nouvelle histoire avec une certaine curiosité.
Kratochvil par Thierry Bellefroid
« Kratochvil », par Mahler. A L'Association.

Mahler continue son petit bonhomme de chemin minimaliste. L'Allemand a publié ces histoires sous forme de strips quotidiens dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung et ça se sent. Chaque page est un modèle de concision qui joue à la fois sur le rapport à la situation de départ -supposée connue des lecteurs- et sur le modèle du strip de répétition. Un décor presque inexistant mais dont le moindre élément est exploité jusqu'à la moelle. Un personnage en creux, qui ne se définit que par des actes le plus souvent manqués et un ou deux accessoires (comme la fameuse valise NASA qu'il trimbale d'un bout à l'autre de Kratochvil). Un album qui n'apporte aucune réponse puisqu'il ne pose aucune question. Tout est donné, de l'ordre de l'axiome. En fait, il s'agit presque d'une variation autour du vide. Mais réalisée avec un brio que beaucoup pourraient envier à Mahler.
Mélancolie par Thierry Bellefroid
« Mélancolie », par Nemeth, Kalonji et Chambet. Chez Paquet.

Il ne s'agit pas d'une bande dessinée mais d'un projet artistique mené en commun par un auteur, un dessinateur et un compositeur. Dan Nemeth, qui est le scénariste de Kalonji sur « O'Malley », a écrit cinq poèmes découpés sur le mode japonais du Haïku. Chaque page reprend une strophe et devient un Haïku, illustré en noir et blanc par Philippe Kalonji. Les textes sont superbes et les dessins particulièrement épurés. Kalonji, si friand du gris, d'ordinaire, travaille ici surtout avec le noir et le blanc mis en opposition. Le livre au format italien est donc un bel objet, une oeuvre poétique. Mais il ne serait pas complet sans la contribution de Christophe Chambet. Le compositeur livre six morceaux musicaux sur un CD inclus dans l'ouvrage. Une musique aux influences cinématographiques et japonaises qui vient compléter l'univers inventé par Nemeth. Le CD est bref (13') mais il étoffe le livre d'une matière aérienne et singulière qui rend les images de Kalonji presque palpables. L'objet a été tiré à quelques centaines d'exemplaires, seulement. Il en reste dans quelques librairies. Et chez l'éditeur. (info@paquet.li)
« Les petits meurtres », une enquête du commissaire Raffini. Par Rodolphe et Maucler. Aux 400 Coups.

Rodoplhe ressuscite le commissaire Raffini dont les anciens albums sont d'ailleurs réédités dans leur forme originale par le même éditeur. Mais pour cette renaissance, Ferrandez a cédé la place à un nouveau dessinateur, Maucler. Le premier tome de cette nouvelle vague d'enquêtes est très réussi. Rodolphe parvient à nous emmener sur les traces d'un nouveau Landru -ou supposé tel- dont le comportement étrange au début de l'histoire semble en total décalage avec la peur qu'il inspire. « Les assassins peuvent-ils être aimables et courtois ? » C'est la question que pose l'éditeur en quatrième de couverture et elle résume bien le propos de cette drôle d'enquête que Raffini entame un peu par hasard, d'abord guidé par des raisons familiales. Plus qu'une simple enquête policière, cette histoire sonne comme un portrait de groupe assorti d'une réflexion sur la société, la vieillesse, la mort. Il y a quelque chose de Simenon dans tout cela.
« Les babyfoots », par Pica et Bouchard. Chez Bamboo.

Déjà dessinateur de la série « Les profs » (en plus d'autres productions sous son vrai nom), Pica aborde ici le domaine du foot en racontant la vie d'un petit club de province pour juniors. L'entrée en matière est pénible ; Geoffroy Bouchard y va au canon de 105 et on se demande qui ça peut faire rire. Heureusement, après ces 8 pages destinées à nous planter le décor, on passe à un rythme de gags en une planche beaucoup plus sympathique. Certaines situations sont particulièrement prévisibles, mais l'ensemble respire une certaine fraîcheur qui va en s'accentuant (d'habitude, c'est le contraire...) Le gros problème de ce genre d'albums est que les gags reposent sur la seule chute, qu'il faut donc cacher le plus longtemps possible au lecteur. Ca donne forcément lieu à des situations répétitives et tirées en longueur. Avec le risque de décevoir si la dernière case n'est pas à la hauteur.
L'ange bossu (Megalex) par Thierry Bellefroid
« L'ange bossu », tome 2 de Megalex. Par Beltran et Jodorowsky. Aux Humanos.

