Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

Comme un poisson dans l'huile par Thierry Bellefroid
« Comme un poisson dans l'huile » par Guillaume Long. Chez Vertige Graphic.

Le petit livre de Guillaume Long montre si besoin en était qu'on n'a pas encore épuisé la veine autobiographique en bande dessinée. Choisissant de raconter son séjour aux Beaux Arts, Long s'amuse à se moquer de tout en commençant par lui-même. Son humour ravageur et tendre à la fois flotte au-dessus du récit, soutenu par un dessin minimaliste. Une année de cours mais aussi une année d'amitié, d'angoisses et de découvertes, cela peut paraître inintéressant à raconter mais tout est dans le ton qu'on emploie. Guillaume Long a trouvé sa voie pour le faire, ce qui paraît d'autant plus étonnant qu'il confesse à longueur de pages son manque de motivation et surtout son manque d'originalité. Mais même s'il passe cette première année d'apprentissage artistique par la petite porte, on peut dire qu'il a trouvé aujourd'hui un style graphique et une manière de se raconter qui prouvent qu'il a cessé de chercher ses modèles chez les autres. Subtil, frais, très bien écrit, son livre ne sombre ni dans le narcissisme ni dans l'anecdote gratuite.
Projet Sherwood (L'arche) par Thierry Bellefroid
« Projet Sherwood », tome 1 de « L'Arche », par Félix, Mallié et Rieu. Chez Soleil.

Nouveau venu dans la SF, Jérôme Félix entame en compagnie de Vincent Mallié (« Hong kong Triad », « Les Aquanautes ») une histoire de cyber-invasion qui n'en est qu'à ses tout débuts. C'est bien simple, les envahisseurs en question ne pointeront même pas le bout de leur nez dans ce premier album où l'on suit deux personnages principaux coup sur coup. Une première moitié d'album nous met sur les traces de Pad, un flic incorruptible qui est prêt à dénoncer ses supérieurs apparemment moins imperméables que lui aux propositions du consortium « Cadillac », à qui Pad livre une guerre sans merci pour des raisons finalement très personnelles. L'autre moitié nous propose de suivre un tout jeune garçon, informaticien doué mais plutôt maladroit avec les filles, Emilio. C'est finalement lui qui apparaît au terme de ce premier album comme le vrai héros de l'histoire. Une histoire qui ne donne sa mesure que dans les toutes dernières lignes de ce premier tome, brouillant joliment les pistes. Le tout est raconté avec ce qu'il faut d'humour et de suspense pour donner envie au lecteur de poursuivre l'aventure. A évaluer sur la longueur...
Prémonitions (Halloween Blues) par Thierry Bellefroid
« Prémonitions », tome 1 de « Halloween blues », par Mythic et Kas, dans la nouvelle collection « Polyptique » des éditions du Lombard.

« Polyptique » annonce la couleur : 7 albums pour « Halloween Blues ». 7 albums indépendants les uns des autres, mais résolvant en même temps une histoire commune. L'idée est loin d'être neuve. De nombreuses séries télévisées américaines travaillent sur ce principe. Il permet d'éviter la frustration du feuilleton où le lecteur ne connaît jamais de fin au terme d'un épisode tout en créant un suspense en filigrane, avec sa propre scénographie et ses propres récurrences bien calculées. Il n'en faut pas trop, histoire de ne pas perturber la lecture de l'histoire en cours. Et pas trop peu, histoire de créer une vraie envie de connaître la suite. Ici, il semble que le fil rouge soit destiné à être l'assassinat de la femme de Forester, le flic héros de la série, qui a été blanchi pour ce meurtre mais que le fantôme de Dana poursuit de ses questions. Est-ce que cela suffira à rendre les sept albums passionnants ? Pas sûr...

