Les 129 critiques de Jean-Marc Lernould sur Bd Paradisio...

Futuropolis sur son "32"

Le printemps a vu apparaître une nouvelle collection, "Futuropolis 32" dont 4 albums viennent de sortir, 2 autres étant annoncés pour ce mois de mai. "32" pour 32 pages que comportent obligatoirement chacun des opuscules de cette série dirigée par Luc Brunschwig car décidément, la mode est aux feuilletons avec "l'Etrangleur" de Tardi chez Casterman. Mais ici, il faudra compter de 9 épisodes pour "Guerres civiles" scénarisé par Morvan et jusqu'à 18 épisodes pour "le Monde de Lucie" de Kris et Guillaume Martinez, à coup d'une parution mensuelle vendue 4,90 euros l'exemplaire, cela fera donc au total 288 pages pour le premier au coût de 44,1 euros (soit 0,15 euro la page) et pour le second 576 pages pour 88,2 euros (soit.. 0,15 euro la page également) : ce qu'on appelle de la régularité. A noter que les couvertures ne sont pas cartonnées mais que le papier est de bonne qualité.

Outre les 2 séries citées ci-dessus sont parus les tomes 1 de "l'Idole de la bombe" (Jouvray et Presle) et de "Après la guerre" (Brunschwing et Martin), en attendant le début de "James Dieu" de Pontarolo (9 épisodes prévus) et "Holme " de Cécil et Brunschwig, ce dernier étant bien occupé par cette collection (12 épisodes prévus).

Voici deux regards parmi les quatre premières sorties, qui laissent augurer de récits plus sérieux que primesautiers, mais en tous cas prometteurs.

"Après la guerre", tome, 1 (15 épisodes prévus) : scénario de Luc Brunschwig, dessin de Freddy Martin et Etienne Le Roux, couleurs de Vincent Froissard.


On évolue dans un Paris qui se situe vers 2038/2040, pas très reluisant, où l'écart entre les riches et les pauvres s'est encore creusé et où l'on vend des insectes frits et qu'on se dispute les squats ou les hôtels borgnes. Et nos pauvres zonards apprennent par l'unique chaîne mondiale de télévision ("la voix des multinationales et du gouvernement mondial") que trois énormes vaisseaux extra-terrestres se rapprochent de la Terre. Ils seront là dans un an et comme ils n'ont pas daigné répondre aux interrogations de nos braves Terriens, ceux-ci s'attendent au pire et se mobilisent pour la guerre. Le problème est que celle-là n'éclate pas pour le moment, ce qui n'empêche pas la situation planétaire d'empirer. C'est dans ce cloaque qu'un déserteur reconverti en privé est chargé d'enquêter sur la fugue d'une gosse de riche, mais un plus gros lièvre se profile.

On surfe donc sur le sordide avec un dessin efficace et des couleurs glauques à souhait et pour peu que la trame élaborée par Luc Brunschwig ("le Pouvoir des innocents", "l'Esprit de Warren", "le Sourire du clown") tienne la route, on peut s'attendre à du costaud.

"Guerres civiles", tome 1 (9 épisodes prévus). Récit de Jean-David Morvan et Sylvain Ricard, dessin de Christophe Gaultier et couleurs de Marie-O Galopin.

Comme dans l'album précédent, la France décrite n'est pas au mieux de sa forme et si on ne sait pas trop qui tire sur qui dans cette époque quasi contemporaine, ça pille à tout va alors que les chars font trembler Paris non sans rappeler "l'Insoutenable légèreté de l'être" et les Soviétiques entrant à Varsovie. Pas de courrier dans les boîtes, des poubelles qui s'amoncellent dans les rues, des queues pour dénicher du carburant, mais pour fuir où ?

L'originalité de la trame c'est que les auteurs se mettent eux-mêmes en scène dans leur propre métier, sur le thème "comment je me comporterais si je me retrouvais dans une telle situation ?" Ni blanc ni noir peut-être.

Le récit imaginé par Morvan ("Sillage", "Troll") est traité de façon documentaire et réaliste, très plausible hélas. Et si c'était pour demain ?
Santa Maladria (Helldorado) par Jean-Marc Lernould
"Santa Maladria", "Helldorado" 1 de Noé, Morvan et Dragan. Casterman.

Il y a décidément quelque chose qui rappelle "Aguirre ou la colère de Dieu" dans "Helldorado" et pas seulement parce que l'on y voit des conquistadors s'en prendre aux Indiens. Comme dans le film de Werner Herzog, les Européens qui ont débarqué dans le Nouveau Monde (ici une île) sont sales et méchants. Rien de reluisant donc et surtout pas non plus les autochtones qui n'évoquent pas vraiment la légende de Poncahontas. Ici, on se réveille dans la douceur du matin avec son bébé dans ses bras mais on finit vite par creuser sa propre fosse commune avant de partir en fumée ou déchiqueté par les "matadors", le surnom que prennent ici les conquérants espagnols.

