"Abdallahi", tome 1, de Dabitch et Pendanx. Futuropolis.
"Que ta chamelle bouffe le cadavre de ta mère souillée par les chiens !" Hé oui, au début du XIXème siècle, le transit de l'Occidental vers le coeur de l'Afrique n'était pas de tout repos, au point que rares ont été ceux qui ont pu ramener à nos oreilles ce genre de remarques.. Surtout lorsque l'on part vers l'inaccessible, Tombouctou, une ville mythique à cette époque, que certains ont vu de leurs yeux sans avoir pu la décrire, faute d'en être revenu vivant. C'est donc un carnet de voyage très particulier que livrent Dabitch et Pendanx.
L'histoire est véridique et Saintes (Charente-Maritime, sud-ouest de la France, Monde..) garde les traces d'un certain René Caillié, fils de bagnard et le premier Européen attesté à revenir donc de Tombouctou sur ses deux jambes. Une dure aventure qui lui a imposé de découvrir et d'apprendre les us et coutumes d'une série de peuples ou de tribus. Une véritable coupe transversale du continent africain alors inconnu, verrouillé d'abord par les Maures, très sourcilleux d'orthodoxie religieuse. On y retrouvera quelques sujets d'une actualité brûlante. Mais le sieur Caillié est tenace et plonge dans l'Afrique Noire où les femmes sont belles et les hommes édentés, "des bouts d'os me tombent du palais" avoue l'explorateur malade, persuadé de mourir sur place. Mais le voyage (initiatique ?) accompli en compagnie d'un ancien esclave, Arafanba n'est pas de tout repos (ce "couple" n'est pas sans rappeler certains épisodes africains de "Corto Maltese"..).
En 80 pages de ce qui n'est que le premier volume d'une histoire conçue en deux tomes, Dabitch et Pendanx confirment que Futuropolis nouvelle version sait toujours trouver des conteurs de talent. Avec une mention particulière pour Jean-Denis Pendanx dont le dessin respire la poussière de l'Afrique et magnifie ce continent que l'on a tous rêvé. Et on va encore se pencher (décidément) sur la page 38, cette feuille charnière des BD imaginées autrement qu'en une cinquantaine de pages. C'est quoi cette école de peinture ? Fauvisme, pointillisme, impressionnisme ? Juste un mélange très personnel, une touche qui permet de passer instantanément de l'ombre au soleil. Un soleil dont la chaleur est palpable.
On est bien ici dans un récit de Dabitch, qui, auparavant, a été voyager au pays des Serbes, et surtout dans des peintures de Pendanx : on pourrait rêver que comme pour Alex Barbier à Angoulême il y a quelques années, l'ensemble des planches de l'album soient exposées sur des murs. Cela serait un beau voyage.
La remarque du jour :
"Je t'attends depuis des mois.
Le temps n'existe pas en Afrique
mais ça fait long !"
(Arafanba à Caillié)