Les 56 critiques de Arnaud Reymann sur Bd Paradisio...

Rainbow - T. 2 (Rainbow) par Arnaud Reymann
"Rainbow", par George Abe et Masumi Kakisaki, tomes 1 et 2 chez Kabuto.

Le Japon d'après-guerre et les perspectives qu'il offre pour les enfants nés pendant le conflit... ici, il ne s'agit pas de n'importe quels adolescents, mais de jeunes devenus des délinquants. Cette histoire d'amitié entre sept garçons d'une maison de redressement utilise des ficelles plutôt classiques, communes à toutes les histoires de bandes d'ados: le gros, le malin, le petit, le fort, l'intellectuel et le retors.. leur méfiance les uns vis-à-vis des autres qui devient une indéfectible amitié au gré des évènements. Comme dans de nombreux mangas, l'intérêt de cette série se situe en grande part dans la description que fait l'auteur d'une époque et d'un pays que l'on connaît peu. Le Japon, traumatisé par sa défaite contre les Etats-Unis, en pleine reconstruction. Un pays pauvre, pas vraiment porteur d'espoirs. L'époque a grandement marqué le scénariste, George Abe, âgé lui aussi de 18 ans en 1955, lorsque se déroule cette histoire. Un manga pour public averti, qui a tout pour plaire aux lecteurs habitués du genre. J'ai plus de réserve s'il s'agit de conseiller cette série à quelqu'un qui souhaite découvrir les mangas : ce n'est sans doute pas la plus appropriée pour découvrir le genre.
Transparent, tome 4, de Makoto Sato chez Glénat.

Toutes nos pensées connues de tous : de la chose la plus intime au besoin le plus trivial, tout ce que vous pensez est perçu dans un périmètre de plusieurs dizaines de mètres, voire de kilomètres...
Les personnes affligées de cet handicap sont par contre de véritables génies, aussi le gouvernement a mis sur pied un programme pour que ces « transparents » ne puissent jamais réaliser que le monde entier perçoit la moindre de leur pensée.

Le scénario paraît un peu alambiqué, mais n'en est pas moins efficace. Très efficace, même, car en 4 tomes, cette série s'impose comme une des plus fouillées de la SF manga contemporaine. Son créateur envisage toutes les situations où le fait « d'être transparent» pose problème. Imaginez : vous pensez du mal de votre propriétaire, vous admirez le décolleté de votre belle-soeur, vous êtes amoureuse de votre voisin de banc : ils entendent vos pensées et réflexions intimes aussi clairement et distinctement que si vous les aviez formulées ... . Sans même parler d'une relation amoureuse : comment la débuter ou l'entretenir lorsque tout le voisinage profite de vos pensées et émotions ?
Le dessin est plutôt anguleux et dépouillé, mais comme dans de très nombreux mangas, ce n'est pas tant la qualité graphique qui accroche le lecteur que le scénario. Et celui-ci est particulièrement bien ficelé.
Zipang - T. 1 (Zipang) par Arnaud Reymann
Zipang, tome 1 de Kaiji Kawaguchi chez Big Kana.

La sortie attendue de la collection Seinen de Dargaud, sous le label Big Kana (collection manga destinée à un public plus adulte que les shojo ou Shonen, respectivement ciblées pour des adolescentes et des adolescents). Les plus âgés se souviendront peut-être d'un film de 1980 de Don Taylor, « Nimitz, Retour vers l'enfer ». Si tel est le cas, imaginez la version japonaise de ce film, et vous avez l'intrigue de cette série. Pour les autres ; un navire de guerre des plus performants est pris dans une tempête magnétique, et projeté 60 ans en arrière, lors de la guerre du pacifique...
Dans la version américaine, le bâtiment en question était un porte-avions nucléaire US ramené quelques heures avant Pearl Harbour. Dans la Manga, le bond spatio-temporel est bien sûr effectué par un vaisseau de guerre japonais, et ce, la veille de la bataille de Midway. Mais dans les deux cas, les interrogations des protagonistes sont identiques : faut-il intervenir et changer le cours de l'histoire ? Comment rester impassible lorsque les vôtres sont sous le feu ennemi ? Que faire lorsque l'on dispose d'un navire capable de gagner cette guerre à lui tout seul ? Bref, une intrigue excellente - elle a fait ses preuves il y a plus de 20 ans - servie par un dessin assez rond mais fluide, digne des meilleurs Seinen.
Daigo, tome 5 de Masahito Soda chez Kabuto.

