Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

« Manhattan Beach 1957 », par Hermann et Yves H. Dans la collection Signé du Lombard.

Les Hermann père et fils retrouvent la collection où ils ont débuté leur collaboration (avec « Liens de sang », pour rappel). Une collection où le père a par ailleurs signé (c'est le cas de le dire) l'un de ses meilleurs albums de ces vingt dernières années, Caatinga. Yves Huppen déroule un récit sur deux époques, celle du souvenir (1957) et celle du dénouement (1976). C'est l'histoire d'un homme et de deux femmes qui se ratent. John n'a pas pu empêcher Daisy de partir trop vite, tout comme Helen ne parviendra pas à retenir John. L'amour frappe à chaque fois à la mauvaise porte au mauvais moment. Quant aux motivations des personnages, elles sont à la fois dévoilées et laissées dans leur part d'ombre. Au vu des éléments donnés au lecteur, chacun jugera qui, de Daisy ou de Vernon, disait vrai. C'est sans doute ce flou artistiquement entretenu qui contribue à la réussite de l'histoire. Mais c'est aussi un découpage rigoureux, une maîtrise évidente du temps et de l'espace. Evidemment, cela n'empêche pas Hermann de répéter quelques tics. A commencer par un casting féminin à peu près désastreux. Daisy, c'est un peu l'anti-Cécile de Gibrat. Mais qui s'attendrait à l'inverse ?...
« Nat & Lisa, 1ère partie », tome 1 de « Red River Hotel », par Jean-Luc Cornette et Michel Constant. Dans la collection Bulle Noire des éditions Glénat.

Michel Constant, le dessinateur de « Bitume » (Casterman), abandonne son scénariste et retrouve un autre dessinateur transformé en scénariste pour les besoins de cette nouvelle série. Jean-Luc Cornette nous propose une histoire d'enquête peu ordinaire. Nathan Parks, livreur de pizzas, est à la recherche de la femme de sa vie, Lisa, disparue sans laisser de traces. Nathan habite au Red River Hotel, un endroit étrange peuplé de pensionnaires presque aussi anciens que les lieux. Au gré de ses journées et de son enquête, Cornette déroule son récit en allers-retours. Le lecteur découvre peu à peu comment Nathan et Lisa se sont connus, comment ils se sont perdus, et ce que cachent d'autres protagonistes de cette histoire. La construction rend l'histoire intéressante, elle permet aussi de rompre avec le rythme souvent trop classique des enquêtes. Constant, quant à lui, tente de restituer une Manhattan entre deux âges ; décors, voitures et accessoires (comme les téléphones) nous renvoient immanquablement vers les années soixante, tandis que certains éléments vestimentaires sonnent résolument plus contemporain. On est juste un peu gêné de retrouver l'Empire State Building en arrière-fond de presque tous les décors. Ca paraît peu crédible à ceux qui connaissent New York et qui savent que même en restant dans un seul quartier, il est difficile d'évoluer aussi souvent avec le même sommet de gratte-ciel en arrière-fond. Pour le reste, on attendra la conclusion du récit afin de se faire une idée plus précise. Mais les débuts sont encourageants.
Les losers sont des perdants par Thierry Bellefroid
« Les losers sont des perdants », par Guerse et Pichelin. Chez Fluide Glacial.

Voilà une BD qu'elle est « super drôle 2000 », pour reprendre l'une des expressions qui sert de gimmick humoristique dans l'album. Guerse et Pichelin, « vieux » abonnés des Requins Marteaux, abandonnent l'éditeur d'Albi le temps d'un livre consacré à quelques « super-héros » de l'ANPE. Et même si la caricature est traitée à grands coups de brosse, ils nous font rire d'un bout à l'autre avec leurs joyeux glandeurs, piliers de comptoir professionnels à qui le mot « travailler » fait le même effet qu'à Gaston Lagaffe. Gentiment déjanté, bourré de running-gags qui finissent par emporter l'adhésion sur la longueur, « Les losers sont des perdants » réconcilie pleinement la BD underground et l'humour tous publics.
Constellation par Thierry Bellefroid
« Constellation », par Frédérik Peeters. A L'Association.

