Face à face : « L'Immeuble d'en face », par Vanyda. Chez La boîte à bulles.
Aucun mot ne me vient à l'esprit en lisant et relisant cet Immeuble d'en face, tant l'uvre est forte, mature, sensible, foisonnante, etc.. À l'heure où les récits du quotidien semblent à la mode en BD, mais donnent lieu trop souvent à des histoires artificielles ou nombrilistes, Vanyda réussit le double pari de ne pas parler d'elle - mais des autres... donc, potentiellement, de nous - et de nous proposer un récit qui « sonne juste ». Les événements du quotidiens sont disséqués avec intelligence ; le moindre acte, même anodin, est restitué avec sensibilité et éveille en nous des émotions simples. Outre la qualité narrative de chacune des petites anecdotes racontées, Vanyda réussit à un autre exercice difficile : faire cohabiter ses références franco-belges et ses influences manga. Là aussi, l'auteur évite le piège du « plaquage artificiel » d'un code sur l'autre (comme trop jeunes auteurs qui sévissent en S-F et fantasy pour le moment), au profit d'une réelle fusion des contraintes graphiques des deux « écoles ». Vraiment, cet Immeuble d'en face est un lieu dans lequel on aime revenir... pour le plaisir !
Je viens de lire, de Michael Day.
Face à face : « L'immeuble d'en face », par Vanyda. A La Boîte à Bulles.
Modérément séduit par le scénario de « L'année du dragon » récemment paru chez Carabas, j'avais toutefois apprécié le graphisme de cette nouvelle venue, Vanyda. C'est donc avec un a priori positif que j'ai ouvert « L'immeuble d'en face », sans me douter que j'allais recevoir un coup de poing à l'estomac en lisant l'autre Vanyda, la scénariste.
Composé de petits tableaux sur des instantanés de la vie de trois couples habitant le même immeuble, le livre ne se laisse apprivoiser que lentement. On est d'abord surpris par les cadrages et le découpage, extrêmement inventifs et jamais gratuits. Vanyda travaille à l'économie, mais elle sait surprendre l'oeil. On est ensuite séduit par la justesse des détails : les dialogues semblent tous avoir été captés sur le vif, les positions des personnages lorsqu'ils parlent ou se déplacent semblent l'avoir été tout autant. Ce n'est qu'après la lecture des vingt ou trente premières pages, lorsqu'on a fait la connaissance de cette maman enceinte et de son petit garçon, de ce couple d'un certain âge avec son dogue allemand et de ces deux adorables jeunes amoureux habitant au dernier étage de l'immeuble que l'on prend la mesure de ce que Vanyda nous raconte. Sans y toucher, elle tise une toile de la vie quotidienne d'une justesse de ton et d'une intelligence qui relèguent les tentatives du genre « Pyjama party », « Les filles » et autres BD du quotidien au rang de pâles ersatz. Tout sonne juste. Et rien n'est là par hasard. De tableau en tableau, on avance dans une histoire qui joue à cache cache avec le lecteur. On mesure bientôt à quel point ces personnages semblent sortis de NOTRE immeuble d'en face, tant ils nous paraissent vrais, existants, proches. Et lorsqu'on referme ce livre, on se dit que sans aucun doute, on vient de lire la première histoire d'un futur grand auteur. Vanyda possède tout, malgré son jeune âge : un oeil aiguisé, une patte personnelle, mais aussi et surtout un talent rare, celui-là même que souligne Frédéric Boilet dans la préface de ce livre -elle sait raconter des histoires. Comme personne.