Il ne s'agit pas vraiment de trouver un Eldorado mais d'éradiquer une maladie que l'on n'ose même pas nommer. Un massacre qui pourrait très bien se situer au VietNam ou en Bosnie, un enfer dans lequel deux jeunes Indiens insouciants s'amusent à piller les villages dévastés avant d'être capturés par d'autres Indiens, vraisemblablement d'une plus haute caste. Car ici il n'y pas de manichéisme, de vilains blancs d'un côté et de pauvres indigènes de l'autre et le scénario élaboré par Jean-David Morvan et Miroslav Dragan révèle d'agréables surprises, tout comme le dessin et les couleurs souvent saisissante d'Ignacio Noé. Un flash rougeoyant renvoie ainsi vers une autre tragédie, l'inquisition espagnole. Quant aux sept premières pages de l'album, elles sont vides de tout dialogue et pourtant extrêmement parlantes : Morvan qui a écumé à peu près tous les éditeurs (ne citons que sa série "Sillage") a su s'adjoindre deux talents relativement jeunes bien qu'il ait déjà oeuvré avec Dragan pour "le Collectionneur" et aussi avec Noé pour "les Chroniques de Sillage". On ne change pas une équipe qui gagne..

La sorcellerie du jour :
"Comme pour tout ce qui émane du diable,
j'ai décidé que cette maladie ne devait pas être nommée."
(Le Capitan)
"Le Désert des Molgraves", "Paradise" tome 2 de Bingono et Sokal. Casterman.

Cela fait belle lurette que Sokal a délaissé "Canardo" et c'est tant mieux car les derniers tomes tiraient la série à la baisse. Par contre, le bonhomme s'éclate en tant que scénariste, surtout quand il s'adjoint les services de Bingono au dessin (les couleurs très belles sont de Jean-François Bruckner). On connaît encore relativement peu ce Brice Bingono qui a déjà collaboré au premier volume de "Paradise" "la Saison des orages". Dans ce deuxième album, l'héroïne Ann Smith franchit le Rubicon pour gagner une contrée plus sèche habitée par un drôle de peuple, les Molgraves qui eux l'identifient rapidement comme la fille du roi Rodon dont l'empire est emporté par des rebelles moins pacifiques qu'on ne le croit.

Il y a ici un mélange de réalisme et de trouvailles. Les êtres du royaume de Rodon sont bien des humains mais par certaines touches, on entre dans le fantastique. On invente par exemple une faune inédite un peu comme Bourgeon et Lacroix l'ont fait dans leur "Cycle de Cyann". Quant aux Molgraves, ils perdent leur identité s'ils mettent le moindre pied par terre.

On retrouve la quête d'un passé – celui de la fille de Rodon – sa fuite devant des rebelles et un monde en déliquescence où justement les Molgraves – qui ne constitueront qu'un simple épisode – semblent les seuls à garder non pas les pieds sur terre mais la tête dans les arbres.

On dénichera également dans l'album la promo du dernier CD-Rom de Sokal, justement intitulé "Paradisio", et l'auteur nous a déjà habitué à des graphisme somptueux avec des oeuvres sur PC comme "l'Amerzone" ou "Syberia".

En ce qui concerne le livre c'est indubitablement du très beau travail.

Le mauvais sort du jour :
"Tu apporte le malheur et la mort
avec toi, tu es maudite Malkia Rodon"
(C'est Molgrave, docteur ?)
"Le Rendez-vous de Glasgow", "Le Légataire" tome 1 de Giroud, Béhé et Meyer. Glénat.

On connaissait déjà les produits dérivés de la BD, voilà les.. BD dérivées de la bande dessinée. Puisque Giroud nous fait le coup de "la suite du décalogue", ce qui ne va pas résoudre les problèmes de stockage. Selon Glénat, il s'agit d'une série autonome mais les renvois et allusions mettront dans la peine ceux qui ne se sont pas farcis les dix albums initiaux (dont les tomes 1, 2 et 7 auxquels ont fait référence dans "le Légataire") , pas mauvais cela dit, mais faut être gonflé pour prétendre que "une quelconque ressemblance avec des situations ou des personnages ayant existé serait totalement fortuite" puisque la moitié viennent du Décalogue !

Le scénariste rempile donc avec Béhé qui a planché déjà sur tous les "Décalogues" et Camille Meyer (elle fut coloriste pour la série "Wendigo" et a dessiné le tome 3 de "Ian"). L'action débute par où s'était achevé "le Décalogue", en Ecosse donc, avec pour personnage central l'assassin présumé de Riza, Merwan Khadder, pisté par des intégristes musulmans puisqu'il recherche désespérément l'origine d'une omoplate de chameau sur laquelle est gravée une sourate inédite du prophète, un peu trop tolérante aux yeux de certains. On découvre également la compagne du regretté plagiaire Simon Broemeeke et pour arranger le tout un tueur en série vient lancer une nouvelle piste, mais il faudra attendre le tome 2 pour savoir s'il pourra afficher de nouvelles victimes à son compteur.

Bref, on assiste à des intrigues plutôt complexes mais bien découpées et on retrouve là la pâte de Giroud. Très bonne note aux deux dessinateurs et à la coloriste Amandine Laprun (Il est cependant curieux que ce soit un quatrième larron, Nicolas Wintz, qui se soit chargé de la couverture). "Le Légataire" est prévu sur 5 albums.

L'inédit du jour :
"Tu te montreras charitable envers les faibles,
les démunis et les pauvres d'esprit"

(Bien la sourate, mais pourvu que
les simplets comprennent l'intrigue..)
La croisade s'amuse par Jean-Marc Lernould
"La Croisade s'amuse", de Jul. Albin Michel.