Pour ceux qui ne connaissent que la veine autobiographique de Frédérik Peeters, l'étonnement risque d'être au rendez-vous. « Constellation » est une pure fiction, à n'en pas douter. Un homme, une femme, un avion. Et le destin qui joue les trouble-fête. La collection Mimolette propose des albums d'une trentaine de pages. Trop peu, sans doute, pour développer des scénarios touffus. Peeters choisit donc la simplicité. Au risque de mener un peu trop facilement son lecteur vers le dénouement. Mais il dessine avec un tel talent qu'on lui pardonne les quelques lieux communs de son scénario. Quelque part entre Dupuy-Berberian et Blutch, ce garçon-là a un trait magnifique, tout en sensibilité et en économie. Avec lui, Wazem, Tirabosco, Baladi et quelques autres, la relève suisse est assurée.
La grosse bêtise (Max et Zoé) par Thierry Bellefroid
« La grosse bêtise », une aventure de Max et Zoé. Par Davodeau et Joub. Chez Delcourt Jeunesse.

Dans le Jura enneigé de leur maman, Max et Zoé vont vivre une aventure beaucoup plus réaliste qu'à l'accoutumée. Minimisant le rôle de Cambouis, la voiture qui parle, choisissant des décors connus, Etienne Davodeau a voulu insister sur les aspects purement humains de cette petite fable.
Max et Zoé se font une patinoire en vidant des seaux d'eau sur le sol gelé. Ils se rendent compte de leur bêtise trop tard, juste avant qu'un camion ne fasse une embardée spectaculaire pour finir sa course dans la rivière, contre les piliers du pont. Que faut-il faire ? Se dénoncer ? Surtout qu'il y a un témoin, qui a promis de ne rien dire... mais qui risque bien de faire le parfait bouc émissaire !
Qui n'a pas connu dans son enfance ce genre de dilemme angoissant ? Davodeau s'en est souvenu avec beaucoup de justesse et a confié son histoire aux pinceaux de plus en plus affûtés de son complice Joub. Cela donne un très bel album pour enfants.


Cycloman par Thierry Bellefroid
« Cycloman », par Charles Berberian et Grégory Mardon. Chez Cornélius.

160 pages de bonheur. Cycloman, c'est tout sauf une énième aventure de super héros. Avec un scénariste comme Charles Berberian, on pouvait d'ailleurs s'y attendre ; il allait y avoir du détournement et du second degré dans l'air. De la tendresse et de la poésie aussi, pourquoi pas ? Et du quotidien. Et de l'humour. Tout cela sous l'épaisse armure de Cycloman, super héros navrant et oublié de presque tous. Au dessin, on retrouve l'excellent Grégory Mardon, dont le silence était étourdissant depuis un premier album remarqué dans la collection Tohu Bohu des Humanos (Vagues à l'âme). C'est donc un plaisir de le voir évoluer dans cet univers décalé où son dessin passe avec allégresse de l'influence de Dupuy-Berberian (tiens tiens) à celle de Blutch. Au milieu de « ses » maîtres, Mardon semble trouver sa voie sans chercher midi à quatorze heures, avec un style fluide, nerveux et assez direct. Rien ne s'oppose donc à ce que le lecteur, calé dans son fauteuil, lise ce très bel album d'une traite, et s'amuse de voir du Berberian parfaitement inattendu. C'est si rare, de nos jours, d'être surpris par ceux dont on croit trop bien connaître l'univers...
La bouille par Thierry Bellefroid
« La bouille », par Troub's. Chez Rackham.

