Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

« L'incrédule », tome 1 de la série « L'empreinte de Satan », par Maingoval et Ziane. Chez Glénat.

S'il fallait attribuer un prix au dessin le plus laid de l'année, cet album aurait toutes ses chances ! Au-delà d'une couverture d'un goût pour le moins discutable, c'est le festival des catastrophes qui attend le lecteur. Rien à sauver. A commencer par les couleurs, absolument hideuses et desservies par des effets informatiques ratés, comme à la page 44. Mais les proportions des personnages, leur mise en scène, les visages qui ne se ressemblent pas d'une case à l'autre, les fâcheries du dessinateur avec la géométrie ou l'anatomie humaine n'arrangent rien. A se demander si l'album est passé par les mains d'un directeur éditorial avant d'aboutir en librairie ! Sans compter que la lecture de ce premier tome ne récompense pas le lecteur qui aurait eu le courage de passer outre les faiblesses du dessin. Pourquoi Maingoval est-il allé se perdre dans cette histoire à cent lieues du bel univers d'Ada Enigma qu'il a développé par ailleurs ? Son scénario n'en est encore qu'à la mise en place et il est difficile de présager vers quoi il entraînera le lecteur. Mais il est loin d'être passionnant. Il ne suffit pas de sous-entendre quelques manipulations et de faire exploser des bâtiments de manière inexplicable pour susciter la curiosité et l'envie de lire. Les personnages sont désincarnés et l'histoire semble avoir été écrite au bazooka. Satan est-il le véritable instigateur de cet album ?
Chaos (Petit d'homme) par Thierry Bellefroid
« Chaos », tome 3 de « Petit d'homme », par Crisse et Michel. Chez Soleil.

Michel a beau faire, il est bien difficile de faire oublier le dessin de N'Guessan, créateur de la série. Dès la couverture, le lecteur de « Petit d'homme » qui attendait cette conclusion depuis longtemps se dit : quelque chose cloche. Ce quelque chose, c'est un dessinateur obligé d'entrer dans un univers qui n'est pas le sien. Le malaise persiste jusqu'à la fin, même s'il est évident que Michel fait tout ce qu'il peut pour le dissiper. L'action, heureusement, est plus dure et plus urbaine que dans les débuts de cette histoire actualisée des héros de Kipling. Cela convient mieux à Michel, formé à l'héroïc fantasy plutôt qu'à l'école Disney. Reste que la conclusion de cette trilogie ne surprendra pas grand monde : chacun retrouve sa place et l'ordre des choses, menacé un temps par le méchant Shere Khan, est rétabli grâce à Mowgli et les siens. On est loin du choc produit par le premier album, à la fois original et audacieux dans son approche des personnages du Livre de la Jungle. Ce qui ne veut évidemment pas dire qu'il faut se priver de la fin de cette histoire si vous avez lu les deux premiers tomes. Vous risquez seulement de rester sur votre faim.
Le singe électrique (IAN) par Thierry Bellefroid
« Un singe électrique », tome 1 de la série IAN, par Vehlmann et Meyer. Chez Dargaud.

Des histoires d'intelligence artificielle, la BD en produit des quantités astronomiques depuis des décennies. On pouvait donc craindre que celle-ci n'en soit qu'une de plus. L'excellent Fabien Vehlmann a pourtant su éviter l'écueil de la facilité ou de la redondance. Avec son robot capable d'émotion, il explore un genre de SF qui, à défaut d'être complètement novateur, s'écarte des sentiers les plus battus. D'autant que Ian est aussi remarquable par ses propriétés sensorielles et son intelligence hors pair que par ses défauts. C'est là que le scénariste fait la différence. Le lecteur se doute bien que le robot parviendra à convaincre l'armée de son utilité, mais il découvre très vite que ce ne sera pas en jouant les super-héros indestructibles façon Terminator. Ses émotions, IAN les découvre comme un enfant qui grandit. Sujet à des crises proches de l'épilepsie, maladroit par sa franchise mais touchant par sa sollicitude pour les plus faibles (la fin a beau être un peu fleur bleue, elle en est la parfaite illustration), IAN apparaît comme un héros intéressant à plus d'un titre. Vehlmann parvient en tout cas à nous intéresser à son destin. Quant au dessin de Ralph Meyer, il privilégie les aplats de couleur à l'ancienne et un encrage classique qui n'est pas, parfois, sans rappeler Luc Orient ou d'autres BD des années 60-70. J'ai beau préférer sa première œuvre (Berceuse Assassine, pour rappel), je dois reconnaître qu'il exécute ici un travail lisible et efficace à défaut d'être accrocheur.
« L'ombre de dieu », tome 1 de la série « Les chercheurs de trésors », par David B, dans la collection Poisson Pilote des éditions Dargaud.

