Exit (Exit) par Thierry Bellefroid
non, je viens de relire « Exit » de Bernard Werber et Alain Mounier, paru chez Albin Michel.
J'avais lu « Exit » à sa sortie, il y a quelques mois et beaucoup apprécié cette incursion du romancier dans la BD. Je viens de le relire, afin d'affiner mon jugement. Il est particulièrement rare que des auteurs de romans se « commettent » dans la bande dessinée. Certains y perdent une part de leur crédit, comme l'excellent Didier Van Cauwelaert, prix Goncourt et auteur à succès (lire son dernier roman, qui vient de paraître : « La demi-pensionnaire »... magnifique ! ) qui n'arrive pas à donner toute sa mesure dans « Vanity Benz », chez Dargaud. D'autres, comme Werber, commencent par adapter leurs propres oeuvres, ce qui fut le cas avec « Les fourmis : la BD » ou supervisent l'adaptation de leurs romans comme Paul-Loup Sullitzer.
Bernard Werber a connu le succès d'emblée, avec sa série de romans sur les fourmis. Ensuite, il a encaissé un cuisant (et injustifié) échec commercial (« Les Thanatonautes ») avant de renouer avec le succès en librairie ( re-fourmis, quatrième du nom. Et plus récemment, « Le Père de nos pères »). Tous ces romans sont parus chez Albin Michel. C'est chez Albin aussi qu'il publie ce premier scénario 100% BD, mis en image par Alain Mounier, le dessinateur de « Dock 21 » (avec Rodolphe). Et disons-le d'emblée : Werber n'a pas à rougir de ce premier essai.
« Exit » est un véritable thriller. Il l'est même un peu trop. Car -sans la dévoiler-, je peux vous dire que la fin est une véritable torture. Rarement, la dernière case d'une BD m'aura causé pareille frustration ! En l'absence de descriptions, toute la science du romancier doit tenir en BD dans les dialogues et la charpente de l'histoire. Si l'on prend le synopsis, l'idée d' « Exit » est tout simplement géniale. Une organisation occulte prend en charge le suicide de ceux qui ont assez vécu et « qui ne veulent pas rater leur sortie ». Modernité oblige, cette organisation nommée Exit sévit sur le net où elle recrute ses nouveaux adeptes. Amandine, héroïne moderne, intelligente et indépendante va se laisser tenter, avant de tout faire pour échapper à la mort qu'on lui promet. Le lecteur est pris au piège. Ferré dès les premières pages, il dévore l'album jusqu'à la dernière case, car les surprises sont nombreuses et l'action ne faiblit jamais, tout en ne se contentant pas de se cantonner à la course-poursuite entre tueurs et future victime. Quant aux dialogues, ils sont efficaces, bien ciselés et servent magistralement l'action.
Alors, où est le défaut de la cuirasse ? Relire l'album suffit à mettre le doigt dessus. Il y a beaucoup d'invraisemblances dans cette histoire. Comment l'organisation sait-elle qui a « suicidé » l'un des noms de la liste puisque chacun peut choisir au hasard sa future victime dans cette liste ? Comment un site « sos.déprime » peut-il mener aussi vite et sans filtres à une proposition de type « Exit » ? Comment le « tueur » retrouve-t-il sa victime quand celle-ci se trouve sur une route de campagne, entre Paris et la Normandie ? (quoique... ici, l'auteur laisse la possibilité d'un traçage des communications téléphoniques puisque Amandine reçoit un appel sur son portable juste avant l'attentat) Bref, Exit est palpitant, à condition d'accepter la règle, de jouer le jeu et de ne pas vouloir tout expliquer. A cette condition, vous serez comme moi embarqué en deux temps trois mouvements dans cette galaxie aux ramifications mondiales qui promet quelques beaux épisodes en perspective.