Les 276 critiques de Philippe Belhache sur Bd Paradisio...

Pearl (Basil & Victoria) par Philippe Belhache
"Pearl", Basil et Victoria 4, d'Edith et Yann, Les Humanoïdes Associés, collection Les Trois Masques.

Basil et Victoria, le retour. Dix ans après "Zanzibar", Yann et Edith redonnent vie à cette série justement primée à Angoulême en 1993. Les deux gosses des rues de Whitechapel font naufrage et échouent avec leur chien Cromwell sur une île seulement peuplée de femmes, de macareux et accessoirement d'un renard. Yann met tout son petit monde en situation pour une chasse au trésor linéaire mais savoureuse, qui met en valeur les caractères bien trempés de ses personnages-titres, le débrouillard au grand coeur et la petite teigneuse aux rêves impériaux, aussi forts en gueule l'un que l'autre. Et au milieu d'eux, la petite Pearl, enfant mystérieuse, fragile et curieusement invulnérable. Le récit conserve une ligne exigeante, faux conte pour enfant noir et déluré, émaillé de références aux classiques du récit de pirates. Et de clins d'oeil de bédéphile, pour ne citer qu'Avril Mac Dalton et ses trois soeurs, ou même le capitaine du Karaboudjan. Graphiquement, Edith tient la même ligne. Cette graphiste de talent assombrit sa palette, jouant d'une esthétique dédiée à la littérature jeunesse sans pour autant perdre le lecteur dit adulte en route. Basil et Victoria reviennent donc jouer dans la cour des grands. Mais dix ans d'attente, que c'est long...
Cuba 1957 (Hasta la victoria !) par Philippe Belhache
"Cuba 1957" Hasta la victoria ! 1, de Stephano Casini. Mosquito.

Le principe est classique. Un moment clef de l'histoire, un aventurier idéaliste pris malgré lui dans la tourmente, des destins individuels et tragiques éclairant les grandes destinées... Stephano Casini fait sienne la technique de l'histoire dans l'Histoire, mêlant intimement personnages de fictions et figures bien réelles dans le Cuba de 1957, une société prête à basculer dans la révolution. Nero Macanti, marin mi-corse mi-italien, s'installe sans but apparent dans le Cuba de Battista, alors baptisé "lupanar de la super-puissance", système totalitaire inféodé au grand frère américain. L'homme fort du moment est le chef mafieux Meyer Lanski. Fidel Castro a pris le maquis, mais des réseaux urbains travaillent pour lui à élaborer des coups d'éclats, tel l'enlèvement symbolique du champion du monde de course automobile Juan Manuel Fangio en février 1958. Le graphisme élégant et nerveux de Casini donne du corps à cette reconstitution, la mise en couleurs minimaliste soulignant les moments de tension, violence morale ou physique. L'auteur, qui s'est fait la main sur la série fleuve italienne Nathan Never, signe là un album charpenté, premier tome d'une fresque ambitieuse, d'ores et déjà programmée pour en compter quatre.
Vlad (Je suis Légion) par Philippe Belhache
« Vlad », Je suis légion 2, de John Cassaday et Fabien Nury, Humanoïdes Associés.

L'entrée en matière de « Je suis légion » avait surpris par son atmosphère glauque, des images choc, une violence crue... Il en émanait une aura inquiétante renforcée par le contraste saisissant entre la douceur de la petite Ana et la noirceur de sa nature supposée, album sombre et tendu superbement inquiétant mis en image par l'Américain John Cassaday. Moins insondable, mais tout aussi violent, plus ancré dans l'action et les explications quand « Le faune dansant » jouait la carte de l'ambiance, « Vlad » n'en est pas moins à la hauteur de son aîné. Nury applique à cette relecture du mythe du vampire les recettes déjà développées pour WEST, série cosignée avec Xavier Dorison (Dargaud). Une présentation très ouverte pour le suspense, un second volet refermant le dossier, mettant en cohérence des faits apparemment dénués de liens. « Je suis légion » n'est pas aussi expéditif, une suite est attendue. Mais Fabien Nury resserre déjà sa trame, établit des passerelles, dégraisse sa galerie de personnages pour n'en garder que le minimum. Et finalement aller à l'essentiel. Une ligne efficace qui a déjà fait ses preuves. Une série B, donc. Mais une série B musclée et inventive, même pour ce qui reste une énième évocation de la légende, décidément inusable, de Vlad Tepes.
« Le photographe », tome 3. Par Emmanuel Guibert, Didier Lefèvre. Dupuis, collection Aire Libre.

