Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

« Tom et Nina » Tome 1 : De quelle planète tu viens ? Par Dutto. Chez Soleil.

Si vous avez une grande soeur, cette BD risque de vous rappeler des souvenirs. Dutto a su retrouver à merveille l'ambiance de chamaillerie permanente qui peut exister entre un garçon et une fille quand ils partagent la même maison... et qu'ils ont tous les deux du caractère. Son talent a d'ailleurs été de faire de Nina un sacré petit bout de femme qui mène la vie dure à son frère et n'hésite jamais à lui mettre une raclée. Mi-terrorisé mi-amusé, Tom est en guerre permanente contre sa soeur qu'il prend pour une Alien venue coloniser la terre. Les situations sont drôles, les dialogues aussi et le dessin de Dutto convient parfaitement à ses gags. Une BD qu'on croirait sortie de « Tchô Magazine », tant elle sonne « génération Titeuf ».
Cinq est le numéro parfait par Thierry Bellefroid
« 5 est le numéro parfait », par Igort, chez Casterman.

Le retour d'Igort par la « petite porte », chez Amok, l'an dernier, m'avait déjà enthousiasmé. Mais ce nouvel opus chez Casterman est tout simplement la meilleure surprise de l'année, en ce qui me concerne. Il est toujours difficile de parler d'un album qu'on a démesurément adoré. Comment trouver les mots ? Comment rester objectif ? Je sais que « 5 est le numéro parfait » ne plaira pas à tout le monde ; je sais aussi que l'album parfait n'existe pas plus que le numéro auquel ce titre fait référence...

Igort signe ici une histoire de mafia dont le propos n'est pas la mafia. En partant d'un univers éculé et d'un thème usé jusqu'à la corde (la vengeance d'un père dont le fils a été tué par une « famille » de Naples), Igort renouvelle toutes les histoires lues jusque-là. Son livre est un livre sur la vieillesse, sur le temps qui passe, sur l'égoïsme et la culpabilité, sur la lucidité... et sur l'âme de Naples ! Son livre est un concentré de personnages secondaires attachants, un théâtre des sentiments qui mêle amours ratées, ex-voto et codes d'honneur. Son livre est une pure merveille graphique tout en étant un bijou d'écriture et de découpage. Igort peut tout faire, son dessin passe d'une technique à l'autre, son découpage se fait tantôt classique tantôt sauvage. A la fois caméra du cinéaste et stylo de l'écrivain, le dessin d'Igort nous emmène de la stylisation à la beauté pure, de l'effet visuel (la première planche du chapitre 4, par exemple) à la forme la plus narrative qui soit. A ne pas rater !
« Les seigneurs d'Agartha », tome 1 : La dette. Par Plongeon, Briones, Pailtreau. Chez Soleil.

Difficile de ne pas rester sur sa faim à l'issue de ce premier album qui ne nous livre que les prémices d'une histoire fantastique apparemment prometteuse. Isabelle Plongeon (ex-Nucléa et ex-Pointe Noire) fait preuve d'une belle efficacité tant dans le propos que dans le découpage de cette histoire de famille quelque peu satanique. Ses personnages sont remarquablement transposés sur la feuille par Philippe Briones, qui, s'il est un nouveau-venu dans la BD, a pas mal d'expérience derrière lui dans le domaine de l'animation. Son sens du mouvement éclate dans cette BD musclée où le lecteur n'a guère le temps de reprendre son souffle. Une BD qui a l'avantage de nous emmener dans un univers plus proche de celui de la BD américaine que des histoires d'Héroïc Fantasy qui semblent se cloner l'une l'autre ces derniers temps.
« Le puits des abîmes », tome 2 de Sanctuaire, par Dorison et Bec. Aux Humanos.

