Les 54 critiques de Laurent Fabri sur Bd Paradisio...

Dead and Street, Swinging London tome 2, Thomas Benet et Christian De Metter, Soleil

Qui d'autre que Christian De Metter pouvait aborder avec autant de maîtrise le Londres de sixties, le Swinging London, fait de substance psychédélique, de libération sexuelle, de musique, de stars... Rien que par sa technique picturale, De Metter plonge le lecteur dans les brumes douçâtres des fonds de caves, dans les atmosphères glauques de l'argent facile et des orgies. Ses couleurs toujours sombres créent une ambiance bien plus qu'elles ne reflètent une quelconque réalité. Il les appose en grosses tâches, cernant vaguement les personnages ou les décors. Le trait vient préciser l'ensemble de la composition. Lui donner vie en quelque sorte, les personnages s'animant sur ce fond multicolore.
Sur le fond comme sur la forme, on est assez loin ici des ambiances intimistes que De Metter affectionnait dans Le Curé ou dans Dusk. Dans le premier, il s'attachait surtout aux personnages, dans le second, il prenait pour prétextes des enquêtes policières. On retrouve ici l'aspect policier comme ossature au récit co-écrit avec Thomas Benet, mais comme dans Dusk scénarisé par Richard Maranzano, l'enquête elle-même passe assez largement au second plan, pour laisser la place à des caractères très marqués sans être totalement dénués d'ambiguïté. La construction n'en est pas moins bien charpentée avec une fin qui laisse encore quelques portes ouvertes, ce qui ne gâche rien.
"Point Rouge", Les guerriers du Silence, Algésiras et Ogaky. Delcourt Collection Neopolis.

L'adaptation d'un roman en bande dessinée n'est jamais une sinécure. Voyez la Compagnie des Glaces, chef-d'oeuvre mythique de la SF, s'empêtre dans les images et les transpositions à multiples mains. En s'attaquant aux Guerriers du Silence de Pierre Bordage, la jeune Algésiras ne choisit pas la facilité non plus. Fan du travail de Bordage et férue de SF elle-même, elle n'aurait jamais osé aborder un tel travail, avoue-t-elle, si son éditeur, qui en a acquis les droits, ne lui avait demandé de la faire. Le défi est d'autant plus grand qu'elle s'adjoint pour ce faire un dessinateur issu du dessin animé et débutant en BD. Le défi est-il relevé ? Sans avoir lu les romans qui servent de base à cette série, il semble en tout cas que le travail d'adaptation pêche par un excès de densité. Ce premier tome, qui n'aborde encore qu'une partie du premier volume de la trilogie d'origine, pose les bases de ce monde, bases d'une complexité et d'une richesse telle que le lecteur s'y perd facilement. Sur le plan graphique, on sent que la narration et le découpage classique d'Algésiras doivent lutter avec la fougue d'Ogaki. Son trait ne manque ni de fraîcheur, ni de précision dans les décors, mais pour certains aspects, il donne une impression de flou et de tremblant un peu perturbant. A confirmer au long des dix tomes que pourraient compter la série.
Conquistador par Laurent Fabri
"Conquistador", Georges Van Linthout et Yves Leclercq, chez Casterman - Collection Romans.

Voilà ce que d'aucuns appellent un album graphique. Loin de ce à quoi les auteurs nous ont habitué, au travers des séries précédentes. Ici, l'on sent immédiatement le plaisir pris en créant cet album, et tant mieux pour le lecteur si lui aussi apprécie. Au dessin, Van Linthout délaisse la ligne claire au profit d'un crayonné puissant, en accord parfait avec le thème de l'album. Un thème qui n'est sans doute pas des plus faciles, pour le bluesman néophyte. Car tout à leur joie de réaliser cette histoire, les auteurs ont pris le risque de perdre quelques lecteurs en cours de route. Le doute n'est pas permis : le scénariste est un passionné, sans doute bon guitariste. Les références historiques et musicales ne sont pas toujours explicites, comme par exemple l'histoire de Robert Johnson. "L'inventeur" du blues, l'homme qui a rencontré le diable à la croisée d'un chemin, et qui en échange de son âme a reçu le blues. Où cet accord, EBEEBE, pierre angulaire du récit. N'ayant jamais effleuré une guitare, je me le suis fait expliquer. Mais tout cela ne diminue en rien le plaisir ressenti à la lecture de cet album, ni sa qualité. Un album qui résonne dans l'oreille de ce qui aiment le blues, et qui sait, donnera peut-être envie aux autres de découvrir cette musique.

