Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

Je suis gland par Thierry Bellefroid
« Je suis gland » , par Lefred-Thouron. Chez Fluide.

En voilà un qui n'a pas de problèmes de repérages. Jetez un oeil à la couverture et demandez-vous combien de temps il a fallu à Lefred-Thouron pour reconstituer cette scène avec tant d'exactitude...
Eh bien oui, Lefred-Thouron est un enfant naturel de Reiser et Wolinski, il ne perd pas son temps à dessiner des décors, ni même à tenter de donner un aspect réaliste à ses personnages. Entre BD et dessin de presse, son petit monde ne souffre pas de ses airs de brouillon. Le dynamisme du trait et sa spontanéité balaient les imperfections et concentrent l'oeil du lecteur sur les phylactères. Et là, il faut le dire, Lefred-Thouron fait mouche. Savoureux comme le gag de couverture (un homme regarde la peau pendre sous ses bras et s'exclame : « bon sang ! J'attrape du bide sous les bras... »), ce florilège de glandeurs en tout genre vous fera passer un bon moment et, qui sait, vous permettra de retrouver l'un de vos amis au détour d'une page.
« Capturez un Marsupilami ! », tome 0 de Marsupilami, par Franquin, chez Marsu Production.

Pour célébrer le cinquantième anniversaire de la naissance du Marsupilami, l'éditeur actuel des aventures du sympathique marsupial est allé à la recherche des planches de Franquin. Certaines sont connues, on en trouve notamment plusieurs à la suite de « Tembo Tabou », album de Spirou et Fantasio paru chez Dupuis. D'autres le sont moins, mais elles sont généralement les moins intéressantes. En reprenant le matériel disponible dans sa meilleure version, parfois auprès de collectionneurs, l'éditeur rend hommage au créateur qu'était André Franquin tout en espérant élargir encore son public. Certaines histoires écrites pour le magazine de Spirou ne méritaient peut-être pas une publication en album. On est même étonné du côté « primaire » de quelques gags, mais il faut évidemment se placer dans le contexte et ce qui paraît avoir été mille fois fait aujourd'hui ne l'était évidemment pas à l'époque. Franquin apparaît au travers de ces 46 planches comme un conteur animé de bons sentiments. Mais il est aussi un grand dessinateur qui a su influer à ses créatures un dynamisme et une vie propre rarement égalés. Quant à la nouvelle mise en couleur, elle privilégie des verts plus bleutés, moins purs, notamment dans les scènes de jungle, mais elle respecte dans l'ensemble les tonalités de départ. En conséquence, on admettra que ce « coup commercial » déguisé en hommage (ou était-ce l'inverse ?) ne fait aucun tort à l'oeuvre de Franquin et qu'il devrait ravir plusieurs dizaines de milliers de lecteurs.
Sea, sex & sun par Thierry Bellefroid
« Sea, sex & sun », par Gursel. Chez Joker.

En vacances, on n'a pas toujours envie de se fatiguer les méninges en lisant le dernier roman d'Umberto Eco. Si c'est votre cas, j'ai ce qu'il vous faut, de l'humour 100% brut de pomme. Pas besoin de chercher le sens caché des gags ou les savants jeux de mots se cachant derrière les patronymes des héros, Gursel annonce la couleur dès la couverture. Spécialité incontestée de la maison (Joker est l'éditeur des « déshabillés de Dany » et autres albums coquins), l'humour à connotation gentiment sexuelle est ici cultivé avec art. A la chute des gags, le lecteur préférera la chute de reins des jolies protagonistes le plus souvent très peu vêtues. Ca n'élèvera pas le niveau de la BD, mais la détente est au programme et Gursel parvient à ne jamais tomber dans la vulgarité.
Rien par Thierry Bellefroid
« Rien » de Placid. Aux Requins Marteaux.

Voilà un album qui porte bien son nom : il ne ressemble à rien... de connu. Placid se joue de la bande dessinée comme il se moque de sa première culotte ; il ne respecte rien : ni la perspective, ni les proportions, ni les droites, ni les courbes, ni l'harmonie des couleurs, ni la bienséance, ni le politiquement correct, ni la logique, ni....
Placid nous offre 19 histoires qui sont à la BD off (ou underground) ce que Largo Winch est à la BD grand public. Manifestement impressionné par l'enseignement des cubistes (Picasso en tête), il s'inspire librement de quelques préceptes picturaux pour nous servir une série d'histoires trash, plutôt sous la ceinture qu'au-dessus, parfois même très crues. C'est si déjanté, si original et si visuel qu'on a du mal à ne pas se laisser prendre.
« La pitié des bourreaux », tome 2 de « Bouncer », par Jodorowsky et Boucq. Aux Humanoïdes Associés.