Daigo est un concentré de tous les éléments constitutifs du Shonen (manga pour garçons). Un jeune héros (pompier de métier) franc, volontaire, courageux, naïf -et qui passe pour être l'idiot de la caserne. Des amours impossibles, de l'action et bien sûr une rivalité avec un autre jeune pompier. Cela dit, le tout est orchestré de façon assez agréable. Le thème des pompiers est assez neuf, et très rarement l'objet des attentions des auteurs de bande dessinée. Au Japon, chaque métier, chaque passion ou chaque hobby est susceptible de faire l'objet d'un manga. Et comme on en traduit de plus en plus...
Daigo appartient à cette sorte de Manga que l'on lit pour se détendre, tout comme on le ferait en se mettant devant un épisode de feuilleton télévisé américain. Une série sans grande prétention, sinon celle de divertir. Ce qu'elle fait fort bien.
Rough - T. 2 (Rough) par Arnaud Reymann
Rough, tome 2, de Mitsuru Adachi chez Glénat

Les séries d'Adachi ont toutes un point commun : les personnages ont un côté désuet, du caractère et sont souvent introvertis. Ce qui correspond parfaitement au dessin du mangaka, une ligne claire et fluide, mais qui à elle aussi ce côté désuet. Il est vrai que Rough a mis un peu de temps pour parvenir jusqu'à nous puisque la série est parue en 1987 au Japon. Ce qui caractérise aussi les mangas d'Adachi, c'est cette ambiance apaisante aux confins (souvent) de la naïveté qui se dégage de ses récits. Et ce, quel que soit le thème abordé. Cela tient sans doute du fait de la distance que l'auteur place entre ses personnages et les histoires qu'ils vivent. Des histoires légères aux parfums d'amours naissantes, mais sans une once de vulgarité. Le mangaka adore les quiproquos et toutes les situations des plus gênantes pour un ado en plein développement. Des mangas à mettre (ou à laisser) dans toutes les mains.
Duds Hunt par Arnaud Reymann
Duds Hunt de Testuya Tsutsui aux Editions Ki-oon.

Magistral ! Une véritable gifle, que ce manga. Sur la jaquette, l'éditeur situe le récit « entre Fight Club et Battle Royale »... la comparaison avec « Orange Mécanique » me paraît plus appropriée. Les personnages sont dénués de toute inhibition ou morale sociale et donnent libre cours à leur violence. Et tout comme dans le film de Kubrick, le spectateur (ici le lecteur) est en permanence à la limite de l'écoeurement mais reste impitoyablement accroché à l'intrigue. Chose rare pour un manga ; il s'agit d'un one-shot, une histoire en un volume. Ce qui prouve que les mangakas n'ont pas toujours besoin de 49 tomes pour construire un scénario béton. Le dessin surprend par son réalisme et sa clarté, même dans les scènes de combat. Mais que l'on ne s'y trompe pas : il ne s 'agit pas ici d'un énième manga d'ado karatékas ou d'ultimate warriors. C'est bel et bien un magnifique polar que Tsutsui nous propose..
Forbidden Love, tomes 1&2, de Miyuki Kitagawa chez Akiko

