« Les mémoires mortes, tome 1 : Feu destructeur », par Denis Bajram et Lionel Chouin. Aux Humanoïdes Associés.
Bajram se multiplie, se démultiplie même, sans que ça nuise nullement à sa production. Il faut dire que pour cette nouvelle série de SF, il a décidé de ne pas dessiner. Amusant de voir comment un dessinateur (« Cryozone », sur scénarios de Cailleteau) est devenu son propre scénariste (« Universal War one ») avant de finalement devenir le scénariste d'un autre dessinateur. Il faut dire que quand on parle deux minutes avec Denis Bajram, on s'aperçoit que ça fourmille d'idées sous sa barbe. Il n'a sans doute pas fini de nous surprendre, d'autant que, entier comme il l'est (certains internautes habitués du forum de ce site le savent), il défend toutes ses créations becs et ongles. Il ne devrait pas avoir de mal à imposer celle-ci. Cela tient-il à l'éditeur qui publie ces « mémoires mortes » ? Sans doute au moins en partie. Toujours est-il que cet album apparaît comme le plus charpenté et le plus « adulte » de Bajram à ce jour.
Tout part d'une vision, magnifiée par le dessin de Lionel Chouin : New York, après un cataclysme, revenue aux temps moyen-âgeux, avec des villages établis en haut des gratte-ciel à moitié dévastés. Ouvrir ce livre, c'est plonger d'emblée dans cette vision. On le fait même avant, en contemplant attentivement la couverture. Disons-le tout de go : sans ce choix, c'est toute l'originalité et l'attrait de l'histoire qui seraient remis en cause. D'abord parce que le scénario repose sur cette organisation géographico-sociale. Des ponts relient les tours entre elles. Depuis quelque temps, les villages sont attaqués un à un. Comment se protéger des barbares ? En rendant les tours indépendantes les unes des autres, au moins pendant la nuit. Mais c'est compter sans le traître qui se cache au sein même du village. Pour le reste, un peu de sorcellerie, des anges aux pouvoirs terrifiants, et des « visions » qui ne sont pas encore expliquées dans ce premier tome complètent le tableau de base. Des entités inconnues se réincarnent dans des corps d'enfants, le mystère est entier et surtout, plane sur tout ça un dessin puissant et un découpage très soigné qui ont des petits airs de ressemblance avec le travail de Xavier Dorrison et Alex Alice. Ce n'est peut-être pas tout à fait un hasard. Les observateurs se souviendront que les deux jeunes auteurs remerciaient Bajram au tout début du premier tome du « Troisième Testament ». (Alex Alice remettait ça en première page de l'adaptation BD de Tomb Raider, dessinée par Fréon, le coloriste des « mémoires mortes ») Tout ce petit monde se connaît, s'observe, s'apprécie. Et réalise de très bonnes choses. C'est clair que « Le Troisième Testament » est déjà une référence, en deux albums à peine, et que lui ressembler sans le copier est plutôt un gage de réussite. Vous l'aurez compris, « Les mémoires mortes » a tout pour devenir une bonne série. On regrettera juste de devoir passer par l'inévitable mise en place d'un premier album qui laisse le lecteur avec ses interrogations. Mais c'est devenu tellement courant que si on s'arrêtait à ça, on ne lirait plus grand chose.