Annoncé comme la huitième merveille du Neuvième Art, le premier tome de Bouncer n'était pas passé inaperçu, mais en avait déçu plus d'un. Le génial dessinateur François Boucq semblait écrasé par la mise en scène du père de L'Incal, disposant de trop peu d'espace pour s'exprimer. L'album laissait sur un sentiment mitigé que ce deuxième tome vient totalement effacer. La saga raconte la suite du destin de trois frères issus des amours d'une prostituée et se disputant « l'héritage » d'un gigantesque diamant volé avec l'aide de leur mère. On s'intéresse plus particulièrement au Bouncer, bien sûr, puisque le manchot videur de tripot donne son titre à la série. On s'intéresse aussi à son neveu, Seth, qui doit accomplir la vengeance de la mort de ses parents, quoi qu'il lui en coûte. Moment clé de l'album, l'initiation de Seth au métier de « flingueur », réalisée par son oncle. Jodo et Boucq réussissent à transformer cet enseignement a priori ennuyeux en véritable page de l'histoire du western : décors et situations y contribuent. Il faut dire que ce deuxième livre, même s'il passe parfois par des chemins un peu trop évidents pour faire se rencontrer les personnages qui ont des comptes à régler, est une pure réussite. Boucq explore toutes les lumières et tous les paysages avec un même talent. Son dessin est d'une maîtrise et d'une nervosité spectaculaires qui trouvent leur aboutissement dans les scènes d'action.
Cavalier seul (Tower) par Thierry Bellefroid
« Cavalier seul », tome 3 de Tower. Par Goethals. Chez Vents d'Ouest.

Voilà un titre prédestiné. La passionnante histoire d'un ex-membre actif de l'IRA rattrapé par son passé est en effet passée des mains du duo de scénaristes Ange à celles du dessinateur de la série, Sébastien Goethals. Faisant « cavalier seul », donc, le jeune dessinateur tente d'imaginer seul la suite de ce palpitant thriller laissé en friche depuis deux ans.
Résumé des épisodes précédents : Tom Cleggan, le héros, est un ancien terroriste qui a fui en Italie avec une partie de l'argent de l'IRA pour refaire sa vie, suite aux divergences d'opinion qu'il avait avec son nouveau chef. Retrouvé par hasard dans les rues de Milan alors que ses amis le croyaient mort, il doit défendre sa fiancée, sa peau et sa liberté en remontant la filière de ceux qui veulent sa mort... et son argent. Car l'IRA ne peut accepter l'idée qu'un traître ait à la fois trahi la cause et piqué dans la caisse. Parallèlement, Cleggan doit faire face à un autre problème : Tower, son nom de guerre, réapparaît dans la presse. En Irlande, quelqu'un signe de son ancien nom une série d'attentats ; la police qui le croyait mort, elle aussi, est donc sur ses traces. Seul contre tous, Cleggan se sort de tous les pièges. Mais à la fin du tome 2, il se fait arrêter par le MI-5, trahi par sa petite amie qui n'a pas pu le suivre dans sa nouvelle vie.
Goethals imagine ici une suite relativement prévisible. Que faire dès lors que Cleggan pourrit en prison ? Le faire s'évader, bien sûr. Et pour rendre la chose plus crédible, l'évasion a lieu avec l'aide des autorités qui ont recruté l'ancien tueur pour accomplir une mission. « Cavalier seul », c'est donc le pacte entre les frères ennemis héréditaires, la trêve pour en finir avec un ennemi supérieur, celui qui a trahi les deux camps, l'ancien chef de Cleggan. De palpitant, Tower est devenu classique. Peu de surprises attendent le lecteur. On se laisse faire, mais sans retrouver le frisson des deux premiers albums. Dommage.
Le privé par Thierry Bellefroid
« Le privé », par Coutelis et Charlier. Chez Casterman.