Très attendue, la suite de cet Indiana Jones des abysses. Et loin d'être ratée. Certains lui reprocheront -comme au premier album- d'être un film de cinéma transposé en BD, jusque dans le réalisme quasi maniaque du dessin de Christophe Bec (bon sang, ce que c'est énervant, ces héros de BD aux têtes d'acteurs hollywoodiens !). Il ne faut cependant pas négliger le nombreux public qui vibre pour ce genre d'histoires et qui trouve ici une sorte de quintessence du genre. Car Dorison est pétri de talent, on ne peut le nier. Sa façon d'installer -ou plutôt de distiller- l'angoisse page après page, en artisan du crescendo, ne doit rien à personne. Tout en laissant suffisamment de zones d'ombre pour s'assurer un contingent de lecteurs transis de curiosité jusqu'au prochain album, le scénariste du Troisième Testament et de Prophet prouve, case après case, qu'il maîtrise parfaitement son scénario et son découpage. Le résultat est un thriller redoutable, aux accents fantastiques admirablement restitués sur le papier.
Le swing du Golem par Thierry Bellefroid
« Le swing du golem », par James Sturm. Au Seuil.

Bon, je dois bien le dire, le base-ball et moi, ça fait huit. James Sturm ne partait donc pas gagnant. Et je ne crois pas être une exception. Publier un album qui traite de base-ball en dehors des Etats-Unis relève soit du suicide commercial soit de la gageure. Le Seuil a relevé le défi et on ne peut que l'en féliciter. Le swing du golem aborde ce sport avec tant d'originalité qu'il ne peut que faire mouche. Je ne dirai pas qu'il ne m'est pas arrivé de m'ennuyer pendant certaines scènes purement sportives, mais le reste est si inattendu que l'attention ne décroît jamais longtemps. L'idée de tenter d'amener des spectateurs à s'intéresser aux « Stars of David », une équipe de base-ball juive des années 20, en créant un golem et en l'incluant à l'équipe est en soi un thème d'histoire intéressant. Mais choisir le seul non-juif de l'équipe pour incarner ce golem ajoute encore de l'intérêt à cet album qui bénéficie en outre d'un très bon découpage et d'un dessin d'une grande clarté, rehaussé par une bichromie dans les tons beige. Encore une excellente BD américaine parue en français cette année !
Sentiers battus par Thierry Bellefroid
« Sentiers battus », par Vincent Vanoli. Chez Ego Comme X.

Voilà un Vanoli que nous ne connaissions pas. Fidèle à l'esprit de la maison « Ego Comme X », Vanoli part en introspection, et nous rapporte des éléments autobiographiques épars, concentrés de mémoire et d'impressions. Ce n'est pas tant son enfance que l'auteur visite dans ses pages ; c'est surtout la nostalgie liée à l'innocence ou ces sensations encore vierges ressenties dans la forêt ou la campagne par un jeune adolescent. S'en dégage une tendresse plutôt inhabituelle pour le lecteur de Vanoli, plus souvent confronté à des univers étranges, volontiers kafkaïens, entre fantastique et burlesque. Les pages sont divisées en deux, la succession des « tableaux » compose une toile impressionniste en nuances de gris. Un beau moment, même si toutes les histoires racontées ne sont pas du même niveau.
« Six cent soixante-seize apparitions de Killoffer », par Killoffer. A L'Association.