Il faut avoir passé son enfance à explorer son monde imaginaire (comme l'a fait David B) pour inventer des univers aussi personnels et aussi riches. Dans la lignée de ses meilleurs récits (« Le Capitaine écarlate », entre autres), David B explore l'étrange sans que l'on sache jamais si l'on peut parler de fantastique. C'est que son travail échappe aux genres, aux classifications. Grâce au contexte choisi -Bagdad, la ville des Mille et Une Nuits-, l'auteur développe un univers de contes et légendes qui en remontre aux concepteurs d'héroïc fantasy à la petite semaine. Même s'il n'est pas le premier à se pencher sur le thème de la disparition des ombres de ses personnages, il donne à ces prémices une signification nouvelle, un développement à la fois érudit, fantasque et aventureux. Un univers qui explore à la fois les événements métaphysiques du scénario, mais aussi le trouble langage des âmes. Ajoutons-y l'un ou l'autre personnage plus fort, comme le bourreau de Bagdad, des créatures extravagantes et surtout, un dessin somptueux, jouant constamment sur les ombres (forcément !), brillamment enluminé ou étonnamment découpé selon les besoins du récit. Vous l'aurez compris : il ne manque rien à ce premier tome. Rien... sinon une suite !
Cases départs par Thierry Bellefroid
« Cases départs », album collectif paru aux éditions Petit à Petit.

Les éditions Petit à Petit ont construit leur catalogue et leur réputation sur des albums collectifs thématiques souvent confiés à des débutants, ce qui permet d'ailleurs à ceux-ci, au bout de quelques années d'existence, de commencer à voler de leurs propres ailes. Pour une fois, ce n'est ni un poète, ni un chanteur que célèbrent les auteurs de ce recueil, mais un aéroport. En partenariat avec les Aéroports de Paris, un petit livre autour de la salle d'embarquement et des pistes qui fait la part belle à quelques signatures prestigieuses. Moynot, Rabaté, Bézian, Gibelin, Dumontheuil, Labiano, Yoann, Pendanx, Peyraud, Revel et quelques autres ont accepté de participer à l'aventure. Chacun dans son style, ils dépeignent en quelques pages les réalités tantôt drôles tantôt quasi didactiques de l'aéroport et de ses dépendances. La niveau est très inégal, mais la constante, c'est l'impossibilité d'installer de bonnes histoires en quatre planches, d'autant que c'est le même scénariste, Olivier Ka, qui a composé chaque histoire. S'il s'est manifestement adapté aux univers de ses dessinateurs, il n'empêche que ses scénarios ne sont pas toujours dignes d'eux. Dommage, une carte blanche aurait sans doute donné de meilleurs résultats.
Maléfices (Dies Irae) par Thierry Bellefroid
« Maléfices », tome 1 de « Dies irae », par Max, Mercier et Seiter. Chez Casterman.

