Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

Aidan (Le Poisson-Clown) par Thierry Bellefroid
« Aidan », tome 3 de la série « Le poisson-clown », par David Chauvel et Fred Simon, paru dans la collection « Sang-Froid » des éditions Delcourt.


Comme il l'avait fait dans « Les enragés », David Chauvel nous ménage dans cet album une petite révélation sur le passé de l'un des personnages clé du récit, en l'occurrence l'inspecteur Codikow, ripou avéré qui tirait son épingle du jeu à la fin du tome deux. Il nous propose surtout de poursuivre l'incroyable saga d'une valise de diamants et de l'antihéros, Happy Wimbush , le hors-la-loi le plus gentil, le plus serviable et le plus niais que l'histoire de la BD nous ait présenté dans une série réaliste. Car c'est sans doute ce qui fait l'originalité et la force de cette série. Elle nous propose de suivre les tribulations d'un sympathique imbécile sur un mode qui, lui, n'a rien à voir avec la BD d'humour. Au contraire, « Le poisson-clown » a bien sa place dans la collection « Sang-Froid ». Action, coups tordus, polar et poursuites sont au rendez-vous depuis la première heure. Et ça ne faiblit pas.

Chauvel s'est amusé à imaginer un sacré sac de noeuds autour de cette valise de diamants convoitée par la mafia. On ne compte plus le nombre de poursuivants qu'Happy traîne à ses guêtres, tous mus par des motivations diverses. Et ça fonctionne parfaitement. Non seulement on ne s'ennuie pas un instant dans ce troisième album -pas plus que dans les précédents-, mais en outre le scénario ne se contente pas d'égrener les coups de théâtre. Les personnages principaux -à commencer par Happy- sont bien campés et leurs motivations tout à fait plausibles. C'est sans nul doute dans ce genre d'exercice qu'excelle le plus Chauvel (et je n'écris pas ceci parce qu'il fait partie de ces auteurs qui lisent ces chroniques sur bdparadisio sans toujours être d'accord avec ce qui y est dit !)

Au dessin, le vieux complice Fred Simon. Pas de grands changements depuis le début de ce « Poisson-clown », il continue de dessiner des personnages qui ont un petit côté « magazine Spirou » sur fond de décors réalistes, correspondant ainsi parfaitement à la dichotomie du scénario décrite plus haut. Les deux compères semblent d'ailleurs prendre plaisir à jouer sur ce mélange des genres puisqu'ils ont « baladé » Christina Nicieza en costume de Blanche-Neige sur deux moitiés d'albums, alors qu'il s'agit de l'un des protagonistes les plus retors de la série. Autant dire que s'il venait l'idée à Fred Simon de dessiner ses personnages dans un style parfaitement réaliste, « Le poisson-clown » perdrait sans doute quelque chose.

Un mot quand même de ce tic dont il semble se défaire et qui était particulièrement visible dans « Rails ». A quelques rares exceptions près, cet album ne contient plus de personnages avec ce menton remontant en « o » jusqu'au nez comme un masque de chirurgien. Au contraire, Fred Simon propose aujourd'hui un traitement net, et très lisible de ses personnages. Tant mieux !

PS. Une question, comme ça, qui m'obsède : qui a réparé le talon cassé de Debbie, dans le tome deux ?


La momie scandaleuse (La Vache) par Thierry Bellefroid
« La momie scandaleuse », 8ème album de la série « La Vache » de Johan De Moor et Stephen Desberg.


Sacré De Moor, il continue son petit bonhomme de chemin en dehors des modes, des querelles d'écoles et des plans marketing d'éditeurs. Fidèle à sa Vache comme à Casterman, il nous propose un huitième opus qui constitue un véritable régal visuel et n'est rien d'autre qu'un OVNI dans le monde de la BD actuelle. Johan peut se vanter de n'être imité par personne, voire... d'être tout simplement inimitable. Dommage pour lui que ce talent n'ait toujours pas explosé au grand jour et reste confiné à de trop rares amateurs, principalement belges.

Il y a dans cet album une fraîcheur que les auteurs m'avaient semblé perdre avec « Les tigres de papier ». L'histoire joue constamment du second degré et manie l'humour à toutes les pages, dans un savant aller-retour entre texte et dessin. L'album est ultra-référentiel, chaque page étant l'occasion d'une allusion plus ou moins fine aux mondes de la BD ou des arts. Certaines n'échapperont à personne (Le « damned & by jove » prononcé par une silhouette à la pipe au Zamalek Garden Café, planche 24 qui rappelle Blake et Mortimer comme le fit récemment André Taymans dans « Les filles d'Aphrodite »... le thème est décidément à la mode). D'autres sont plus subtiles, comme ce paysage breughelien (avec pylône électrique) en haut de la planche 6. Sans compter des traits d'humour que ne comprendront que les Belges parlant le flamand... Ainsi, l'interjection écrite en lettres arabisantes à la planche 9 « Möhwadesdeh » rappelle furieusement une expression de patois flamand dont la traduction française signifie : mais qu'est-ce que c'est ? Ou encore ce « amaï amaï amaï » que crie le guide égyptien à la planche 4 et qui est lui aussi une expression typiquement flamande, malheureusement intraduisible, celle-là. Que nos amis Français se rassurent, il y en a pour eux aussi. Exemple, cette scène de transport de bestiaux où les vaches chantent en chœur le « Aïcha » de Khaled (planche 20).

Et puis, il y a l'humour visuel (la scène des vaches, encore elles, qui découvrent le taureau « scandaleux » aux planches 22-23, génial) et ces profanations irrévérencieuses qui donnent lieu à d'excellents moments, comme à la planche 32 où l'on découvre le Sphinx et les pyramides barbouillés d'inscriptions à la peinture : « Akhénaton, roi des cons » et « Tous des pédés », commentaires laissés à dessein par le fameux taureau qui règle ses comptes avec l'Egypte antique avec quelques siècles de retard. Tout cela est excellent, inattendu, furieusement bien dessiné par un De Moor au mieux de sa forme (les décors sont magnifiques !) et servi par un scénario bien enlevé. Si vous ne devez lire qu'un album de la série, autant que ce soit celui-là !
Une chose est sûre, quelles que soient les qualités intrinsèques de cet album, il aura fait parler de lui dès avant sa sortie. Présenté comme un événement, porté par la notoriété de Juillard et par l'anecdote « du directeur éditorial qui avait remis son projet de scénario de manière anonyme et l'avait emporté par ses qualités sans faire usage de son statut dans la maison... »(1), « La machination Voronov » que certain collègue malveillant mais caustique a définitivement rebaptisé « La machine à sous Voronov » n'est pas loin de provoquer un séisme médiatique. Et quelques jours à peine après sa sortie, cet album que tout le monde semble avoir lu fait déjà l'objet d'âpres disputes entre critiques, journalistes spécialisés ou simples aficionados. Bref, un objet de discorde dans les ménages.

Alors, faut-il qu'à mon tour je me jette dans l'arène des « pour » ou dans celle des « contre » ? J'avoue être un peu las de ces discussions sur l'héritage de Jacobs, sur la question de savoir si la barbe du professeur Mortimer est bien dessinée ou encore sur l'intérêt de revenir à la période de la guerre froide. Mais, comme je viens de lire cet album et comme la chronique que vous lisez en ce moment s'intitule « je viens de lire », mon job est de dire ce que j'en ai pensé.