Que dire de plus ? Qu'ajouter à tout ce qui pu être dit sur cette série exceptionnelle, relatant le voyage du photographe Didier Lefèvre aux côtés d'une équipe de Médecins sans frontières (MSF) dans un pays en guerre, l'Afghanistan des années 80. « Le photographe » s'inscrit dans la lignée des reportages en bande dessinée impliquant des auteurs aussi différents que Joe Sacco ou Philippe Squarzoni, ou même dans un autre ordre d'idée Etienne Davodeau. Un ouvrage qui obéit à ce besoin de dire et de montrer, de remettre sur le devant de la scène la réalité d'un pays en guerre, qui n'a à vrai dire guère évolué depuis le retour de Didier Lefèvre en France. Et de mettre en avant les difficultés toujours croissantes des organisations non gouvernementales et des journalistes pour faire leur travail, ce que les récents événements en Irak ne peuvent démentir... Ce troisième tome reste construit sur le même principe, mise en adéquation des clichés de Lefèvre avec la mise en images. Un montage exigeant dans lequel Emmanuel Guibert se coule facilement, son graphisme épuré faisant écho à l'âpreté des paysages magnifiée par le choix du noir et blanc. Didier Lefèvre parle ici de son retour, qu'il avait souhaité effectuer seul, sans le soutien logistique de MSF. Un choix qu'il a payé au prix fort, comme le soulignent ces pages, mais aussi la courte synthèse rappelant le destin de chacun des protagonistes depuis les faits. L'album est complété d'un DVD, reportage de 40 minutes, compilation des images tournées par Juliette Fournot durant la mission de MSF. Des images parfois très dures mais toujours très belles, indispensable pour toucher du doigt la nature même du travail effectué par ces médecins exerçant dans des conditions extrêmes, hommes et femmes impuissants devant la mort, mais capable d'exploits confinant à la magie compte tenu du peu de moyens à leur disposition.
Carotte boogie (Mister Plumb) par Philippe Belhache
« Carotte Boogie », Mister Plump 1, de Hautière et Dillies. Paquet.

« Carotte Boogie » ou l'art de dynamiter la trame classique du récit de prohibition. Car ne nous y trompons pas. Ce premier opus de Mister Plump joue sur les codes les plus classiques du film de gangsters façon Capone et les Incorruptibles, avec son aventurier, son malfrat, son politicien véreux et sa poupée gonflée façon Betty Boop. Une base de travail qui aurait pu déboucher sur un bon « Sammy » (Dupuis), ou tout simplement sombrer dans le polar jetable, mais que les auteurs font ostensiblement glisser vers l'absurde le plus complet, usant de ficelles que n'auraient pas renié Tex Avery. Régis Hautière insuffle dès les premières pages de ce galop d'essai une dose de dérision et de non-sens qu'il arrive peu ou prou à tenir sur quarante-six planches. Une mise en scène complètement barrée de gags n'appelant aucune explication qui font tout le sel de l'album, et d'un comique de répétition façon Droopy. Un plombier qui se découvre lapin blanc le matin en se rasant, un représentant en produits capillaires taiseux devenu un esthète compulsif du maillet, des viticulteurs luttant contre l'hégémonie de la carotte... Le tout servi par le graphisme de Renaud Dilliès, déjà remarqué sur le très beau Betty Blues. Le dessinateur belge, qui excelle dans les univers animaliers, a su faire sienne la folie ambiante. Un bel exercice de style, divertissement de qualité, rafraîchissant en diable.
Minimal par Philippe Belhache
« Minimal » de Manu Larcenet, Fluide Glacial.