Je viens de lire, d'Arnaud Reymann

Second avis : "Conquistador", Georges Van Linthout et Yves Leclercq, chez Casterman - Collection Romans.

Le duo Leclercq et Van Linthout avait tendance à se cataloguer dans les petits polars gentils et sans grande prétention, nés dans l'ombre de Caroline Baldwin. Avec Twins, notamment, le style de Van Linthout se rapproche très fort de celui d'André Taymans, mais sans que le scénario de Leclercq ne sorte vraiment de l'ordinaire... De même, les histoires concoctées par Van Linthout en tant que scénariste ne marquent pas l'histoire de la BD. S'ils en étaient restés là, les deux auteurs ne mériteraient qu'une estime mesurée : c'est gentil et sans prétention. Mais il y a eu La Nuit du Lièvre et pour confirmer cet ouvrage attachant et beaucoup plus profond, il y a maintenant Conquistador, qui trouve autant sa place dans la collection Romans de Casterman que La Nuit du Lièvre dans Encrages de Delcourt. Car il s'agit dans les deux cas d'un réel travail d'auteur(s). Dans cette histoire d'un vieux bluesman noir comme il se doit, se racontant au seuil de son dernier concert, le lecteur a l'impression de se plonger dans la bio d'un des monstres sacrés du blues. Est-ce que Robert Johnson, Johnny Lee Hooker ou ce Bud Leroy a réellement existé ? C'est là toute la force de cette histoire, c'est que l'on y croit sans peine, parce que Leclercq distille quelques faits véridiques qui crédibilisent l'ensemble (Robert Johnson invité au premier grand festival de musique afro-américaine alors qu'il venait de mourir, le mythe du carrefour repris de nombreuses fois par les bluesmen...). La magie du récit fait le reste.
Le dessin de Van Linthout, arrêté au stade du crayonné, tout en ombres et en grisés, rehaussé de quelques coups de pinceaux qui donnent le volume, est d'une force impressionnante.
"Diego de la SPA", par Coyote et Cartier, Fluide Glacial.

Nouvelle production de Coyote, le père de Litteuul Kevin qui s'associe ici à Eric Cartier pour la première fois. Ce Diego de la SPA est un pur produit de Fluide Glacial. Des récits courts en 5 à 6 planches maximum, formatés pour le journal, des histoires simples mais bourrées d'humour, parfois franchement décapant... Mais si la récurrence des gags passe sans problème dans le journal au format mensuel, mise bout à bout dans un album, elle laisse vite apparaître certaines redites. Si c'est déjà le cas au bout d'un album, que sera-ce après trois ou quatre titres. Mais ne boudons pas notre plaisir, ce premier opus nous a fait franchement rire. Diego, chien bavard et moralisateur est d'un cynisme de bon alloi (ouah !).
"L'ange des maudits", Cuervos tome 3, Marazano et Durand. Editions Glenat collection Grafica.

La plongée dans les arcanes de la salle guerre colombienne, dans la pègre des enfants et les rouages de la mafia de la drogue se poursuit au fil de ce troisième tome de Cuervos. Toujours aussi dérangeant faute d'être aussi surprenant que les deux premiers volumes. Mensonges, trahisons, corruptions et assassinats sont toujours au menu. Mais dans une complexité que le lecteur un tant soit peu distrait aura peut-être du mal à suivre. D'autant plus que le découpage de Marazano et les ellipses de Durant au scénario ne facilite pas nécessairement la lecture. Le récit reste toujours aussi vif et rythmé, les cadrages audacieux, multipliant, jusqu'au tic, les personnages hors champ ou presque, les (contre-)plongées et les effets de « ralentis » où le geste se découpe en plusieurs dessins sur la même case. Certes, cela donne du rythme et du relief, comme le direct d'un reportage télé, mais à force, on s'essouffle un peu.
Le personnage de Joan, que l'on s'était pris à aimer en gosse tueur, que l'on avait plaint en ado déraciné, devient franchement détestable en parrain politicien véreux. Mais détestable parce qu'il sonne finalement très vrai, même s'il en fait un peu trop.
"Don Quichotte dans la Manche", de Douay et Leroux. Editions Vents d'Ouest - Collection Intégra.