L'époque est aux grands formats impossibles à ranger dans la bibliothèque mais qui ne passent pas inaperçus dans les rayons des librairies. « 776 apparitions de Killoffer » est aussi gigantesque que le « Chemin de Saint Jean » d'Edmond Baudouin, paru en début d'année. Mais l'album se distingue de bien d'autres façons de la production courante. D'abord, il y a le propos. Killoffer nous propose un délire total dans lequel il se dédouble à l'infini pour mieux traquer ses obsessions inavouables. L'auteur va même jusqu'à se violer copieusement, quand il ne se trucide pas à coups de couteau d'un bout à l'autre d'une planche dégoulinante d'hémoglobine. Mais tout cela n'est pas gratuit pour autant. Partant d'une réflexion sur le sens d'une vie passée entre deux villes et deux continents, Killoffer interroge le désir, le sexe, la séduction, mais aussi la mort, la création, la paranoïa, le vide... Avec des trouvailles visuelles magistrales, il éclabousse les pages de son talent. Autre trait particulier de cet album : sa forme. L'auteur nous invite d'abord à partager ses réflexions à l'aide d'un texte continu, mêlé aux dessins. Puis, il abandonne l'écrit et continue sa narration à travers l'image sans passer par la formalisation en cases. Le dessin, libre, régénéré, envahit toute la page et vous saute aux yeux avec une violence rare. Un très grand album qui donne du souffle à la bande dessinée. Et sans aucun doute, la meilleure oeuvre de Killoffer !
Félix, l'intégrale, Tome 7 par Thierry Bellefroid
« Félix, l'intégrale, Tome 7 », par Tillieux, dans la collection « Anthology » des éditions Niffle.

Sous une couverture signée Ted Benoît se cachent de courts récits datant des années 1955-1956 qui n'ont pas pris une ride. Enfin, quand on dit ça, c'est aussi parce qu'ils ont subi un sérieux lifting. L'état dans lequel Frédéric Niffle a trouvé ces épisodes n'a rien de commun avec celui qui s'offre aux yeux du lecteur de cette anthologie. Entre les deux, 500 heures de travail ( !), nous garantit l'éditeur. Ces neuf derniers épisodes de Félix parus dans « Héroïc-Albums » préfigurent ce qui restera comme la meilleure oeuvre de policier et d'humour en BD : Gil Jourdan. Plusieurs éléments présents dans ces courts récits profiteront d'ailleurs du changement d'éditeur de Tillieux en 1956 pour être recyclés tels quels dans les aventures de Gil Jourdan. (Tillieux lance Gil Jourdan en septembre 1956, alors que « L'affaire des bijoux », soixante-septième et dernier épisode de Félix, paraît en novembre 56, un mois avant la fin de Héroïc-Albums.) A l'évidence, la hasard qui a obligé Tilleux à repenser son trio de choc (Félix devient Jourdan, Cabarez devient l'inénarrable Libellule, et Crouton remplace Allume-Gaz) lui a permis de laisser une oeuvre d'une qualité de loin supérieure. Chez Dupuis, Tillieux soignera davantage ses intrigues et ira plus loin dans le contour de ses personnages principaux. Il faut dire qu'il abandonne les histoires courtes et se lance dès la première aventure de Gil Jourdan, dans un diptyque magistral. A relire ces neuf derniers épisodes de la série fondatrice de Jourdan, on remarquera toutefois que l'humour est déjà là, tout comme les idées et l'économie du dessin (qui est peut-être un peu trop poussée, parfois). Une seule chose disparaîtra avec le passage à Marcinelle : les nombreux belgicismes qui émaillent ces pages de Félix.
Garduno, en temps de paix - T. 1 par Thierry Bellefroid
« Garduno, en temps de paix». Par Philippe Squarzoni. Aux Requins Marteaux.