Dans un hommage collectif à Pierre Desproges paru il y a quelques mois (Jungle), Gaudelette se mettait en scène avec Manu Larcenet pour illustrer le fameux sketch du maître consacré aux juifs. Le dialogue aboutissait à la conclusion qu'aujourd'hui, « on ne pourrait plus le faire… » Visiblement, du moins chez Larcenet, ce blocage n'existe plus. « Minimal », revue d'art graphico-narratif à phylactères incorporés à l'usage des cons et des mal nantis, se révèle un pilonnage intensif et jouissif de tabous de toutes sortes (nazisme, religion, sexualité…), sous la forme de sept « revues » pré publiées dans les feuilles de Fluide Glacial, le journal. Une approche au vitriol jouant pour une bonne part sur l'autodérision. Larcenet n'hésite pas à se caricaturer en profiteur du système, le poing tendu, les valises pleines de billets. Ou même en toge et lauriers, hommage ostensible au maître Gotlib... Mais surtout, « Minimal » est l'occasion de refaire connaissance avec cet auteur polyvalent sur le plan graphique, qui use là de plusieurs facettes de son indéniable talent. Certains y verront inévitablement du pillage (les admirateurs de Blutch et de Winchluss ne sont pas tendres avec Larcenet), d'autres simplement les expérimentations de l'artiste. Chacun jugera, rien n'est jamais si simple. D'autant que l'homme est porté par un succès populaire qui ne semble pas devoir se démentir. Les esprits chagrins devront s'y faire. Même rejetée par une certaine intelligentsia, l'oeuvre de Manu Larcenet reste une passerelle privilégiée du courant alternatif vers un public plus large.
« La nuit des Lucioles », Le désespoir du singe 1, de Jean-Philippe Peyraud et Alfred. Delcourt, collection Conquistadore.

Peyraud et Alfred sur un projet commun, l'affiche n'était pas évidente. Mais l'association est belle. Le premier est un chantre de la chronique urbaine, des émois de la trentaine, ancré dans le réel et le contemporain. Le second est un graphiste haut en couleurs, imprégné des images de ce théâtre qui a baigné toute son enfance. Le tour de force de « La nuit des lucioles » ? Avoir fait se rencontrer ces deux là, sans que l'un ou l'autre ne sorte complètement de son registre. Ce « Désespoir du singe » se définit comme la rencontre entre deux sensibilités, adaptation du propos de chacun à une histoire d'amour contrariée sur fond de révolution. Pas de nation mentionnée, pas de date précisée... Mais une situation faisant appel à l'inconscient collectif, à l'imaginaire romantique du XIXe siècle. Peyraud met en scène les émois de Josef, artiste contrarié qui a sacrifié sa passion pour entrer dans le moule familial, quitte à épouser une femme à qui il ne montre que de l'amitié. Et qui rencontre la femme de ses rêves, forcément inaccessible, à l'heure où son monde s'apprête à verser dans la guerre civile. Une fable sur la violence des sentiments, la difficulté de faire des choix, sur l'engagement et la folie des hommes, très bien servi par Alfred, dont le graphisme expressif et baroque se met au service d'un récit réaliste flirtant parfois avec le surnaturel, à la façon du Thierry Robin de « Koblenz ». Un titre très attachant, par deux auteurs affichant une belle maturité.
Alpha (Matière fantôme) par Philippe Belhache
« Alpha », Matière fantôme 1, par Stéphane Douay et Hugues Fléchard, Empreintes Dupuis.