L'histoire, d'abord. Classique récit d'espionnage, de savant fou et de complot « mondial » déjoué par de valeureux héros sans peur et sans reproche, elle n'est ni mauvaise ni extraordinaire. Mais elle me semble presque plus proche de l'univers du Guy Lefranc des débuts que de celui de Blake et Mortimer. L'auteur tire finalement assez peu parti du côté « britanissime » de la série, pas plus qu'il ne situe l'histoire dans un contexte d'anticipation scientifique qui est pourtant la marque de fabrique de Jacobs. C'est donc une histoire d'espionnage traditionnelle, avec des bons très bons et très courageux (y compris -enfin !- une femme) et des méchants très méchants et sans scrupules. Avec des échanges de prisonniers à la frontière allemande et des agents qui passent un peu trop facilement les frontières au nez et à la barbe de ceux qui les recherchent sur tout le territoire de l'ex URSS.

Le dessin, ensuite. Je n'ai pas envie d'entrer dans la polémique. Je dirai simplement que Juillard fait mieux du Juillard qu'il ne fait du Jacobs. Quand un dessinateur possède un tel talent, on a forcément l'impression qu'il le gâche à vouloir se couler dans le style d'un autre qui, du reste, n'est pas du tout le sien. Ca sent le travail, pas toujours heureux, mais souvent très honnête. Mais ça reste moins convaincant que Ted Benoît.

Enfin, le style. C'est là que j'ai le plus de réserves. Que l'on continue à faire vivre Blake et Mortimer, soit. Mais qu'au nom d'une certaine nostalgie (qui fleure bon les acheteurs potentiels de trente à soixante ans !) on se sente obligé de pratiquer de la BD dans un genre qui n'a plus cours depuis au moins trente ans, ça me dépasse un peu. Faut-il à tout prix que chaque phylactère menace de tomber sur les personnages tant il est lourd de phrases inutiles et littéraires ? Faut-il continuer à indiquer au-dessus de chaque case, dans des récitatifs tout aussi inutiles, ce que le dessin nous montre par ailleurs ? La BD a évolué. Serait-il sacrilège de rendre Blake et Mortimer lisibles et digérables ? Car si le but est non seulement de continuer à vendre des albums aux nostalgiques qui ont tant aimé la série, il est aussi de se faire un nouveau public. Mais comment un jeune lecteur -même « éduqué » à la lecture des BD de ces vingt dernières années par ses aînés- peut-il avoir envie de se plonger dans un album pareil ? La question est posée...


(1)Pour ceux qui l'ignoreraient encore, Yves Sente est en effet l'actuel directeur éditorial des éditions du Lombard en plus d'être le scénariste de « La machination Voronov ».
La planète (Bételgeuse) par Thierry Bellefroid
"Betelgeuse", Tome 1 : "La planète", par Léo, chez Dargaud.

C'est avec beaucoup de plaisir que j'ai retrouvé les protagonistes de la série "Aldébaran" dans ce nouveau cycle baptisé "Bételgeuse", du nom de la planète qui en sera en quelque sorte l'héroïne. "Aldébaran" nous a montré que Léo était beaucoup plus qu'un simple dessinateur "échoué" chez nous, en prouvant qu'il savait aussi raconter des histoires. Je dirais même que je le préfère comme scénariste, rôle dans lequel il semble donner toute la mesure de son talent. (par opposition à la série "Trent", de Rodolphe, pour laquelle il ne réalise que le dessin)

C'est vrai qu'avec "Aldébaran", Léo a montré qu'un auteur de science-fiction peut proposer un récit presque intimiste, où la psychologie des personnages a autant d'importance que l'histoire elle-même, où la poésie le dispute à la sagesse, à l'écologie, à l'humanisme. On en ressort forcément avec un capital sympathie pour ses héros. Et c'est donc avec un brin d'émotion qu'on les retrouve dans ce nouveau cycle d'aventures. Mais n'est-ce pas "la suite du retour de la vengeance de...", comme on dit dans ces cas-là ?

J'ai plongé dans ce premier tome de "Bételgeuse" avec délectation. Nouvelle planète, nouvelle histoire et -en partie du moins- nouveaux personnages. Me voilà rassuré sur les intentions de Léo : il ne nous proposera pas une suite poussive et intéressée d'Aldébaran. Les créatures qui peuplent Bételgeuse sont très réussies. Tant mieux, car les iums, mélange de pandas et de pingouins, semblent devoir prendre une place importante dans le récit. Des animaux à la fois mystérieux et fascinants. Le décor, lui, est totalement en opposition avec celui d'Aldébaran, qui était dominé par l'élément liquide. Ici, au contraire, la planète est aride, presque couverte de déserts et dépourvue d'océans. En revanche, elle est parcourue de grandes failles, ou canyons, qui sont le lit de magnifiques chutes d'eau entourées de végétation tropicale. Léo semble avoir pris beaucoup de plaisir à dessiner ces lieux très verts qui rappellent les magnifiques "tepuyes" du Venezuela. La couverture de l'album vous permettra de visualiser en un coup d'oil ce que je viens de décrire.

Mais il y a aussi l'histoire de cette navette de colonisation envoyée par la Terre et qui tourne en orbite autour de Bételgeuse avec des milliers de cadavres à son bord. Je ne vous en dis pas plus, pour ne pas trop en dévoiler, mais on sent dès ce premier volume que Léo est loin d'avoir épuisé les trésors de son imagination. En résumé : vivement la suite ! Et pour ceux qui n'ont pas lu "Aldébaran", rappelons que Dargaud a eu l'excellente idée d'éditer l'intégrale du premier cycle.
Le début et la fin (Replay) par Thierry Bellefroid
"Replay N°1", "Le début... et la fin". Par Sala & Zentner, chez Casterman.

Jorge Zentner quitte pour un temps son vieux complice Pellejero pour nous proposer un album très réussi en compagnie d'un dessinateur totalement inconnu. Le jeune David Sala (il est né en 73) signe en effet ici sa première BD après un apprentissage du dessin à travers divers travaux d'illustration. Et il s'en tire plutôt bien, confirmant par là le niveau assez élevé de la production BD actuelle qui n'accepte plus, la plupart du temps, d'attendre que le talent se développe avec les années. Le dessin de Sala -contours volontairement estompés à certains moments, encrage à la plume très visible à d'autres, couleurs soignées, intelligentes et artistiques- rappellera à plus d'un titre le travail d'un Berlion sur Lie-de-vin, en plus sombre. Certains visages feront penser, en revanche, à du de Crécy façon "Léon-la-Came". Peut-être que Sala doit encore se trouver, peut-être au contraire faut-il regarder son dessin en n'essayant pas de le comparer à d'autres. Toujours est-il que cette patte convient parfaitement à l'histoire imaginée par Zentner, une histoire en forme de flash-back qui s'étale sur vingt-six ans.

Parlons du scénario. Bien construit, il nous narre la vie d'un garçon obsédé par l'idée de l'aventure, de l'exploit, du dépassement de ses propres peurs; un gars né dans un trou comme il y en a tant aux Etats-Unis, et qui rêve de se dorer la pilule sur les plages de Floride après s'être prouvé qu'il était un homme. Ca commence par de petits défis avec les gamins du quartier et ça sent très vite la poudre et la fuite en avant. Mais ce premier tome de "Replay" qui se lit comme un one-shot et non comme une mise en place de série (ce qui est incontestablement une qualité !) ne raconte pas seulement l'histoire d'un garçon qui n'a pas froid aux yeux. Car au goût du risque de Don correspond l'apathie de Chuby, l'ami de toujours, le poids mort presque, que l'adolescent fougueux va traîner derrière lui dans toute cette aventure. Avec beaucoup de finesse, Zentner joue sur les époques et les réactions en chaîne pour raconter l'histoire d'une amitié forte, dangereuse, absolue. Et nous montrer que dans la vie, on ne choisit pas toujours son destin...
Noé par Thierry Bellefroid
"Noé" de Stéphane Levallois, dans la collection Tohu Bohu aux Humanos.