Mais que se passe-t-il aux Requins Marteaux ? Voilà qu'ils se mettent à publier des livres sérieux, qui plus est de taille appréciable (130 pages) et sur du papier de belle qualité. Se prendraient-ils pour L'Association ? Non, c'est juste que le projet de Philippe Squarzoni (en partie déjà publié précédemment aux 7 Piliers) leur convenait parfaitement. Car sous leur dehors joviaux et joyeusement délirants, les Requins sont des altermondialistes convaincus. Ceux qui en douteraient n'ont forcément pas eu l'occasion de visiter le Supermarché Ferraille, expo-magasin montée l'an dernier pour Angoulême. Les autres savent. Et comprendront ce qui a séduit les Requins dans ce projet d'un sérieux presque médical.
Squarzoni se penche au chevet de notre vieux monde et explique, à sa manière, comment nous nous faisons manipuler. Ce disciple d'Attac prend la BD pour un terrain de discussion, un forum, un Porto Alegre de rechange. Pourquoi pas ? C'est courageux, et peut-être pas si suicidaire au plan commercial. Le garçon a du talent et de la sincérité à revendre. Lui manque peut-être un brin d'humour ou de dérision pour séduire un public plus large, ainsi qu'un goût plus prononcé pour la narration. Car tout cela est aussi intelligent qu'académique et souvent... désincarné. Le choix du carnet plus ou moins autobiographique ne fonctionne pas toujours, mais quand Squarzoni est lui-même dans l'action, à la manière d'un Joe Sacco, que ce soit en Croatie ou au Chiapas, on se met à lire avec plus de plaisir. La vraie question est de savoir si ce livre pourra toucher un public de non-convaincus d'avance. Si oui, il aura vraiment réussi son pari. C'est tout ce qu'on lui souhaite.
En série par Thierry Bellefroid
« En série », d'Aude Samama, au Frémok.

Un dessin en noir et blanc à la Breccia pour commencer et clore le récit, une palette chromatique expressionniste entre les deux, Aude Samama nous propose d'emblée un univers d'une beauté sombre et picturale. Un univers qui correspond à son récit, où le meurtre vient résoudre les frustrations de l'enfance. L'auteur se défend de nous faciliter la tâche ; le temps s'étire selon son propre rythme, jouant allègrement à saute-mouton avec les années sans prévenir, puis s'arrêtant sur une scène un peu plus loin.
Deux êtres marqués par le désir et la honte. Lilly, mauvaise mère et mauvaise amante, celle qui a choisi de « coucher avec l'ennemi ». Angelo, fils encombrant, témoin importun et complice obligé de la déchéance de sa mère. Grave, dépouillé jusqu'à l'os, nu dans toute sa couleur subjective, dépourvu de décors et de repères, le récit a quelque chose d'hypnotique. Même si la peinture d'Aude Samama rend parfois malaisée l'identification des personnages, la cohérence de son livre rattrape toujours le lecteur au moment où il pourrait se sentir perdu.
Le barbare (Thorgal) par Thierry Bellefroid
« Le barbare », tome 27 de Thorgal. Par Rosinski et Van Hamme. Au Lombard.

C'est incontestablement l'une des meilleures (voire « LA » meilleure) couvertures de Thorgal. Elle devrait suffire à assurer un joli succès à l'album, en dépit de l'effet d'usure naturel d'une série qui approche les trente tomes. La bonne surprise se poursuit à la lecture. Cette histoire renoue avec la meilleure période de Thorgal, celle des albums 9 à 13. Peut-être que certains trouveront qu'elle le fait un peu trop et qu'il n'y a guère de différence entre « Le barbare » et « Les archers ». C'est vrai que Van Hamme nous refait le coup du tournoi. C'est vrai qu'il ne s'agit déjà que d'une variante de Robin des Bois. Mais il faut reconnaître que l'album se laisse lire sans une seconde d'ennui et possède de réelles qualités qui manquaient à certains de ses prédécesseurs. Evidemment, peu de lecteurs auront le frisson à l'idée de laisser une fois de plus Thorgal pour mort à la dernière page... A trop flirter avec la mort, notre héros ne parvient plus à nous faire plus peur lorsqu'il gît, inerte, sur un bout de rocher.
Frères de sang (Chinaman) par Thierry Bellefroid
« Frères de sang », tome 6 de Chinaman. Par Letendre et TaDuc. Chez Dupuis.