« Alpha » a un mérite non négligeable. Celui de remettre sur la table le traitement de la science-fiction en bande dessinée. Beaucoup de choses ont été dites et/ou faites dans les années Pilote, par des maîtres comme Moebius, Caza, Mézières ou Druillet. Les tentatives plus récentes se limitent souvent aux genres très « cinégéniques » que sont le space opera et ses variantes hard science, ou même le cyberpunk. Beaucoup plus rares et précieuses sont les initiatives telles que « Matière fantôme ». Le principe peut paraître simple. Un homme se réveille seul dans un vaisseau désert, dépourvu de tout souvenir personnel, mais à même d'identifier tout ce qu'il voit, jusqu'au fonctionnement du vaisseau. Dans ce qui s'avère un huis clos parfait, Douay et Fléchard mettent en scène la progression physique et psychologique du personnage dans cette recherche de lui-même, et surtout de sa place dans l'immense tombeau qu'est devenu le vaisseau. Un cheminement qui le fait passer par tous les stades, du volontarisme au découragement, de l'exaltation à la folie, dans un environnement au sein duquel on finit par se demander lequel est imposé à l'autre. Un bel essai, au final noir aussi inattendu que bienvenu, sorte de version inversée, claustrophobique, quasi biologique, du « Rendez-vous avec Rama » d'Arthur C. Clarke. Lequel, de l'homme ou du vaisseau est au final l'organisme dominant ? La question reste en suspend.
Correspondances par Philippe Belhache
« Correspondances » de Manu Larcenet et Jean-Yves Ferri. Les rêveurs, collection M‘as tu vu ?

« Combien ce mois ci ? - 'atre ! - On va diminuer progressivement d'un album par mois... » Un petit pique à la production pléthorique de Manu Larcenet signée de son ami Jean-Yves Ferri, une parmi d'autres, petites et grandes gaudrioles issues d'années d‘échanges de fax entre ces deux piliers de Fluide Glacial. Une correspondance privée, somme toutes, qui n'était pas à l'origine destinée à la publication. Au moment de mettre tout cela à la poubelle, les auteurs ont voulu en garder une trace. Il aurait été dommage qu'ils y renoncent. Sans préjuger du contenu global de la correspondance, le tri effectué par les deux compères débouche sur un ensemble pertinent, révélateur des liens d'amitié et de cette forme d'humour qui les unit. Une forme de communion d'esprit plus qu'une simple collaboration, telle qu'on en retrouve trop peu dans le monde de la bande dessinée. La mise en pages des Rêveurs, maison d'édition qui ouvre là sa collection « M'as tu vu ? » est à la hauteur. « Correspondances » est un bel objet, qui voit alterner les « private jokes » des deux auteurs et les interludes chorégraphiés de Ferri. Bref, une réalisation qu'on ne qualifiera pas d'essentielle, mais qui reste souriante et décontractée, avec quelques pages dignes de figurer au catalogue du Macarel Institute of Modern Gag.
« Pour qui tu te prends ? », Les nombrils 1, de Delaf et Dubuc. Dupuis.

Une nouvelle série Dupuis se la jouant tendance ? La couverture de ce premier tome des « Nombrils » annonce clairement la couleur, mais n'est pas forcément révélatrice du contenu. Cette curiosité venue du Québec, bénéficiant de la caution de Marc Cuadrado (Parker et Badger, toujours chez Dupuis), vaut largement plus que ça. Delaf et Dubuc mettent en scène Vicky et Jenny deux « fashion victims » pestes superficielles obsédées par leur potentiel de séduction, et leur faire-valoir Karine. Une configuration classique, mais finement exploitée, qui voit les deux harpies aussi bête que méchantes s'acharner à pourrir la vie sentimentale de leur souffre douleur. Une variation sur la cruauté des rapport modernes entre adolescents non dépourvue de morale, et encore moins d'humour. Les auteurs travaillent une histoire par planche (hormis la conclusion), instaurant dans leur démarche une progression chronologique, à l'instar du très beau « Lou » de Julien Neel (Glénat). Avec un résultat qui évite finalement l'écueil de la vulgarité. Une excellente surprise.
« Les géants pétrifiés », Une aventure de Spirou et Fantasio par... 1, de Yoann et Fabien Vehlmann. Dupuis.