En marge de ce fil rouge, que raconte ce premier volume ? Une banale machination montée par un propriétaire terrien pour s'approprier les ressources des terres qui jouxtent sa propriété. Seule originalité, le moyen employé pour tromper tout le monde. Pour nous raconter cela, Mythic nous noie sous les dialogues. L'histoire est exagérément bavarde, à tel point que cela en devient rapidement insupportable pour le lecteur. D'autant que ces dialogues sonnent beaucoup trop artificiellement pour donner une vraie épaisseur aux personnages et les rendre crédibles ; ils semblent tous sortis d'un roman de gare et s'expriment dans une langue désincarnée, à la syntaxe presque académique, quel que soit leur milieu social. Quant aux situations rocambolesques, elles ne manquent pas non plus. Quel homme en train de faire main basse sur toute une région laissera entrer chez lui l'une des personnes dont il veut racheter la propriété pour entamer avec elle une conversation apparemment amicale, un fusil braqué sur lui ? Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres...
Bref, pour un premier album devant « tirer » toute une collection sur laquelle on imagine que le Lombard fonde de grands espoirs, on pouvait vraiment espérer mieux. D'autant que le dessin de Kas, souvent figé, statique, aux couleurs parfois franchement criardes, ne sauve pas l'entreprise. Seul le personnage de June semble touché par une certaine grâce.
Jade (Clifton) par Thierry Bellefroid
« Jade », tome 18 des aventures de Clifton. Par De Groot et Rodrigue. Au Lombard.

Plus de 43 ans après sa création, Clifton change une fois de plus de mains. Il s'offre un quatrième dessinateur (après Macherot, son créateur, puis Azara, il y eut en effet Turk et Bédu) et retrouve le scénariste qu'il avait quitté il y a plusieurs années. Manifestement, la complicité qui s'était exprimée entre Rodrigue et Bob De Groot dans « Doggyguard » n'est pas étrangère à la réussite de l'opération.
Clifton retrouve les culottes courtes de Héron Mélomane, son personnage de chef scout mais ce n'est que pour très peu de temps. Car la jolie Jade, son équipière de choc pour cette aventure, s'en vient donner un coup de frais dans cet univers très masculin où seule Miss Partridge partageait le quotidien du héros. La fin est assez surprenante et montre que Bob De Groot veut rajeunir son personnage tout en veillant à conserver les ingrédients qui ont construit son succès. Même si on est loin de l'univers de Macherot et si certains gags commencent à être éculés, De Groot a su retrouver le plaisir de ses débuts avec Turk. Sans être aussi rondement mené que « Le voleur qui rit » ou « 7 jours pour mourir », ce « Jade » constitue une bonne surprise pour le lecteur.
La bande à Bamboo par Thierry Bellefroid
« La bande à Bamboo », album collectif paru chez Bamboo.

En quelques années, construite sur le succès immédiat des « Profs », la petite maison d'édition d'humour tout public s'est étoffée et offre aujourd'hui un catalogue qui chasse dangereusement sur les terres du magazine Spirou. Pour en avoir le meilleur aperçu, il suffit de lire « La bande à Bamboo ». Vous y trouverez quelques planches de 17 séries en cours. Evidemment, ce sont les meilleurs gags qui ont été retenus, ce qui ne permet pas toujours de juger de la qualité d'un album entier avec les mêmes personnages. Mais les plus intéressants se détachent sans effort du peloton. « Dirty Henry », « Django Renard », « Rob, Wed & Co », « Les Fourmidables », ou les « Fonctionnaires » ont sans doute réussi plus que d'autres à allier univers thématique et galerie de personnages attachants. Ils évitent aussi plus facilement que les autres les situations convenues et les gags prévisibles qui parsèment malheureusement beaucoup d'albums de Bamboo.
Les mystères du meurtre par Thierry Bellefroid
« Les mystères du meurtre », par Neil Gaiman et P. Craig Russell. Chez Semic Album.