Un exemple redoutable de l'absence de tabous dans la littérature manga. La question de l'inceste est un débat aussi ancien que nos mythologies. Mais rarement remis au goût du jour de façon aussi explicite que dans cette série. Ici, ce qui dérange, c'est le caractère purement fortuit de cet inceste, avant de devenir passionnel. Un garçon et une fille passent une nuit ensemble, avant d'apprendre qu'ils sont frère et soeur. Et qu'ils vont désormais habiter sous le même toit. Les souvenirs de leur enfance partagée reviennent par bribes, mais cela ne diminue en rien leur attirance et leurs désirs charnels. Le tout est d'ailleurs décrit sous l'angle du désir, et les règles sociales ne sont que très superficiellement abordées. D'abord surprenant, le thème peut choquer... à moins que je ne sois pas particulièrement large d'esprit. Le tout est dessiné d'une façon classique, pour du Shojo manga (manga destiné à des adolescentes). Poses lascives, petit nez et grands yeux de biches énamourées. Souvenez-vous de Candy, le dessin animé, ou de tous les classiques du Shojo (Nana, Hana Yori Dango,...).
24 heures chrono par Arnaud Reymann
"24 heures chrono", par Vaughn, Haynes et Guedes. Chez Casterman.

Fort du succès de la série télévisée, des auteurs américains ont imaginé une suite d'albums reprenant le concept, avec les mêmes personnages. Chaque album couvre une journée (24 heures, donc) de la vie professionnelle d'un flic de la cellule antiterroriste (CTU) de Los Angeles. Premier constat : le fait de jouer sur le facteur temps de façon aussi précise n'apporte rien, dans une bande dessinée. Chaque heure est déclinée (grosso modo) en deux planches ; les auteurs insistent donc sur le constat qu'en dessinant une case, cela devrait représenter cinq à dix minutes du temps réel de leur héros. Or, afin de conserver un sens à l'histoire, le scénariste est obligé de décliner certaines scènes de dialogues. On se retrouve donc avec des planches où les personnages discutent entre eux (2 minutes de temps réel) et qui valent pour toute l'heure décrite.
- Si vous avez vu "24h chrono" : que l'on aime la série ou non, la bd n'apporte pas grand-chose de plus. On retrouve les personnages dans un contexte différent. Bauer arrive à la CTU, et rencontre ses petits collègues. Pas de suspense, puisque vous savez ce qui va advenir de chacun d'eux. Une lecture inutile, pour vous.
- Si vous n'avez pas vu "24h chrono" : ne vous attachez pas à cette bd pour juger la série télévisée, car comme expliqué en introduction, le facteur temps ne peut se décliner sur un même principe dans deux médias aussi différents. Pas moyen de s'attacher aux personnages, ici. On n'en a pas le temps... Ce qui limite bien évidemment les coups de théâtre ou les effets de surprise. L'intrigue est assez banale : le résultat pas convaincant. Une lecture inutile pour vous.
Si vous aimez la BD (en général) : alors là, vous n'allez pas être déçu. Dans cette oeuvre, le "dessinateur" montre de façon assez exemplaire sa maîtrise de l'outil informatique. Kiefer Sutherland et tous les autres protagonistes sont plus vrais que nature ! Et pour cause ! Cela n'a pas du être facile de scanner toutes ces photos et de les retravailler. Mais afin d'aller un peu plus vite, les auteurs s'autorisent à reproduire souvent les mêmes case. Ainsi pages 16 et 17. Quatre cases par planches, un dialogue entre Bauer et la terroriste. Première vignette : une vue d'hélico, quelques dunes (un vrai dessin). Les sept vignettes suivantes : gros plan sur Bauer et Moira, avec seulement trois cases. L'auteur maîtrise donc aussi le copier/coller et la fonction rotation/zoom in. La conclusion est simple ; épargnez vous la peine de lire cet album.
"Pas de bouquet pour la mariée", Necrolympia tome 1, par Beauverger et Jailloux, chez Panini éditions.

Les albums sur les zombies ou autres formes de morts-vivants ne sont pas légion. Et sont souvent liés à un thème mystique. Ici, rien de tout cela : certains morts sont bien vivants, et vivent dans une ville qui leur est propre. Des liens sont nécessaires entre ces communautés, un enquêteur en a fait son métier. Ambiance et décors début de siècle (précédent), sur fond d'art nouveau. Bref, un contexte original et prometteur qui permet toute latitude à l'imagination débridée d'un scénariste nourri au lait de zombie.. Il est par contre un peu regrettable que les règles régissant ces deux mondes ne sont pas plus explicites, les auteurs ne nous fournissent que le strict minimum des principes de base de l'univers qu'ils ont créé. Tout aussi dommage, la sortie quasi simultanée de cet album avec une autre bd sur le même thème, « Les zombies qui dévorèrent le monde » chez Les Humanos. Quoique la confrontation tourne à l'avantage de Necrolympia, album moins délirant ou gore, mais graphiquement plus abouti. Il s'agit (à peu de choses près) d'un premier album pour ses auteurs, le tome deux sera sans aucun doute déterminant sur l'intérêt que revêt la série.
"Sanctuary" tome 8, de Fumimura & Ikegami, aux éditions Kabuto.