A l'heure où tout le monde semble décidé à tenter l'expérience de la 3D, Frédéric Beltran possède une belle longueur d'avance sur la plupart de ses collègues. Il le prouve une fois encore en réalisant un album irréprochable, pour autant qu'on ne soit pas hermétique au dessin informatique. Il faut dire que le tome 2 de cette nouvelle et dernière extension de l'univers SF de Jodo se prête parfaitement à l'exercice. Les décors sont particulièrement soignés, on se croirait dans un jeu vidéo de première classe.
Pas d'ellipse entre la fin du premier tome et le début de celui-ci : la première case est la suite immédiate de la fin de « L'anomalie ». On y retrouve Anomalie (puisqu'il faut bien l'appeler par le seul nom qui distingue ce clone géant de ses congénères programmés pour une vie éphémère au service de Mégalex) et la rebelle qui l'a sauvé de la mort, trois pages avant la fin du premier album... sans avoir eu le temps de se présenter. La belle rebelle en question, genre « Sinéad O'Connor première époque » pourvue d'attributs hors gabarit, répond en fait au nom d'Adamâ. Elle va emmener Anomalie dans un monde parallèle et souterrain qui, pour être en rébellion avec l'ordre d'en haut, n'en est pas moins régi par des règles précises et des lois impitoyables. Anomalie reçoit un nom. Une nouvelle vie. Et une mission à remplir. On a déjà vu ça dans d'autres registres. Mais le savoir-faire des deux auteurs donne du relief à cet univers ultra-codé.
Incandescence (Candélabres) par Thierry Bellefroid
« Incandescence », tome 3 de Candélabres. Par Algésiras. Chez Delcourt.

Algésiras poursuit son oeuvre subtile et toute en demi-teintes. L'heure est venue d'éclairer le lecteur et de lever une part du voile qui cachait le mystère des Candélabres, ces êtres étranges qui semblent se combattre les uns les autres aux dépens de Paul, le héros. Mais vous n'aurez pas toutes les réponses à vos questions dans cet album et c'est tant mieux. Algésiras sait distiller son histoire sur la longueur sans donner le sentiment de « faire durer ». Elle construit peu à peu un monde original qui se caractérise à la fois par ses côtés fantastiques et les profils fouillés des ses protagonistes. Elle aborde en outre le thème de l'homosexualité avec intelligence et délicatesse. Bref, on aime. Il faut dire que le dessin élégant et dépouillé de la jeune femme ajoute aux charmes de son univers.
« La volonté du mal », tome 2 de la série « Les immortels », par Desberg et Reculé. Chez Glénat.

Reculé aimerait bien être Marini. Ca se sent à toutes les pages de cet album aux couleurs pas toujours très heureuses (Reculé aime beaucoup le mauve, mais c'est une couleur difficile à marier) mais flamboyantes. Ses personnages trop silhouettés et quelques maladresses font cependant la différence entre son dessin et celui de l'Italien complice de Desberg sur la série « Le Scorpion ». Pourtant, il y a une esthétique intéressante dans son dessin et certaines pages sont plutôt réussies (les planches 16 à 19 par exemple). Le dessinateur gagnerait sans doute à être davantage lui-même. Quant à l'histoire, elle s'oriente très exactement vers ce à quoi on pouvait s'attendre. Desberg n'arrive pas à surprendre ; il faut dire qu'il exploite un sujet éculé et ne fait rien pour s'écarter du déjà-vu. Nahel va donc emmener la jolie Rio au paradis et enfreindre les lois sacrées du monde des anges... avec toutes les conséquences auxquelles on peut s'attendre.
Sans retour (Khatedra) par Thierry Bellefroid
« Sans retour », tome 2 de Khatedra. Par Ange et Castaza. Chez Soleil.

Deuxième tome de cette intéressante série lancée l'an dernier par le duo de scénaristes Ange avec Phil Castanza au dessin. Et deuxième bonne surprise. Après un premier album original, les auteurs parviennent à surprendre leur public. Félix, le jeune adolescent qui a traversé le temps et l'espace pour se retrouver l'élu dans un monde parallèle avant de réintégrer la Terre veut maintenant retourner dans le Pays. Non pas pour être à nouveau adulé en tant que « Khatedra ». Au contraire, il veut réparer le mal qu'il a contribué à y faire en servant une guerre injuste et barbare. Mais le temps ne s'est pas écoulé là-bas à la même vitesse que sur Terre et Félix va au devant de surprises et de nouveaux désenchantements. L'histoire est bien ficelée, le rythme est soutenu juste ce qu'il faut, les trouvailles et rebondissements ne manquent pas et viennent pimenter le tout. Plein de contradictions, volontiers utopiste comme on peut l'être à son âge, Félix est un héros attachant que l'on se plaît à suivre dans ce deuxième album. Le dessin de Castaza est plaisant mais manque parfois de variété dans les expressions faciales. Pour le reste, rien que des bons points.
« Ville-Rêve », tome 1 de la traversée onirique d'Azur Daffodil. Par Kélilan. Chez Paquet.