Après avoir posé l'angoissante mais l'hilarante question "Faut-il tuer José Bové", Jul s'en prend cette fois à G.W. Bush et à la politique extérieure des Etats-Unis tout en ridiculisant monsieur et madame Ben Laden. Une mission mieux accomplie que celle des GI en Irak mis à part une fin en queue de poisson, mais ce n'est là que péché véniel tant le va-et-vient entre le journal intime de la fatma Ben Laden et l'abrutissement congénital de Bush est d'une loufoquerie exemplaire, pire même que la satire de Michaël Moore, qui apparaît d'ailleurs dans l'album.

Il se trouve donc que Madame Ben Laden est en manque de news "people" et entreprend son journal intime comme Lady Di. C'est vrai que c'est pas facile tous les jours d'être femme du terroriste numéro 1 et que la dame ne se prive pas de signifier à son époux intégriste que "l'obscurantisme après 1 heure du matin, ça me paraît explosif." Bien entendu, la burka est moquée à toutes voiles, dont une fameuse affiche présentant le film "la Dolce Charia". Quant aux femmes dissimulées sous ces fameuses prisons de tissu ambulantes, elles ne peuvent guère que se demander au cours d'une réunion Tupperware, si on peut mettre dans ces boîtes en plastique des armes de destruction massive.

Bush n'est pas mieux loti de son côté, persuadé que c'est un certain Al-Zheimer qui a descendu l'ex-président Reagan, tout en lisant d'une main "la bible pour les nuls" avec la pétoche d'être ridiculisé par Bush senior à Thanksgiving si, d'ici-là, il n'a pas attrapé Ben Laden.

Et on ne résiste pas à citer cette réflexion d'un otage occidental offert par Omar et trouvant un petit crâne dans sa cellule : "ça devait être un journaliste sportif".. Bref Jul sait aller très loin malgré un dessin hâtif. Mais on appréciera néanmoins les lèvres de Candy Rice gonflées au même collagène qu'Emmanuelle Béart.

Le cadeau du jour :
Une ceinture de nouilles
Explosives pour la fête des mères

(Offerte par les fils Laden à leur maman).
"Mis en examen", "L'ordre de Cicéron" tome 2 de Gillon et Malka. Glénat.

Glénat aime décidément les histoires de gros sous.. en tout bien tout honneur. Dans le tome 2 de "L'Ordre de Cicéron", présenté comme un "grand thriller juridico-financier" se trouve une pub pour "Secrets bancaires" de Richelle et Wach. Mais revenons à notre Cicéron, une série titrée ainsi pour rendre hommage "au plus éloquent des orateurs romains".

Malgré une intrigue complexe, le tome 2 peut se lire sans avoir défloré le premier volume bien que dans les deux albums, plusieurs générations des familles d'avocats Steiner et De Veyrac s'affrontent. Mais oublié le décor du Paris de la Deuxième Guerre Mondiale, c'est la capitale de la fin du vingtième siècle qui sert de fond d'écran justement à des trafics de fonds via des sociétés écran. Plus simplement, le cabinet américain de Nathan Steiner entend racheter celui du Français Benjamin De Veyrac pour venger sa famille. Il utilisera pour cela et en guise de taupe une demoiselle très ambitieuse et parfois très dénudée tandis que la juge Veron qui rêve la nuit de blanchiment d'argent - et de gros titres dans les journaux - va emmener tout ce beau monde devant le tribunal.

Bref, on bouffe du code pénal mais heureusement le scénariste Richard Malka est lui-même avocat de "Charlie Hebdo", le journal satirique français qui n'a pas perdu beaucoup des nombreux procès qu'on lui a intentés (dernier exemple en date, il a pu publier impunément les caricatures de Mahomet) ce qui prouve l'habilité du monsieur. "Mis en examen" est ainsi truffé d'appels de notes très techniques en matière de législation, qu'on peut lire ou pas selon le temps que l'on veut passer sur la BD.

Quant à Gillon, son dessin à beau paraître classique (tout comme les cadrages), il reste efficace, bien que les couleurs verdâtres d'Hubert utilisées pour des retours au passé se distinguent parfois mal de celles de l'action présente. Au total une BD très honorable dont on attend le troisième tome.

L'appel de note du jour :
"Les institutions financières sont astreintes
à déclarer toute opération douteuse
auprès du service spécialisé TRACFIN"

(Si, si, on peut ne pas lire les appels de note..)
"Le Corps et le sang", "Nicolas Eymerich inquisiteur" tome 1 de 2 de Jorge Zentner et David Sala. Delcourt

Voici la suite de la mise en images des aventures de Nicolas Eymerich, lequel a réellement sévi en tant qu'inquisiteur au XIVème siècle et dont l'écrivain Valerio Evangelisti a transformé la vie en saga de plusieurs romans (1). Le premier cycle étant achevé, un autre débute avec ce qui en fait un tome 3, avec toujours des allées et venues entre cette fin du Moyen-Âge et une époque future, cette fois en 1952 et dans le sud des Etats-Unis.