Première livraison des très attendues histoires parallèles de Spirou, « one shots » réalisés par des auteurs invités, y compris ceux émargeant aux « éditions de la Concurrence ». En l'occurrence, c'est un scénariste du sérail qui s'y colle. Fabien Vehlmann signe déjà chez Dupuis « Green Manor », « Wonderlown » et plus récemment « Seuls ». Aux crayons, ci-devant Yoann, le surprenant dessinateur de « Toto l'ornithorynque » (Delcourt) et de « La voleuse du Père-Fauteuil » (Dargaud). Le résultat ? Détonnant. Les deux hommes réalisent un album de copains, duo d'auteurs décidés à se faire plaisir avec des personnages mythiques sans pour autant renoncer à leurs personnalités. Vehlmann s'amuse à piocher dans les années Franquin pour remettre au goût du jour le submersible du « Repaire de la Murène » sans omettre de préciser qu'il est déjà vieillot. Il ancre ainsi, et sans arrière-pensée, son histoire dans le XXIe siècle, jouant de l'évolution affective des personnages consacrée par Tome et Janry, et de délires technologiques dignes des années Zorglub. Sans oublier l'humour, les adeptes du Seigneur des Anneaux comprendront. Côté graphique, rien à dire, c'est du Yoann. L'homme n'a en rien renoncé à son style (grands yeux et bouches pleines de dents), ne souhaitant visiblement pas se contenter d'un hommage « comme si... » Il relooke même les deux héros de belle manière, leur offrant d'emblée une stature plus adulte. Épaulé par Fred Blanchard, il livre là quelques belles pages de bande dessinée, mettant le dynamisme de sa patte au service d‘une histoire échevelée que n'aurait pas reniée Michel Greg. Certes, d'aucuns pourront toujours crier au scandale, à la trahison du mythe. Mais nul doute que les auteurs ont rempli le contrat, celui de livrer une vision personnelle de ce personnage bientôt septuagénaire. L'annonce du « Tombeau des Champignac » par Yann et Tarrin, et des « Marais du temps » par Franck Le Gall ne fait que renforcer l'intérêt porté à cette belle initiative.
« Chasseurs de chimères », De cape et de crocs 7, par Alain Ayroles et Jean-Luc Masbou. Delcourt, collection Terres de Légendes.

Cruelles sont parfois les affinités du lecteur. S'il est de bon ton pour le critique moyen, dont votre serviteur, de vilipender les séries à rallonge comme tirant un peu trop sur la corde, il existe encore de petits miracles. De ceux dont on dira de chaque tome qu'il se fait trop rare, que son contenu est précieux, que chaque étape est un nouveau régal. « De cape et de crocs » est de ceux-là. Certes, les arguments habituels peuvent toujours être (res)servis. Une histoire débutée il y a déjà dix ans, des albums qui n'ont jamais d'autre fin que l'amorce du suivant, des intrigues à tiroirs qui n'en finissent plus... Mais avec ce septième opus, Ayroles et Masbou frappent très fort. Toujours sur les traces du Maître d'Armes, un gascon chatouilleux du nez dont le vrai nom n'est jamais prononcé (mais que tout concourt à désigner comme étant Monsieur de Bergerac, cité dans un précédent tome), Armand Raynal de Maupertuis et Don Lope de Villalobos y Sangrin traversent les contrées sélénites inconnues pour rejoindre la face cachée de la Lune. L'affaire ne livre ni plus ni moins de surprises que dans les albums précédents, ce qui est déjà énorme. Le tout est somptueusement mis en images par Jean-Luc Masbou. Mais plus que jamais, l'intérêt de cette série hors du commun réside dans sa rythmique et son verbe. Alain Ayroles nous livre là des dialogues truculents et succulents, hérités de la tradition théâtrale du XVIIe siècle, dont l'humour ne se dément jamais. Il n'est de citer que la « rixme », duel non pas au premier sang mais au dernier mot, ou même le « poulet », splendide trouvaille référencée, qui renvoie en outre aux précédents délires du Captain Boone. Du plaisir à l'état pur. Alors oui, « Chasseurs de chimères » est un album de transition. Tant mieux. A quand le prochain ?
Vendredi (Les voisins du 109) par Philippe Belhache
« Vendredi », Les voisins du 109, tome 1, par Coyote et Nini Bombardier. Le Lombard, collection Troisième Degré.