Sanctuary est (à mon sens) l'une des meilleures séries d'action du moment, au même titre que Monster ou 20th Century boys. Mais à la différence de ces séries (lisibles par tous quelque soit l'âge), Sanctuary s'adresse à un lectorat adulte, car plus violente et parfois osée. Une série aussi dure que réaliste dans son traitement. Pas de déformation des personnages, une ligne assez complexe et structurée, bref de quoi séduire jusqu'aux détracteurs du manga. Le scénario mêle mafia japonaise (yakusa) et politique. Si vous pensez que tout a été dit, écrit ou simplement imaginé à propos des maffias, détrompez vous. L'originalité de l'intrigue repose sur son principe. Deux amis ont décidé de prendre - ensemble - le pouvoir au Japon. L'un de la façon la plus légale qui soit, en devenant le dirigeant du plus grand parti politique. L'autre doit se hisser à la tête des réseaux de Yakusa. Mais l'ascension des deux jeunes loups n'est pas chose aisée, car les vieux rois ne sont pas pressés d'abandonner leurs trônes. La force de Sanctuary ne réside pas tant dans son dessin que dans son scénario : le trait de Buronson (Sho Fumimura) est sobre et agréable, mais parfois désuet (un côté très seventies...). Peu importe... c'est un véritable régal, que cette série.
"Yvan et la banquière", Tout va bien T. 1. Dargaud - Collection Poisson Pilote.

Un polar de corruption politique et de magouilles financières, traité au rythme d'une ligne et d'un découpage que l'on retrouve plutôt chez des auteurs issus de la veine « indépendante ». Surprenant, tant je me suis habitué à ce type de graphisme pour des oeuvres plus intimistes et introspectives, rarement dans de sordides histoires financières. Dans ce récit, inspiré de faits réels, la rencontre des genres est des plus heureuses. « Tout va bien » est une bd forte, sans aucun doute l'un des meilleurs polars que j'ai pu lire ces derniers mois. A classer d'ailleurs dans la « série noire » .L'album baigne dans une ambiance plus que pesante, teintée de désespoir. L'atmosphère d'un milieux véreux, d' une région (la Moselle dont les auteurs sont originaires) et puis surtout d'un couple en perdition et d'une « repentie » en phase terminale d'un cancer.
Yvan Klébert, le personnage principal, présente les caractéristiques des grands héros de série noire : sa vie va à vau-l'eau, il est désabusé et un brin désespéré. Et comme tous ces héros, il mène l'enquête jusqu'au bout, quoiqu'il puisse lui en coûter. Loser pathétique mais déterminé. Le scénariste, Denis Robert, est avant tout journaliste et écrivain ; le thème qu'il développe ici est un sujet qu'il maîtrise. Dans cette histoire où la fiction cède le pas à la véracité des « affaires », c'est bien là le plus déprimant.
Sarabande (Dallas Barr) par Arnaud Reymann
"Sarabande", Dallas Barr tome 6. Chez Lombard - Collection Polyptyque.

