Les Jalousies, Théodore Poussin tome 12, Frank Le Gall, Dupuis Collection Repérages
Oserait-on dire qu'on ne l'attendait plus ? Ce serait mentir tant un nouvel album de Théodore Poussin est un nouveau plaisir. Surtout après 4 ans d'absence. Le Gall remet donc son personnage en scène. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Le Gall tisse son histoire de manière de plus en plus théâtrale. Déjà dans Novembre toute l'année, Poussin démêlait l'écheveau d'une série de meurtres dans l'espace confiné dun bateau. De nouveau, dans ces Jalousies (avec une référence évidente à la pièce de Sacha Guitry), on évolue dans un huis clos, celui de lîle où Poussin et ses proches ont élu domicile. Unité de lieu, unité de temps
il ne manque plus que la galerie de personnages, avec par ordre d'entrée en scène
Le Gall fait revivre quelques-uns des acteurs marquants de la série : Chouchou, l'amour perdu, André Clacquin l'ami fidèle et l'increvable Capitaine Crabb. Ils sont venus, ils sont tous là pour enterrer la vie bourgeoise à laquelle Poussin commençait à goûter. Parce que l'on a beau être un antihéros, ballotté au gré des événements, - quitte à se croire un temps pirate en Mer de Chine -, il ne faudrait tout de même pas trop s'installer dans ses pantoufles. Même Tintin n'a pas profité beaucoup de Moulinsart, que diable !
Je viens de lire, de Laurent Fabri
Second avis : « Les Jalousies », Théodore Poussin 12, de Frank Le Gall. Dupuis, collection Repérages.
Décidément, Franck Le Gall n'est jamais là où on l'attend. Dans ce douzième opus, il approfondit la vie sentimentale de son héros, mais semble aussi vouloir lui permettre de solder ses comptes avec son passé. Et de comprendre que le rêve est parfois plus important que sa concrétisation... Théodore Poussin est devenu le planteur qu'il souhaitait devenir dans la « Terrasse des audiences », sur une île dont l'isolement favorise une atmosphère de huis-clos. Le Gall y convoque les ombres du passé comme pour le secouer d'une certaine apathie liée à la notabilité, lui faire passer le cap de l'immobilité, et finalement le pousser vers d'autres horizons. On y retrouve Chouchou Bataille, Barthélémy Novembre, l'énigmatique Martin et des silhouettes familières de Dunkerque et de Long Andju... Certes moins naïf que par le passé, Poussin n'en subit pas moins les événements plus qu'il ne les maîtrise. Avec cette fois une palette élargie de sentiments, de la jalousie à la colère en passant par la joie et cette sorte de sérénité désarmante qui est la marque du personnage... La trame est impeccable, élégante, érudite, le titre reprenant (au pluriel) celui d'une pièce de Sacha Guitry. Ce nouvel album est un vrai plaisir de lecture, et pourtant... Il semble y manquer un ingrédient, un soupçon de ce sel qui fait de Poussin une série irremplaçable. Doit-on regretter l'accumulation artificielle de personnages connus, voulue et assumée par le scénariste, pour qui « cette île est devenue le dernier salon où l'on cause » ? Où le passage à l'arrière-plan de ces personnages forts et attachants que sont Martin et Novembre, réduits à se chamailler comme les deux vieux du Muppets Show dans une intrigue centrée sur la relation entre Théodore et Chouchou Bataille ? Qu'importe ! La finesse et l'humour de l'ensemble s'imposent à la (re)lecture, et la conclusion de l'album renvoie aux meilleurs pages de la saga, celles qui exploraient la relation ambiguë de Poussin avec Georges Town, ce gentilhomme de fortune dont Crabb se révèle un surprenant émule. Et le final, symbolique, laisse à penser qu'un nouveau cycle des aventures de Théodore Poussin vient de s'achever.