Une perle. Une perle noire. Un album inclassable, onirique, magistral. Un rêve éveillé. « Noé » est un peu de tout ça et bien autre chose. "Noé", c'est d'abord une vision, celle d'un scaphandrier qui traînerait derrière lui un gigantesque navire délabré dans un vaste désert. Et puis la vision est devenue une histoire, le désert s'est peuplé de créatures extravagantes, mystérieuses, aux silhouettes démesurées pour les unes, décharnées pour les autres. Allusions au Sahara Occidental. Thèmes de l'Ancien Testament. Vestales vénéneuses sous leur cloche de fer forgé. Phares dressés en plein désert. Sillons. Traces. Partout, des lignes qui se croisent. Des os, du sang séché sur le sable. Et puis du vent. Des cadrages magnifiques, de l'audace. Mais pas de phylactères. Car "Noé" est une BD muette. Rien à voir, cependant, avec "La mouche" de Trondheim ou "La Teigne" de Robin. L'auteur n'a pas joué la carte du dessin animé en BD. "Noé" est un roman graphique écrit au scalpel. Il joue avec les codes du cinéma pour mieux nous renvoyer à l'essence de la BD. Chaque image est signifiante et libre, détachée du récit et pourtant, maillon de l'histoire.

"Noé" n'est pas un album comme les autres. Et Levallois n'est pas un auteur comme les autres non plus. A chaque fin de chapitre, il nous offre quelques lignes de texte, comme pour rattraper les dialogues manquants dans les cases. Et à chaque fois, c'est une autre dimension qui s'ouvre, un carrefour entre l'image et l'imaginaire, entre le dessin et la littérature. Tout cela est d'une richesse, d'une maturité exemplaires. Sans parler du dessin, qui laisse voir à la fois la plume dans tout ce qu'elle a d'anguleux, et le pinceau, diluant avec un incroyable talent des couches de gris et de noir. Le talent à l'état pur, du de Crécy en plus épuré, de l'imagination et de l'expressivité à chaque page. Et tout ça réalisé par un petit nouveau dont c'est la première BD ! On en reparlera...
La débauche par Thierry Bellefroid
"La débauche", par Tardi et Pennac, chez Futuropolis/Gallimard.

Peut-on dire à la mi-janvier qu'on a déjà eu entre les mains ce qui sera un des cinq ou six albums de l'année ? Ca paraît hautement hasardeux et pourtant, j'ai l'impression que cette "débauche" aura peu de concurrents au moment des bilans "bédéesques" de l'année 2000. Si vous ne l'avez pas compris, j'ai aimé. Beaucoup. Et j'en recommande la lecture immédiate, sans modération.

Il y a dans "La débauche" tout ce qui fait le sel des romans de Pennac. Tout. Ou presque. Car les dialogues de cet album, même s'ils sont au-dessus du niveau de 80% de la production BD, restent en dessous de ceux que l'on trouve dans les romans de Pennac. Les répliques souffrent d'être emprisonnées dans des phylactères et de ne pouvoir s'enchaîner comme dans un récit écrit. Personne, mieux que Pennac, n'arrive en effet à recréer dans ses romans ces conversations surréalistes dans lesquelles les meilleurs moments sont les moments de silence marqués par des points de suspension ("-...") entre deux répliques.

Ceci étant, on retrouve dans cet album tous les points forts de Daniel Pennac. D'abord les personnages, qui rappellent inévitablement ceux de ses romans. A commencer par celui de la "patronne", vieille mémé fumeuse de cigare qui dirige l'équipe d'enquêteurs de la PJ. Elle ressemble très fort à l'image qu'on peut se faire de Van Thian, l'inspecteur d'origine asiatique qui se travestit en femme pour ses enquêtes dans les romans de Pennac ( voir "La petite marchande de prose", "La fée carabine", "Au bonheur des ogres", etc...) Ensuite, la construction, à la fois simple et complexe, fluide et tarabiscotée, qui correspond au Pennac du meilleur cru. On ne sait pas où il nous mène, mais on s'y laisse mener avec plaisir, sans s'ennuyer une seconde, à la découverte de personnages toujours truculents. (Exemple, le "Capitaine" qui répond à chaque question par un nom de ville) Enfin, ce regard goguenard mais jamais gratuitement noir sur la vie, les gens, l'argent et le pouvoir. Bref, "La débauche", c'est vraiment Pennac en BD. Mais c'est aussi du Tardi. Du vrai de vrai, du comme on aime, comme on en redemande. Un miracle de symbiose ou d'osmose, puisque chacun des deux protagonistes semble imprimer sa griffe de manière égale.

Premier plaisir graphique, retrouver Tardi dans le Paris d'aujourd'hui, au Jardin des Plantes et en couleur. Sur près de soixante-dix planches, le père d'Adèle Blanc-sec propose une vision personnelle du polar. Après avoir réussi avec brio les adaptations des univers de Manchette, Malet et Daeninckx, il prouve ici qu'il est actuellement le véritable dépositaire du genre en Bande Dessinée et que la couleur ne nuit en rien aux ambiances policières généralement confinées au noir et blanc. Avec la complicité de Loustal pour les toiles du peintre Helas, Jacques Tardi a donné dans cet album le meilleur de lui-même et ça se sent. Sans doute parce qu'une association avec un romancier de la trempe de Daniel Pennac constituait un véritable défi. En résulte une histoire lisible à plusieurs niveaux, à la fois drôle et palpitante, morale sans être moraliste, magnifiquement racontée, une histoire légère et grave. La définition même d'une bonne BD !
Station debout par Thierry Bellefroid
"Station debout", par Chauvel et Ehretsmann dans la collection Sang-Froid des éditions Delcourt.

L'air de rien, Chauvel se taille une place enviable au sein de l'écurie Delcourt. Ses séries se multiplient, avec des dessinateurs souvent peu connus (voire inconnus). Certaines rencontrent un succès d'estime, d'autres remportent carrément l'adhésion de la critique, comme le très bon "Arthur" ou encore "Trois allumettes", un récit de la collection "Encrages " nominé dans la catégorie "meilleur scénario" aux Alph'Arts d'Angoulême. "Station debout", one-shot de série noire américaine pur jus, devrait être à mi-chemin. Ni best-seller en puissance. Ni album faible. Un bon polar, réalisé avec une maîtrise presque académique. Trop académique, sans doute, pour être vraiment parfait.