A la manière d'un Davodeau dans « Rural ! », Troub's a plongé dans la BD-reportage en accompagnant l'un des derniers bouilleurs de cru sur le terrain. L'occasion d'en apprendre sur cet univers agricole à cheval entre Charente, Gironde et Dordogne, où chacun garde les meilleurs fruits du verger pour le passage du bouilleur de cru qui les transformera en eau- de-vie. L'occasion aussi de découvrir un monde en voie de disparition puisque comme le constate l'auteur, la plupart des clients du bouilleur de cru ont dans les 70 ans aujourd'hui. C'est donc une page de l'histoire de France que Troub's a saisi à sa manière. L'album fait la part belle à l'écrit, c'est son défaut. Souvent trop didactique, il manque de chaleur et ne permet pas toujours de s'attacher aux personnages. Le dessin, quant à lui, a un petit côté pris sur le vif avec un marqueur usé. La résultat est intéressant mais n'arrive pas au niveau de Rural !


Torso par Thierry Bellefroid
« Torso », de Brian Michael Bendis et Marc Andreyko. Chez Semic Noir.

Attention chef d'oeuvre ! Déjà convaincu qu'un livre signé Brian Michel Bendis ne pouvait forcément qu'être bon, je me suis penché sur cet épais bouquin avec un sourire bienveillant. Après dix pages, le sourire avait fait place à une véritable excitation. Bendis, co-scénariste de l'histoire avec Marc Andreyko, en est aussi, pour une fois, le dessinateur. C'est ici qu'on voit à quel point le découpage parfait de BD comme Sam & Twitch lui doit tout. « Torso » est un modèle d'ingéniosité graphique et narrative. Une BD qui a du punch, du souffle sur la longueur, des audaces de mise en page... Une BD qui marche en dehors des sentiers battus, qui pioche dans l'iconographie d'époque et se sert aussi bien de la photo que d'un noir et blanc tranché, mystérieux quand il le faut, stylisé à l'extrême à d'autres moments.
Mais « Torso » n'est pas qu'un roman fleuve d'une maestria totale aux plans du découpage et de la narration. C'est aussi, c'est surtout, une authentique et passionnante tranche de l'Histoire des Etats-Unis. A l'heure où « Dragon Rouge » remet Hannibal Lecter au goût du jour pour la troisième fois, lire « Torso » est comme plonger dans la paléontologie des passions inavouables de ce cher docteur Lecter. « Torso » raconte comment les Etats-Unis se sont réveillés un beau jour avec un nouveau genre de criminel : le serial killer. Non seulement cette première dans l'histoire du crime américain (précédée, bien des années plus tôt en Angleterre par l'avènement de Jack L'Eventreur) est une pièce d'Histoire digne d'être racontée, mais en plus, elle se double d'un concours de circonstances inouï puisque les traces de Torso et celles d'Eliot Ness se croisent tout au long de ces 272 pages ! Auréolé par ses succès à Chicago, Ness est engagé par le maire de Cleveland comme chef de la sécurité au moment où Torso commet son premier crime. Et j'avoue que j'ignorais que c'était un tueur en série qui avait envoyé le plus célèbre des Incorruptibles à la retraite politique. Cela ne fait qu'ajouter un élément passionnant supplémentaire à une BD qui figurera parmi les meilleurs ouvrages de l'année.
Coquetèle par Thierry Bellefroid
« Coquetèle » de Baraou et Sardon. A L'Association.

Je viens de lire Coquetèle ? C'est bien ce que j'ai écrit une ligne plus haut. Pourtant, Coquetèle ne se lit pas. Ne se regarde pas. Coquetèle se joue. Se joue de nous. Se joue de tout. Des codes et des genres. Des chemins déjà tracés. Imaginez l'astuce de cette BD en 3D, pardon... en trois dés. Vous lancez les dés au hasard, vous les placez l'un à côté de l'autre dans l'ordre que vous voulez. Et à chaque fois, ils forment une suite cohérente, toujours renouvelée. Un exercice pleinement oubapien, qui ne pouvait que naître dans les cerveaux foisonnant d'idées des « Associés » ! L'Asso renouvelle joliment ici les voies de l'écriture et de la narration, on ne s'en plaindra pas. Mais fallait-il qu'elle le fît avec un objet si coûteux ? 29 Euros pour la boîte Coquetèle. Aussi jolie, soignée et originale qu'elle soit, ça fait cher le dessin de Sardon ! A ce prix là, le jeu de dés se transforme presque en jeu de dupes...
« Ceux qui t'aiment » d'Etienne Davodeau. Chez Delcourt.