Le complice idéal de Dave Mc Kean, adapté ici par P. Craig Russell, au départ d'une de ses pièces radiophoniques. Une histoire à la marge du récit fantastique et du conte philosophique, qui nous propose de découvrir la genèse du meurtre. Nous sommes avec les anges, avant la création du monde, qui n'en est encore qu'au stade de l'expérimentation en vase clos. Dieu -Le Nom- est omnipotent et omniscient. Il a créé toute chose pour qu'elle le serve. Aussi, lorsqu'un ange est retrouvé mort après une chute vertigineuse, un autre ange a-t-il été prévu pour exprimer la punition du Nom. Cet premier limier de l'Histoire va découvrir dans un monde asexué et normalement dépourvu d'ambition personnelle comment on jongle avec des notions aussi abstraites que l'amour, la jalousie et la mort. Passionnant, conçu comme un véritable thriller, le récit est en outre raconté par l'un des protagonistes déchu, une nuit, sur un banc public de L.A., à un homme qui lui a offert une cigarette. Le traitement graphique de P. Craig Russell est limpide et son découpage irréprochable. On se laisse porter, étonné de la facilité avec laquelle Neil Gaiman déroule son intrigue, dans ce monde dont il invente tous les codes. Sans exagérer les côtés fantastiques et explorer des décors de rêve qui peuvent vite virer au kitsch, Russell joue quant à lui la carte de la stylisation, parfois jusqu'à épouser le genre du comics de super héros. Magnifique.
« Le Trésor des abysses », tome 2 de Imago Mundi. Par Brahy, Corbeyran, Braquelaire. Chez Dargaud.

On ne peut que se réjouir de l'initiative prise par Dargaud de publier en même temps les deux volets qui constituent cette première histoire de Imago Mundi. Voilà une décision commercialement courageuse, puisque l'éditeur a dû attendre la réalisation de 92 planches avant de pouvoir envisager de voir rentrer le premier euro dans les caisses. Pour le lecteur, en tout cas, c'est tout bénéfice. Et finalement, on peut se demander si l'éditeur n'y gagne pas en visibilité, les deux albums étant plus facilement mis en avant par le libraires qu'un premier tome de série.

Imago Mundi est le fruit de l'imagination d'un scénariste connu et d'un scientifique, ce qui explique la cohérence de l'ensemble. Corbeyran et Achille Braquelaire se sont rencontrés il y a près de dix ans, ils ont eu le temps de mûrir leur projet. On ne présente plus le premier. Quant au second, il dirige le département informatique de l'université de Bordeaux. Ensemble, ils ont choisi de publier une histoire d'aventures sur fond de recherche scientifique en essayant à la fois de sortir des sentiers battus et de rester crédibles, y compris aux yeux des spécialistes. C'est sans doute à ce mélange d'ambitions et de savoir-faire que l'on doit la réussite d'Imago Mundi, mis sur le papier par Luc Brahy, qui avait débuté chez Vents d'Ouest avec « Zoltan », une histoire scénarisée par Frank Giroud.
Les trois personnages principaux, le « vieil » aventurier suédois et ses deux jeunes génies, fonctionnent à merveille dans le dispositif imaginé par Corbeyran. L'histoire est intelligente sans jamais négliger le plaisir de lecture, le dessin est efficace, seule la mise en couleur aurait pu être plus « discrète » en se passant de certains effets, mais dans l'ensemble, voilà une belle réussite d'emblée.
Octave et le cachalot (Octave) par Thierry Bellefroid
« Octave et le cachalot », par Chauvel et Alfred. Cez Delcourt Jeunesse.

Derrière une couverture très réussie, un petit bijou où tout est à sa place. Une belle histoire, simple et forte comme les enfants aiment qu'on leur en raconte. Un dessin économe, qui fait une grande place aux couleurs et aux atmosphères. Une mise en page qui met en valeur les gros plans et les expressions du visage d'Octave. Tout concourt à rendre cet album accessible et lumineux. Une fois encore, on y découvre un Chauvel plus sensible et plus polymorphe qu'il y paraît. De Ring Circus à Popotka en passant par « La digue », Chauvel déroule de belles histoires au ton plus personnel, en marge de cet univers marqué par la mafia, la violence et le cinéma qu'il affectionne particulièrement et qui constitue l'ossature de sa production. Ce Chauvel-là gagne à être connu, tout comme celui qui nos propose avec une belle constance les aventures d'Arthur.
« Des fourmis dans les jambes », tome 1 des Fourmidables, par Vincent Deporter.