Tout d'abord, une première source d'étonnement : "Station debout" est le premier album de la collection "Sang-Froid" en noir et blanc. Cette collection de polar grand format se distinguait justement jusqu'ici de la collection « Encrages » par le fait qu'elle proposait des one-shot en couleur. Elle avait même fait sortir de leurs habitudes des auteurs catalogués "black & white", comme Davodeau ou Moynot. Thomas Ehretsmann change la donne et on ne peut pas lui donner tort. Son dessin colle parfaitement à l'ambiance du récit qui est particulièrement noir. Les couleurs n'y auraient rien apporté. Au contraire, elles auraient peut-être fait perdre une part de sa spécificité à l'album. Le dessin qui oppose des zones très claires à d'autres largement noircies d'aplats fait la part belle aux ombres, celles -bien réelles- des corps et celles -figurées- des esprits. Les combats de chiens, qui sont le départ de l'intrigue, ont le bon goût d'être suggérés plutôt que complaisamment montrés. Les personnages sont parfois un peu bancals, mais l'un dans l'autre, la réalisation graphique de ce "Station debout" est agréable, cohérente.

Quant au scénario, il applique à la lettre les recettes du genre. C'est à la fois très énervant et très réussi. A chaque moment décisif, Chauvel pratique l'esquive, s'en va dresser le portrait d'un protagoniste ou jouer la carte du flash-back pour faire monter le suspense. Ca fonctionne, évidemment, mais le recours systématique à la formule magique est tout de même un peu lourd. En revanche, j'ai été surpris par la fin de l'histoire, à laquelle je ne m'attendais pas, ce qui est un bon point. La vie apparemment inutile et ratée de Lesley/Vicente est un bel exemple de portrait de looser, même s'il devait y avoir moyen de faire mieux. La première et la dernière page, laissant entrevoir une vision fantasmagorique (et sans doute psychotique) "à la David B" paraissent un peu gratuites, en tout cas sous-exploitées dans le récit lui-même où l'on ne retrouve ces visions que de manière détournée. Sans ça, "Station debout" est un bon album qui sonne comme du Chauvel, la longueur en moins (on est loin des trois volumes de Nuit Noire ou des cinq tomes des Enragés qui explorent des thèmes semblables).
Les aventures d'Hergé par Thierry Bellefroid
Les aventures d'Hergé, par José-Louis Bocquet, Jean-Luc Fromental et Stanislas Barthélémy, chez Reporter.

Rien à dire, l'automne est chaud, en Belgique. Du moins si on se place sous l'angle des tintinophiles. D'un côté, Moulinsart sort du bois et publie plusieurs ouvrages, avec l'ambition de relancer l'intérêt du public pour le fonds Tintin. Casterman y met du sien en rééditant l'ensemble de la collection Tintin en petit format dans un coffret de fêtes à prix démocratique (pour autant qu'on aie une bonne vue, car les cases sont vraiment très petites !). De l'autre, il y a les "non-autorisés. Hugues Dayez, qui vient de publier chez Luc Pire un "Tintin et les héritiers dont on parle beaucoup (sortie en France peu avant le Festival d'Angoulême) et qui se lit comme un roman policier. Et ce trio de Français qui publie chez Reporter la vie d'Hergé en BD dans une version totalement indépendante de ce qu'on pourrait appeler "la ligne Rodwell" (Pour ceux qui ne le connaissent pas, Nick Rodwell est l'actuel mari de Fanny, la veuve d'Hergé. C'est lui qui règne en maître sur les droits de Tintin... et le fameux héritage). Bref, les voix sont discordantes, le discours est pluriel. Et c'est tant mieux !

Chacun trouvera son compte dans ces sorties très diverses. Les curieux ne manqueront toutefois pas de feuilleter l'album très documenté scénarisé par Bocquet et Fromental et dessiné dans une très jolie ligne claire un rien anguleuse par Stanislas (l'un des cofondateurs de L'Associaton, faut-il le rappeler ?). Un album qui commence en 1914 et nous raconte la vie d'Hergé de manière presque impressionniste, comme s'il s'agissait bel et bien d'un personnage de BD. On reprochera aux auteurs les petites anecdotes mises bout à bout sans grand souci de lier : deux pages en 1914, puis quatre en 25, puis quatre encore en 1930, 34, 41, 44, et ainsi de suite. Aucune année n'a droit à plus de cinq pages. La méthode permet difficilement de s'attacher aux personnages, et ne les décrit finalement qu'à travers des clichés et des phrases-types (je pense ici à la rencontre entre Hergé et EP Jacobs). Il n'empêche, il fallait oser et ils l'ont fait. Ces aventures d'Hergé -qui réussissent le tour de passe-passe de ne jamais montrer un dessin de Tintin (les droits à payer eussent été exorbitants, soyons-en certains !) - sont un bel hommage de la BD à un homme qui lui a voué sa vie et qui a tant cherché ailleurs (dans la peinture) la reconnaissance. Dommage qu'il y ait quelques erreurs et surtout, cette maladroite volonté des auteurs à "faire parler belge" leurs personnages. Quoiqu'il en soit, la lecture de cet ouvrage permettra de mieux comprendre l'ouvre et l'homme sans lire l'imposante biographie d'Assouline, les exégèses de Benoît Peeters ou les entretiens avec Numa Sadoul. En soi, ce n'est déjà pas si mal...
Petit Polio, de Farid Boudjellal, chez Soleil Productions.

Décidément, la BD aborde beaucoup la guerre d'Algérie ces derniers temps. Elle n'est pas la seule, les média français ont eux aussi rouvert quelques-unes des plaies laissées béantes par la guerre d'indépendance. Cela permet à certains auteurs de livrer leur vérité et d'ouvrir les yeux de leurs lecteurs sur ce qu'a été « leur » guerre d'Algérie. Pour Petit Polio, c'est l'occasion de se rendre compte de sa différence, de ses racines. C'est aussi le moment de voir jusqu'où va l'amitié, peut-être de commencer à douter.

Mais pour nous, lecteurs, cette façon qu'a Boudjellal de se livrer n'est pas qu'un témoignage sur la différence et la tolérance. « Petit Polio », C'est une BD traversée par un souffle généreux et sensible, que le vocabulaire toulonnais rehausse de sa poésie. Pas une case, pas un phylactère qui ne sente bon le Sud. Difficile de faire plus vrai, plus touchant aussi. D'autant que Boudjellal ne cesse de parsemer le récit de petites anecdotes du quotidien. Un auteur du catalogue Soleil qui ne fait pourtant pas dans le mélo -Denis Bajram pour ne pas le citer- me disait récemment que tous ceux qui avaient lu le second album lui avaient confié avoir pleuré. Je veux bien le croire. Plus encore que dans le premier, on est touché par tout ce qu'il y a d'universel dans le propos de Boudjellal, qui renvoie chacun à sa propre enfance, à ses propres peurs de gosse. Parce qu'il aborde la mort -et la mort d'une mère, l'être cher par-dessus tout pour un enfant-, parce que Petit Polio voit son père partir en prison, parce que les amis d'hier se fuient, parce que la honte est bue jusqu'à la lie et la bêtise humaine montrée dans toute sa splendeur, ce deuxième tome de « Petit Polio » ne peut laisser indifférent. D'autant qu'à cette touche humaniste, sensible, s'ajoute un dessin aussi simple que limpide, capable de styliser en quelques traits l'expression douloureuse ou ravie d'un visage d'enfant. Plus facile à dire qu'à faire...
Lune de guerre par Thierry Bellefroid
« Lune de guerre », par Van Hamme et Hermann, dans la collection « Aire Libre » des éditions Dupuis.

Dupuis crée l'événement dès les premiers jours de 2000 avec un one-shot réunissant deux des plus grandes stars de la BD francophone actuelle. Le résultat est réussi et séduira sans doute bon nombre de lecteurs, ce qui permettra au passage d'asseoir plus encore la notoriété de la collection Aire Libre.