« L'inédit de Charlier », prévient l'éditeur à l'aide d'un autocollant apposé sur la couverture. Inédit en album s'entend, puisqu'il ne s'agit pas d'un scénario caché, dessiné un peu plus de dix ans après la mort du génial scénariste de Blueberry, mais bien d'une publication en album d'une histoire jadis proposée aux lecteurs de L'Echo des Savanes. Récit policier contemporain, « Le privé » nous emmène à San Francisco, sur les traces du détective Chuck Dougherty, une tête brûlée comme Charlier les aimait. Parti à la recherche de la fille d'un sénateur « mains propres » disparue sans laisser d'adresse mais pas sans laisser d'indices, Chuck se retrouve dans Chinatown aux prises avec une drôle de secte. La vraisemblance n'est pas le principal souci de Charlier dans cette enquête rocambolesque. Coutelis, dessinateur capable d'à peu près tout dessiner, s'acquitte de sa tâche en copiant le style de Giraud et n'y réussit pas mal. En revanche, les couleurs rendent parfois illisibles certains dessins et surtout quelques-uns des textes récitatifs. Un vrai travail de restauration n'eût pas été inutile avant la publication. Une publication dont on peut se demander ce qui l'a motivée. « Le privé » est loin d'être un chef d'oeuvre. Un polar de plus. Fût-il signé par un grand nom aujourd'hui disparu.
« La chute de la dynastie Raja », tome 1 de « La malédiction », par Diviné. Chez Hors Collection.

A côté des valeurs sûres et principalement américaines de son catalogue (dont l'excellent « Calvin & Hobbes », ou les très drôles « Bébé blues » et « Une vie de chien »), Hors Collection tente de lancer quelques séries plus classiques. Se référant abondamment à l'univers de Tintin dans sa présentation, l'éditeur prend des risques. Il en prend d'autant plus qu'il s'agit d'un premier album, ce qui rend toute comparaison avec l'oeuvre d'Hergé quasi inutile. La ligne claire, d'abord. Le dessin de Pierre-Christophe Diviné n'est pas exempt de défauts, et c'est normal puisqu'il est débutant. Mais s'il doit ressembler à celui d'un autre dessinateur, ce n'est certainement pas à Hergé qu'on pense. Plutôt à Sterne, dont il est très proche. L'histoire, confuse et tortueuse, oblige quant à elle le lecteur à un effort de concentration pour ne pas décrocher. Heureusement que l'humour vient rafraîchir tout ça. Le récit raconte sur deux époques à la fois la chute annoncée d'une dynastie ; il est paradoxalement aussi difficile à suivre qu'attendu. L'originalité vient de l'univers népalais décalé imaginé par l'auteur (qui vit à Katmandou) et des profils très peu conventionnels des personnages.
Super par Thierry Bellefroid
« Super » de Baladi. Chez Atrabile.

Alex Baladi au mieux de sa forme. Avec « Super », l'auteur genevois nous donne un récit subtil, intelligent et original. On croit lire l'histoire de triplés surdoués. C'est un peu de ça qu'il s'agit, en effet. Mais Baladi se sert d'eux et de son histoire pour explorer des thèmes plus graves et plus métaphysiques avec l'air de ne pas y toucher. Conçu comme une pièce de théâtre, son livre est une plongée au coeur de la solitude et de l'absence. Difficile de résister. C'est beau, triste, profond, dessiné à l'économie, avec un sens consommé de la concision et du détournement de genre. Bref, on en redemande.
Merci Ben Laden ! par Thierry Bellefroid
« Merci Ben Laden ! », par Willem, aux Requins Marteaux.

Vous aimez les dessins de Willem dans Libé ou dans Charlie-Hebdo ? Alors, précipitez-vous sur ce petit recueil paru dans la collection « Carrément » des Requins Marteaux ! Willem s'en donne à coeur joie sur le thème de Ben Laden contre Dobeliou. C'est totalement réjouissant, iconoclaste, politiquement non correct, bref... comme on aime, quoi. Tout le monde en prend pour son grade : les Américains, bien sûr, mais aussi les Afghans, les militaires, les terroristes et tous les donneurs de leçon de tactique en général. Mention spéciale pour le « dico illettré : tous les mots entendus à la radio, enfin rendus lisibles comme on les prononce ». En clair, Willem s'amuse à dessiner les lettres de ces mots ou expressions pour leur donner un sens plus proche de la réalité. Par exemple, le mot « riposte » ; les 7 lettres composant le mot sont dessinées en forme de ruines de Kaboul.
Sillage - tome 5 (Sillage) par Thierry Bellefroid
le tome 5 de Sillage, par Morvan et Buchet. Chez Delcourt.