Voilà un album véritablement réjouissant qui colle parfaitement à l'esprit « Bamboo », caractérisé par l'humour grand public et tous âges. Les Fourmidables peuvent plaire aux plus jeunes ; les gags sont compréhensibles par tous et le dessin de Deporter plein de vie et de dynamisme fait le reste. Mais les adultes peuvent tout aussi bien s'amuser des facéties de ces petits insectes plus maladroits qu'organisés qui ne cessent de tomber dans les pièges que leur tendent les humains. Il y a dans cette série un brin d'humour noir et de causticité qui la distingue du tout-venant. Confrontées aux ravages du tabac comme à la bêtise humaine, les fourmis de Deporter n'hésitent pas à se venger des hommes ou à faire mentir leur réputation en sombrant dans la paresse. C'est enlevé, inspiré et les gags ne tombent jamais à plat.
Héros et bovins par Thierry Bellefroid
« Hermann, héros et bovins », aux éditions Mosquito.

Avec un titre aussi énigmatique, certains se demanderont quelle mouche a piqué Mosquito au moment de publier ce livre. Bien sûr, tous les lecteurs d'Hermann auront remarqué que les bovins ne manquent pas dans ses albums. De là à leur consacrer un livre...
Et pourtant. A la lecture de ce petit « traité », on ne peut que mieux comprendre l'univers des hommes et des vaches sur lequel le scénariste de Jeremiah règne en maître. Car ce livre n'est pas qu'une variation sur le thème des bêtes à cornes et sabots. Jouant la carte thématique qu'on lui tendait, Hermann a choisi de s'expliquer. Avec ses mots à lui. Il dépeint patiemment, un à un, les héros de ses histoires, remontant jusqu'aux séries de Greg, à cette époque lointaine aujourd'hui où il n'était QUE le dessinateur d'un scénariste génial. Mettant ses personnages en parallèle avec des bestiaux qui parlent d'eux mieux que personne, l'auteur fouille la psychologie de ceux qui l'ont accompagné depuis les années soixante et nous offre sa vision de leurs traits de caractère ou de leurs petits travers. En résulte une lecture parfois nostalgique mais pleine d'enseignements, qui permet au lecteur d'appréhender l'œuvre plus en profondeur. On dit toujours que les histoires doivent se suffire à elles-mêmes. Ce très beau livre est la preuve qu'il y a moyen de faire commenter son œuvre à un créateur. A condition de ne pas lui en imposer la forme.
« Tenu par les couilles », tome 3 du Bal de la sueur. Par Cromwell et Riff Reb's. Chez Soleil.

C'est sûr, avec un titre pareil, voilà un album qui ne se retrouvera pas dans les bacs des bibliothèques paroissiales ! Mais que cela ne vous prive pas de sa lecture qui rappelle le premier volume du Bal de la Sueur (paru il y a bientôt 20 ans !). On y retrouve le même univers -après un détour par une Venise de bazar dans le tome 2- et les auteurs s'en sont donné à cœur joie pour passer à la moulinette tout ce qui peut paraître à peu près politiquement correct ou un peu trop propre dans la BD d'aujourd'hui. Miné par une colonie de morpions électroniques qui menacent de lui exploser à tout moment les bijoux de famille, Manuel, l'ignoble rabatteur de contrat, n'a d'autre solution que d'envoyer Sergueï Wladi et son bateau, le Buffalo Grace, à la chasse à l'homme. S'en suivent des aventures aussi loufoques que jouissives où l'humour ne faiblit pas plus que le rythme, le tout dessiné de mains de maîtres, par Cromwell et Riff Reb's, qui ont fait de sérieux progrès depuis qu'ils avaient délaissé cette série. Il faut dire que les deux compères nous avaient planté là en... 1987 après deux albums seulement. Depuis, l'eau a coulé sous les ponts et la sueur sous les bras de leurs héros.
Prélude 1 - Gaël (Kabbale) par Thierry Bellefroid
« Gaël », tome 1 de Kabbale, par Grégory Charlet. Chez Dargaud.