Isabelle Mercier-Seiter et Roger Seiter ont concocté un scénario qui ne manque pas de souffle, mais qui aurait gagné à un être un rien plus nuancé. Théo est un jeune ado que la vie n'a pas gâté. Et à qui la chance sourit du jour au lendemain, grâce à un grimoire magique -ou plutôt maléfique- acquis par l'intermédiaire de son vieil ami brocanteur. Mais la chance ne se partage pas. Théo va découvrir que beaucoup de gens autour de lui semblent payer pour son bonheur. A mélanger la « satire » sociale et le récit fantastique, Isabelle et Roger Seiter perdent peut-être un peu de leur fraîcheur. Qu'importe, les auteurs ont choisi de frapper les imaginations. Pour cela, ils ont confié leur histoire à Maxime Thierry, le dessinateur. Son dessin semi-réaliste n'est pas follement enthousiasmant, situé quelque part entre Tito, Grégory Charlet et Constant, mais il a l'avantage de servir parfaitement le climat de l'histoire. Une histoire bien construite, qui s'achèvera avec le deuxième volume et qui devrait séduire un large public puisqu'elle exploite des thèmes forts sur un rythme de thriller bien maîtrisé.
« Les chasseurs de l'aube », par Hausman, chez Dupuis, dans la collection Air Libre.

René Hausman est un grand dessinateur, il faudrait être aveugle pour affirmer le contraire. Plus présent sur le terrain de l'illustration que sur celui de la BD, ses rares incursions dans le neuvième art se limitent depuis quelques années aux albums qu'il réalise dans la collection Aire Libre. Cette fois, l'Ardennais assure le scénario en plus du dessin et part aux sources de la vie humaine, dans cette préhistoire des Tounga de notre enfance. Le dessin est évidemment somptueux. L'écriture est délicate, sauf lorsque l'auteur fait dialoguer ses personnages dans un sabir peu évolué (préhistoire oblige) qui fait penser aux vieilles histoires de Peaux-Rouges. Personnellement, ça m'a un peu gâché le plaisir. Que dire de l'histoire elle-même ? Qu'elle est finalement fort ténue et pas vraiment accrocheuse. Que le lecteur a du mal à comprendre qui est qui et qui fait quoi, du moins dans le premier tiers du récit. Que le climat est sans doute plus important que l'histoire elle-même et que René Hausman, pour ces raisons, n'a malheureusement pas réalisé un chef d'œuvre avec ces « Chasseurs de l'aube ». Ce qui ne veut pas dire qu'il faut passer à côté de ce bel album ouvragé comme la nappe d'une dentellière.
Tina's groove par Thierry Bellefroid
« Tina's groove », par Rina Piccolo. Aux éditions de La Sirène.

Sous-titré « Amour et hamburger », ce délicieux livres de gags à l'américaine met en scène une serveuse célibataire, Tina, qui nous change des clones de Bridget Jones et autres Ally Mc Beal. Tina est bien sans sa peau, merci, elle ne chasse pas le moindre gramme superflu et ne se lamente pas sur son célibat. Avec esprit et légèreté, elle sert des clients qui la prennent souvent pour une cruche. Elle ne cherche pas forcément à les dissuader, même si elle n'en pense pas moins. Une petite méprise par-ci, un petit rencard par-là, c'est la vie au quotidien qui s'égrène autour du Pepper's diner ,finement croquée par Rina Piccolo. On sourit plus souvent qu'on rit aux éclats, mais cette chronique douce-amère de l'Amérique côté cuisine (et côté cœur) est plus réussie que nombre de strips prépubliés dans nos journaux sans grande considération pour le lecteur.
L'arbre génialogique par Thierry Bellefroid
« L'arbre génialogique », par Gauckler. Aux éditions de L'An 2.

