Quelle bonne idée que de dessiner l'histoire de René Caillé, un des plus grands explorateurs Francais, qui a versé sang et larmes pour être le premier Européen à entrer dans la fameuse cité de Tombouctou. On suit les traces d'un homme hors du commun, le premier à avoir compris que se couler dans les structures sociales locales et se convertir à l'Islam ouvriraient plus de portes dans le Sahel que l'usage brutal de la force. Parti de rien, tout seul, avec un capital ridicule, René Caillé réussit là où les expéditions ayant infiniment plus de moyens humains et matériels ont toutes échouées avant lui. Mais cette réussite se fait au prix d'un lourd tribut en terme de santé et en termes sociaux - sa conversion à l'Islam, faite pour la grandeur de la France, l'amèneront à être vu comme un traître aux yeux de tous. Les dessins et les couleurs directes sont véritablement superbes et rendent admirablement bien les ambiances, les paysages d'Afrique et les communautés rencontrées - c'est assez rare pour être souligné! L'album ne fait pas l'impasse sur les questions existentielles qui ne manquent pas de hanter ce personnage vivant dans une extrême solitude, à la merci des relations qu'il entretient avec ses compagnons de voyage. Mais c'est ici que l'album pêche en flanquant René Caillé d'un très improbable guide African, Arafanba, qui n'a pas grand chose d'Africain à part son nom et la couleur de sa peau, et qui chaperonne l'explorateur tout en philosophant avec lui pour lui donner une mauvaise conscience typique de l'anti-colonialisme mou. Il me semble que cet ajout inutile et fort peu crédible déprécie la force et la singularité de l'exploit, empêchant de se rapprocher de René Caillé et de mieux le comprendre (l'histoire est beaucoup plus imaginée que fidèle à ce qu'à écrit Caillé ou qu'à ce qui a été écrit à son sujet). Malgré cela, cet album reste néanmoins des plus réussi, sort des sentiers battus, et mérite à coup sûr la lecture.