Tout peut arriver en ce bas monde, y compris Coyote aux Editions du Lombard. Le papa de Litteul Kevin, transfuge de Fluide Glacial s'installe dans la collection Troisième degré avec des personnages développés à l'origine dans les pages de la revue d'Umour et Bandessinée. L'argument ? Un couple « normal », pour peu que cela existe, emménage dans un immeuble peuplé d'une faune passablement déjantée. Un couple gothique « trop gore », une petite vieille qui n'a pas trop mal vécu l'Occup', un concierge commando et sa bombe russe, un acteur très gay, des anciens de Woodstock... Le tout croqué avec cet art inimitable qui est celui de Coyote, cousin en caricature de Maëster. La mise en couleur est superbe, jouant sur la blancheur des peaux pour donner un ton particulier à l'ensemble. Pourtant, l'album ne convainc pas complètement. Coyote et Nini Bombardier nous baladent dans leur immeuble, présentant un à un les différents locataires, galerie de portraits offrant des personnalités plus ou moins tranchées, des situations plus ou moins bien établies, sans pour autant en exploiter pleinement le potentiel comique. Tout en se permettant certaines audaces, notamment dans les allusions salaces, les auteurs semblent chercher encore ce que doit être le véritable ton de la série. « Vendredi » essuie les plâtres d'une nécessaire exposition des personnages. Il ne reste plus qu'à attendre « Samedi », et espérer voir ces deux là se lâcher un peu.
Les coeurs solitaires par Philippe Belhache
« Les coeurs solitaires », par Cyril Pedrosa. Dupuis, collection Expresso.

Changement d'éditeur, changement de ton. En prenant pied dans la très respectable collection Expresso de Dupuis, Cyril Pedrosa marque d'une pierre blanche, avec ce premier album solo, son entrée dans la fiction sentimentale contemporaine. Et impose une nouvelle facette de son talent, jusque là exprimé dans l'animation chez Disney, ou dans le récit fantastique comme « Ring Circus » ou « Shaolin Moussaka », ses deux collaborations avec David Chauvel chez Delcourt. S'attachant aux pas de Jean-Paul, jeune homme renfermé coincé entre un mère possessive et l'image d'un père défunt, Pedrosa compose un jolie fable sur le thème de la solitude et de l'incommunicabilité entre les êtres. Une solitude commune à la presque totalité des personnages. Une mère « amputée » d'un mari qu'elle continue à entendre, une jeune femme abandonnée par son homme, une ex-militaire dont l'amour n'est jamais rentré du front, une bombe sexuelle qui provoque son compagnon en multipliant les aventures... Engoncé dans un carcan familial trop rigide, miné par ses fantasmes inassouvis, Jean-Claude pense trouver son bonheur dans la fuite, sur un paquebot pour célibataires. Et finit par y réaliser son apprentissage sentimental, avec ses rejets, ses demi-succès, ses humiliations... Et sommes toutes, gérer malgré tout son passage à l'état d'adulte. Cyril Pedrosa amène le tout en finesse, mettant tout son talent graphique au service des personnages, dans une alternance de scènes intimistes, de superbes séquences de visages et de passage quasi-hallucinatoires. Avec cette morale qui pourrait résumer l'album. « Il n'y a pas d'amour à trouver ici, mon garçon. » Hautement recommandable.
Faire danser les filles par Philippe Belhache
« Faire danser les filles » par Luz, Hoëbeke BD.

