"Lupus" c'est un récit initiatique, l'histoire de deux copains qui prennent une année sabbatique pour voyager à travers l'espace, pêcher toutes sortes d'animaux possibles et tester le maximum de substances illicites. Deux copains paumés en fait, Lupus a terminé ses études et Tony a quitté l'armée, ils se retrouvent démunis, sans vraiment de projet ni de perspective d'avenir enthousiasmante. S'ils partent c'est donc qu'ils cherchent quelque chose, autre chose. Quoi exactement ? Mystère. Ainsi la bête énorme qu'ils vont tenter de capturer n'est qu'une représentation objectivée de ce quelque chose qu'ils cherchent, c'est d'ailleurs le plaisir de la lutte avec l'animal qui importe le plus, à la manière d'un capitaine Achab et de sa Moby Dick, du vieil homme d'Hemingway et de son poisson. C'est pourquoi Tony n'est jamais satisfait après ses prises. De même, la prise de drogues constitue une fuite, un échappatoire, on se drogue pour "se remettre les idées en place". Lupus n'est guidé par rien, si ce n'est la certitude qu'il faut aller ailleurs, fuir la bulle aseptisée dans laquelle il a grandi, il navigue dans l'incertitude absolue, le doute permanent. L'arrivée de Sanaa dans sa vie va pousser tous ces éléments à leur paroxysme: la fuite spirituelle devient fuite effective, puisque les voilà recherchés dans tout l'espace par des gens peu avenants, l'amitié sensée tenir sur des bases solides révèle des failles et des non-dits. Sanaa est à la fois celle qui va foutre le plus "innomable bordel" dans la vie de Lupus et celle qui va apporter un certain sens à cette errance absurde, l'élément perturbateur et le fil conducteur, l'objet de la quête et son obstacle. Tout cela est évidemment porté par une maîtrise du découpage et de la mise en scène qui forcent le respect, une justesse de ton, une galerie de personnages et de situations qui font de "Lupus" un chef-d'oeuvre, tout simplement.