"The girl from Ipanema", par Herman et Yves H., Le Lombard Collection Signé.
Pour leur troisième opus commun les Huppen père et fils, Hermann et Yves H. poursuivent leur road movie américain. Après Liens de sang, aux accents et aux décors très new-yorkais et après Manhattan Beach 1957, qui sillonne le Sud profond à la recherche d'un hypothétique eldorado, Yves H. plante ses caméras sur les contreforts de Los Angeles, sous le Hollywood Sing. Polar toujours comme dans les deux premiers volets de la trilogie, mais période contemporaine après des années 50 et le milieu des seventies. En poussant toujours plus à l'Ouest, Yves H. pousse également de plus en plus loin le style d'écriture, qui se veut très marqué par la série B américaine. Mais à force, il finit par pousser le bouchon un peu loin. Non que le scénario ne tienne pas la route. Sans révolutionner le genre, loin s'en faut, il ne pêche ni par simplisme ni par manque de cohérence. Par contre, les planches de Hermann regorgent, débordent faut-il même dire, de monologues en « voix off ». Certes, ces passages récitatifs sont une sorte de marque de fabrique du polar US, mais là, Yves H. y va un peu fort, ne laissant finalement plus aucune place au talent de son père pour montrer le non-dit. Jusqu'à introduire dans chaque dessin ou presque des sortes de fiches techniques qui décrivent littéralement le moindre élément. On peut estimer que le lecteur a parfois besoin d'aide pour comprendre le propos, qu'il se laisse parfois distraire par la télé qui fonctionne, le chien qui jappe et les voisins qui crient, que, trônant sur le plus auguste des sièges, il ait besoin de temps pour mener à bien son dur labeur... Néanmoins, cette fille d'Ipanema n'avait pas besoin d'une telle lourdeur et de tant de verbiage. Dans le genre la version de Renaud et Dufaux dans la série Jessica Blandy sonnait mieux, plus proche en tout cas du magnifique standard d'Astrud Gilberto.
Par Laurent Fabri.
Second avis : "The girl from Ipanema", par Herman et Yves H., Le Lombard Collection Signé.
Suite et fin de la trilogie américaine des Hermann, père et fils. Un album aux références affichées, celles d'autres trilogies écrites par James Ellroy, grand maître du polar noir américain. Les passionnés du genre y verront aussi l'influence d'un Michael Connely, autre tenor de la littérature noire. Mais il ne suffit pas de s'inspirer des auteurs précités, ni de reprendre les éléments habituels et essentiels de leurs romans pour parvenir à mettre sur pied une oeuvre de qualité. Le sexe, le meurtre, la corruption, la maffia, flics pourris ou intègres : ces seuls ingrédients ne font pas un bon scénario s'il n'y a pas le liant indispensable : une intrigue passionnante. Dès les premières pages de "The girl from Ipanema", on perçoit un déséquilibre. Le narratif et le descriptif l'emportent sur le dessin, certaines planches sont si chargées de textes qu'il n'y a place que pour trois ou quatre (petites) cases. Une écriture assez froide, contextuelle, parfois semblable à un rapport de police, mais qui ne réussit pas à faire rentrer le lecteur dans l'ambiance voulue par le récit. On peut se demander si cette histoire ne tient pas plus du roman illustré que de la bande dessinée. Reste par contre le plaisir incontestable ressenti à la lecture d'un album dessiné par Hermann. A l'apogée de son art depuis déjà de nombreux albums, Hermann démontre une fois de plus qu'il maîtrise comme nul autre la couleur directe.