Le mythe de Don Quichotte n'est pas neuf et combien de fois n'a-t-il pas été repris, adapté, torturé à toutes les sauces. Stéphane Douay et Didier Leroux s'y collent à leur tour avec un plaisir jubilatoire et partagé. De La Mancha espagnole on passe à la Manche française, du début de XVIIe siècle, on saute au début du XXIe... Pour le reste, l'esprit de l'oeuvre de Cervantès est respecté, si ce n'est la lettre, mais comment en serait-il autrement dans une transposition. Ce Don Quichotte normand est animé de la même flamme de folie que son illustre ancêtre : nourri aux récits épiques, défenseur de la veuve et de l'orphelin, combattant des lignes à haute tension, faute de moulins à vent, ou de vaches au lieu de chevalier en armure... Mais le plaisir de l'adaptation vient aussi des libertés que les auteurs prennent avec l'oeuvre de base, et de la confrontation de leur héros avec le monde réel : un aubergiste en châtelain pour l'adouber, un lecteur attentif pointilleux sur la prononciation espagnole ou une brave fermière pleine de rêves en guise de Sancho. L'ensemble prend un tour poétique et d'une plaisante fraîcheur. Dans sa folie, le héros ne souffre nulle moquerie mais suscite l'attachement. Avec ses personnages caricaturaux et longilignes pour la plupart, Douay adopte un dessin qui rappelle un peu celui de Rabaté, en moins peint, mais non sans personnalité.
"Aïeïa d'Aldaal", Le Cycle de Cyann, Tome 3, Bourgeon et Lacroix, Vents d'Ouest

Voilà plus de 12 ans que le premier tome de cette série déjà mythique est paru. Plus de huit ans depuis le deuxième opus... Mais le lecteur est patient c'est là son moindre défaut ! Et il en a fallu de la patience à François Bourgeon pour se défaire de l'imbroglio juridique où l'ont plongé ses différends avec son précédent éditeur Casterman. De procès en référé, de descente d'huissiers en astreinte de 1.000 EUR par jour de retard dans la remise des planches, les protagonistes ont finalement été renvoyés dos à dos par la justice française, qui a cassé les contrats qui les liaient. Libérés, Bourgeon et Lacroix ont pu se remettre au travail pour livrer ce troisième tome du Cycle de Cyann.
Certes, me direz-vous, mais l'album, qu'en penser ? Rien à dire, le repos forcé n'a en rien terni le dessin de Bourgeon, ni le rythme de l'écriture qu'il partage avec son compère Lacroix. Le monde de Cyann est toujours aussi inventif et créatif. Bourgeon n'a d'ailleurs pas son pareil pour créer des univers d'une rare cohérence. Ce nouvel ouvrage en témoigne à tel point que les aspects techniques des passages spatio-temporels qui y sont décrits frisent l'overdose. A vouloir être trop précis, le sujet devient parfois un peu complexe.
Pour le reste ce Aïeïa d'Aldaal apparaît comme un album de transition entre les deux premiers tomes qui posaient l'univers et les personnages. On y retrouve une Cyann isolée de ses racines, plus sage (et plus vêtue d'ailleurs), plus mature en somme. Bourgeon ne se cache d'ailleurs pas avoir voulu approfondir sa personnalité. Les auteurs posent par ailleurs les jalons de ce que seront les deux derniers tomes de la série. En bref pas incontournable, mais utile pour maîtriser l'ensemble.
"Le Diable, le hasard et les femmes nues", Red River Hotel tome 3, Cornette et Constant. Glénat - Collection Bulle Noire.

