Le captif par Thierry Bellefroid « Le Captif ». Par Pellejero et Zentner. Chez Mosquito.
Les hasards de l'édition font que cette traduction française d'un livre datant de la première époque de collaboration entre Pellejero et Zentner paraisse au même moment que leur nouvelle série chez Casterman, « Aromm ». Cela permet évidemment de mesurer tout le chemin parcouru par le dessinateur depuis sa rencontre, au début des années 80, avec ce scénariste argentin. « Le Captif », c'est du Pellejero à l'ancienne, finesse d'exécution à la plume dans laquelle on sent tout l'héritage d'un Hugo Pratt. Certaines planches, plus aérées et spectaculaires, laissent présager de l'évolution que tout le monde connaît aujourd'hui. La toute dernière planche, par exemple, est particulièrement réussie. Mais s'il n'a pas encore choisi d'épaissir son trait au moment de dessiner cette histoire, Ruben Pellejero réussit pour autant parfaitement cette adaptation d'un récit hallucinant, celui d'un artilleur allemand retenu prisonnier dans un village cannibale du Nouveau Monde au XVIème siècle. L'histoire est véridique, elle a d'ailleurs été immortalisée à l'époque par un graveur, Maître Colben, que Jorge Zentner a choisi de montrer à l'oeuvre dans la BD. Le récit est donc celui que fait le rescapé au graveur qui va immortaliser ses aventures ; il oscille entre passé et présent et même, avec beaucoup de subtilité, il évite le détail des scènes les plus atroces en remplaçant leur transposition en BD par l'utilisation des gravures d'époques, plutôt allusives et désincarnées pour le lecteur d'aujourd'hui. L'histoire est passionnante et le traitement brillant : il aurait donc été dommage de ne pas en faire profiter les lecteurs francophones. Grâce à Mosquito, cette « injustice » est désormais réparée.