Un conte parfois un peu premier degré que nous propose là Etienne Davodeau, mais un conte d'une sincérité que l'on ne peut pas mettre en doute. Surfant sur la vague de popularité de l'équipe de France de football, l'auteur s'est demandé ce qui pourrait bien faire tomber ces stars de leur piédestal. Il a concocté un kidnapping rocambolesque et pathétique dans lequel Titou, gloire nationale, va toucher le fond et remettre en cause les valeurs auxquelles il croyait. Le foot sert de toile de fond. Mais il est traité en profondeur, sans en avoir l'air. Car les personnages secondaires prennent tous le foot pour ce qu'il n'est pas -ou pour ce qu'on aimerait qu'il ne soit pas. Supporters réduits à partager le bus avec leurs ennemis héréditaires, père autoritaire qui fait du chantage au ticket d'entrée au stade, vieux légionnaire qui ne voit que l'argent que peut lui rapporter le rapt d'une star nationale et ne demande même pas une somme en rapport avec ce que vaut réellement sa « marchandise »... tous ces personnages développent leur point de vue et servent le propos de Davodeau. A force, on trouvera évidemment tout ce beau monde un peu trop caricatural mais comment faire autrement, lorsqu'on veut faire ressortir les limites d'un univers à la fois connu et tristement éloigné de ce qu'il devrait être ?
« Le livre d'Erkor », tome 3 de la Cicatrice du souvenir. Par Ange et Paty. Chez Soleil.

Fin de cycle pour « La cicatrice du souvenir » qui aura su nous tenir en haleine pendant près de 140 pages. Il faut dire que les scénaristes ne sont pas des débutants : les Ange ont un long parcours derrière eux et ratent rarement leur coup. Leur talent est sans aucun doute de parvenir à cacher les véritables motivations des héros pendant un temps suffisant pour permettre des rebondissements spectaculaires dans leurs histoires. Ce fut le cas ici. Dans le premier album, trois personnages très positifs et volontaires joignaient leurs forces pour réparer une injustice. Dans le deuxième volet, l'un des trois apparaissait sous un jour nettement moins favorable ; Erkor se transformait en despote une fois le pouvoir reconquis grâce à l'aide précieuse de Sylvan et Amida. Le troisième album apporte la résolution de l'histoire, mais il nous montre aussi les dessous d'une machination que nous n'avions pas soupçonnée. Rien n'était donc le fruit du hasard, et cela, dès la rencontre des trois « héros » de cette histoire. Intelligemment raconté, dessiné avec de plus en plus de fluidité par Christian Paty, ce triptyque a su tirer parti de ce qu'il y a de meilleur de l'héroïc fantasy pour se distinguer de la production ambiante.
Céfalus par Thierry Bellefroid
« Céfalus », par Ludovic Debeurme. Chez Cornélius.