Il se dégage de cette petite série un charme réellement indéfinissable. Ce n'est pas un gros succès de foule (au grand dam de l'éditeur qui se pose de sérieuses questions sur sa pérennité), ce n'est pas absolument renversant... Mais il y a quelque chose. Le cadre général de ces histoires, un hôtel new-yorkais permet à peu près toutes les fantaisies. Cornette ne se prive pas d'appliquer sur ce décor malléable une galerie de portraits dont il a le secret. Après un livreur de pizza éperdu, le scénariste se concentre davantage sur d'autres pensionnaires de l'hôtel, les principaux caractères des premiers tomes passant un peu au second plan. Sur fond d'enquête plus ou moins policière à propos d'enlèvement de femmes par une multinationale bizarre (ce qui justifie par ailleurs la présence de Red River Hotel dans la collection Bulle Noire de Glénat), Cornette s'amuse à croquer de nouveaux portraits et à créer des relations. Malgré les stéréotypes apparents, personne n'est ni tout noir ni tout blanc. Mais franchement désaxé, ça c'est clair !
Le dessin de Constant reste plaisant et frais à l'image de cette série finalement. Que demander de plus ?
Clichés - Beyrouth 1990 par Laurent Fabri
Clichés Beyrouth 1990, Bruno et Sylvain Ricard et Christophe Gaultier. Homanoïdes Associés. Collection Tohu Bohu.

Il leur a fallu le temps de la maturation aux frères Ricard pour se lancer dans le récit d'un périple au Liban, effectué il y a 14 ans quand la guerre y faisait encore rage, dans l'indifférence et l'incompréhension du monde occidental. Des carnets de bord, plus de trois cent photos et les souvenirs repartagés entre les deux frères leur ont servi de base pour retracer leur voyage entre Beyrouth et Saïda. Les frères Ricard relatent avec des yeux de candides, de jeunes parigots ne comprenant que dalle aux questions libanaises, un voyage qui progressivement va les forger et leur mettre pas mal de plombs dans la cervelle. L'insouciance du ton permet de grader un décalage et une retenue par rapport à certains moments de tension très forte. Sylvain Ricard a réécrit ses notes de voyages et ses souvenirs avec son frère Bruno et en a confié le dessin à son compère Christophe Gaultier, avec qui il avait déjà signé Kuklos, Banquise et le Cirque aléatoire. Ce volume démontre une fois encore que la BD se prête particulièrement bien au reportage de terrain. Cela se lit comme une oeuvre de fiction.
La bouche sèche par Laurent Fabri
La Bouche Sèche, Jean-Philippe Peyraud, Treize Etrange

On connaît Peyraud comme un émule de Dupuy et Berbérian. Comme le duo parisianisme, Peyraud s'est fait une spécialité de croquer des scènes de vie d'une petite bande de copains à peine trentenaire dans Premières chaleurs... paru chez Casterman. Avec La Bouche Sèche, Peyraud ne s'écarte pas franchement de son sujet. A la différence près qu'il rassemble ici quelques nouvelles qui n'auraient sans doute pas trouver leur place dans Premières Chaleurs... Avec son style inimitable, notamment dans l'esquisse des visages dont les expressions passent au travers de trois ou quatre traits seulement, Peyraud croque ici quelques tranches de vie très courtes : une jeune fille qui pleure dans un métro, une scène de rupture, une recontre fortuite dans les rayons frais d'un supermarché. De ces petites choses de la vie quotidienne, mais qui peuvent être d'une émotion capitale pour l'individu en question. Une émotion palpable et qui transparaît derrière des dialogues pourtant d'une parfaite banalité. Aussi banaux que la vie quotidienne.
Mémoires d'une vermine par Laurent Fabri
"Mémoires d'une vermine", Valiente et Trillo, chez Albin Michel.

Difficile de faire plus abject que ce Lieutenant Lassabia, flic sud américain régnant en maître sur la pègre d'une ville sud américaine, qui pourrait aussi bien être Buenos Aires, Rio ou Bogota. Corrupteur et corrompu, macro, dealer, assassin, maître-chanteur... On en passe. Lassabia est la quintessence de la pourriture d'un certain pouvoir qui mine encore la société en Amérique du Sud. Trillo ne se cache d'ailleurs pas pour les dénoncer au long de ses nombreux scénarios. Pour en remettre une couche sur le profil de ce personnage nauséabond, Trillo l'affuble d'une maladie de peau, la gale, qui en espagnol désigne aussi toutes les formes d'abus de pouvoir... Trillo en fait énormément dans cette satyre acide. Trop peut-être, mais on se prend au jeu, même si à force, on n'a plus vraiment envie de rire.
Pour son premier album de BD, Valiente s'en sort plutôt bien. Formé au dessin d'animation, il en retire un style se basant sur les couleurs plus que sur le trait, mais qui ne manque pas de vigueur et de dynamisme.
"Arabesque", Les Tuniques Bleues tome 48, par Lambil et Cauvin, chez Dupuis.