Un peu hermétique, ce sixième opus. Nous sommes ainsi projetés dans l'univers de Dallas Barr sans Dallas Barr, explication sans doute dans le prochain volume. Le découpage graphique joue sur des redites (trois cases identiques qui se succèdent) et des flash-back (Stileman au Vietnam) sans que l'on en perçoive l'utilité immédiate, explications sans doute au prochain volume. Ce sixième tome s'appèle Sarabande, du nom d'un personnage (secondaire ?) qui apparaît en milieu d'album, explication... . Bref, il faudra effectivement attendre la suite pour se prononcer sur le tout, ce qui n'est pas très engageant pour un album. Sinon, le dessin de Marvano poursuit la tendance amorcée depuis quelques années : une ligne de plus en plus claire, mais où la perte de précision est parfois dommageable. Le rendu de certaines expressions comme la surprise ou la colère est des plus approximatif. Mon dernier regret concerne Sarabande, que le dessinateur ne semble pas vraiment maîtriser. La jeune femme est parfois difficile à reconnaître au fil des cases... il suffit d'ailleurs de comparer sa représentation en couverture d'album et dans n'importe quelle planche où elle figure pour s'en convaincre.
Dommage, de la part de deux auteurs qui (à mon avis) ont livré l'une sinon la meilleure série de sf avec « La guerre éternelle ».
Trois éclats blancs par Arnaud Reymann
Trois éclats blancs, Bruno Le Floc'h, Delcourt Collection Mirages

Récompensé du prix René Goscinny, Bruno Le Floc'h a pris le temps pour venir à la bande dessinée. Lauréat de ce prix qui loue le travail d'un « jeune » scénariste à 47 ans et sélectionné dans la catégorie premier album à Angoulême, Le Floc'h est le premier à se réjouir de temps d'égard et à sourire qu'on le prenne encore pour un gamin de la BD.
Pourtant son trait affiche la maîtrise d'un vieux briscard de la plume. Il faut dire qu'il a derrière lui une longue expérience du dessin d'animation. Pour son travail en album, il se revendique clairement d'une filiation de Pratt (excusez du peu). Epuré et avare de détail, son graphisme est d'une fluidité et d'une lisibilité particulièrement agréable. Certaines cases sont comme de petits tableaux de miniaturistes. Le Floc'h avait déjà publié une série de trois nouvelles chez le même Delcourt, mais en noir et blanc. Avec ces Trois éclats blancs, il passe à la couleur... et s'avoue un mauvais coloriste. C'est faire preuve de beaucoup de modestie. Malgré quelques imprécisions, l'ensemble est doux et interprète à son idée la réalité pour rendre des atmosphères davantage que des teintes. L'outil informatique ne se sent pas trop hormis pour une planche (la page 8) que Floc'h lui-même aurait voulu ne jamais faire. Ou comment se laisser dépasser par les possibilités de l'outil informatique.

Par Laurent Fabri

Second avis : Trois éclats blancs, de Bruno Le Floc'h chez Delcourt. Collection Mirages

Ce n'est pas vraiment une nouveauté, puisque l'album est paru début octobre, mais sa nomination dans la sélection Angoulême 2005 catégorie « Meilleur premier album » est l'occasion rêvée d'y revenir. Bizarre d'ailleurs, le choix de cette catégorie, puisque l'auteur a signé un précédent album chez le même éditeur, mais dans la collection Encrages. Mais ne boudons pas notre plaisir, cette nomination est amplement méritée, et ce, quelle que soit la catégorie choisie.
Le Floc'h : le nom de l'auteur est déjà en soi une promesse de récits aux effluves d'embruns, de cidre et de chouchen. Et c'est bien ce que raconte « Trois éclats blancs ». 1911, un jeune ingénieur débarque de Paris dans un village côtier breton, pour y construire un phare. Mais les Ponts et chaussées ne préparent pas vraiment à pareil chantier. Ni à la mer dans tout ce qu'elle peut avoir de démesurée. Ni aux hommes, rudes parce que si la mer leur donne tout, c'est elle aussi qui prend. Bruno Le Floc'h nous décrit cet univers d'une façon magistrale, tantôt sous forme de correspondance de l'ingénieur, tantôt rien que par la clarté de son dessin. Une histoire forte, à la mesure des personnages qui la composent et de la tâche qu'ils ont à accomplir. La ligne claire et les couleurs de l'auteur collent parfaitement au récit, dont on se dit qu'il n'aurait absolument pas dépareillé dans une collection plus grand public que Mirages. Mais Angoulême va peut être lui rendre les hommages qui lui sont dûs.
"Scènes d'apocalypse", Monster tome 18 de Naoki Urasawa. Chez Kana