« Lune de guerre », c'est du sur-mesure pour Hermann. Plus encore qu'à l'accoutumée, on dirait que Jean Van Hamme a travaillé son scénario pour correspondre à son dessinateur. Résultat, l'histoire sonne comme du Greg de la grande époque, que ce soit dans ses personnages dominateurs à l'allure taurine ou son crescendo tragique. Van Hamme le confesse en avant-propos, « Lune de guerre » doit son origine à une anecdote, glanée il y a une dizaine d'années à un repas mondain. Au cours d'une noce, un différent oppose le père du marié au restaurateur, à qui l'on reproche de servir des tomates crevettes d'une fraîcheur approximative. Le père du marié n'arrivant pas à se mettre d'accord avec le propriétaire du restaurant, se propose d'emmener tout son petit monde déjeuner ailleurs. Voyant son chèque lui échapper, le restaurateur enferme alors la mariée dans les toilettes et refuse de la libérer tant qu'il ne reçoit pas son argent. Dans l'histoire originale, tout le monde revient à table et la journée s'achève sans autre incident. Plus machiavélique, Van Hamme y donne une autre suite. D'abord, il fait séquestrer la belle-mère en plus de la mariée, histoire de provoquer la colère du père du marié et de jouer, plus tard, sur les relations délicates entre les deux femmes. Ensuite, il conçoit un drame particulièrement musclé qui se déroule sur quelques heures à peine, prétexte rêvé à une étude de caractères bien trempés.

Dans ce qui commence comme une partie de bras de fer entre un propriétaire terrien autoritaire et un restaurateur qui ne veut perdre ni la face ni son argent, Jean Van Hamme injecte ce qu'il faut de dérapages pour que l'affaire vire au drame. Et on se prend au jeu. Avec des personnages tels qu'ils sont présentés dans « Lune de guerre », ce genre de situation est tout à fait plausible. Bien sûr, des familles comme les Maillard ne courent pas les rues. Un peu d'auto-suggestion est nécessaire pour y croire. Mais ensuite, tout s'enchaîne avec brio. Les personnages principaux, mais aussi secondaires sont tous plus que des acteurs du drame : ils ont une histoire, une épaisseur, des petits secrets qui vont transparaître au fil des pages et, parfois, cristalliser les haines qui se sont données rendez-vous dans ce petit coin d'Ardennes. Les célèbres fiches qu'établit Jean Van Hamme sur ses personnages en marge de ses scénarios n'ont peut-être jamais paru si utiles au récit que dans ce « Lune de guerre ».

Et Hermann, dans tout ça ? Il se sent comme un poisson dans l'eau, bien sûr. Lui qui se fait tirer l'oreille pour travailler sur les scénarios des autres semble avoir plongé dans « Lune de guerre » avec un réel plaisir. En revanche, si on a l'impression que Van Hamme a tout fait pour ne pas faire « du Van Hamme », Hermann, lui, n'a rien changé à son dessin. Tous les visages ont un air de déjà vu et les femmes sont toujours aussi peu à leur avantage. Quant aux couleurs directes -le véritable plaisir d'Hermann depuis Sarajevo-Tango réalisé il y a quatre ans pour la même collection Aire Libre-, elles semblent très pales, parfois même presque délavées. Une tendance qui s'amorçait déjà dans les derniers travaux du dessinateur et qui semble correspondre à sa nouvelle vision de la couleur. Elle en désarçonnera sans doute plus d'un. Plus réussies, presque parfaites, même, les scènes de nuit (et plus encore l'incendie final) prouvent une réelle maîtrise de l'aquarelle et de la lumière indirecte. Quant à l'action, rien à dire, c'est le fond de commerce d'Hermann. Peu d'autres dessinateurs peuvent le concurrencer dans ce domaine.

En résumé, « Lune de guerre » est un bel album, qui prouve que Jean Van Hamme n'est jamais aussi bon que lorsqu'il évite les séries (on pense au « Grand pouvoir du Chninkel », à « S.O.S Bonheur », à « Histoire sans héros », etc...). Et même si on ne peut parler ici de chef-d'oeuvre, il convient de rappeler que le scénariste de XIII, Largo Winch, Thorgal et autres Maîtres de l'orge est si coutumier des succès de librairie que la critique en oublie parfois de souligner ses qualités. Voilà qui devait être dit !
« Paroles de taulards », Collectif, Collection Encrages, Delcourt.

Avec une couverture et un titre pareils, cet album est assuré de ne pas faire partie des best-sellers de l'année. Même si j'ai beaucoup d'admiration et d'affection pour Baudoin, placer un dessin comme celui-là sur une couverture, c'est déjà un appel à la déprime ! Et ceci n'est pas une critique, contrairement aux apparences. Au contraire, même. Fruit d'un travail passionné et passionnant, initié -une fois n'est pas coutume- par un festival de BD (BD Boum, Blois), cet album ne cède en rien aux impératifs commerciaux. Et c'est tant mieux !

Réaliser de courts récits sur le monde carcéral, voilà une idée louable. Mais en général, une idée qui tourne court. L'intérêt de ce projet est d'avoir été chercher la matière à la source. Les « hôtes » de la Maison d'arrêt de Blois ont raconté leurs histoires, leurs obsessions, leurs angoisses ou leurs petites joies à Corbeyran, qui les a transformées en scénarios de BD, puis confiées à ses amis dessinateurs. Cela donne un album (forcément) en noir et blanc qui est à la fois l'expression d'un cri, une oeuvre forte, profonde, authentique et plurielle.

Les dessinateurs qui ont joué le jeu ne sont pas des inconnus. J'ai parlé plus haut de Baudoin. Il ne s'est pas contenté de la couverture et clôt l'album avec une histoire de dix planches au pinceau comme il sait si bien les faire. Davodeau, lui, ouvre le feu et confirme, après deux albums en couleur, qu'il reste très à l'aise en noir et blanc. Entre les deux, on trouve des connus (Berlion, Guérineau, Bézian, Peyraud, Crespin...) et des moins connus (Matthys, Lemaire, Lejonc, Christopher...) Mention spéciale pour Marc-Antoine Mathieu qui en six planches allongées et muettes parvient à rendre toute la noirceur d'une première incarcération et toute la solitude de celui qui s'y trouve confronté. Toutes ces pattes différentes se complètent en tout cas très bien et proposent un album qui ne se contente pas de mettre en images les histoires rêvées -ou cauchemardées- par des détenus.
La Métamorphose de Lucius par Thierry Bellefroid
« L'homme de papier », chez Albin Michel et « La métamorphose de Lucius », aux Humanos, deux albums signés Milo Manara.

Deux nouveautés à quelques semaines d'intervalle, pour le N°1 italien de la BD, ça peut paraître beaucoup. Mais les fans francophones de Manara sont suffisamment nombreux pour permettre aux deux éditeurs de rentabiliser leur mise. Tout d'abord, il y a ce vrai-faux western, chez Albin Michel, l'éditeur « de référence » du Manara que nous appellerons le plus « hot ». Albin/L'Echo des Savanes, c'est « Le déclic », « Le parfum de l'invisible » ou « Candide caméra » pour n'en citer que quelques-uns. Les lecteurs qui s'attendent à retrouver ces univers dans « L'Homme de papier » seront déçus, l'album ressemble davantage à « Un été indien », le superbe album réalisé avec Pratt chez Casterman.