Nommé grand inquisiteur en Aragon, notre Nicolas est appelé en renfort à Castres, plaque tournante de gros enjeux politiques mais également le théâtre de sombres agissements des membres du Masc, une secte qui aime un peu trop le goût du sang. En parallèle, toutes les cinq ou six pages le lecteur bascule dans l'autre intrigue où, cette fois, c'est un savant fou au point d'effrayer même certains membres du ku klux klan qui veut contaminer les nègres par une maladie du sang. Ici, dans cette ère Kennedy, l'inquisiteur est remplacé par un agent de la CIA qui a infiltré le KKK, pour des motifs plus nobles que ceux de l'odieux Nicolas. Mais comme pour le premier cycle, il faudra patienter pour réunir les pièces d'un puzzle compliqué.

La partie moyenâgeuse n'est pas sans laisser un goût du "Nom de la Rose" en bouche, un ouvrage qui avait d'ailleurs fait l'objet d'une douzaine de toiles du regretté Breccia exposées en 1992 à Angoulême, peu avant la mort de l'artiste argentin. Argentin tout comme Jorge Zentner, le scénariste de la BD, qui, lui aussi, a subi l'inquisition moderne de la dictature militaire. Il réussit avec brio à transposer l'oeuvre d'Evangelisti, servi de main de maître par le dessin ou plutôt les véritables peintures de David Sala avec lequel il a également conçu la série "Replay".

Il ne faut surtout pas se laisser abattre par la complexité du récit car c'est un petit bijou qu'on a dans les mains, même s'il faut attendre le prochain volume pour s'éclaircir l'esprit..

(1) On peut voir un résumé des divers romans sur le site http://rernould.club.fr/zzEvangelisti

Le constat du jour :
"Si les petits cochons sont nombreux..
on ne peut pas tous les brûler."

(Chaud ! l'inquisiteur..)
"Des pas sur le sable", "L'Auberge du bout du monde" tome 2, de Prugne et Oger. Casterman.

Le premier tome de la série avait mis la barre très haut tant par la qualité du dessin que par l'étoffe du scénario. C'est donc avec bonheur que l'on voit le deuxième album, "Des pas sur le sable", faire jeu égal avec son aîné. Les trois premières pages montrent le chemin : quasiment pas de dialogue, des paysages somptueux mais aussi inquiétants avec les fantômes de la Bretagne légendaire, et l'oeil coquin de la mignonne Iréna aperçu à travers ses mèches folles.

Le fantastique prend le pas sur l'intrigue policière, ne serait-ce que par la présence obsédante de petits diablotins ou lutins entraperçus fugitivement dans cette auberge du bout du monde, bref, du Finistère. Dans ce village de pêcheurs, des hommes disparaissent, et quand ils reviennent, ils ne sont plus les mêmes. Iréna elle-même, qui s'est évaporée durant 11 longues années, mettra une éternité à reparler tandis qu'elle révèle des talents de guérisseuse. Ses relations avec Yann, son ami d'enfance puis son amoureux sont dépeintes avec beaucoup de subtilité et le couple tranche avec la population du village tendance cul-terreux.

Les réponses se mettent peu à peu en place au fil des souvenirs du vieil aubergiste qui prend tout son temps à les dicter à un écrivain de passage, mais heureusement les auteurs en gardent sous le coude pour le prochain épisode. Vraiment on se régale du dessin et des couleurs de Patrick Prugne aussi à l'aise dans l'ombre que dans la lumière et on n'a qu'une envie : aller respirer l'air iodé de la Bretagne..

La médisance du jour :
"On dit qu'elle a plongé
les mains dans leur coeur
et que ses yeux lançaient des éclairs"

(Iréna, guérisseuse ou sorcière ?)
Or rouge (Mékong) par Jean-Marc Lernould
"Or rouge", "Mekong" tome 1. De Bartoll et Coyère. Dargaud.

Comme il faut bien vendre son produit, un gros sticker vient cochonner la couverture de "Mékong", lequel prévient que cette nouvelle série est à mettre à l'actif du scénariste d'Insiders. Il va bientôt falloir sortir son arbre généalogique avant de signer une nouvelle série.. La saga étant prévue en 4 tomes, on peut penser qu'on trouvera en Une un bel autocollant "fait par les auteurs du tome 1".

Xavier Coyère a surtout oeuvré en tant que stotyboarder ou directeur artistique sur des séries comme "les Malheurs de Sophie" ou "Petit Vampire" prévient l'éditeur, mais il se débrouille aussi très bien en BD pure, sans pour autant prendre trop de risques : une aventure classique en Asie sur fond de trafic d'armes, avec des jonques bourrées de pirates et un duel avec un tigre mangeur d'homme : l'Ombre Jaune n'a qu'à bien se tenir. Rien de très nouveau donc sous la pluie du Mékong, avec des arrières plans minimalistes. Une BD distrayante, sans plus.

Le gros mot du jour :
"C'est un trafiquant de la pire espèce !
une canaille et une sangsue !"

(On doit trouver pire dans Tintin..)
Le sang des Boyards (Novikov) par Jean-Marc Lernould
"Le sang des Boyards", "Novikov" tome 2. De Patrick Weber et Bruno Brindisi. Les Humanoïdes associés.

Les Humanos poursuivent leur collection "Dédale" qui rassemble ce qu'on peut appeler des polars historiques avec pour adage "un héros, un lieu, une époque, un crime". On se demande d'ailleurs s'il est pertinent de regrouper ainsi un genre si fréquent dans la BD. Et puis le terme "un crime" semble un peu léger car ça tue à foison dans le bien nommé "Sang des Boyards".