« Scène d'apocalypse » marque la fin de cette série, une des plus riches et des plus denses du catalogue des mangas proposés en traduction française. Urasawa est un véritable virtuose du rebondissement et du suspense. Chaque album est l'occasion de planter un peu plus le décor en cernant mieux un ou des personnages secondaires, personnages qui tous ensemble vont créer l'univers du Docteur Tenma. Et au terme de ces 18 tomes, l'apothéose. La confrontation finale entre Tenma, Johann (le monstre) et sa soeur jumelle Nina. Contrairement à de nombreuses autres séries, le dénouement de cette histoire ne laisse pas le lecteur sur sa faim, car l'auteur prend soin de répondre à la plupart des questions soulevées dans les volumes précédents. Un manga qui surprend par son côté occidentalisé : seul le héros est asiatique, toute la trame du récit à pour cadre l'Allemagne. Et comme dans son autre série en cours (20th Century Boys chez Panini Comics, primée meilleure série Angoulême 2004), Urasawa aime à désarçonner le lecteur. Les « bons » meurent tout aussi facilement que les « mauvais », des situations injustes sont générées par des évènements dramatiques. Ce qui crédibilise autant le récit que les personnages, et donne toute sa force à l'odyssée de Tenma.
Yossel - 19 avril 1943 par Arnaud Reymann
"Yossel" de Joe Kubert chez Delcourt.

Les seuls points de comparaison avec Mauss concernent le thème (des rescapés de l'holocauste racontent) et la force qui se dégage de ces récits. Le chef d'œuvre de Spiegelman est une biographie de son père, écrite sur base d'interviews réalisées par Spiegelman lui-même et transposée en bande dessinée. Kubert a écrit « une œuvre de fiction basée sur un cauchemar qui a réellement eu lieu ». Les parents de l'auteur ont émigré de Pologne avant la prise de pouvoir d'Hitler en Allemagne. Sur base de témoignages et d'archives, Kubert a imaginé quelle aurait été sa vie s'il avait vécu à Varsovie. Pour ce faire, Kubert a opté pour un récit illustré. Des illustrations à l'état brut, crayonnées. Comme celles de Yossel, le narrateur. Un gamin de 15 ans pris dans l'enfer du ghetto de Varsovie et qui a pour seule arme son crayon à opposer aux génocidaires nazis.
Je n'ai pas retrouvé dans Yossel la même charge émotive que dans Mauss, sans doute en raison du choix de cette double structure roman/illustration, ce qui impose deux niveaux de lecture et fait parfois retomber les émotions. Mais cela n'enlève rien à la force de cette œuvre, ni à la beauté des dessins de Kubert.
"La boîte de Pandore", Olympus tome1. Aux Humanoïdes Associés.

Premier constat : la couverture ne rend pas vraiment hommage à l'album, mais elle annonce la couleur. Une ligne très réaliste et un paradoxe temporel. Suite à une découverte lors d'une plongée en Grèce, de jeunes archéologues remontent le temps. L'histoire est assez distrayante, mais les personnages pas vraiment attachants. De véritables super-héros américains que ces lycéens : attaqués par des pirates, puis projetés dans le temps, tout cela en maillot de bain et sans s'étonner ou paniquer ! Voilà un exemple à suivre...
Six cases par planches et beaucoup de gros plans : Olympus est conçu comme un Comics. Ce premier opus est assez agréable à lire dans le grand format traditionnel Humano mais se lit donc très - trop ? - vite, malgré ses 51 planches. A se demander s'il n'eut pas mieux valu regrouper les deux tomes en un, quitte à changer de format. Reste à espérer que la suite (et fin) ne se fera donc pas trop attendre.
Le gardien du Temple, Rex Mundi tome 1. Chez Semic.