Et dire qu'il s'agit d'un premier album ! Mais que fera Debeurme dans dix ans ? Avec sa plume et un peu d'encre de Chine, il s'invente un monde d'une totale folie. Un jumeau rescapé part à la recherche de réponses, la tête de son « double » suicidé sous le bras. Point de départ d'un récit surréaliste où l'on croise des créatures plus étranges les unes que les autres ; Pinocchio obsédé sexuel, le docteur Krü et sa ménagerie humaine, une sainte aux orbites sanglantes... Chaque page réserve une surprise au lecteur. Debeurme plonge à pieds joints dans un monde intérieur qui tient à la fois de « Freaks » et de Lewis Carroll. Avec des images à la Magritte, il emprunte aux surréalistes et compose ses cadrages avec un soin parfois génial. Aux confins du conte, de la psychanalyse et de l'introspection onirique, Debeurme rejoint le « Vitesse moderne » de Blutch. Mais dans une oeuvre plus ouvertement détachée du monde réel. Et avec la fougue d'un « débutant » là où « Vitesse moderne » révèle plutôt l'expérience et la somme de travail d'un auteur qui a déjà prouvé sa capacité à sauter toutes les barrières avec élégance.
Warramunga par Thierry Bellefroid
« Warramunga », par Toppi. Chez Mosquito.

Des aventures du Collectionneur à l'exceptionnel Sharaz-De, Mosquito a déjà eu l'occasion de nous montrer à quel point les déserts et les grandes étendues passionnent Sergio Toppi. Cette fois encore, le livre s'ouvre sur un décor magistral. Nous sommes dans le bush australien et aucune mise en couleur ne pourrait mieux rendre ce paysage que le noir et blanc hachuré de l'auteur. Des pierres, des racines décharnées, deux hommes maigres et patibulaires, un aborigène, voilà les seuls accessoires de cette première histoire, « Warramunga », qui a donné son nom au livre. De ces ingrédients simplissimes, Toppi tire une fable attendue, certes, mais d'une beauté quasi picturale dont il a le secret. Le ton est donné. « M'Felewzi » peut suivre. Du bush australien, le lecteur s'envole pour le Transvaal africain. Rhinos, éléphants, impalas et buffles l'y attendent. Mais le safari auquel nous convie l'auteur ne respecte pas les règles du genre. Il commence par un meurtre de sang-froid. La machine, ensuite, poursuit sa route, comme mue par un courant animiste ou à tout le moins, une force obscure. Le dessin, une fois encore, hachure, remplit, recrée le réel, réinvente la page. C'est aussi beau que si Gustav Klimt s'était mis à la BD. Et d'ailleurs, à y bien regarder, c'est à se demander comment Toppi peut être le seul à ignorer si génialement les règles de la bande dessinée pour leur substituer cette grammaire personnelle sauvage, rebelle, tranchante. Une grammaire qui ne cède jamais à la facilité et ne tolère aucune image gratuite.
La trahison (Wayne Shelton) par Thierry Bellefroid
« La trahison », tome 2 de Wayne Shelton, par Van Hamme et Denayer, chez Dargaud.

Le « vieux » scénario de Jean Van Hamme est donc arrivé à son terme. Shelton continuera sous la plume de Cailleteau. En attendant, le diptyque s'achève en apothéose, avec cascades et partenaires restés sur le carreau. Tout aussi Bruno Brazil que le premier, ce deuxième tome est mené tambour battant par un scénariste qui ne laisse jamais rien au hasard. Ce n'est pas la première fois qu'il doit faire évader quelqu'un de prison. Mais on peut dire que Van Hamme a minutieusement mis son plan au point. L'histoire est à la fois crédible et inattendue pour ne pas décevoir un lecteur mis en appétit par le premier album. D'aucuns trouveront évidemment qu'on ne s'attache pas vraiment aux personnages et ils n'auront pas forcément tort. C'est vrai que Wayne Shelton est plutôt un héros en creux, on ne sait rien de lui ni de ses sentiments. Quant à la fin, très prévisible, elle apparaît comme une apologie de l'auto-justice et ne convainc pas vraiment. Mais Denayer, lui, tient bien ses personnages. Il n'a plus dessiné comme ça depuis Alain Chevalier.
« La voix intérieure », tome 2 de « La maison dieu », par Rodolphe et Berr. Chez Albin Michel.