Le second tome des aventures de Novikov, membre de la police impériale sous le règne de la Grande Catherine, qui n'a toujours pas digéré que sa femme soit trucidée dans le tome 1, continue la quête de son assassin tout en résolvant quelques enquêtes annexes dans les rues de Saint Petersbourg. Pour appâter le lecteur, on nous promet de jolies femmes, ce qui n'est pas faux, sauf qu'elles ne tiennent pas longtemps la route. Pas plus qu'un prédicateur illuminé et nostalgique du défunt Yvan le Terrible.

On a là un polar historique vrai de vrai, ce qui est l'une des spécialités du scénariste Weber mais son premier essai en BD (il signe également "Oeil de Jade" avec Emanuele Tenderini). Le dessin est classique et retranscrit bien l'époque, il est soigné et même perfectionniste. Reste une intrigue compliquée au point que lorsqu'on achètera le tome 3, il vaudra mieux relire avant les deux premiers.

L'ultra violence du jour :
"Tsar ta gueule
à la récré"

(Déjà tout petit
Ivan était vraiment terrible)
Le procès par Jean-Marc Lernould
"Le Procès", de Clod et Ceka. Editions Akileos.

"Bonjour, je cherche l'entrée de la loi" demande le petit bonhomme au chapeau.. "Vous y êtes mais je ne peux vous accorder l'entrée maintenant" répond un gardien plus qu'austère. Les affaires débutent vraiment mal pour Joseph K, d'autant qu'il est arrêté sans motif dès le lendemain par deux sbires qui ne sont pas sans rappeler les Dupond(t). L'étau ne se relâche pas et c'est à travers une ville labyrinthique que K doit chercher le tribunal où il pourra s'expliquer. Un tribunal qui ressemble davantage à une scène théâtre où les émotions des spectateurs sont littéralement orchestrées par un chef à la baguette ! Quant au rayon des réclamations, il vaut mieux y arriver avec d'épais dossiers sous le bras.

Les procédures sont longues, complexes, laborieuses mais K n'a qu'une obsession : défendre ses droits. Les sols sont jonchés de feuilles de papier et les livres ou dossiers s'accumulent et étouffent les moindres recoins. Le dessin fait ressentir une bureaucratie pesante et les non dit laissent perplexes. Comme K, on en devient fou de ne pas savoir où l'on va et pourquoi on est pourchassé, épié. K n'aura pas le temps de s'enfuir, et s'il franchira la fameuse porte de la loi, ce sera avec la tête sous le bras. Le monde de Kafka restera toujours celui de l'absurde et de l'angoisse, deux sentiments ressentis par le personnage principal au visage lisse qui pourrait être vous ou moi...

Clod explique que ses dessins sont rehaussés au crayon pour les ombrés, avec pour résultats une ligne claire et une ambiance sombre, avec des murs qui ignorent l'angle droit et des ruelles tordues. Une façon de revisiter Kafka, avec un dessin lisse qui n'enlève rien à l'absurdité du destin.


Le Kafka du jour :
"Le temps qui t'est imparti est si court
que si tu perds une seconde
tu a déjà perdu toute vie".
(Le gardien de la porte de la loi)
La loge (La conjuration d'Opale) par Jean-Marc Lernould
"La Loge", "La Conjuration d'opale" tome 2, de Corbeyran, Grun et Hamm. Dargaud.

On retrouve nos trois héros du tome premier, réunis car chacun est l'héritier d'une opale confiée à leurs parents par un certain Nostradamus. La belle africaine Walaya (que les pudiques se rassurent, elle a retrouvé son soutien gorge qui lui manquait parfois dans le tome 1..), le guerrier géant Erik à la hallebarde redoutable et l'ex-médecin de Richelieu, Joachim poursuivent donc leur quête en tachant de reconstituer un puzzle ésotérique : ces prétendues opales pourraient-elles servir à décrypter les textes de Nostradamus ?

Les amateurs d'histoire seront comblés bien que, malgré ce que j'ai pu lire par ailleurs, la Guerre de Trente ans (1618-1648) n'apparaît pas pour l'instant dans la trame du récit, en tout cas pas dans les deux premiers volumes. Par contre, l'ésotérisme et la menace de la peste transpirent, et on savoure des représentations comme cette ferme saintongeaise qui ouvre "la Loge". Le dessin de Grun s'inspire à merveille de ce XVIIème siècle avec en particulier des navires dont le trait rappelle celui du très exigeant François Bourgeon. Grun est également aux couleurs et passe sereinement de l'ocre aux scènes de nuit bleutées comme à Anvers par exemple. Anvers où on croise le peintre Rubens, membre éminent de la loge, mais aussi un certain Van Dyck plus qu'éméché.

Le décor est donc bien en place et on attend de connaître le rôle de cette fameuse loge Ars Magna qui dispute les trois opales au trio vedette de la série, avec peut-être cette fois une vraie descente aux enfers que fut la Guerre de Trente Ans qui ravagea surtout la vallée du Rhin. Vivement la troisième opale..

L'hôpital de jour :
"Faites moi donc un pansement !
je me vide comme un goret !"

(Quelqu'un a vu la trousse à pharmacie ?)
"Avant", "Le ciel au-dessus de Bruxelles" première partie, de Bernard Yslaire. Futuropolis.