Après nous avoir surpris avec la fin du tome 5, il fallait que Letendre nous étonne à nouveau en changeant une fois encore de direction. Comme on pouvait s'y attendre, la vie de couple de Chinaman et de Ada n'intéressant pas grand monde, il fallait que quelque chose se passe. Ce quelque chose, c'est le retour de Chow, le frère d'armes de celui qui s'appelle désormais Chinaman. Finalement de facture assez classique, l'intrigue nous ramène aux débuts de la série, et se développe autour de thèmes comme la fidélité, la cupidité et le racisme. Mais il faut bien reconnaître que plus on avance dans cette série, plus on court le risque de chasser sur les terres du western classique. Letendre parvient à éviter cet écueil tout en jouant très justement sur la juxtaposition des genres. Cela donne cet univers qui tient à la fois de Buddy Longway et de Shogun. Curieux, cohérent, intéressant. Et joliment campé par TaDuc. Mais peut-être pas indispensable à l'histoire de la BD.


« Aohige », tome 1 de la série « Les contes du 7ème Souffle », par Micol et Adam. Chez Vents d'Ouest.

« Equinoxe », nouvelle collection chez Vents d'Ouest, commence son existence sous les meilleurs auspices. Le premier tome de cette saga japonaise est en effet particulièrement brillant, avant tout grâce au dessin de Hugues Micol (« Chiquito la muerte », deux tomes chez Delcourt ; « 3 », un volumineux album muet chez Cornélius). A la manière des Blain/Sfar, Micol joue de la plume pour tailler les ambiances et les volumes, sa mise en couleur venant sur un dessin déjà parfaitement accompli dès l'encrage. Il parvient à traduire avec beaucoup de justesse l'univers à la fois intérieur et aventureux imaginé par son complice, Eric Adam. Les scènes de combat deviennent partie intégrante du récit, ni chorégraphie gratuite ni éloge de la violence. Sentiments et contours des personnages exacerbés, c'est un Japon médiéval à la fois imaginaire et crédible qui s'offre au lecteur. « Les contes du 7ème souffle » ne magnifient pas seulement le samouraï dans ce qu'il a de plus éculé : la force, le sens de l'honneur, la fidélité. Au contraire, les auteurs cherchent à explorer comment un samouraï peut être amené à douter de lui-même et à chercher sa voie entre le code de conduite auquel il doit se soumettre et ce que lui dicte sa conscience.
Rien ou presque (Akarus) par Thierry Bellefroid
« Akarus, Tome 1 : Rien ou presque ». Par Pontarolo. Dans la collection Carrément BD des éditions Glénat.

La couverture est un appel à la lecture. Magnifique, mystérieuse et d'un équilibre esthétiquement irréprochable. Sans parler des couleurs très réussies. Pontarolo tient-il la distance sur les 50 planches de l'album ? La réponse est oui. Son univers, plus riche et plus attirant que celui de « Naciré et les machines » (Casterman), a un petit côté Schuiten/Peeters sans en faire trop dans la copie. Mais ses personnages jouent du burlesque au tragique en passant par le fantastique avec une aisance qui rappelle parfois davantage Bilal. L'enquête dans laquelle Akarus est plongée ne manque pas d'originalité ; le personnage central, Pyrho Khollys, de second degré ; les deux protagonistes féminines.. de sensualité. Cela n'empêche nullement l'auteur de dispenser ses petites pointes d'humour, ni de jouer avec le format carré de la collection pour nous ménager des planches superbes, alternant les points de vue, les grosseurs de plans et les trouvailles de décors ou de personnages. En tout cela, cette nouvelle série est à la fois la suite logique et bien plus qu'un « Naciré-bis ». La preuve que Pontarolo est un auteur singulier. Et doué.
« Le secret du sniper », tome 1 de Kookaburra Universe, par Crisse et Mitric. Chez Soleil.

