« Montmartre No Future », une aventure d'Eugène de Tourcoing-Startrec, peintre visionnaire, par Edith et Corcal. Chez Casterman.
Le scénariste des Zorilles (album N°2 récemment paru aux éditions Dupuis, soit dit en passant) et des « Enfants-hiboux » (voir critique par ailleurs) est décidément très en forme. Avec ce nouveau héros, il invente un monde fantasque, à cheval sur des genres aussi opposés que l'aventure, l'humour, le fantastique, l'onirique et l'historique. Peut-être certains lecteurs auront-ils justement du mal à se retrouver dans ce « melting-pot » scénaristique. Mais c'est justement ce qui fait tout le sel d'un album magnifique, qui doit aussi beaucoup à sa dessinatrice, Edith. Deux peintres un rien bohèmes et très portés sur l'absinthe, Eugène de Tourcoing-Startrec et Paumelle, vont vivre une étonnante aventure. L'alcool aidant, Eugène se met à peindre des tableaux en partie visionnaires. Il peint les modèles qu'il a devant lui, mais les décors, eux, sont ceux de la fin du siècle, alors qu'il vit au début des années 1900. Partant de là, une histoire rocambolesque nous emporte sur les ailes de l'aventure où tout est permis : le rêve, la prémonition éthylique, le viandisme (une nouvelle forme de peinture très odorante à laquelle s'initie Paumelle), les très drôles comparses révolutionnaires à l'accent espagnol (les O.R.T.E.I.L.S., pour Organisacion Revolucionar y Terriblé por la Expansion Illimitad de la Libertad) et surtout... la poésie. Un très bel album qui révèle toute la palette d'une dessinatrice trop longtemps absente du monde la BD, Edith. Sa mise en couleurs impressionniste, ses personnages et ses décors sont parfaits. Voilà bien une des ces BD que ni le cinéma ni la littérature ne pourraient égaler. N'est-ce pas tout ce que l'on demande à la bande dessinée : créer ses propres mondes ?...