Encore un petit bijou Futuropolis, avec cette fois il est vrai une valeur sûre, et on retrouve Yslaire en plein ciel. Yslaire qui confirme que "la guerre me fait peur.. J'ai été éduqué dans l'angoisse de la troisième guerre mondiale, de l'apocalypse. " Effectivement l'album s'ouvre sur un ciel très sombre de 1943 au pied des miradors et derrière les barbelés d'un camp de concentration. Un ciel où se détachent des cheminées aux volutes inquiétants : ce sont les Khazars que l'on extermine, livrés aux nazis par Staline.

Laissé mort une balle en plein front, l'un d'entre eux Jules Engel Stern se réveille en 2003 dans le métro bruxellois. L'ange croise la route de Fadya, une jeune beurette qui va participer à une manifestation contre le guerre en Irak avec l'objectif de se faire sauter devant l'ambassade américaine. De quoi redonner de la dignité à son grand frère chargé de la faire exploser à distance via son téléphone portable. Mais l'ange en décide autrement et le juif convie la musulmane à son hôtel pour une étreinte torride et improbable entre deux religions inconciliables : "mon frère me tuerait s'il savait que je parle à un juif" dit-elle. Alors coucher avec.. "Imagine there's no countries.. No religion too" chante Lennon en parallèle, tandis que la RTBF passe en boucle des images d'attentats palestiniens ou de raids israéliens : une triste partie de ping-pong. La vraie obscénité selon Yslaire.

Toutes les guerres sont inéluctables. En tous c'est ce qu'on dit toujours après relève Yslaire, qui livre ici un récit profond, celui d'un auteur à part entière. On attend vivement la seconde partie, "Après", pour retrouver ce superbe dessin.

Le philosophe du jour :
"Vous avez remarqué ?
Toutes les guerres se déclarent par beau temps."

(un chauffeur de taxi).



Le don (Le Malvoulant) par Jean-Marc Lernould
"Le Don", "Le Malvoulant" tome 1, de Corbeyran et Paul Marcel. Delcourt.

Le scénariste Corbeyran signe une nouvelle série avec Paul Marcel qui affiche déjà un dessin prometteur. Le décor est planté dans la Vendée du XIXème siècle près de Noirmoutier, avec pleine lune sur la lande brumeuse, où l'on assiste à de curieuses rencontres comme celle d'un bouilleur de cru occupé à tester lui-même ses produits, avec un sorcier à tête de loup.. Ce dernier conduit également d'étranges cérémonies nocturnes (les pinailleurs de Bo Doï se régaleront de voir à cette occasion son monocle passer d'un oeil à l'autre..) où il révèle à une femme enceinte que son enfant a "le" don. Mais la mère ne passera pas la nuit, égorgée au détour d'un chemin. 15 ans après, son bébé a grandi et s'est entre-temps découvert un don de télékinésie, mais Clément supporte mal l'oppression du très austère pensionnat Saint-Gabriel d'où on le renvoie pour avoir lu "Les Mystères de Paris". De retour dans la maison familiale, Clément subit les foudres de son beau-père (qui le crucifie pour lui apprendre à vivre !) et perçoit bientôt un autre mystère : qu'a fait sa mère cette fameuse nuit, il y a 15 ans ? Est-elle d'ailleurs bien sa mère ? L'enquête est lancée.

Le dessin très sombre de Paul Marcel s'illumine avec des ciels crépusculaires rougeoyants et le jeu des cadrages est assez bienvenu. A suivre..

Le delirium du jour :
"L'eau de vie ça donne du courage
pour entreprendre les jolies dames."

(un pochtron de bouilleur de cru)
Le passage (Un autre monde) par Jean-Marc Lernould
"Le Passage", "Un autre monde" tome 1, de Régis Hautière et Patrice Le Sourd (couleurs Sylvie Sabater). Editions Paquet.

Un petit livre rafraîchissant arrive aux éditions Paquet, signé Hautière au scénario et Patrice Le Sourd au dessin, avec une contribution de Sylvie Sabater pour les couleurs, ce qui n'a rien d'anecdotique.

L'intrigue prend forme dans les eaux glauques de Manhattan version 1987 (avec les twin sisters) sur fond de règlement de compte entre gangs. Pas de pot pour Puddy qui se prend une belle mandale au point qu'il émerge sonné dans un autre monde moitié Disney moitié Planète des singes, avec un visage inédit et un apprentissage à refaire : on ne s'aventure pas seul au milieu des chiens de prairie une nuit de pleine lune. Bref le héros va devoir s'acclimater rapidement à une nouvelle société tout en étant attendu au tournant par les clans déjà en place, sans compter qu'il bade une demoiselle pourtant accueillante. Il n'est pas le premier dans son cas si l'on en croit les autochtones : "le vrai problème ce n'est pas qu'ils aient perdu la mémoire, c'est plutôt qu'ils en aient trouvé une autre". Il y a de la quête dans l'air..

Les dialogues sont parfois envahissants, les cases blanches empiétant sur le dessin. Un petit travers trop verbeux alors que certaines planches comme les scènes de naufrage montrent qu'un regard saisi au vol et un bon découpage aèrent le récit, avec justement des couleurs bien choisies. Mais à voir la fin du premier tome on peut attendre un nouveau challenge : un huis clos au grand air.