Même si le dessin de Nathalie Berr m'enthousiasme encore moins que dans le premier album, je reste intrigué par ce scénario de Rodolphe. L'histoire de ces neufs « élus » devenus des surdoués chacun dans leur domaine du jour au lendemain fournit une excellente intrigue. L'auteur ne rate ni les nécessaires rebondissements ni les personnages secondaires qui doivent donner l'envie de lire la suite au lecteur. Il ménage peut-être juste un peu trop son suspense. On aimerait que le prochain album permette de franchir une étape décisive dans la résolution de ce mystère. Pour l'heure, heureusement, le lecteur n'a pas l'impression que Rodolphe tire son récit en longueur ; l'intervention d'Agathe, la télépathe qui va tenter une alliance avec les autres surdoués, relance en tout cas l'intérêt de l'histoire.
« Pawa, chronique des Monts de la lune », par Stassen. Dans la collection Encrages des éditions Delcourt.

Pawa n'est pas une BD. Ce n'est pas un carnet de notes illustré non plus. Plutôt une série d'articles engagés, parfois même plus proches de la nouvelle, au ton tantôt désabusé tantôt cynique, souvent corrosif, dans lesquels le dessin s'ajoute à l'écrit. Stassen y livre sa vision de l'Afrique des Grands Lacs et plus précisément du Rwanda et du Burundi (mais le Congo et l'Ouganda ne sont jamais loin). A travers quatorze textes sans concession, l'auteur de « Déogratias » va plus loin que dans tous ses ouvrages précédents. Cette fois, la fiction n'est plus là pour servir la réalité ; c'est la réalité qui est mise en perspective, livrée en kit, avec notes en bas de page et recettes de cuisine. Une réalité brute, parfois insoutenable, souvent très éloignée des livres d'histoire et des articles de presse. Le journaliste que je suis ne peut rester insensible devant cette remise en cause de quelques-unes de ses certitudes. Pawa est une baffe dans la gueule, parce que Stassen ne doit rien à personne, parce qu'il connaît les lieux comme personne, parce qu'il exprime non pas un témoignage mais un cri de colère. La lecture de ce livre n'est pas aisée. Mais loin du manuel scolaire, elle est tout simplement utile.
Ubu Roi - T. 1 (Ubu) par Thierry Bellefroid
« Ubu Roi », par Emmanuel Reuzé, librement inspiré de l'oeuvre d'Alfred Jarry. Chez Emmanuel Proust.

Qu'il est difficile d'adapter « Ubu roi » en BD après le coup de maître de Daniel Casanave, nominé l'an dernier à Angoulême dans la catégorie du meilleur dessin. L'adaptation en noir et blanc et en un seul volume parue aux 400 Coups fait évidemment figure de référence. Emmanuel Reuzé, dessinateur débutant, peut-il faire le poids ? Oui, si l'on considère qu'il livre ici un album au ton plus proche de l'univers absurde et burlesque de Jarry. Là où le dessin jeté et dépouillé de Casanave visait l'économie de moyens pour faire contrepoids au grotesque des personnages, Emmanuel Reuzé appuie au contraire de toutes ses forces. La farce n'en est que plus énorme. Déformant les visages et triturant les cases jusqu'à éclater sa mise en page, le jeune dessinateur rennais insuffle une énergie propre à cette vision d'Ubu. L'ensemble apparaît comme surjoué mais tient la route. Encore faut-il voir ce que l'entreprise apporte au texte original de cette pièce fondatrice du théâtre surréaliste. On est surtout curieux de voir comment l'éditeur réussira le pari de réaliser des suites inédites aux classiques de la littérature qu'il a choisi d'illustrer dans cette collection intitulée « Trilogies ».
« L'espoir assassiné », tome 2 de la trilogie « Le cri du peuple », par Tardi et Vautrin. Chez Casterman.