Faut-il encore commenter le 48ème tome d'une série comme les Tuniques Bleues ? A force, on a l'impression que tout a été dit, voire que les auteurs eux-mêmes ont tout dit. Sans doute ont-ils effectivement creusé le sujet jusque dans son tréfonds, puisque ce xième opus se borne à aligner quelques nouvelles ayant pour personnage central Arabesque, le cheval le plus cabot de la bande dessinée. Outre le fait qu'il complètera la collection déjà entamée, ce qui fait une raison au moins de l'acheter, cet ultime volume ne vaut sans doute que par le dessin de Lambil qui compense l'indigence du scénario. S'il fallait encore se persuader de son talent (rappelez-vous le making of de Nancy Hart paru dans Spirou puis en album), Lambil le démontre encore, ne fut-ce que par les crayonnés de la couverture. Il n'a pas son pareil pour donner de l'expression aux chevaux. Il doit par ailleurs être l'un des meilleurs dessinateurs de la plus belle conquête de l'homme avec le regretté Franz.
Le corrupteur, Enchaînés tome 2, par Callède et Gihef, chez Vents d'Ouest.

Le premier tome laissait à penser que la suite serait de la meilleure eau. On ne s'est pas trompé. Callède est un maître du suspens et des scénarios retords. Il ne faillit pas à sa réputation en focalisant son objectif sur la lie de la société, un vieux poivrot, un jeune qui aurait eu sa place dans les couloirs de Columbine, une mère au bout du rouleau qui ne sait plus comment faire pour donner une éducation décente à ses enfants, et un raté aussi consciencieux pour réussir ses échecs que pour aligner des chiffres. Stéréotypé, les quatre personnages n'en manquent pas moins d'épaisseur. Tout au long de l'album, on a beau se dire que leur fond reste bon, qu'ils ne vont pas aller au bout de leur mission diabolique. Mais ce n'est que pour mieux déchanter. Parce que Callède sait distiller ses effets. Et parce que Gihef parvient à faire passer énormément de sentiments dans le regard d'un enfant qui voit partir sa mère... On achève la lecture avec un gros soupir, mais on attend la suite avec impatience.
Big Bill est mort par Laurent Fabri
Big Bill est mort, par Wander Antunes et Walther Taborda, chez Paquet dans la Collection Blandice.

Voilà un album qui vaut d'abord par le graphisme mais qui déçoit un peu sur le contenu par un côté trop convenu. Rien ne surprend vraiment dans cette histoire de noirs qui tentent de s'émanciper dans le Sud profond de l'Amérique des années trente. Si ce n'est le ton un peu humoristique apporté par le dessin, on ne peut se défaire d'un sentiment de déjà vu, dans cette panoplie de personnages dont pas un ne rattrape l'autre. Mais il y a le dessin de l'argentin Walther Taborda, qui permet de récupérer la sauce. Oscillant sans cesse entre la caricature et le réalisme, influencé par le comics américain, le trait de Taborda donne une sorte de second degré à l'album.
Le chant des baleines par Laurent Fabri
Le chant des baleines, par Baudoin, chez Dupuis - Collection Aire Libre.

Hermétique, incompréhensible... le dernier album de Baudoin ? En tout cas difficile comme à l'accoutumée, mais plus encore en tout cas que Les Yeux dans le mur, son précédent opus dans la collection de prestige de Dupuis. Pour chercher une référence, je penserai à l'Homme qui marche de Tanigushi, mais en plus torturé, en plus écorché, à l'image de son créateur. En fait d'homme qui marche, celui de Baudouin fuit, sous prétexte d'une quête, celle de sa note ultime. Dans sa fuite, il croise des personnages improbables, une fille qui attend le train qui la conduira à son mariage, un soldat, un couple de vieux retirés du monde. Paradoxale, cette fuite pousse le personnage toujours plus loin dans la misère du monde, dans la guerre, dans la peur, dans la mort.
Le trait de Baudoin continue à hésiter entre le dessin et la peinture, penchant une fois vers l'un, une fois vers l'autre, jusqu'à travailler à la manière de Van Gogh et jusqu'à reprendre des tableaux de Goya. En plus de ces tableaux que sont chaque case, Baudoin distille un texte, certes pas toujours évident à saisir, mais dont certaines phrases sont d'une grande beauté. Ou d'une terrible cruauté.
La nuit de Saint-Germain des près, Nestor Burma tome 5, Moynot et Leo Malet d'après les personnages de Tardi.