Dessiné à l'ancienne, avec une plume très visible et des hachures omniprésentes, cette histoire au scénario très ténu nous balade dans l'Arizona à la suite d'un très improbable trio de personnages. Il y a l'Indienne prisonnière, Lapin Blanc, qui est moins prisonnière qu'elle en a l'air. Il y a le soldat britannique qui rejoint Quebec à pied et en grand uniforme en provoquant tout ce qu'il trouve sur sa route. Et il y a l'amoureux transi surnommé « L'homme de papier » parce qu'il rêve de sa fiancée en regardant sa photo. Autour d'eux, des personnages tantôt fantasques (le pacifique barbu que chaque pluie transforme en bête féroce ou encore l'Indien Contraire, qui monte à cheval à l'envers), tantôt proches de la réalité historique (le lieutenant Grattan...) Tout ce petit monde passe son temps à se perdre et se croiser sans cesse dans un certain désordre, pour ne pas dire une certaine anarchie et sous des couleurs volontairement pâles : jaune, bleu et vert surtout. Un album qui m'a paru avoir été fait en dilettante, sans grande inspiration ni ambition. Bref, un album dispensable.

L'autre nouveauté, « La métamorphose de Lucius », est très différente. L'album est réalisé dans un noir et blanc « amélioré » qui ressemble davantage à un blanc et sépia (rehaussé de mauve, de rose, de brun et même de rouge vif, parfois) laissant apercevoir l'aquarelle et le rotring. Cela rappelle le dernier Giuseppe Bergman chez Casterman (« Revoir les étoiles », Mars 98) et ça réussit plutôt bien au trait de Manara qui semble y retrouver une certaine vigueur. La métamorphose de Lucius est une adaptation d'un conte de la Rome antique. Forcément, une source d'inspiration pour Manara qui y retrouve tous les ingrédients de sa propre oeuvre, à commencer par le sexe. Dans la droite ligne de l'illustration du premier volet d'Aphrodite réalisé pour le même éditeur, Manara soigne ici dessins et personnages. Il joue habilement sur les cadrages, se plaît à dessiner dans le détail l'une ou l'autre scène d'orgie romaine, s'amuse à raconter les mésaventures de Lucius, transformé en âne après avoir bu un philtre magique. C'est souvent drôle, c'est aussi plus déshabillé et volontiers grivois que « L'homme de papier », mais paradoxalement, cela ne va pas de pair avec la vacuité qui caractérise le précédent. Bref, une bonne manière de voir que le même Milo Manara est capable de médiocrité lorsqu'il n'est guère inspiré et de qualité quand d'autres lui soufflent quelques idées de scénario. Cet autre, en l'occurrence, est un auteur latin du IIIème siècle et s'appelle Apulée. J'avoue ne pas l'avoir lu en latin !
Slide à mort (Franky Snow) par Thierry Bellefroid
« Samson & Néon N°1 : Mon copain dans l'espace », « Marie Frisson N°1 : Il est revenu le temps du muguet » et « Franky Snow N°1 : Slide à mort ». Chez Glénat.

Pourquoi réunir ces trois albums en une seule chronique ? Tout simplement parce qu'il existe un lien entre eux, et non des moindres. Tébo, Baptizat, Supiot et Buche, leurs auteurs, travaillent pour le magazine « Tchô » et signent ici leur premier recueil chacun. (Malika Secouss en est, quant à elle, à son deuxième album, raison pour laquelle je ne la range pas dans la même catégorie) Mais, au-delà du fait qu'ils sont publiés dans le même magazine, ces nouveaux auteurs appartiennent-ils réellement à ce qu'on pourrait appeler une école ? Je pense que oui et c'est pour cette raison qu'ils méritent qu'on en parle.

Deux de ces trois séries -Samson & Néon et Franky Snow- fonctionnent sur un humour qui rappelle inévitablement celui de Zep. La troisième, Marie Frisson, peut sembler plus différente de prime abord, mais elle s'adresse au même public et assume pleinement un choix de couleurs qui n'a rien à envier à celui du Zep des grands jours (il faut voir des originaux du Suisse pour se rendre compte à quel point il emploie, lui aussi, des couleurs pures). Ce que Marie Frisson perd en mécanique humoristique, elle le regagne en poésie, essentiellement grâce à un dessin novateur privilégiant délibérément la couleur, à tel point que celle-ci est l'unique support des personnages, remplaçant à elle seule tous les décors. Le seul risque est d'effrayer certains enfants en usant de tons aussi agressifs qui rendent encore plus terribles les monstres en tout genre croisés par la petite Marie.

Franky Snow, le roi de la glisse, ça pourrait être Titeuf en jeune adulte. Comme lui, il est ultra branché. Comme lui, il maîtrise les sports et les passions de son époque. Comme lui, il est le REFLET de son époque. Et n'est-ce pas là une des raisons du succès de Titeuf auprès de millions d'écoliers ? L'influence de Zep est énorme, tant dans le dessin (la façon dont Buche dessine les jolies filles, par exemple) que dans le découpage (les cases remplacées par des bulles aux contours flous, comme le fait souvent Zep...) Certains gags pourraient même être transposés tels quels dans l'univers de Titeuf (je pense à « Crazy Roller » ou « Le bus de 7H43 », par exemple) ce qui ne veut pas dire que Buche manque d'une personnalité propre. Comme ceux de Zep, ses gags sont tout simplement très visuels, avec un sens aigu de l'observation et du mouvement.

Enfin, Samson & Néon. Les remarques faites pour Buche valent aussi pour Tébo. La filiation du dessin avec celui de Zep est évidente, même si Tébo préfère un trait plus stylisé, plus proche du Comics américain. Ici aussi, le sens du gag est parfait. Comme dans beaucoup de séries d'humour (du Gowap à Boule et Bill...), la différence entre les deux personnages principaux (ici, un gamin et un extra-terrestre) produit les ingrédients du rire et ça fonctionne comme une mécanique parfaitement huilée.

Bref, la carrière de ces « enfants de Zep » semble promise à un bel avenir.

« Samson & Néon N°1 : Mon copain dans l'espace », « Marie Frisson N°1 : Il est revenu le temps du muguet » et « Franky Snow N°1 : Slide à mort ». Chez Glénat.

Pourquoi réunir ces trois albums en une seule chronique ? Tout simplement parce qu'il existe un lien entre eux, et non des moindres. Tébo, Baptizat, Supiot et Buche, leurs auteurs, travaillent pour le magazine « Tchô » et signent ici leur premier recueil chacun. (Malika Secouss en est, quant à elle, à son deuxième album, raison pour laquelle je ne la range pas dans la même catégorie) Mais, au-delà du fait qu'ils sont publiés dans le même magazine, ces nouveaux auteurs appartiennent-ils réellement à ce qu'on pourrait appeler une école ? Je pense que oui et c'est pour cette raison qu'ils méritent qu'on en parle.

Deux de ces trois séries -Samson & Néon et Franky Snow- fonctionnent sur un humour qui rappelle inévitablement celui de Zep. La troisième, Marie Frisson, peut sembler plus différente de prime abord, mais elle s'adresse au même public et assume pleinement un choix de couleurs qui n'a rien à envier à celui du Zep des grands jours (il faut voir des originaux du Suisse pour se rendre compte à quel point il emploie, lui aussi, des couleurs pures). Ce que Marie Frisson perd en mécanique humoristique, elle le regagne en poésie, essentiellement grâce à un dessin novateur privilégiant délibérément la couleur, à tel point que celle-ci est l'unique support des personnages, remplaçant à elle seule tous les décors. Le seul risque est d'effrayer certains enfants en usant de tons aussi agressifs qui rendent encore plus terribles les monstres en tout genre croisés par la petite Marie.