Couronné par l'Alph'Art du meilleur dessin, Tardi poursuit son adaptation de Vautrin avec le même bonheur. Il y a dans cet album le même souffle épique, le même amour des anonymes, des seconds rôles, des laissés pour compte. Il y a ces scènes de la grande Histoire, mêlées à la vie quotidienne et aux petites histoires qui, parfois, prennent le dessus sur toutes les autres. Il y a cette mise en page inspirée, ces tableaux inoubliables, ce souci du détail qui pourtant s'accompagne d'une grande stylisation. Bref, Tardi est pareil à lui-même, c'est-à-dire excellent. Le seul point noir vient peut-être du texte qui, à force de vouloir à tout prix sonner juste, en devient fatigant. Trop d'argot tue l'argot, aurait-on envie de dire...
« Monsieur « I » », tome 2 de Norbert l'imaginaire. Par Vadot et Guéret. Au Lombard.

Après des débuts remarqués, Guéret et Vadot n'avaient pas droit à l'erreur. Car raconter la vie tourmentée de l'intérieur d'un cerveau humain, ça marche une fois... de là à en faire une série, on peut se demander s'il n'y a pas un risque de très vite épuiser le sujet ou, à tout le moins, l'originalité du propos. Pourtant, les auteurs ont su renouveler leur fond de commerce. Non seulement, on ne s'ennuie pas une seconde à la lecture de ce second album, mais en outre, on y découvre un univers plus riche que prévu, avec davantage de place pour les sentiments et le contour des personnages. Et avec un mélange des genres à la fois audacieux et totalement réussi. On flirte avec le fantastique, la politique-fiction, l'histoire d'amour, la comédie, la farce, la fable et le drame. A aucun moment, on n'a le sentiment de savoir vers où vogue la navire. La surprise est complète, la croisière aussi confortable que dépaysante. La mise en page réserve quelques beaux moments (avec De Niro et Al Pacino en guest stars) et les trouvailles visuelles ne manquent pas. Que demander de plus ?
Sale blague mon amour (Miss) par Thierry Bellefroid
« Sale blague mon amour », tome 4 de Miss, par Riou, Vigouroux et Thirault. Aux Humanos.

Nola et Slim se rapprochent mais se diront-ils « je t'aime » avant que la vie les sépare ? C'est sur cette interrogation qu'est construit le quatrième acte de cette série, ce qui nous éloigne considérablement des débuts. Pourtant, on continue à assister à quelques-unes des opérations de « nettoyage » de notre couple de tueurs. Sur fond de krach (nous sommes en 1929), les affaires périclitent ; Nola et Slim prennent davantage de risques pour moins d'argent. Toujours aussi froids et déterminés, ils abattent leurs cibles sans se poser de questions, du moins, quand elles ne se sont pas suicidées avant leur arrivée. Thirault joue toujours aussi bien sur les voix off, son scénario tire magnifiquement parti du contexte historique et installe un suspense insidieux. Riou et Vigouroux réussissent quelques cases magnifiques, mais je regrette pour ma part les couleurs des débuts assurées par Scarlett Smulkowski. Les effets informatiques sont trop visibles et trop peu compatibles avec l'ambiance choisie. Le résultat est qu'il m'a fallu plusieurs essais avant d'arriver à me convaincre de lire cet album. Mais je ne l'ai pas regretté. Thirault manie dans ce quatrième tome le chaud et le froid, le drame et le romanesque. Et jusqu'au bout, le lecteur se demande s'il va vers une happy end ou l'inverse.
20 précédents - 20 suivants
 
Actualité BD générale
Actualité editeurs
Actualité mangas
Actualité BD en audio
Actualité des blogs des auteurs
Forum : les sujets
Forum : 24 dernières heures
Agenda : encoder un évènement
Calendrier des évènements
Albums : recherche et liste
Albums : nouveautés
Sorties futures
Chroniques de la rédaction
Albums : critiques internautes
Bios
Bandes annonces vidéos
Interviews d'auteurs en videos
Séries : si vous avez aimé...
Concours
Petites annonces
Coup de pouce aux jeunes auteurs
Archives de Bdp
Quoi de neuf ?
Homepage

Informations légales et vie privée

(http://www.BDParadisio.com) - © 1996, 2018 BdParadisio