Après une trilogie réussie chez Delcourt en compagnie de Corbeyran, Grégory Charlet quitte l'univers des jeux de rôles et des stryges pour une étonnante histoire mi-politique mi-fantastique. Au terme de ce premier album, il est bien difficile de savoir où l'auteur veut nous mener. Et c'est bien le reproche principal que l'on pourra faire à cet album par ailleurs plutôt réussi. Le dessin a pris plus d'assurance et les couleurs sont aussi réussies que la mise en scène. Mais l'histoire de Gaël n'en est qu'à ses balbutiements et le lecteur reste seul avec ses questions au terme de ces premières 48 planches. Cet album n'est rien d'autre qu'une mise en place, un avant-propos, en quelque sorte. On me répondra qu'il faut planter le décor, les personnages, laisser à la longueur le temps d'installer une intrigue plus dense et plus forte que ne l'eût permis un one-shot. C'est évident. Mais la frustration ressentie lorsqu'arrive la dernière page finit par occulter une part du plaisir de la lecture. On est là en plein dans le mal dont soufre la BD d'aujourd'hui, commercialement incapable de proposer des paginations suffisantes au développement des histoires. Ce n'est bien sûr pas Grégory Charlet qui en est responsable. Pas plus que qu'un éditeur en particulier. Mais que diraient les lecteurs d'un roman s'ils devaient patienter un an entre le chapitre un et le chapitre deux ?
« Rendez-vous à Katmandou », une aventure de Caroline Baldwin. Par André Taymans. Chez Casterman.

Tous ceux qui connaissent un peu André Taymans savent qu'il ne cache pas son admiration pour Cosey, à qui il doit une part de sa ligne graphique et avec lequel il partage une passion démesurée pour la montagne. Avec ce neuvième album de Caroline Baldwin, il peut enfin rendre hommage à son « mentor ». Le titre évoque immédiatement l'univers de Jonathan. Et pour ceux qui n'auraient pas compris après quelques pages, le héros de Cosey apparaît même au détour d'une case. Pour le reste, André Taymans réalise avec « Rendez-vous à Katmandou » une des aventures les plus réussies de Baldwin, qui ne pêche sans doute que par une fin un peu trop prévisible. Utilisant de très beaux décors sans se laisser noyer par eux, l'auteur profite de ce voyage népalais pour faire se rencontrer son héroïne et Roxane, un personnage qu'il avait créé pour une autre aventure, parue il y a deux ans chez Point Image. Il y a donc dans cet album comme la somme des passions et des préoccupations d'André Taymans, impression confirmée à la lecture d'une interview centrée sur ses voyages parue parallèlement dans un hors-série des éditions « A propos ». Un beau petit livre à la couverture toilée qu'on ne peut que conseiller à ceux qui voudraient en savoir plus sur le goût du voyage qui traverse toute l'œuvre d'André Taymans. Le livre commence d'ailleurs par la reproduction en noir et blanc et en petit format de « Rendez-vous à Katmandou ».
« Vincent et Van Gogh » par Gradimir Smudja. Chez Delcourt.

Il y a de temps à autre des albums que l'on n'attend pas. « Vincent et Van Gogh » fait partie de ceux-là. Etonnant dès l'abord, carrément étrange ensuite, voilà un livre parfaitement inclassable et c'est tant mieux. Gradimir Smudja parvient à être à la fois fidèle à l'esprit de Van Gogh jusqu'au graphisme et totalement iconoclaste dans son approche. Habitué à copier les toiles des maîtres impressionnistes et post-impressionnistes, il ne se prive pas de plonger le lecteur dans des références picturales constantes. Mais c'est pour mieux cacher un propos personnel aussi singulier que réjouissant qui n'a rien à voir avec un travail de biographe. La lecture de cette bande dessinée est un moment de pure poésie et l'on espère que les lecteurs seront suffisamment curieux pour ne pas se laisse piéger par une couverture qui sonne « à la manière de ». Smudja a tout pour plaire : la maîtrise graphique et la fantaisie. A condition de s'embarquer avec lui pour cette improbable traversée de la création, on ne peut qu'être agréablement surpris du résultat.
Alberto G. par Thierry Bellefroid
« Alberto G. » par Eric Lambé et Philippe de Pierpont. Une co-édition Seuil/Frémok.