Après « Claudiquant sur le Dancefloor », Luz poursuit ses investigations musicales dans le monde des clubbers. Le chroniqueur de Charlie Hebdo maintient son pilonnage intensif des idées reçues et des hypocrisies du milieu, tout en imposant des goûts très sûrs en matière de musique électro. L'argument ? Luz passe de l'autre côté du miroir et se fait DJ. Et pour être disc jockey, « n'oublie pas de faire danser les filles », martèle son maître. Le ton est toujours aussi caustique et subversif, jusque dans l'autodérision dans laquelle l'auteur se complaît avec constance. Bref, une nouvelle compil' jubilatoire du sieur Luz, même si le crayon est parfois inconstant sur les croquis de concerts. Mais de l'aveu même de l'auteur, il était « un poil fatigué » ce jour là. Dès lors...
Le clan Mac Douglas (Vasco) par Philippe Belhache
« Le clan Mac Douglas », Vasco 21, de Gilles Chaillet. Le Lombard.
 
Une recommandation de la revue Historia en macaron, un trait toujours plus épuré, un auteur encore auréolé du magnifique travail de reconstitution de la Rome antique édité chez Glénat... « Le Clan Mac Douglas » a en prime abord de quoi rebuter les amateurs de simples divertissements ludiques. Ce serait faire un mauvais procès à ce nouvel épisode des aventures de Vasco Baglioli. Enfin sorti de l'intrigue qui sous-tendait la série depuis ses origines, Gilles Chaillet continue à balader son personnage fétiche à travers l'Europe du XIVe siècle, lui offrant cette fois une petite virée en Ecosse. Une Ecosse résistant encore et toujours à la domination des « Godons » (les Anglais), à l'heure de l'émergence de la dynastie des Stuart. Histoire et fiction se lient intimement au sein d'un récit charpenté et parfaitement crédible. Chaillet réussit là une alchimie peu évidente, qui place une nouvelle fois cette série dans la lignée narrative des « Rois Maudits » de Maurice Druon. Une référence littéraire dont il a adopté l'un des personnages phares, le banquier Spinello Tolomei, personnage historique dont le profil graphique évoque le défunt Louis Seigner, qui l'incarna dans la première adaptation télévisuelle de 1972. Un Tolomei dont le neveu Guccio Baglioni faisait alors déjà l'actualité. Bref, une bonne surprise, au sein d'une série sommes toutes inégale.
« Trekking payant », Les tribulations du Choucas 1, par Lax. Repérages Dupuis.

Qui aurait pensé que le Choucas pouvait étendre ses ailes à l'international ? L'ex-remonteur de pendules devenu enquêteur créé par Christian Lax quitte son milieu naturel (Paris) pour aller au bout du Monde chercher des réponses aux interrogations d'une société d'assurance. Tout juste auréolé du prix RTL de la bande dessinée pour « L'aigle sans orteils », Christian Lax donne une nouvelle impulsion à son personnage récurrent en lui offrant une nouvelle série, « Les tribulations du Choucas », qu'on devine peu éloignées dans l'esprit de celles du « Chinois en Chine » de Jules Verne, version Philippe de Broca. Entraînant son drôle d'oiseau sur des terrains qu'il a lui-même pratiqués - le Népal - Lax ne renonce pas pour autant à ses fondamentaux truffant le récit de références, aux grands noms de la série noire, mais aussi à la bande dessinée, Tintin en tête. Cela amuse ou cela irrite, selon la relation que l'on entretien avec le grand jeu des petites phrases. Entre gimmicks narratifs et dialogues calibrés, gouaille et humour décalé, c'est tout l'esprit d'auteurs comme Jean-Bernard Pouy ou Fred Vargas qui prédomine. Cet amour immodéré pour les tocards magnifiques fait du Choucas un cousin éloigné de Gabriel Lecouvreur, alias le Poulpe. Ce Poulpe qu'il s'amuse à saluer au passage, comme un confrère… Ce premier album des « Tribulations » se veut ludique. Il atteint son but sans effort. On peut que lui souhaiter d'avoir des petits frères.
« Du bordel dans l'aquarium », Du plomb dans la tête 3 par Matz et Colin Wilson. Casterman, Ligne Rouge.