Geneviève Gauckler nous a pondu là un véritable OVNI, tracé en silhouette sur Illustrator, sans cases ni phylactères, jouant sur les formes et l'inventivité graphique. L'idée de départ est ludique : raconter en près de cent pages comment une multitude de petites puces se sont accouplées pour donner naissance à une multitude encore plus grande de rejetons. Pas de contrainte, tout est permis d'une génération à l'autre. L'auteur s'amuse à inventer des rencontres improbables, à décimer des portées entières, à mêler les formes pour en créer de nouvelles. C'est drôle, étonnant, parfois un rien lassant sur la longueur mais suffisamment en marge de ce qu'on voit dans la BD standardisée d'aujourd'hui pour mériter une lecture.
« Vedette de la chanson », tome 2 de Zizi la Chipie. Par David De Thuin et Florence Sterpin. Chez Casterman.

Il signe tantôt Deth tantôt De Thuin, mais la qualité est toujours au rendez-vous. Plus à l'aise finalement dans le registre purement enfantin que dans les Zorilles, De Thuin travaille vite (il mène de front « Arthur Minus », « Zizi la chipie » et « Zélie et compagnie », qu'il publie dans une revue des éditions Bayard sur scénario de Corbeyran) et campe des univers singuliers, caractérisés par ce dessin enlevé, très brut, qu'il affectionne. Avec Florence Sterpin au scénario, le résultat est encore meilleur que dans l'exercice en solo (« Arthur Minus » est en effet sa création de A à Z) ; personnages et dialogues sont ciselés avec humour, intelligence et ce brin d'impertinence qui ne prend pas les enfants pour des cons. Ce deuxième volume de la série « Zizi la Chipie » l'illustre parfaitement. Non seulement, l'héroïne y porte bien son nom, mais en plus, elle part en guerre contre les starlettes préfabriquées de la télé-réalité avec un mélange de candeur, de ténacité et de conviction qui l'amènent à remettre Aznavour au goût des cours de récré. Tout cela est réjouissant, léger, joliment dialogué, moral sans être moralisateur, tout public dans le meilleur sens du terme car les adultes s'amuseront autant à la lecture de cet album que les plus jeunes. Bref, de la BD pour enfant comme on aimerait en voir tous les mois !
Les jumeaux (Le 36ème Juste) par Thierry Bellefroid
« Les jumeaux », tome 1 de la série « Le 36ème Juste », par Dumouilla, chez Paquet.

Après une BD peu remarquée -mais dont nous avions dit beaucoup de bien sur BDP-, Franck Dumouilla se lance dans sa première BD entièrement en solo (si l'on excepte les couleurs assurées par Mikhael Allouche). Lui-même passionné par la Kabbale, l'auteur a décidé de conter le destin extraordinaire d'un Juste que la mystique judaïque doit révéler à lui-même au travers d'un inévitable parcours initiatique. Le début de l'album peut paraître un peu difficile d'accès ; surtout la présence de ces jumeaux au bec d'oiseau dont l'un est le futur élu. Mais plus on avance dans ce récit sensible, plus on est touché par la grâce qui s'en dégage. Les personnages sont très humains, le couple formé par Omraam et Rivca est attachant. On est à la fois dans le récit mystique, initiatique, et dans l'aventure ou le romanesque. La fable politique, elle, est peut-être un peu moins réussie, tracée à trop gros trait. Mais l'ensemble dégage une belle impression, en dépit d'un dessin qui n'est malheureusement pas le point fort de l'auteur. Souvent figé, parfois trop vide ou trop peu expressif, il risque d'être un frein à la diffusion que mérite ce bel album.
Space vaudeville par Thierry Bellefroid
« Space vaudeville », une aventure de Pad Bowlman, par MO/cdm. A La Sirène.