Franky Snow, le roi de la glisse, ça pourrait être Titeuf en jeune adulte. Comme lui, il est ultra branché. Comme lui, il maîtrise les sports et les passions de son époque. Comme lui, il est le REFLET de son époque. Et n'est-ce pas là une des raisons du succès de Titeuf auprès de millions d'écoliers ? L'influence de Zep est énorme, tant dans le dessin (la façon dont Buche dessine les jolies filles, par exemple) que dans le découpage (les cases remplacées par des bulles aux contours flous, comme le fait souvent Zep...) Certains gags pourraient même être transposés tels quels dans l'univers de Titeuf (je pense à « Crazy Roller » ou « Le bus de 7H43 », par exemple) ce qui ne veut pas dire que Buche manque d'une personnalité propre. Comme ceux de Zep, ses gags sont tout simplement très visuels, avec un sens aigu de l'observation et du mouvement.

Enfin, Samson & Néon. Les remarques faites pour Buche valent aussi pour Tébo. La filiation du dessin avec celui de Zep est évidente, même si Tébo préfère un trait plus stylisé, plus proche du Comics américain. Ici aussi, le sens du gag est parfait. Comme dans beaucoup de séries d'humour (du Gowap à Boule et Bill...), la différence entre les deux personnages principaux (ici, un gamin et un extra-terrestre) produit les ingrédients du rire et ça fonctionne comme une mécanique parfaitement huilée.

Bref, la carrière de ces « enfants de Zep » semble promise à un bel avenir.

"La soufrière", troisième et dernier volet du "Passage de la dinde sauvage" de Joe G. Pinelli, chez PLG.

J'ai une tendresse particulière pour les ouvrages de Joe G. Pinelli. Ce vétéran de la BD autobiographique affiche un tel mépris des règles en vigueur qu'il force l'admiration. Professeur de dessin à l'académie de Liège, ce globe-trotter continue, depuis vingt ans, à publier des albums totalement en marge du circuit commercial où il se raconte, avec plus ou moins de fantaisie. Les personnages croisés au gré des voyages tissent une toile autour de ce héros mi-chauve et musculeux, toujours dessiné le cigarillo au bec, qui n'est autre que le reflet de papier de l'auteur. Dans cette trilogie entamée en 96 avec "Sainte Victoire", Pinelli part à la recherche d'un message écrit sur des galets par un de ses anciens étudiants en dessin qui s'est suicidé. C'est le point de départ d'une série de rencontres dont la moindre ne sera pas Cham, qui élucidera l'énigme au bout d'une longue quête hasardeuse. Des gens, des accents, des lieux, des réminiscences, Pinelli aime jouer du flash-back et fouiller sa mémoire sans prévenir. Le fil est parfois ténu, le lecteur perdu, mais on finit toujours par s'y retrouver, guidé par une écriture à la syntaxe guerrière. Car Pinelli, c'est à la fois un trait, un ton et une écriture. Impossible d'en faire le tour en quelques lignes, il faut l'avoir lu pour l'apprécier... ou détester ! A près de quarante ans, ce Liégeois épris de l'accent de son terroir (la tirade sur l'emploi du "w" -qui se prononce "oué" en Wallonie- en atteste) semble vouloir revenir aux choses essentielles. Sa trilogie débouche en tout cas sur un message superbe, emprunté à Jean Giono : on ne peut pas vivre dans un monde où l'on croit que l'élégance exquise du plumage de la pintade est inutile. A méditer !
Red Movie par Thierry Bellefroid
« Red Movie », par Chritian Lax, chez Pierre Paquet.

Il fallait s'en douter : Christian Lax est plus qu'un simple dessinateur. Après avoir magnifiquement illustré les scénarios de Franck Giroud (« Les oubliés d'Annam », « La fille aux Ibis » et le diptyque « Azrayen », tous parus dans la collection Aire Libre de Dupuis), on le croyait arrivé au sommet de son art. Azrayen, surtout, qui fut l'occasion d'un long travail de gestation et de réflexion sur le dessin, nous avait livré un dessinateur en pleine maturité, dépoussiéré de tout tic, grand coloriste et portraitiste. Pourtant, s'il avait fallu des mois dans le secret de son atelier à Christian Lax pour trouver son nouveau trait lors de l'élaboration de ce projet sur l'Algérie avec Giroud, il y avait encore moyen d'aller plus loin, et il vient de le prouver.

Cette nouvelle, car c'est bien d'une nouvelle qu'il s'agit, vient prouver l'étendue des talents de Christian Lax. Et ce n'est pas tant dans le dessin que j'ai trouvé l'objet de ma stupéfaction, c'est dans l'écriture. Lax n'est peut-être pas (encore) un grand scénariste, au sens BD du terme. Ici, pas moyen de juger de son talent en matière de découpage ni de dialogues. Mais il s'affirme réellement comme un auteur, au sens noble du terme. Un auteur, c'est quelqu'un qui a quelque chose à dire, à raconter. Et qui sait quelles voies emprunter pour sublimer son histoire. Cette voie, en l'occurrence, ce sont les mots et le dessin. Lax maîtrise les mots bien plus que son passé de dessinateur pouvait le laisser supposer. Son écriture est belle, limpide, parfois drôle, toujours légère. Et elle se sert admirablement du renvoi au dessin, puisque l'histoire est celle d'un dessinateur qui raconte comment quelques portraits de femme ont fait basculer sa vie... et sa raison. Quant aux crobards dessinés par ce « héros » sur des papiers en tout genre (notes d'hôtel, papier d'emballage, etc), ils montrent à quel point Lax a travaillé sa patte. En quelques traits, il donne vie à des visages (voire à des dos, c'est le cas du deuxième Indien et c'est très réussi !). Christian Lax est arrivé à la quintessence du dessin : quand il ne faut plus chercher à trouver de nouvelles couleurs ni surcharger ses portraits, quand l'émotion vient à fleur de crayon, de manière brute, immédiate. Pour toutes ces raisons, « Red Movie » -qui n'est pas à proprement parler une BD- mérite de sortir de l'ombre.
« Urban Games », tome 1, les rues de Monplaisir, par Brunschwig , Raufflet, Cagniat, Hirn et Van den Abeele, paru aux Humanoïdes Associés.

De plus en plus couramment, une nouvelle génération d'auteurs propose des projets élaborés en équipe de quatre ou cinq personnes. Chacun y fonctionne comme un rouage essentiel de la machine et voit son nom apparaître au même titre que les autres en haut de la couverture. C'était déjà le cas depuis quelques années pour les coloristes, c'est en train de le devenir aussi pour les concepteurs graphiques ou les co-scénaristes responsables du découpage. Ici, ils se sont mis à quatre autour de Luc Brunschwig, l'un des scénaristes les plus captivants de cette deuxième moitié de décennie (« Le Pouvoir des Innocents » -un must-, mais aussi « L'esprit de Warren » ou encore « Vauriens », trois séries parues chez Delcourt). Il y a le complice de la première heure, Laurent Hirn, dont le dessin en constante évolution est l'une des clés du succès du « Pouvoir des Innocents ». Il a signé le story-board d'Urban Games. Laurent Cagniat est un autre complice de Brunschwig, c'est le dessinateur de « Vauriens ». Il signe le design de la série. Jean-Christophe Raufflet est le nouveau venu. Illustrateur pour des éditeurs de jeunesse, il a mis en dessin les personnages « préparés » par les trois autres dans un style personnel, combinant un réalisme saisissant avec une rondeur caricaturale, presque humoristique. Enfin, Caroline Van den Abeele a mis tout cela en couleur. Résultat : pour leur entrée aux Humanos, ces mousquetaires de Delcourt frappent fort.