Le nom du personnage principal (Saunière), la quête d'un objet datant des templiers, la clé de l'intrigue dissimulée dans un tableau de Poussin (« et in arcadia ego ») ; le scénariste ne cherche visiblement pas à cacher sa source d'inspiration majeure. Toutes ces références sont issues de deux romans à succès des années 80. « Les tentations de l'Abbé Saunière » et « L'Or du Diable » de Jean-Michel Thibaux. Dans cette adaptation bd, l'abbé est devenu médecin ; le récit ne commence pas fin 19ème siècle mais milieu des années '30, dans un Royaume de France aux frontières très étendues. Quant à ce que tous recherchent, il y a fort à parier que ce ne soit pas seulement le trésor des templiers. Il y a donc tout de même quelque intérêt à lire cette fiction, même si on a adoré le roman. Mais il s'agit bien ici d'une fiction là où Thibaux, dans son livre, propose une solution à une des grandes énigmes du siècle passé. A savoir comment l'Abbé Saunière, prêtre démuni d'une paroisse de montagne, à Rennes-le-Château (Haut-Languedoc) a pu disposer d'une fortune... Bref, ceux qui n'ont jamais entendu parler des romans (ou de l'Abbé Saunière) trouveront sans doute leur compte dans cette bd riche de sorcellerie et de mystère. Les autres, ma foi, risquent comme moi de toujours chercher à comparer cette oeuvre à l'originale..
L'orgueil (Pandora Box) par Arnaud Reymann
L'orgueil / La paresse - Pandora Box, tomes 1 et 2 chez Dupuis Collection Empreinte(s).

Le principe de base de cette nouvelle série mêle la mythologie grecque et le christianisme. Lorsque Pandore par curiosité ouvre la boite offerte par Zeus, elle libère tous les maux et fléaux. Ici, ces maux se résument aux sept pêchés capitaux : les sept premiers albums. Seule l'Espérance n'a pas eu le temps de s'échapper de cette boite, et voici donc le huitième et dernier volet de cette série. Une série conçue par un nouveau venu dans le monde de la bd : Alcante. Et selon le recette éprouvée du « Triangle secret » ou du « Décalogue », un dessinateur différent signe chaque album (enfin presque puisque le 1 et le 8 sont dessinés par Pagot. L'avantage est indéniable : les huit opus sortent dans l'année. Les deux premiers tomes en janvier 2004, puis deux tous les quatre mois pour clôturer en janvier 2005. Autant dire que Dupuis n'a pas vraiment droit à l'erreur. Les derniers albums sont en cours de finition : difficile de « réajuster » ou recadrer la série selon l'accueil réservé par les lecteurs. En ce qui me concerne, le pari est gagné. Le thème des pêchés capitaux est abordé selon des problèmes (ou des débats) de notre société ; le clonage pour le volume 1, le dopage dans le 2. Alcante ne condamne pas ou ne porte pas de jugement de valeurs, il se sert de ces phénomènes pour raconter. Le tout est rythmé et bien construit. Le récit de chaque histoire peut se lire indépendamment des autres albums, et cela de façon telle que je m'interroge sur la vue d'ensemble que l'auteur nous réserve, quel fil conducteur va lier ces huit opus, sinon leur titre.
Les buveurs de mondes, Lanfeust des Etoiles Tome 4, Arleston et Tarquin, chez Soleil.

10 ans et bientôt quinze albums. La série Lanfeust de Troy puis des Etoiles s’est imposée comme un classique au pas de charge. Un cycle de 8 tomes pour installer et arriver au paroxysme d’un monde. Et puis on change du tout au tout. Arleston n’a gardé que la base de son univers pour en créer un autre sans limite, relançant une machine qui n’avait pas encore eu le temps de s’user. Dans les étoiles, Lanfeust s’ouvre de nouvelles perspectives. Encore faut-il les maîtriser. Si les trois premiers tomes installaient de nouveaux personnages, de nouveaux décors, de nouveaux relais scénaristiques, ce quatrième opus fait fi de tout cela, ou presque. Et fait figure de transition. On ne retrouve que très peu Hébus « désenchanté », Cixi, Thanos, Glace, que l’on apprenait à peine à connaître, ne passent que le temps de 5 ou dix planches. La suite confronte Lanfeust à lui-même, c’est-à-dire à sa propre niaiserie, qui devient une marque de fabrique dans la série. A des créatures accortes, auxquelles il résiste évidemment avec un peu de peine. Mais sans ses habituels compagnons, il manque tout de même quelque chose à Lanfeust ? Et ce ne sont pas la kyrielle de jeux de mots débités par Swiip l’Orgnobi (un village fait de soleil et de nanas, qui marcherait très bien sur la planète Glubmed) qui lui sauve totalement la mise.