Des histoires de femmes, d'amants et de maris, ce n'est pas ce qui manque dans la littérature et principalement dans le théâtre. A tel point que le genre théâtral « vaudeville » fait rire des générations de spectateurs depuis des siècles sans jamais réussir à les lasser. Alors, pourquoi pas adopter la même recette en BD ? MO/cdm, auteur de la série de gags de Matmatou à La Sirène a toutefois réussi à ne pas transposer « bêtement » Eugène Labiche en BD. Mais il a bel et bien capté l'essence de ce genre de divertissement léger basé sur le quiproquo en le confrontant ici à un univers de SF déjanté qui tient plus de Fluide Glacial que de Valérian. Le résultat est tout bonnement hilarant ! Même s'il y a quelques baisses de régime, la lecture de cet album procure le même bonheur jouissif et décalé que celle, pour citer un exemple récent, du Supermurgeman paru aux Requins Marteaux. Des albums comme ceux-là, qui transcendent les genres pour le plaisir de faire rire, ne sont pas si courants et surtout, ils sont souvent ratés. Celui de MO/cdm respire le bon air qui doit passer entre les cloisons de son cerveau à chaque fois qu'il se met devant sa table à dessin. C'est du délire, mais un délire canalisé, que seule une fin un peu expéditive et pas très intéressante vient tempérer.
Souriez, vous êtes radié par Thierry Bellefroid
« Souriez vous êtes radié », par Ness, chez Albin Michel.

Pas facile de prendre la succession des maîtres de l'humour que sont Reiser et Vuillemin. Si le premier nous a quittés il y a un temps certain, le second est toujours là et produit d'excellents albums, ce qui rend encore plus téméraire l'album de Ness. Car il est impossible de déguster sans comparer. Le trait a beau être différent, la filiation est évidente. Pourtant, Ness s'en sort avec mes honneurs. Son humour « social » fait mouche, tout comme le firent l'an dernier Guerse et Pichelin avec leur « Les losers sont des perdants ». La thématique est identique : ANPE, RMI et piliers de comptoir. La différence est sans doute dans le traitement de Ness, plus porté sur la méchante caricature des fonctionnaires et de l'ANPE. La couverture est en soi tout un programme, elle annonce ce que vous allez trouver à l'intérieur. Avec une férocité en éveil constant, Ness passe à la moulinette ces soi-disant bureaux d'accueil où l'on vous cherche un boulot. Il met tout le monde dans le même sac, trucidant en arrière-plan la politique de droite du gouvernement Raffarin, l'état sécuritaire, le quasi-fascisme de l'administration. C'est loin d'être toujours léger, mais on se marre et de temps à autre, on reconnaît quelqu'un. Le pari est gagné.
Flaschko par Thierry Bellefroid
« Flaschko », par Mahler, à L'Association.

Le dessin minimaliste de Mahler est de retour à L'Asso, mais cette fois, en grand format et en bichromie, sil vous plaît. Soit orange, soit bleue, la bichromie, ça habille joliment cet univers totalement dénué d'éléments de décor où évolue (sic) Flaschko, l'homme dans sa couverture chauffante. L'occasion de développer des strips presque immobiles, basés essentiellement sur le dialogue entre le personnage principal emprisonné à vie dans sa couverture chauffante et sa maman, quand il ne s'agit pas plutôt de pur soliloque. Absurde, féroce parfois, le petit monde de Flaschko se résume à passer le temps en s'apitoyant sur son sort ou en houspillant sa pauvre mère. Mais celle-ci n'est pas que le souffre-douleur de son fils, elle égrène les scènes de ses réflexions désabusées, qu'elle tient en aparté... Un couple très drôle, totalement improbable mais qui prouve une fois de plus que Mahler n'a besoin de presque rien pour planter un univers, faire rêver ou rire son lecteur. Deux traits sur une feuille lui suffisent. Une leçon d'économie d'énergie.

Moloch par Thierry Bellefroid
« Moloch », par Michael Matthys. Au Frémok.

