Journal (4), « Les riches heures », par Fabrice Neaud. Chez Ego Comme X.
On peut difficilement nier le fait que ce Journal a ouvert une brèche dans la bande dessinée, jusque-là assez hermétique à toute expérience autobiographique « pure », dans l'esprit même de ce qu'est un journal de bord. Mais on peut aussi être tout à fait allergique à cette mise en pâture des sentiments, des gens rencontrés et des petites histoires vécues au quotidien. Pour ma part, je dirais que ce qui sauve Neaud d'un certain voyeurisme malsain, c'est tout simplement son talent. Et son honnêteté, peut-être.
Mais l'intérêt de ce quatrième recueil est sans doute à chercher ailleurs. Plus poétique, avec une magistrale scène d'entrée en Pays Basque, plus apaisé aurait-on envie de dire, il propose également une mise en abîme qui tient au fait que ce livre-ci raconte la période de publication du premier Journal de Fabrice Neaud. Des années 95-96 davantage tournées vers la création que vers l'onanisme, ce qui nous vaut des planches moins crues qu'à l'accoutumée et une série de « tronches » du milieu plus vraies que nature (Bajram, Bruno Maïorana, Xavier Lowenthal : 10/10. Mais on trouve aussi notamment Jean-Christophe Menu, Anne Barraou, Christophe Poot, Thierry Van Hasselt, Thierry Leprévost...).
Neaud est entré en « Journal » comme d'autres en religion. Sans concession, il trace une oeuvre en marge, à la fois totalement narcissique et tournée vers le monde. Même si le fait de choisir de nous raconter certaines choses plutôt que d'autres est un parti-pris qui peut s'avérer cruel, il n'épargne pas plus son propre personnage que les autres. Cette absence de pudeur peut agacer. Mais c'est elle qui donne le ton de ce Journal.