Crisse est aux commandes, mais plus au dessin. Mitric (Arkéod), prend la relève, non seulement pour ce premier album parallèle, mais aussi en ce qui concerne la suite de la série, dont on attend le tome 4 en juin prochain. Personnellement, je trouve que le lecteur n'y perd pas. Sans être trop éloigné du dessin de Crisse, celui de Mitric gagne en fluidité par son côté moins maniéré. Pour le reste, replaçons cet album dans son contexte, qui est de développer dans cette collection parallèle à la série des one-shot permettant de raconter les origines des personnages. En cela, « Le secret du sniper » est une réussite. La question n'est pas de savoir si le scénario est à la hauteur de celui de la série. On ne compare pas une « saga » de plusieurs albums et un développement de personnage sur un seul. L'histoire tient la route et elle tient ses promesses, elle permettra même peut-être à certains d'accrocher à cet univers et d'avoir envie, ensuite, de lire la série-mère pour la première fois. On attend avec impatience le deuxième volume de Kookaburra Universe, puisque l'exploration du passé de Taman Kha sera confié à Ange et Paty, c'est-à-dire à une équipe totalement extérieure à la série. Peut-être la véritable surprise viendra-t-elle de ce choc des idées.
Palooka Ville par Thierry Bellefroid
« Palooka Ville », de Seth. Aux éditions du Seuil.

Les Dupuy-Berbérian creusent définitivement leur route en marge des Humanos. Non seulement ils ont rapatrié leurs séries chez Dupuis, non seulement Charles publie Cycloman chez Cornélius avec un Grégory Mardon jadis découvert dans la collection Tohu Bohu, mais en outre, le « nouveau » Seth paraît, préfacé par Berbérian, aux éditions du Seuil. Attention, en fait de nouvel album, il s'agit de la traduction française de récits antérieurs à « La vie est belle malgré tout », déniché par Dupuy et Berbérian en 98 et publié lui aussi à l'époque dans la collection Tohu Bohu.
Dans « Palooka Ville », deux épisodes très différents. Le premier ne m'a guère enthousiasmé que par le dessin. Le second, en revanche, raconte une expérience amoureuse contrariée entre un Seth encore presque boutonneux et une femme adultère au mode d'emploi très compliqué. Avec force détails sur la vie quotidienne des cuisines de l'auberge du phare et une belle galerie de personnages secondaires, Seth nous amène au bord du romantisme adolescent sans tomber dans la mièvrerie. Un beau moment passé en compagnie de ce dessinateur canadien dont la parenté avec Dupuy-Berbérian dépasse de loin le graphisme.
BD d'enfer - Renaud par Thierry Bellefroid
« Renaud, BD d'enfer », album collectif. Chez Delcourt.

« La bande à Renaud », album publié dans les années 80, était épuisé depuis longtemps. Jusqu'il y a un an, on pensait que Renaud l'était aussi. Et puis il y a eu ce « Boucan d'enfer » et son million d'exemplaires écoulé. Difficile de ne pas céder à la tentation d'y donner suite. Plutôt que de rééditer l'ancien album, Delcourt a choisi d'en reprendre une partie et de réactualiser le projet avec de nouvelles adaptations. On retiendra parmi celles-ci l'étonnante version de « L'entarté » où Rabaté achève le travail entrepris par Renaud et enterre définitivement BHL sous une épaisse couche de chantilly... et de ridicule. On relira avec plaisir quelques adaptations plus anciennes tout en se disant que le graphisme de ces auteurs a beaucoup évolué en un peu plus de quinze ans et que les placer côte-à-côte avec des travaux récents n'est pas toujours leur faire honneur. Plessix, Vicomte, Berthet, Loisel ou encore Jean-Claude Denis feraient sans doute bien mieux aujourd'hui. Il n'empêche, aucun n'a à rougir de figurer dans cette petite anthologie de Renaud en BD qui regroupe 22 chansons.
"Au temps de Botchan", tome 1. Par Natsuo Sekikawa et Jiro Taniguchi. Aux éditions du Seuil.