Dans la veine des ouvrages réalisés par ce qu'on pourrait appeler l'école Fréon, qu'il s'agisse de ceux de Vincent Fortemps ou de Thierry Van Hasselt, voici un livre audacieux, difficile d'accès et magnifique, qui se lit comme un livre de photographie. Normal, voudrait-on dire, puisque le matériau de base de Michael Matthys est la photo. Une photo retravaillée et mise en continuité, en séquences, pour introduire une narration là où le livre de photographie et l'exposition d'œuvres se contentent de l'évocation. Une plongée dans la chaleur d'une usine où le feu et l'acier induisent généralement des couleurs proches de l'orange vif. Ici, le gris et le blanc sont le seul conducteur, mais le lecteur n'a pas pour autant l'impression d'une désincarnation du monstre industriel. Au contraire, il faut se plonger dans ce livre pour ressentir l'oppressante poussière, la chaleur étouffante de l'endroit et son implacable dureté. Dès la couverture, on est pris par la beauté singulière de ce décor pourtant infernal. Matthys est parvenu à transcender les lieux pour en tirer toute l'essence esthétique, ou artistique. Mais la visite guidée n'est malheureusement pas très scénarisée. L'histoire ne captive pas, elle est d'ailleurs un prétexte à une mise en abîme de l'auteur qui, pour ainsi dire, se regarde regarder l'usine. L'objet est donc beau, très beau, mais trop premier degré pour mener au véritable frisson. Peut-être eût-il mieux valu que Michael Matthys en confie la rédaction à un véritable scénariste, voire, pourquoi pas, à un auteur de littérature. Dommage.
L'enfant loup (Légende) par Thierry Bellefroid
« L'enfant loup », tome 1 de « Légende », par Swolfs, chez Soleil.

C'est une constante dans l'œuvre de Swolfs, ses univers ont toujours un petit air de déjà-vu. Celui-ci n'échappe pas à la règle, mais l'auteur de « Durango », de « Vlad » et du « Prince de la nuit » (entre autres) parvient cette fois à donner un véritable souffle à sa nouvelle saga. Narrée par l'un des protagonistes de l'histoire, Aelred de Hilseim, l'histoire de celui qu'on a appelé « Le chevalier errant » (ça aussi, ça a un petit air de déjà-vu) nous emmène dans la fureur médiévale sur les traces d'un enfant abandonné par sa nourrice alors que toute la milice de son oncle « Matthias le Sec » est à ses trousses. Un récit mené tambour battant par un Swolfs qui semble avoir trouvé un univers à la mesure de ses envies de dessinateur. Emporté par son élan, l'auteur nous fait oublier que des histoires d'enfant pourchassé par l'usurpateur d'un trône, on en raconte depuis l'antiquité. Swolfs n'a jamais eu la prétention de faire autre chose que de la BD populaire. C'est peut-être avec « Légende » qu'il le fera le mieux. Son dessin, très proche de celui du « Prince de la nuit », semble trouver dans le mélange d'ambiances médiévales, de trognes de méchants (à commencer par le sulfureux conseiller du roi usurpateur) et de forêts profondes, le terreau qui lui convient le mieux. Les couleurs manquent parfois un peu de nuances mais comme le reste ne fait pas forcément dans la dentelle non plus, on passe aisément outre et on se laisse faire par ce récit ultra-classique mais bien raconté.
Le chant de la Mer (Akameshi) par Thierry Bellefroid
« Le chant de la mer », tome 1 de « Akameshi », par Gualdoni et Turconi. Chez Soleil.

Dès les premières pages, le dessin tout en clarté et en finesse de Stefano Turconi installe l'ambiance. Le Japon médiéval est stylisé à la manière d'un dessin animé, avec des couleurs pastel privilégia nt le rose, le jaune et le bleu. Le vieux compagnon de voyage d'Akameshi a une bouille craquante et l'action se met très vite en place. Les légendes font surgir de terre (et même plus souvent de l'eau) des créatures que le crayon du dessinateur possède bien. L'humour est toujours présent, sans jamais voler la vedette à une certaine sensualité qui s'exprime tout au long de l'album. Des ingrédients qui permettent au lecteur de se laisser porter par une intrigue de fantasy finalement très classique mais que la poésie de l'univers posé par les auteurs rend attachante.
Les 110 Commandements (Focu) par Thierry Bellefroid
« Les 110 commandements », Album Zéro de la série Focu. Par Diego Aranega. Chez Paquet.