La question du jour :
"Où as tu appris
à te battre comme ça ?"

(Des petits jeunes d'un Autre Monde).
Black Op - T. 2 (Black Op) par Jean-Marc Lernould
"Black Op 2", par Hugues Labiano et Stephen Desberg. Dargaud.

Suite de cette nouvelle fiction de Stephen Desberg, maître ès feuilleton, aussi à l'aise dans la haute finance (IR$, Le Lombard) que dans l'espionnage ou la "catholic fantasy" (Le Scorpion, Dargaud). Qu'on se le dise d'entrée, cet album est complètement, définitivement impossible à dissocier du précédent, comme il le sera sans doute des suivants. C'est la loi du genre, à laquelle on peut adhérer ou pas, le risque étant que les auteurs se laissent aller à délayer le propos pour tenir plus loin la distance. Pour l'heure, ce n'est pas le cas. Le tome 2 de cette saga permet d'en savoir plus sur le personnage central, l'ambigu Floyd Whitman et ses motivations. Construit comme le premier opus sur une alternance de situations contemporaines et de flash backs relatant les premières prises de contact entre CIA et Mafia russe dans le contexte propice de la guerre froide, "Black OP 2" fait pénétrer le lecteur dans un univers dont Desberg ne livre les clefs qu'à contrecoeur, distillant ce qu'il faut d'informations pour faire avancer l'intrigue. De son côté, Hugues Labiano remplit le contrat, même si on aurait parfois aimé un peu plus d'air dans ses compositions. Il travaille un découpage au plus près des personnages, multiplie les plans serrés sur les visages des protagonistes, privilégie des vignettes aérées.. jusqu'à donner l'impression de voir le texte se développer au détriment de l'image. Le bilan ? Du bel ouvrage malgré tout. Black Op pourra laisser toute une catégorie de lecteurs de côté. Mais les amateurs de politique fiction un peu tordue devraient prendre un plaisir pervers à décortiquer avec les auteurs les compromissions des uns et des autres, dans un univers où finalement personne n'a le nez propre.

Je viens de lire, de Philippe Belhache.


Second avis : "Black Op" tome 2, de Desberg et Labiano. Dargaud.

Suite du feuilleton d'espionnage où l'on en découvre un peu plus sur le pacte passé entre la haute administration américaine, la CIA et la mafia russe. Une alliance qui se précise à coup de flash back sur la carrière de Floyd Whitman, un agent US que tout le monde croyait mort et qui cherche à savoir pourquoi cette nouvelle génération de gangsters russes a favorisé l'élection d'un candidat républicain aux élections présidentielles de 2003 dans l'état de Floride. Ca vous rappelle quelque chose ?
L'ensemble est pourtant décevant, très mou par rapport aux scénarios auxquels Desberg nous avait habitué ("l'Etoile du désert", "le Scorpion", "la 27ème lettre" par exemple). Le credo voulant que l'Amérique aide la mafia russe à reprendre de la puissance pour qu'ensuite elle s'attaque d'elle-même au régime communiste est moyennement crédible : on a fait mieux dans le genre théorie du complot. Le dessin de Labiano (on lui doit "Dixie Road" avec Jean Dufaux) est cependant honnête mais l'ensemble n'incite pas à poursuivre cette série.

Le proverbe du jour :
"Yankees et Ruscoffs à Miami
Devront faire ami-ami"

(Poutine à Bush Jr)
"Vlad l'empaleur", "Sur les traces de Dracula" tome 1, de Hermann et Yves H. Casterman.

Attention, on ne trouvera pas ici de canines proéminentes : les seuls objets pointus sont les grands pals où sont juchés des suppliciés (ce qui est déjà pas mal). Le dernier ouvrage des Hermann père et fils n'a pas pour vocation d'adapter l'oeuvre de Bram Stoker (le portrait de l'écrivain fera l'objet d'un second tome, puis "Transylvania" ira visiter les lieux où vécut le vampire de légende) mais de puiser aux sources historiques pour tracer la vie du cruel souverain qui servit d'inspiration à l'écrivain britannique.

On part donc de la naissance de Vlad Dracul vers 1430, dans une Transylvanie prise entre le marteau et l'enclume, c'est à dire baladée entre les Turcs et les royaumes chrétiens dont on ne sait pas lesquels sont les plus sanguinaires. Les Balkans sont déjà un véritable panier de crabes et le Vlad en question subira moult péripéties avant de rendre les armes, ce qui donne un récit assez compliqué à suivre (tout le monde n'a pas une épouse d'origine roumaine comme Yves H). La succession de scènes de batailles peuvent parfois paraîtrent fastidieuses malgré un dessin toujours autant virtuose d'Hermann (le père) et comme Vlad doit mériter son surnom d'empaleur, on assiste à une orgie d'atrocités.

Le scénariste affirme avoir voulu tenir à respecter au plus près les détails historiques tout en tordant parfois le nez à la réalité : "plutôt que se planter en tentant de faire du pseudo-authentique, on a opté pour le spectaculaire. On a imaginé un palais massif, écrasant, totalement irréaliste" avoue Yves H. Cela dit, il n'y a pas mort d'homme à part les quelques milliers d'empalés, et les amateurs de BD historiques s'y retrouveront.

La tirade du jour :
"Qu'il vienne donc ce bâtard !
Je lui réserve le plus long de mes pal !"