Par Laurent Fabri


Second avis - Les buveurs de mondes, Lanfeust des Etoiles Tome 4, Arleston et Tarquin, chez Soleil.

LE blockbuster des éditions Soleil. Une des rares sorties de ce mois de décembre... qui (par le plus grand des hasards ?) tombe à point nommé pour se glisser sous les sapins. Et finalement, il eût peut-être mieux valu que je le lise un lendemain de réveillon. Un de ces moments où l'esprit (critique) est un peu cotonneux tant il est occupé à essayer de survivre aux agapes de la veille. Mais non. J'ai lu cet album un soir de sobriété. Je l'ai donc lu une seconde fois, mais le constat est identique : je suis déçu ! A l'image de ce qui se passe dans cet opus, la magie de Lanfeust est presque inopérante. Je ne retrouve plus ce qui, pour moi, faisait le charme du premier cycle. L'adjectif pour qualifier un jeu de mots Lanfeustien n'est plus redoutable mais trivial. Les références à des situations ou des travers de notre époque sont si explicites qu'elles en perdent toute saveur. Et il me manque aussi le « liant » nécessaire à une grande série. Dans le premier cycle, où dans celui de Trolls, Arleston construit un monde et nous en livre ses caractéristiques. Ainsi par exemple les pouvoirs magiques de chaque habitant de Troy ; autant d'occasions pour les auteurs de donner libre cour à leur inspiration délirante au fil des albums. Ici, en prenant le parti de transformer Lanfeust en touriste galactique, le scénario se rapproche dangereusement d'une histoire classique (et pas vraiment prenante en l'occurrence) de SF. Ceci dit, il est clair que j attends le prochain tome avec une impatience accrue : non pas pour la suite de l'histoire, mais par rapport aux attentes que je nourris vis-à-vis de ses géniteurs. Parce que Tarquin et Arleston m'ont habitué à bien mieux.
"Morituri te salutant", Spartacus le gladiateur, tome 1, par Istin & Fino chez Soleil.

Pour raconter l'histoire du plus célèbre des gladiateurs, pas d'autre titre possible que « morituri te salutant... ». Le salut des combattants à César dans l'arène. Un premier tome inspiré du livret de la comédie musicale signée Elie Chouraqui et Maxime Le Forestier : je n'ai pas vu l'oeuvre, et peu importe lorsqu'il s'agit de juger de son adaptation bd. Adaptation fort heureusement confiée aux soins d'un scénariste chevronné ; on évite donc le premier écueil de « je fais du ciné/télé/comédie musicale ; je peux donc faire de la bd ». Ecueil sur lequel Beineix, Lautner et autres Gerra se sont échoués. Passé le cap de la page de garde (tiens, elle rappelle furieusement l'excellent « Murena » de Dufaux et Delaby chez Dargaud !), nous voici donc plongés dans les souvenirs du lanista Batiatus. Le lanista est le directeur d'une école de gladiateurs. Bref une crapule qui choisit et forme des esclaves pour vendre leurs combats. Et donc Batiatus se souvient de Spartacus, son meilleur guerrier, celui qui a fait trembler Rome mais aussi celui qui causera sa perte. On suit l'évolution de cet esclave : des mines où il travaille à ses premiers combats. Ses amours, ses amitiés, et les fondements de sa colère. Le scénario est prenant, mais manque sans doute de relief. Celui qui aime les récits historiques trouvera son compte dans Spartacus, mais je regrette quand même la linéarité de l'album. Quelques « rebondissements » supplémentaires auraient servi la cause de cet opus de façon utile. Le dessin de Fino, remarquablement documenté par ailleurs, est parfois un peu trop figé. Les personnages souvent inexpressifs. Mais l'histoire reste agréable, et si Spartacus ne représente pas un incontournable de cette fin d'année sa lecture fournira en tout cas un divertissement appréciable.


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