Mourir, la belle affaire ! C'est vieillir... mais faire de vieux os en se vautrant à corps perdu -perdu pour perdu- dans le sexe, beaucoup (à 70 ans piges c'est pas quand même pas Rocco…), la drogue (juste un p'tit pétard), and rock and Roll, quoiqu’il soit plus en jambe dans les bals musette : voilà toute l'histoire d'un vieillard qui renaît de ses cendres... Le sexagénaire perd son camarade de pêche bêtement foudroyé par une crise cardiaque alors qu’il met la petite touche finale à son jardin secret. En effet, il cultive une passion très particulière pour la reproduction des playmates glacées langoureusement étalées sur les pages de magazine pour hommes. Quand la chance lui sourit, il chatouille du pinceau des modèles en chair et en os -voire plus si affinités- recrutées dans l’agence matrimoniale de la Grande Ville voisine. Le pépé des campagnes encore vert choisit alors de jeter aux oubliettes ses souvenirs, ses hameçons et « Les chiffres et les Lettres » et de jouir de ce sursis que lui octroie la Grande Faucheuse. Il croise le chemin d’une des maîtresses du cher disparu. La peur de la solitude et une poussée de testostérones le pousse sous l’édredon de la dame. Un peu taraudé par le remords, il quitte au volant de sa voiturette pétaradante son petit village. Vu la capacité du réservoir d’essence, le tour du monde du pépé tourne court. Le hasard le fait échouer à quelques encablures de la maison de son enfance. Presque rien n'a changé depuis la guerre. Il n’y a toujours pas l’eau courante et l’électricité n’est pas encore arrivée jusque là. La petite masure est fréquentée par une communauté de rebelles tendance retour à la nature et sus à la société de consommation. Son arrivée sonne, pour un temps, le glas des petits renoncements –fromage de chèvres et légumes bios- du troupeau. Quelques gouttes d’essence plus tard, le chef de la tribu et deux de ses congénères guidés par le vieillard encore davantage ragaillardi par toute cette jeunesse peu farouche, font une descente dans un temple de la consommation : tous les chemins se croisent à un carrefour… Le soir, toute la clique se laisse aller à quelques excès de bouche, qu’elle digère ensuite dans un épais nuage de fumée bleue. L’arrivée de l’aïeul est fêtée toute la nuit et au petit matin, une jeune naïade s’offre à notre pépé. Ses pérégrinations bucoliques lui ont redonnées le goût de vivre encore un peu… mais plus jamais comme tous ces vieillards qui arpentent les cimetières en marmonnant et presque heureux d’avoir survécu à leur voisin : « Il est parti bien tôt… Enfin, il était bien malade ! » Pascal Rabaté nous livre avec ce bel album en couleur, c’est assez rare, un portrait tendre, originale et sans tabou des ces vieux qui un jour perdent espoir alors qu’il y a peut-être encore quelque chose à vivre entre « Les Feux de l’Amour » et « Questions pour un champion »…