(faut pas énerver Vlad..)
La croix du Sud par Jean-Marc Lernould
"La Croix du sud" de Duran et Alzate. Dargaud.

Comment illuminer les heures les plus sombres du Moyen-Âge ? En se plongeant dans "la Croix du Sud" des jeunes Espagnols Luis Duran et Raquel Alzate. Le premier, scénariste, n'a guère qu"Antoine des Tempêtes" à son actif tandis que la dessinatrice signe là son premier album après avoir beaucoup donné dans l'illustration fantastique. Fantastique, un adjectif qui colle à merveille à cette BD, dans tous les sens du terme.

L'histoire prend naissance dans une forêt telle que l'on pouvait se l'imaginer au temps des châteaux-forts, avec des arbres démesurés, mangeurs d'hommes, abris idéal pour les sorcières de tous crins. S'en est justement une qui est froidement exécutée (le feu du bûcher ne prend pas..) devant sa petite fille Iliane. Déjà un vent magique tourne autour d'Iliane, aux grands yeux éplorés. La fillette servira ensuite d'esclave chez le seigneur Sire de Volt, tout comme Dominique que l'on dit avoir été enfanté par le vent. Tout se jouera entre la cruauté des hommes du château, l'innocence des deux enfants et l'inquiétant pouvoir de la forêt.

Le scénario est mené impeccablement en deux chapitres, sans fioritures. Il est illustré par un dessin envoûtant, de véritables enluminures mélangeant la précision du trait et un certain flou qui donne l'illusion de mouvement comme dans les scènes de cavalcades. On trouve de véritables travelings, des cases que l'on croirait photographiées au grand angle, des gueules patibulaires déformées et des couleurs éblouissantes. "La Croix du sud" est peut-être le meilleur album du mois.

La menace du jour :
"Encore une bêtise et
je te couperai un autre doigt".

Pas sympa le Moyen-Âge profond..
Shangaïé (Albatros) par Jean-Marc Lernould
"Shangaïé", "L'Albatros" tome 1, de Vincent. Glénat.

Le début de l'album tient à la fois des "Oiseaux" d'Hitchcock et des "Idées noires" de Franquin : dans une petite ville portuaire, un quidam se fait proprement becqueter par mouettes et autres goélands. C'est la sixième victime des volatiles en peu de temps et le gouverneur du pays commence à s'agacer et à houspiller son chef de la police. Celui-ci se défoule sur Ombeline, une jeune danseuse de 14 ans qui officie dans une ce qui ressemble à une maison close, mais qui refuse de se soumettre et prend la fuite. Seule solution d"ailleurs", les basses rues de cette cité qui va en décrépitude et où les murs sont souvent soutenus par des étais. Dans le ciel les oiseaux se multiplient puis attaquent en même temps que survient "l'Albatros", un dirigeable rempli de pirates menés par une matrone dans lequel s'embarque la jeune danseuse.

Dans un décor haussmannien (l'action se déroule en 1870) le dessin, parfois inspiré de Loisel pour les visages, sauve une intrigue assez mince et peu palpitante pour ce premier volume. Bref une gentille histoire mais il n'y a pas de quoi casser trois pattes à une mouette. Encore la faute de la grippe aviaire..


Le juron du jour :
"Vos gueules
les mouettes !"

(film de Robert Dhéry, pas impérissable non plus)
Noa (Coelacanthes) par Jean-Marc Lernould
"Noa", "Coelacanthes" tome 1 de Daphné Collignon. Editions Vent d'Ouest.

C'est un petit bonheur qui nous arrive avec ce qui semble être le premier album réalisé de A à Z par Daphné Collignon. Illustratrice ("par exemple pour "Bo, l'enfant de la pluie" sur des contes de Gunter Preuss), dessinatrice et coloriste avec Isabelle Dethan ("Rêve de Pierre, Pétra") la demoiselle vient de prouver avec brio son talent d'auteur à part entière.
Photographies, extraits de journal intime, dessins en noir et blanc, croquis ou couleurs forment un puzzle qui ébauche peu à peu la vie du personnage principal Noa. Cette femme, artiste peintre, Daphné Collignon lui a donné les plus beaux yeux du monde, mais pas la vie la plus facile. A la veille d'un vernissage important son amie (amante ?) Magda part en voyage, la laissant désemparée. C'est vrai que Magda, la brune, vêtue de rouge et de noir, à de quoi faire regretter sa présence. Prémices d'une rupture ? La solitude devient insupportable pour Noa la rousse dont le pinceau trace les traits noirs d'arbres orphelins de leurs feuilles. La rencontre de Noa avec l'un de ses ex n'arrangera pas les choses..
La capacité de Daphné de passer aux pages couleurs ocre à un bleu glacial est magnifique. Pour ceux qui voudraient feuilleter l'album rendez-vous à la page 38, impeccable par son découpage. Une feuille que l'on a du mal à ne pas découper au cutter pour la mettre sur son mur.
"J'ai toujours peint je crois..
..la seule manière de me sentir en vie" avoue Noa.
En tous cas avec Daphné Collignon, le dessin vient de l'intérieur.

Le témoignage du jour :
"M'sieur, je l'ai vu partir en courant
Avec un cutter dans une main
Et la page 38 de l'autre !"

Main courante du commissariat d'Agen, le 13 mars.
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