Du Plomb dans la tête ne serait-il en définitive qu'un vaste hommage aux films de
Quentin Tarentino ? Une référence géante aux échanges philosophiques du duo Travolta & Jackson dans Pulp Fiction ? Ou même aux débats de péquenots de café du gang de Réservoir Dogs ? On pourrait le penser, vu l'articulation de ce troisième tome, composé pour l'essentiel de dialogues ciselés et d'exécutions sommaires. Matz suit de près le duo improbable formé par un tueur à gages et un flic moyennement intègre - tous deux orphelins de leur équipier habituel et relativement remontés - avec une tendresse non dénuée d'humour, à la façon du Walter Hill de « 48 Heures ». Il n'oublie pas pour autant les fondamentaux de la série. Nous sommes dans le brutal, et les deux hommes se sont définis une ligne claire : débusquer les gros poissons et nettoyer le bocal. Le scénario reste roublard, même si en intensité, il se pose en deçà du « Tueur », hit du même Matz chez Casterman. La mise en image de Wilson est au diapason, dans l'action comme dans les temps de pause. Reste que la fin peut laisser dubitatif. Mais comment clôturer une telle histoire sans être taxé de facilité ou au contraire de vouloir faire du « 24 heures » ? Matz a pour lui et la cohérence et une forme de réalisme pragmatique, dans un genre qu'il maîtrise visiblement mieux que la science-fiction. Et au vu du titre, une petite queue de poisson peut se justifier de temps à autre...
« Beau comme un Diyo », Tessa 3, de Nicolas Mitric et Stéphane Louis. Soleil.

Une adolescente vivant des aventures d'agent spécial dans l'espace, le concept vous dit quelque chose ? Soyons honnête, la comparaison avec Sillage s'arrête là. Le concept développé par Louis et Mitric est plus classique - une ado délurée faisant des allez et retours dans l'espace - et joue volontiers sur les décalages terre/outre-terre. Et surtout affiche clairement sa cible. Tessa est un produit calibré jeune public, qui s'assume en tant que tel, assez léger dans le ton sans pour autant être forcément complaisant. Les ingrédients de base de ce troisième opus ? Une héroïne bondissante (trop ?), des jeux de mots labellisés de la cour de récré d'Arleston-lès-Soleil et une parabole maison sur l'amour et ses raisons. L'ensemble est plaisant, servi par le graphisme très dynamique de Stéphane Louis. Lequel semble d'ailleurs prendre plaisir à dépeindre cet univers ludique mais pas si innocent que ça. Un divertissement de bonne facture, donc. Mais un divertissement quand même, qui reste de ce fait dans l'ombre d'aînés plus prestigieux.
Le portrait par Philippe Belhache
« Le portrait », de Loïc Dauvillier et François Ravard, d'après une nouvelle de Nicolas Gogol. Carabas, hors collection.

Une adaptation d'un classique, une couverture alléchante... D'où vient le sentiment de déception à la lecture ? Sans doute d'un sentiment de trop peu. En adaptant la nouvelle de l'auteur russe Nicolas Gogol, Loïc Dauvillier s'est donné du temps et de l'air, diluant au final un propos qui aurait gagné à être plus ramassé. Sans doute l'articulation du texte original favorisait-elle une telle partition. Il reste que l'on referme l'album sur sa faim. Le graphisme de François Ravard s'accommode mal d'un découpage quasi systématique en trois registres, et d'illustrations pleines pages finalement peu justifiées, au sein d'une mise en scène tournant quasi exclusivement autour du personnage du peintre Tchartkov. En regard, les flashs backs sont plutôt réussis, les points fort de l'album restant le décalage graphique du fameux portait, et le déroulé des scènes oniriques. Un peu plus de matière n'aurait donc pas nui, évitant de réduire cette entrée en matière au rang d'anecdote un peu développée.
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