Cela commence à faire du monde au générique de l'album. Mais du beau monde : Léo Malet écrivain policier, Tardi, faut-il encore le présenter et Moynot dont le coup de crayon n'a rien à envier à personne. Au centre de ce triangle, l'ineffable Nestor Burma, privé à la Française, parigot comme pas deux, la pipe calée au coin des lèvres et le feutre vissé sur la tête comme l'imperméable sur les épaules. Tardi, très occupé par son Cri du Peuple, avait souhaité passer le flambeau pour l'adaptation de Burma (dont on se surprend par ailleurs à constater qu'il n'y en avait que quatre tomes tant le personnage est devenu un classique). Qui d'autre mieux que Moynot pouvait le reprendre si l'on en juge par la proximité de style qu'il existe entre le sien et celui de Tardi. Même simplicité apparente, même rondeur du trait, mêmes tronches croquées dans les troquets. Mais au-delà de ces familiarités, Moynot a apporté sa touche. Avec la couleur d'abord. Jusque là Tardi ne s'était essayé qu'une seule fois à distiller quelques gouttes de couleurs dans ses camaïeux de gris, dans Une gueule de bois en plomb, librement inspiré du personnage de Burma. Moynot se garde bien de rendre ses couleurs omniprésentes. Les tons sont passés, délavés, sans éclats qui ne conviendraient d'ailleurs pas à la noirceur du récit de Malet. Rien à dire la reprise est assurée.
L'épicurien, Les quartiers de l'étrange, St Jo et St Ef, Albin Michel collection Post Mortem

Difficile de se faire une réelle opinion sur cet album d'un style graphique très particulier. Il faut en effet faire un certain effort pour entrer dans ce dessin ou tout n'est que couleurs juxtaposées, sans le moindre trait, avec en sus une construction qui donne l'impression de voir les scènes à travers la focale déformante d'un objectif grand angle. Durant les premières planches, cela décoiffe, rebute franchement ou intéresse. Mais dès lors que l'on passe là-dessus, on entre dans l'histoire, qui elle aussi met un certain temps à décoller. Le cadre n'est, il est vrai, pas facile. Un hotel-bordel-restaurant, fréquenté par le gratin bourgeois d'une ville de province, est dirigé par une sorte d'ogresse centenaire sur laquelle court les légende les plus étranges. De ce postulat, le Belge St Jo parvient à tisser une intrigue réellement angoissante, mise encore en exergue par des couleurs fantasmagoriques du Québécois St Ef. Au terme de ce premier tome, on reste un peu sur sa fin, partagé entre l'hermétisme du style et l'intérêt d'un scénario assez bien construit mais qui doit encore faire ses preuves.
Mémoires 1900 et Mémoires 2000, XXe ciel.com, Yslaire, Les Humanoïdes Associés

XXe siècle, XXe ciel... Bernard Yslaire a pris le difficile pari de relater l'histoire du siècle dernier au travers de la bande dessinée, au travers des yeux de certains acteurs au profil spécifique, psychanalystes, photographe, soldats anciens hippies, musiciens, journalistes... Autant de personnages placés aux bons endroits au bon moment pour avoir une vision, leur vision, celle de l'auteur, des cents dernières années. Mais quand se termine ce siècle ? C'est la question que s'est posée Yslaire au soir du 11 septembre. De l'effondrement des tours, Yslaire dégage une nouvelle fin pour sa trilogie du XXe Ciel. Ou plutôt deux fins, l'une s'achève au début des années 50 sur une route des Etats-Unis, l'autre sur le reflet d'un avion dans les vitres d'un immeuble. Deux fins qui se complètent, qui ne s'annulent pas, à lire en parallèle, davantage que l'une après l'autre.
Derrière une intrigue captivante, Yslaire poursuit cette sorte d'introspection, cette psychanalyse du monde, qu'il avait initiée au fil des deux premiers tomes, à l'aide d'images emblématiques, scannées, traitées, (re)dessinées, travaillées, mises en couleurs, oscillant des camaïeux ocres aux bleus froids en passant par toutes les tonalités de gris. Le dessin de Yslaire apparaît dans toute sa splendeur, sa construction, sa pureté brute, trait après trait, sur lesquels s'appuient des coups de pastel, des halos de couleurs qui donnent le relief à chaque dessin.
Le travail est remarquable, transcende les règles de la bande dessinée. Mais le risque, à ce jeu, est de perdre le lecteur dans un excès d'intellectualisme. Sans une connaissance profonde de l'histoire de la psychanalyse, de l'Histoire et de ses figures majeures ou secondaires, le lecteur passe à côté d'une part de la cohérence du récit. C'est le seul reproche que l'on peut faire à ce double tome.
Du Sang pour le pape, Borgia tome 1, Jodorowsky et Manara, chez Albin Michel.

