«Nature humaine», Sillage 8, de Jean-David Morvan et Philippe Buchet. Delcourt, collection Néopolis.
Doit-on obligatoirement comparer Sillage et Valérian ? Si l'on doit retenir un pont commun, c'est la capacité des auteurs à changer de ton et casser le rythme de la série pour aborder les sujets qui les préoccupent. Quitte à surprendre, à déstabiliser ou à décevoir. Ce huitième opus obéit à la règle. Après un «QHI» largement ouvert à l'action, Morvan recentre la série sur le personnage de Nävis, sur sa psychologie. Ce conteur SF aime à faire de son héroïne le témoin privilégié d'événements susceptibles de la faire progresser, tout en faisant passer en douceur son propre message, l'expression de ses propres préoccupations. Le terrain de jeux de JDM est moins ici la nouvelle planète à explorer que Nävis elle-même. Il avait fait de cette naufragée de l'espace une adolescente espiègle et indépendante, aux réactions excessives et un peu outrées. Il gère aujourd'hui le passage de son héroïne à l'âge adulte. Par l'apprentissage de la douleur, l'écoute de l'autre, la confrontation à son rêve de rencontrer des humains. Il fait là le joli portrait d'une jeune femme qui se cherche, doute d'elle-même et de son image, minée par son besoin d'intégration, son désir inconscient de trouver une tribu, ou pour le moins une famille. Jusqu'à ce qu'elle soit rattrapée par ce qu'elle maîtrise le mieux, l'action et la prise de décision dans l'urgence. Une approche qui éclipse presque la rencontre avec les humains, sur laquelle les fans avaient fondé beaucoup d'espoirs. Cette dernière ne semble devoir servir que de catalyseur des émotions de Nävis, même si elle permet à Morvan de brosser un portrait certes rapide, mais pertinent d'une communauté isolée, quasi-sectaire, faussement libre, minée par la drogue. Ce faisant, il ouvre des pages plus aérées qu'à l'accoutumée à un Philippe Buchet toujours inspiré et visiblement décidé à explorer toutes les facettes du visage, du regard d'une héroïne tourmentée et déjà plus mûre. On pourra toujours gloser sur les choix de Morvan, sur sa propension à multiplier les messages entre quarante-quatre pages visiblement trop étroites, «Nature Humaine» reste un Sillage à part entière. Et plutôt réussi.