Voilà un album qui ne manque pas d'audace. Kélilan y aborde l'un des genres les plus périlleux en BD : l'onirisme. Et il n'y va pas avec le dos de la cuiller ! On comprend assez vite que la réalité dans laquelle baigne le tout début du récit -un jeune couple en vacances à la mer quelque part dans un village tranquille de la Méditerranée- n'est qu'un leurre. Le problème est que, très vite, le réel et le rêve semblent n'être qu'une seule et même entité, entraînant le lecteur dans une succession de questionnements à tiroirs. Qui rêve qui dans cette histoire ? C'est bien la question que Kélilan veut nous faire nous poser, non sans un certain culot. Parce qu'enfin, on aime bien comprendre où on va, nous, lecteurs Lambda. Et là, c'est encore un peu confus. Peut-être qu'en relisant le livre, on comprend mieux... Moi, j'aurais plutôt l'impression que l'auteur s'est amusé à nous laisser mariner dans notre jus tout exprès. Avec l'intention de nous mener en bateau et en rêve... jusqu'à la fin du tome 3. Personnellement, je suis prêt à me laisser faire.
« Contes et nouvelles de guerre de Maupassant », par Battaglia. Chez Mosquito.

Battaglia a adapté de nombreux écrivains français. Il s'est attaqué à Maupassant à la fin des années 70, dans la revue italienne Linus. Il a choisi d'illustrer des nouvelles sur la guerre -celle de 1870 bien sûr, puisque Maupassant est mort bien avant la Première Guerre Mondiale. Parmi les textes choisis se trouve Boule de Suif, la nouvelle que Guy de Maupassant écrivit sur les conseils de Flaubert en 1880 et qui le fit connaître. Comme tous les autres récits repris par Dino Battaglia dans cette adaptation somptueuse, l'auteur se sert du contexte de la guerre pour raconter des histoires d'hommes et de femmes que le conflit rend pitoyables ou héroïques mais qui sont toujours des acteurs de troisième plan. Prussiens et Français y vivent une drôle de cohabitation. Maupassant brosse en quelques traits des caractères et des personnages typiques de la Normandie paysanne. Il ne faut que quelques pages à Battaglia pour les croquer à son tour, leur donner un contour et une apparence, souvent d'une justesse et d'une épaisseur étonnantes. Le noir et blanc du dessinateur italien est fait de gris tramés et de vides d'une blancheur étonnantes, participant à l'équilibre de la page et à la fluidité du récit. Battaglia a repris les éléments de texte essentiels, mais à aucun moment, ne donne l'impression d'être emprisonné par les mots de l'écrivain. Il leur donne vie, au contraire et magnifie l'art de la concision et du portrait de l'auteur du Horla. Deux des histoires de ce recueil ont été mises en couleur par Laura Battaglia, qui a assisté feu son mari sur l'ensemble de ces adaptations.
« Vérités », tome 4 de la série « Les coulisses du pouvoir ». Par Delitte et Richelle. Chez Casterman.

Qui a tué l'ancien Premier Ministre, Sir Stuart Parkinson, quelque temps après qu'il ait annoncé avoir des révélations à faire sur des magouilles au sein même du gouvernement ? Cette question, le lecteur se la pose pendant près de deux cents pages. Philippe Richelle ne pouvait donc pas rater la conclusion de son intrigue de politique-fiction. Ce quatrième et dernier tome révèle à la fois les dessous des cartes et donne un sens à toutes les histoires des personnages secondaires ou principaux qui ont émaillé l'histoire. Avec une remarquable maîtrise du rythme, Richelle pose ses derniers jalons. Il fait en sorte que la vérité n'apparaisse que par paliers. C'est rudement bien joué. Il évite ainsi l'écueil principal des fins d'histoires policières où, pour des raisons de suspense, on attend la dernière minute pour révéler la clé du mystère, au risque de proposer une conclusion bavarde et indigeste. Ici, les vérités ne sont jamais complètes. Au contraire, elles se complètent les unes les autres, s'emboîtant comme des poupées russes et amenant jusqu'au dernier moment leur lot de rebondissements. Dans le même temps, le destin de tous les personnages est brossé en quelques traits. Le lecteur assiste ainsi au dénouement de l'intrigue et à la « morale » des histoires sentimentales ou professionnelles qui l'ont tenu parallèlement en haleine. L'exercice était périlleux.
Le dessin de Delitte s'est quant à lui débarrassé de quelques-uns de ses tics pour privilégier des ambiances aussi crédibles et réalistes que possible. C'est toujours aussi réussi à travers les « gueules » des personnages qui sont d'une justesse toute britannique. Ce l'est aussi à travers une mise en scène sobre que les textes très nombreux ne doivent pas toujours simplifier. Une saga indispensable dans la bibliothèque de tout amateur d'histoires de politique-fiction.
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