Jodorowsky, on connaît, scénariste prolifique et visionnaire, auteur complet et multi-média, passant avec bonheur de la BD au théâtre ou à l'écriture.
Manara, on connaît tout autant, particulièrement pour les chutes de reins de ses héroïnes callipyges et pour avoir bousculer les barrières de l'érotisme en BD, ouvrant la porte à moins de retenue.
La conjugaison des deux semblait improbable et pourtant elle est. Mais pour quel résultat...
Manara ne surprend guère dans cette adaptation de la saga des Borgia. Il se complait à dessiner avec le talent et la maîtrise que le caractérise la décadence de l'Eglise à la fin du XVe siècle et ne semble pas devoir forcer son trait. Par contre, le dessinateur italien n'est jamais aussi bon que quand il se limite au noir et blanc. Ses couleurs directes, appliquées avec une infinie précision, sont malheureusement criardes et d'un goût douteux
Plus étonnante est la présence de Jodorowsky dans cet exercice de style racoleur. Partant de faits historiques avérés, Jodo force par contre le trait pour en remettre une fameuse couche de stupre sur ces pages historiques déjà nauséabondes.
Sans vouloir tomber dans une pudibonderie ridicule, cette adaptation des Borgia n'est finalement qu'un prétexte à dessiner des scènes de sexe léchées (si je puis me permettre cette expression), de violence gratuite, de scatologie du meilleur effet...
Le Survivant, Wayne Shelton tome 4, Cailleteau et Denayer, chez Dargaud.

Album après album, la série Wayne Shelton commence à trouver son rythme de croisière. De là à dire que c'est une série qui fera date, il y a un pas que je n'oserais pas franchir. Lancée sur le nom de Van Hamme, qui s'est empressé de passer la main du scénario à Cailleteau (au grand dam d'Huguette Van Hamme qui avait un faible pour le personnage), la série a tout de la série B : une collection de personnages plus ou moins récurrents très stéréotypés, des aventures à rebondissements, de l'action, des cascades et quelques moments sulfureux juste suggérés. Cela sonne comme une série télé des années 70 ou 80. C'est sans doute justement cela le problème : dès sa création, Wayne Shelton apparaît comme démodé. Et cela n'est pas uniquement lié à l'âge indéfinissable mais avancé du personnage-titre, bellâtre aux tempes grisonnantes mais encore vert. On a beau savoir que la série n'a pas quatre ans d'existence, on ne peut s'empêcher de penser qu'on a déjà lu cela quelque part. N'était-ce pas dans un Tintin de la grande époque, entre les Histoires de l'Oncle Paul et Vol 714 pour Sydney ?
Mais dans le genre et nonobstant ce caractère désuet, cette série se laisse lire... lorsque l'on a rien d'autre à faire, généralement dans un endroit clos, entre lave-mains et dérouleur de papier. Et là effectivement, on peut y trouver un certain plaisir. Le temps de lecture même semble formaté pour cet endroit exigu et moyennement confortable : un quart d'heure environ. C'est classique, sans surprise, juste assez efficace pour que l'on passe à la page suivante, dès le moment où l'on passe outre les incohérences et les ficelles.
Faute sans doute de ne pas les avoir créés, Cailleteau ne parvient pas à donner une épaisseur suffisante à ses personnages et se contente de « faire avec », alors qu'il peut commettre par ailleurs des histoires réellement inventives dans d'autres genres. Reste le dessin de Christian Denayer, toujours très enlevé, dynamique et précis. Mais là aussi un rien désuet.
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