Chaque album de Sillage est, on le sait, l'occasion pour Jean-David Morvan d'aborder un genre différent. Le voilà aux prises avec une histoire de terroristes et de prise d'otage qui pourrait donner lieu à une grande leçon de manichéisme. Fort heureusement pour le lecteur, il n'en est rien. Les preneurs d'otages et les terroristes sont présentés comme la race inférieure du convoi qui milite pour le droit minimum à la dignité. Morvan s'attache donc à démonter le mécanisme du sacrifice et de la violence politique. Il ne rate pas sa cible, ce qui n'empêche nullement l'album de connaître son lot de rebondissements, de moments tendres ou émouvants. Bref, un parcours sans faute, si ce n'est que parfois, Nävis en fait décidément trop. Rien à faire, jouer avec les bons sentiments est toujours dangereux et à force de vouloir comprendre et aider ses ravisseurs, la charmante humaine du convoi est parfois un peu trop « comme il faut ». Hormis ce petit bémol, il faut bien constater que la série ne faiblit guère, y compris graphiquement. Buchet maîtrise parfaitement son univers et réussit aussi bien les scènes d'action où Nävis joue les Rambo que les scènes de bidonvilles. Décidément, Sillage est bel et bien le Valérian des années 2000.
« D'ombres et de lumières », tome 1 de la série Marshall, par Filippi et Tello. Aux Humanos.

Si tous les éléments qui se trouvent dans l'argumentaire de l'éditeur se trouvaient aussi dans la BD, elle serait assurément d'une lecture plus digeste. Filippi (scénariste de « Orull, le souffleur de nuages », de « Un drôle d'ange gardien » ou encore du « Livre de jack ») nous balance en effet un univers de SF régi par des codes et des castes dont il ne nous dit à peu près rien. Le lecteur met du temps à comprendre ce qui se passe réellement dans cette histoire menée tambour battant autour d'une héroïne intrépide et de son ingénieux apprenti. Bon, on sait très vite qui sont les bons et qui sont les méchants, on sait aussi qu'il y a une histoire de complot à grande échelle, mais pour le reste, on nage quand même à contre-courant pendant pas mal de pages. Ce qui ne veut pas dire que la lecture de ce premier tome soit à déconseiller. Les personnages principaux (Hisaya, Tetsu et le grand-père) sont attachants. Un univers qui doit beaucoup au dessin du jeune Jean-Florian Tello, dont c'est la première publication. Quelque part entre Thierry Robin, Varanda, Boiscommun et Ciro Tota, Tello ne renie pas ses influences, mais développe un style personnel privilégiant la fluidité à l'effet et la pureté des lignes à la surcharge. Il donne une âme à cet album un peu trop manichéen mais prometteur.
Bazooka Twist (Les teigneux) par Thierry Bellefroid
« Bazooka Twist », tome 1 de la série « Les Teigneux », par Chanoinat et Castaza. Chez Soleil.

Il y a deux sortes de préfaciers. Ceux qui n'ont pas pu refuser et qui cachent leur enthousiasme du mieux qu'ils peuvent (au point qu'on se demande, parfois, pourquoi on leur a demandé d'écrire) et ceux qui ont une vraie raison de se réjouir. Georges Lautner fait partie de la seconde catégorie et on ne s'étonnera pas, à la lecture de cet album, qu'il ait été si dithyrambique dans sa préface. « Les Teigneux » arrivent à faire ce que leurs prédécesseurs n'étaient pas parvenus à réaliser : rivaliser avec le cinéma d'Audiard. A part dans « Les ailes de plomb » de Gibelin et Barral (Delcourt), je ne m'étais pas régalé comme ça depuis Gil Jourdan ! Et même si certains esprits chagrins trouveront qu'on a assez de films en noir et blanc à voir ou à revoir dans ce genre purement polar-franchouillard, je leur répondrai de lire « Les Teigneux » du premier au dernier phylactère avant de rendre un avis définitif. Chanoinat a dû revoir plus de cinquante fois ces films des années 60-70 dans lesquels le père Blier donnait la réplique à Gabin, Denner, Constantine et tous les autres. Quel dialoguiste ! On en oublierait de parler du scénario. De fait, on a presque envie de dire qu'on s'en fout. Il ne casse pas des briques mais il tient suffisamment debout pour ne pas compromettre la lecture de cet album. Quant au dessin de Castaza (« Khatedra »), il n'évite pas les maladresses et pioche abondamment dans les tronches du septième art.
L'atelier par Thierry Bellefroid
« L'Atelier », d'Etienne Davodeau. Chez PMJ.