Urban Games est une série qui promet d'être palpitante. Menée sur un rythme effréné, une action à tiroirs comme les aime Luc Brunschwig et surtout, des personnages qui sont loin d'avoir livré ce qu'ils ont dans le ventre. Dans notre société où le jeu vidéo est en train de dépasser auprès des jeunes le pouvoir de la télé elle-même, Urban games vient à point, comme une parabole, ou à tout le moins, un reflet de son époque. Brunschwig recycle bien quelques ingrédients déjà utilisés, notamment au cinéma, mais il le fait avec cette habilité qui le caractérise. L'entrée en matière, par exemple, est brillamment réussie, qui mélange cotillons, déguisements, clowns, jeu et violence. La suite continue de jouer sur le mélange des genres et des registres. Magie et cirque, combats et justiciers, roublardises et naïveté se renvoient incessamment la balle. Dans ce Las Vegas futuriste sous la coupe de l'inquiétant Srpingy Fool affublé d'un costume de lapin, les vies ne pèsent pas lourd. Surtout quand démarre l'Urban Interceptor, et que commence, en « direct live », une chasse à l'homme qui donne lieu à des paris démesurés. Urban Games est une BD au carrefour de tous les genres, aussi inclassable que son scénariste dont la première qualité est de savoir bien s'entourer !
La semaine des 7 Noël par Thierry Bellefroid
"La semaine des 7 Noël", par O. GROJnowski, dans la collection grand format de Casterman.

J'avoue, j'ai eu chaud en ouvrant cet album. Une république de Pères Noël, ça faisait plutôt "déjà vu", pour ne pas dire dangereusement faisandé. L'ami Tronchet allait-il lancer sa meute d'avocats aux trousses d'Olivier Grojnowski, bientôt suivi par ceux de Nicolas de Crécy pour la parenté du dessin ? Pourtant, malgré ces apparences de plagiat, j'ai eu envie d'en lire davantage. Faut dire que le dessin à la de Crécy, non seulement c'est pas pour me déplaire, mais en plus, ça s'explique par le fait que les deux dessinateurs ont côtoyé les bancs de l'école des Beaux Arts d'Angoulême au même moment et faisaient partie de la "bande" dans laquelle se trouvaient également Chomet et Chevillard, pour ne citer qu'eux.

Et puis il y a la préface de Tronchet himself. Là, j'avoue, ça m'en a bouché un coin. Aller demander à la concurrence de signer un petit texte sur la parenté de votre oeuvre avec la sienne, y a pas mieux pour désamorcer les critiques ! En ce qui me concerne, ça m'a rassuré. Au moins, O'Groj ne nous la jouait pas : "comment, y a déjà un gars qui a fait une république de Pères Noël ? ¯. L'honnêteté paie toujours, comme dirait maman, et dans le cas présent, elle m'a permis de laisser mes préjugés au vestiaire et de lire cet album avec tout le respect qu'il mérite. Je ne le regrette pas. O'Groj, auteur des "Dragz" dans les pages de Spirou, manie parfaitement dans cet album les ingrédients de l'univers kafkaïen type.

"La semaine des 7 Noël" m'a fait rire, beaucoup rire. Le scénario est redoutable. Dans une république de Pères Noël, un serial killer assassine ceux-ci les uns après les autres, dérobant leurs bottes aux cadavres. Fins comme peuvent l'être les policiers dans un état qui porte leur nom (un Etat policier, quoi), ils décident de mettre les cordonniers sous surveillance. Les bottes des Pères Noël passeront par là tôt ou tard. La famille Prion, sous prétexte d'avoir gagné un répondeur à la loterie, se retrouve prise au piège. Car en fait de répondeur, les Prion héritent d'un homme, un vrai, qui répond au téléphone, mais qu'il faut loger, nourrir, supporter continuellement. Et cet homme, qui plus est, n'est autre qu'un super flic très heureux de régner en despote sur les Prion, qui n'y voient que du feu. Les situations les plus absurdes se suivent, entraînant le lecteur dans la confidence dès la mise en place du piège. A côté de cela, les trouvailles continuelles d'O'Groj viennent rehausser le niveau de l'histoire (les deux super flics nommés "Staline et Stalone", par exemple) Bref, de l'humour noir, de l'humour décalé, et comme chez Tronchet, une envie de se moquer de la fête obligatoire, cela tout en arrivant à faire oublier Houppeland. Voilà pour le scénario. Mais la "Semaine des 7 Noël", c'est aussi un dessin en noir, blanc et rouge qui malgré sa ressemblance avec celui de de Crécy m'a enchanté d'un bout à l'autre (si ce n'est dans le prologue où, justement, O'Groj a joué la carte de la couleur). Voilà un album qui méritait bien de paraître dans le nouveau grand format de Casterman. Ce qui n'est malheureusement pas le cas de toutes les autres nouveautés de cette jeune collection.
"Merlin contre le Père Noël", par Sfar et Munuera, chez Dargaud

Décidément, on arrive à peine à suivre la production de Joann Sfar. Tantôt scénariste, tantôt auteur complet, il suit les traces de Trondheim (avec qui il travaille sur "Donjon", rappellons-le) en matière de productivité et d'inventivité. J'avoue une préférence pour ce "Merlin" parmi les nombreux projets concrétisés cette année (quoique... "Petit Vampire va à l'école" est une grande réussite également) . Cette excellente parodie de Merlin l'Enchanteur enfant a le don de me faire rire comme peu de BD y parviennent. Le dessin de José Luis Munuera (avec qui Sfar a déjà commis "Les Potamoks" chez Delcourt) convient parfaitement pour ajouter la touche de légèreté et d'humour graphique qui rendent Merlin, Jambon et Tartine si sympathiques. Le reste, c'est de l'humour à dose parfaite, mâtiné de poésie et de clins d'oeil à l'enfance qui sommeille en chacun de nous.

Quelle bonne idée d'avoir "invité le Père Noël dans ce deuxième album ! Un album qui vient, soulignons-le, six mois à peine après le premier opus et qui prouve que cadence peut aller de pair avec qualité. Mais revenons à notre propos, à savoir, le Père Noël. Enfin, quand on dit le Père, ce qui fait tout l'intérêt de cet album, c'est que Merlin n'est pas le seul enfant de la bande, le Père Noël est tout aussi juvénile. Et comme il n'a aucune expérience, tout peut lui arriver, y compris se retrouver pris dans un piège à loup disposé au pied de la cheminée par Merlin, Jambon (le cochon) et Tartine (l'ogre repenti), les trois amis, qui craignaient -à juste titre- de s'endormir avant l'arrivée du livreur de cadeaux. Vous l'avez compris, tout cela est totalement ébouriffant, d'autant que les potions magiques ne produisent pas les effets escomptés et que les ogres ont grand appétit... je ne vous en dis pas plus, sachez que Merlin est l'une de ces BD qu'on peut mettre entre les mains de tous : enfants comme parents-, avec un égal bonheur !
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