A peine regroupés au sein de Frémok, les Fréon et les Amok co-éditent un livre avec les prestigieuses éditions du Seuil. Sans concession, en conservant cette identité qui leur tient tant à cœur, ils nous offrent une variation sur la création en prenant pour personnage principal Alberto G., qui n'est autre qu'Alberto Giacometti. Le reproche que l'on peut peut-être faire aux auteurs, c'est d'avoir voulu éviter les concessions jusqu'à masquer l'origine de leur intrigue. Tous les lecteurs de cette histoire feront-ils le rapprochement avec Giacometti sans bénéficier d'aucun « sous-titre » ? Rien n'est moins sûr. Mais sans doute cette œuvre vaut-elle par elle-même, au-delà d'une lecture référencée. Car ce que de Pierpont et Lambé explorent, ce n'est rien d'autre que la fidélité à la création, la volonté de parvenir à l'œuvre d'art dans sa pureté originelle. Comment représenter le visage, comment retrouver l'extase devant ce que l'on a mis tant de temps et d'énergie à reproduire ? La question est centrale dans ce livre où la parole se fait rare et le dessin minimaliste.
Angèle en enfer (Poser mon sac) par Thierry Bellefroid
« Angèle en enfer », tome 1 de « Poser mon sac », par Gauchard et Ternon. Au Cycliste.

Après un coup d'essai dans la collection Comix du même éditeur, Gauchard et Ternon tâtent de la trilogie en albums de 46 pages couleur. Une histoire très noire qui sent bon le polar et débute par un prologue musclé avant de nous introduire avec force argot (trop ?) dans une équipe de flics très typés. Une fille échappe à des tueurs grâce à un vagabond qui prend sa défense. Le vagabond se bat trop bien pour être honnête et devient très vite la vraie cible d'une bande d'affreux qui n'ont pas l'air d'être des rigolos. Voilà pour l'intrigue dont le seul tort est de ne pas nous en dire beaucoup sur le héros principal mais dont les qualités sont en revanche de ne pas perdre de temps et de conserver un rythme soutenu tout le long de l'album. Le dessin de Ternon souffre encore de quelques défauts de jeunesse, d'un encrage souvent trop prononcé qui tue la vitalité du dessin et d'une certaine raideur chez les personnages. Mais ce premier tome n'a rien à envier à plusieurs séries concurrentes récemment parues chez Delcourt ou dans la collection Troisième Vague du Lombard. Un premier jet encourageant et une histoire qui se laisse lire, nous laissant sur une envie d'en savoir plus, ce qui est sans doute tout à fait voulu !
Le bruit du givre par Thierry Bellefroid
« Le bruit du givre », par Lorenzo Mattotti et Jorge Zentner. Au Seuil.

Quand un dessinateur en arrive à ce niveau de perfection, ce n'est plus du talent, c'est du génie. Et ce génie, il y a longtemps que Mattotti le développe, tant au service de la bande dessinée que de l'illustration ou de l'affiche. « Le bruit du givre » n'est donc ni son meilleur album ni une apothéose mais une pierre sculptée qui s'ajoute à ce collier chatoyant qu'il confectionne patiemment et qui s'appelle une œuvre. Imprimé avec soin (jusque dans la couverture gaufrée) par le Seuil, « Le bruit du givre » est davantage qu'un beau livre. Grâce à l'écriture travaillée mais jamais ampoulée d'un Zentner au meilleur de sa forme, il nous propose un pur récit initiatique, une quête du moi flirtant avec l'onirisme. Il faut dire que Mattotti a l'intelligence de ne jamais illustrer purement et simplement le texte. Il part de la poésie de Zentner pour y superposer la sienne, à travers un graphisme signifiant mais non redondant.
La nuit du cobra (James Healer) par Thierry Bellefroid
« La nuit du cobra », tome 2 de James Healer. Par Swolfs et De Vita. Au Lombard.