Nous voilà partis pour 1500 pages sur l'histoire de la littérature japonaise du début du vingtième siècle. Autant dire que le pari est de taille. Les éditions du Seuil commencent cette traduction avec un volume de 250 pages qui ne manque pas de qualités mais qui laissera perplexe plus d'un lecteur déjà séduit par les Taniguchi de Casterman. Il faut dire que l'entreprise de l'écrivain Sekikawa est ambitieuse. Surtout vu d'ici. Comment intéresser un public au processus de création d'un roman que l'on peut qualifier de culte au Japon et de presque inconnu sous nos latitudes ? Fort heureusement, il y a davantage que Botchan dans ce Botchan. Il y a tout ce mouvement intellectuel du début des années 1900, au Japon, qui s'est frotté à la culture occidentale et qui en est revenu. Intéressant, passionnant même. Mais ardu. Et plus encore à travers une lecture que l'éditeur propose dans le sens original, de la droite vers la gauche (ça conserve la saveur originale, et ça coûte moins cher que le travail de moine-copiste-traducteur-adaptateur commandé à Frédéric Boilet pour l'adaptation de « Quartier Lointain » !). Quant au dessinateur désormais reconnu chez nous comme le plus doué des mangakas « adultes et réalistes », il brille par son talent d'un bout à l'autre.
Banquise par Thierry Bellefroid
« Banquise », par Sylvain Ricard et Christophe Gaultier. Dans la collection Latitudes des éditions Soleil.

Révélé par Pierre Paquet en 2000 avec « Grise mine », Christophe Gaultier change de scénariste et de graphisme pour un premier album dans la toute nouvelle collection des éditions Soleil. Est-ce l'éditeur qui l'a poussé à davantage de lisibilité et de réalisme ? Peut-être. Maurad Boudjellal prend un risque en lançant cette collection (très) grand format dans un secteur où il est totalement absent depuis ses débuts. Il ne peut donc se permettre de ramer à contre-courant. A moins que Gaultier lui-même ait compris qu'on ne pouvait pas être un deuxième de Crécy et qu'il fallait qu'il trouve une voie plus personnelle et peut-être plus grand public pour permettre à son potentiel créatif de s'exprimer pleinement. Toujours est-il que le résultat ne manque pas de panache. « Banquise » frappe avant tout par sa cohérence chromatique, son dessin impulsif, « hanté », mais aussi débordant de vie. L'histoire de Sylvain Ricard est à la mesure de l'univers graphique de son dessinateur. Une bande de fous furieux débarquée d'un navire sème la mort et la terreur sur la neige immaculée de la banquise. Il y a quelque chose du Raspoutine de Pratt dans les personnages de ces fantômes vivants dirigés par Yllia Teponemko. Mais il y aussi quelque chose de l'album « Les ogres » de David B et Blain, que ce soit dans l'ambiance de cette BD ou dans certaines des cases où Gaultier noircit ses décors au crayon gras. Sans pousser plus loin les comparaisons, admettons que « Banquise » est aussi énigmatique qu'attirant et réussit une belle démonstration d'utilisation de l'informatique dans la mise en couleurs.
Piranèse. La planète prison par Thierry Bellefroid
« Piranèse, la planète prison ». Par Milo Manara. Chez Albin Michel.

A 57 ans, Manara se renouvelle en nous concoctant un space-opera à peine teinté d'érotisme (on ne se refait pas, il faut quand même qu'il y ait l'une ou l'autre scène où le dessinateur puisse se faire plaisir !). Mais s'il se renouvelle, on ne peut pas en dire autant de la BD. Son histoire paraît tout droit tirée des carnets de notes de Jodorowsky et Moebius. Une planète-prison où les rebuts de l'empire sont abandonnés avec un collier de contrôle autour du cou. Un peuple génétiquement modifié pour être transformé en troupeau paisible et obéissant, des déviants, une caste organisée au pouvoir. Tout cela n'est pas très neuf. Mais c'est suffisamment différent des derniers opus de Manara pour être salué avec un certain enthousiasme. D'autant que l'histoire ne manque pas de rythme et que quelques trouvailles intéressantes l'émaillent agréablement. Sans parler d'une héroïne forcément sensuelle à qui on refuserait difficilement une invitation à déjeuner... voire plus si affinités. Bref, une bonne surprise que complète une mise en couleur plutôt réussie.
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