Ceux qui ont lu les premiers gags de Focu parus chez Paquet savent à quoi s'en tenir. Cet album Zéro est dans la même veine, Diego Aranega ne semble pas en panne d'inspiration. Le principe est d'une simplicité déconcertante, c'est une variation sur le célèbre thème « ne dites pas... dites plutôt... ». Evidemment, il ne s'agit pas ici de leçon de français. Comme son nom le laisse entendre, Focu est le roi de la formule qui ne fâche pas. Cent dix fois de suite, il se trouve confronté à un interlocuteur à qui il va superbement enrober le fond de sa pensée. Cela donne des choses comme ceci :

Tu ne diras pas « il était dégueu ton repas », tu diras plutôt « tût tût, la prochaine fois, c'est moi qui cuisine ».
Ou...
Tu ne diras pas « t'as une maxi-crotte de nez sur la cravate », tu diras plutôt « toi, même en costard, tu fais décontracté ».
Ou encore ...
Tu ne diras pas « c'est ignoble comme t'as les dents jaunes », tu diras plutôt « ton sourire, c'est un vrai rayon de soleil ».

Vous avez compris le truc, avec deux personnages sur un fond blanc et une petite phrase bien sentie, Diego Aranega élève le faux-cul au rang de héros de BD. Mais on se demande combien d'albums il pourra tenir sans lasser son public.
« Encore un et ils seront plus nombreux que nous ! », tome 12 de la série Bébé Blues, par Kirkman et Scott. Chez Hors Collection.

La famille a toujours inspiré les dessinateurs de BD d'humour et certains y ont trouvé le matériau de véritables bijoux du neuvième art, comme Roba et dans une certaine mesure Zep. Kirkman et Scott ne sont pas en reste. Depuis plusieurs années, leurs gags sur le premier âge sont délicieusement tendres et parfaitement justes. Daniel et Wanda accueillent dans cet album leur deuxième enfant, ce qui renouvelle le genre et permet d'inventer une foule de situations montées en strip comme des diamants sur un sautoir. Rien à dire, le niveau ne faiblit jamais et il est difficile de ne pas succomber à ces histoires universelles de mère débordée, de père qui fait semblant de l'être et d'enfants qui empoisonnent les rares moments de calme de leurs parents. Chaque mot est à sa place, chaque case comporte ce qu'il faut d'éléments, jamais trop, jamais trop peu. La résultat, c'est que non seulement « Bébé Blues » est drôle, mais qu'en plus, c'est un véritable modèle d'humour dans la concision, ce qui est sans doute la quintessence de l'art. Car faire rire en trois ou quatre cases est bien plus difficile que de le faire sur la longueur d'une planche.
L'ensexyclopédie par Thierry Bellefroid
« L'ensexyclopédie », par Bercovici et Thiriet. Chez Albin Michel.

Voilà ce qu'on appelle un livre de vacances pur jus. Avec une couverture qui rappellera dangereusement une autre série assurée par Berco chez Dupuis, un petit format à l'italienne qu'on trimballe facilement dans ses bagages et une thématique aussi légère que le tissu de bikini d'un mannequin anorexique (je sais, c'est un pléonasme...), ce livre a tout pour squatter les présentoirs de l'été. Mais dedans, tient-il ses promesses ? Disons que les gags sont très inégaux, certains jouant simplement sur la chute, d'autres développant davantage l'humour sur la durée, en jouant sur les dialogues ou les situations. De toute façon, le lecteur est prévenu : le titre est suffisamment explicite pour savoir ce qu'on trouvera à l'intérieur. Des dragueurs, des nymphos, des frustrées, des peine-à-jouir, des lourds et des cocus... Mais il y a aussi des Père Noël, des participants à une version revisitée du Millionnaire, des réunions tupperware d'un genre un peu particulier, des intellos de l'amour et des élèves en plein travaux pratiques. Bref, la panoplie est complète.
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