Même s'il s'agit de la suite directe du premier album et de la résolution d'une première enquête pour James Healer, l'album sonne plus original que le premier. Sans doute parce qu'il arrive à faire oublier certaines influences télévisées trop visibles dans le premier opus. On se laisse donc entraîner par cette histoire aux ingrédients mille fois vus et revus, mais plutôt bien mise en scène par Swolfs. Le casting est un traité des clichés du genre -le flic à la nuque taurine, la rousse incendiaire alcoolique, le héros à la toison argentée façon Jésus, l'agent occulte du gouvernement au torse couvert par un tatouage de cobra, etc...- mais il correspond en même temps à l'esprit qui anime ce type de série. Et il faut reconnaître à De Vita un joli coup de crayon qui s'avère aussi efficace dans ce deuxième album très « urbain » que dans le premier, où les décors naturels démontraient le savoir-faire du dessinateur. Bref, si vous aimez la série B, il n'y a pas de raison que James Healer vous déplaise. Au contraire, ce héros très « Troisième Vague » devrait vite rencontrer autant de succès en librairie que certains de ses aînés. Sans être un fan transi, c'est tout ce qu'on lui souhaite !
Le Jugement (Le Curé) par Thierry Bellefroid
« Le jugement », tome 2 de la série « Le Curé », par De Metter et Lacoste. Chez Soleil.

Ayant racheté Triskel et embauché son ancien patron au rang de directeur éditorial, Soleil l'a tout naturellement bombardé directeur de la collection... « Triskel ». Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Le lecteur peut donc suivre la suite d'un premier album très prometteur, qui devait autant au talent du dessinateur qu'à l'intrigue imaginée par son scénariste.
Le deuxième volume de cette trilogie fouille davantage les méandres de la conscience de notre jeune curé, tourmenté jusqu'à l'obsession par le secret entendu en confession, de la bouche du médecin du village. L'affaire se complique encore avec l'arrivée de la jolie Clara, éperdue d'admiration pour le docteur, et dont la beauté n'échappe pas au jeune curé. Une intrigue qui reste intéressante, donc. Tout en étant très classique, le récit de Lacoste explore la conscience humaine et ses contradictions sans jamais ni verser dans la démonstration ni perdre de vue la fluidité narrative. Quant au dessin, on ne le présente plus, puisque de la première trilogie (Emma) parue chez Triskel à Dusk (Humanos), De Metter a déjà largement fait la preuve de son talent pictural expressionniste.
« Du mou pour Matmatou » par Mo, Gaudin et Jaimito. Aux éditions de La Sirène.

En cinq albums, le chat Matmatou s'est considérablement amélioré. Un peu lourdeau à ses débuts, il fait mouche dans la plupart des gags de ce « Du mou pour Matmatou » qui joue à la fois sur l'univers félin et sur les références à la société humaine. Evidemment, cette ambiguïté vient du fait que Matmatou parle, ce qui explique qu'il est parfois plus homme que les hommes (le gag où il tape du balai sur le plafond pour faire taire le voisin du dessus par exemple...). Tantôt détourné pour jouer les métaphores, tantôt 100% chat, Matmatou cumule les fonctions avec un égal bonheur et finit sas gags sur les rotules, puisqu'il est destiné à jouer les souffre-douleur de son scénariste. Le dessin s'est lui aussi amélioré et va désormais à l'essentiel, cherchant l'adhésion du lecteur et traquant la mimique qui peut servir de béquille au gag. Bref, une belle évolution pour une série qui débarque dans un secteur à la fois surencombré et très convoité, celui de l'humour.
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