Après avoir été jusqu'au bout de ses envies en tentant le reportage BD (« Rural ! »), voilà que le « Ken Loach de la BD » nous surprend avec un carnet de bord réalisé à main levée, dans l'intimité de son atelier. Rien à voir avec les affres de la création ou les petits secrets du dessinateur de BD vus par lui-même ; avec humour, légèreté et beaucoup de simplicité, Davodeau parle de la vie au quotidien d'un auteur de BD qui est aussi -et surtout- un père et un mari. Dans l'atelier, font tour à tour irruption ses deux filles et sa compagne. Et l'auteur s'amuse à mettre en abîme ces petites rencontres au quotidien, jusqu'à risquer un exercice de haute voltige où l'on ne sait plus trop où est la réalité et où commence la création. Qui influence qui ? Qui prononce réellement les phrases contenues dans les phylactères : les personnages de papier qui observent leurs modèles ou les véritables filles de Davodeau dont le père capte au vol les réactions ? Drôle, original, décalé, « L'atelier » est d'une fraîcheur et d'une spontanéité qui manquent trop souvent dans la production actuelle. Un petit livre à ne pas rater !
« La tentation, carnet de voyage au Pakistan, 1ère partie ». Par Renaud De Heyn. A La Cinquième Couche.

Oubliez ce que vous croyez savoir de l'Iran et du Pakistan (sauf si, comme l'auteur, vous les avez traversés). Renaud De Heyn a tenu au fil des mois un carnet de bord mi-dessiné mi-raconté dont il a sélectionné quelques pages concentrées et magnifiques. Le voyage entrepris en 95 qui devait le mener de la Turquie à la Chine en 13 mois lui a permis de passer quelques semaines en Iran avant de rester trois mois au Pakistan. Son envie : mieux comprendre un fondamentalisme islamique qu'il redoutait avant son départ. Dans ce carnet de bord plein d'anecdotes, il raconte son cheminement vers une plus grande vérité, de l'autre côté des idées reçues et des clichés. C'est non seulement un beau parcours humain, mais c'est en outre admirablement raconté et dessiné avec un réel talent. Pour quelqu'un qui n'avait jamais publié de BD, on peut dire que ce premier album est plus qu'un ballon d'essai !
08/09/2000 par Thierry Bellefroid
« 08/09/2000 » de Jean-Dominique Alvès. Chez Amok.

Alvès développe une musique qui ne laissera pas les amateurs de littérature indifférents. Un ton personnel, proche du polar noir mais en plus mécanique, avec des refrains lancinants et des phrases aiguisées comme des couteaux de boucher. Par dessus -ou par dessous, on ne sait pas trop-, il place ses dessins volontairement pixélisés. Le résultat est un choc, pour les yeux comme pour l'esprit. On cherche parfois vainement la correspondance entre les deux niveaux de lecture. Le texte ne dit pas tout mais l'image non plus, si bien qu'au bout du compte, c'est encore l'imaginaire du lecteur qui comble les trous. Alvès décrit un monde noir où pendus et avaleurs de débris de verre mâchent de la même manière l'affreux chewing gum de la vie.
La belle et les bêtes (Garulfo) par Thierry Bellefroid
« La belle et les bêtes », tome 6 de la série Garulfo. Par Ayroles, Maïorana et Leprévost. Chez Delcourt.

Le deuxième cycle de cette excellente série s'achève sur un album aux qualités indéniables, même si l'on doit reconnaître que le projet perd un peu de son souffle au fil du temps. Les deux premiers albums constituant le premier cycle étaient plus ramassés, plus étonnants, et restent par conséquent plus aboutis à mes yeux. Mais ne boudons pas notre plaisir : la verve d'Alain Ayroles et le talent de Bruno Maïorana nous offrent quelques moments d'anthologie dans cet album de conclusion et la seule scène des planches 26 à 30 mérite largement l'investissement. Comme toujours, Ayroles cisèle ses dialogues. Il passe avec brio de la comédie romantique au film d'action et du conte de fées à la parodie. Son petit Poucet revisité en fait ici la démonstration. Quant à Maïorana, il parvient à transcender la moindre scène d'action pour en faire un dessin animé sur papier, ce qui est tout de même un sacré défi. On regrettera peut-être quelques longueurs, surtout si l'on considère les deux derniers albums (le tournoi prend beaucoup de place...), mais il y a tant de talent dans l'ensemble qu'il serait stupide de commencer à comparer les qualités des albums pris séparément. Ce n'est pas le tome 6 qu'il convient de lire, en effet, mais bien toute la série.
Trois larmes pour Lucie (Dusk) par Thierry Bellefroid
« Trois larmes pour Lucie », tome 2 de la série Dusk. Par Marazano et de Metter. Aux Humanos.

