CQFD par Thierry Bellefroid « CQFD. Or, c'était la nuit ». Par Avrit et Blanc. Chez Casterman.
Avec sa tronche de Théodore Poussin coincé dans son marcel, le héros de cette histoire loufoque n'a pas fini de faire couler de l'encre. Certains détestent, d'autres adorent. Je suis par moment dans chacun des deux camps. Mais le plus souvent dans le premier. L'écriture est audacieuse. Et l'audace, quand ça paye, ça paye bien. Il y a des phrases qui font mouche et vous font oublier les dix-huit cases creuses que vous venez de lire (genre : « demain, les chiffres vont sortir les dents » ou « N'importe quoi, c'est la route du sommeil »). Il y a des phrases pompeuses, aussi ; les allitérations pour les allitérations, l'effet pour l'effet. Et les faussement originales, du genre qui sonnent bien mais qu'on a déjà vues (« un comptable qui ne compte pour personne. Comptant toujours et jamais content ») Et puis, il y a celles qui sont carrément gonflantes comme cette tirade où notre comptable devise avec son double (« Votre « je » manque de conviction ». « Je sais que je ne me ressemble pas ». « Je ne vous le fais pas dire ». « J'ai d'autres chats en tête que de paraître ce que je suis ».) Bref, à boire et à manger, comme dans le dessin qui, à partir d'un graphisme caricatural parcouru de hachures, parvient à se gâcher magistralement la vie en s'emplissant parfois de couleurs d'un kitsch rare. Mais surtout, ce qui l'emporte, c'est cette impression finale que CQFD est un objet définitivement creux et que les auteurs de ce livre n'avaient rien à raconter. Dès ce moment-là, on en vient à se demander pourquoi on a disserté sur le plus et le moins réussi de l'entreprise. C'est le produit dans son ensemble qui ne mérite guère qu'on s'y attarde.