La qualité graphique de la couverture ne trompe pas sur la marchandise. Non seulement le dessin de de Metter reste passionnant de bout en bout, mais l'histoire policière imaginée par Marazano place cet album un ton au-dessus du précédent. Le thème abordé est scabreux : une enquête à propos d'un crime commis sur un pédophile dont la fille anorexique pourrait bien avoir été une des victimes. Beaucoup de scénaristes se seraient cassé les dents sur un sujet pareil. Surtout avec un trio d'enquêteurs comme celui-là. La descente aux enfers alcoolique de Solomon est traitée avec réalisme et intelligence. Quant à l'attirance grandissante de Joe pour l'exorcisme et le travail tout en finesse d'Anna avec la jeune anorexique, ils confirment que Marazano se plaît à mêler son enquête à un subtil portrait psychologique de flics « en marge ». C'est noir, parfois malsain mais toujours dense. Seul reproche, peut-être, l'omniprésence des textes qui nuit, parfois, à l'expression du talent de de Metter. Certaines pages sont réellement trop chargées. C'est dommage. Il faut dire que le dessinateur a un style, une griffe. Son réalisme pictural est à la fois enlevé et précis. Son pinceau est un peu comme un scalpel dans les mains d'un chirurgien expérimenté. Il mérite d'avoir de la place pour s'exprimer.
Jolie mer de Chine par Thierry Bellefroid
« Jolie mer de Chine », par Loustal et Coatalem, chez Casterman.

Sept ans après leur parution chez Grasset, deux nouvelles de Coatalem sont adaptées en BD par Loustal dans ce très bel album. Les deux hommes se connaissent bien. La première couverture réalisée par le dessinateur pour le romancier remonte à la fin des années 80. Mais contrairement à son habitude, cette fois, Loustal n'a pas demandé un scénario ou un synopsys à son complice du moment. Il a purement et simplement adapté une matière existante. Le défi était de taille car il s'agissait de préserver l'essence des nouvelles de Jean-Luc Coatalem. Non seulement Loustal y parvient. Mais en plus il garde des dialogues savoureux qui privilégient davantage l'effet direct, la relation entre les personnages. Après des albums souvent marqués par des textes off très présents, la langue de Coatalem est plutôt réjouissante dans ce nouveau Loustal. Le dessinateur en profite pour effectuer une mise en scène proche des personnages. Ceux-ci évoluent dans un décor de paquebot des mers chaudes sans trop savoir où va les porter l'aventure. Le trait de Loustal se fait plus aérien grâce au passage de la plume au pinceau à encre, il donne vie avec beaucoup d'élégance aux années trente de Coatalem.
« Le cristal de Bayn », tome 2 de « La cicatrice du souvenir », par Ange et Paty. Chez Soleil.

C'est la quête d'Héroïc Fantasy classique, avec son trio de héros aux pouvoirs bien définis et complémentaires. Un prince injustement déchu de ses droits par son père. Un enfant magicien détenteur de pouvoirs séculaires, dernier survivant de sa caste. Et une belle guerrière qui succombe au charme du prince. Leur cause est juste, leur alliance nécessaire. Tout va pour le mieux, merci. Tout ? Au fur et à mesure qu'avance le deuxième album de cette série, on ne peut s'empêcher de ressentir un certain malaise. Est si les héros n'étaient pas tous aussi purs que prévu ? Les dernières pages semblent confirmer ce sentiment. La dernière en est la démonstration, brutale, parfaite aussi. Ange (Gérard et Anne Guéro) nous retourne comme une crêpe et redonne du tonus à ce récit aux apparences faussement évidentes. Décidément, les deux scénaristes ont beau se démultiplier, ils parviennent encore à nous surprendre. Quant à Christian Paty, à défaut d'être parfait, il est efficace de bout en bout.


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