« La vierge noire », tome 2 du Marquis d'Anaon, par Vehlmann et Bonhomme. Chez Dargaud.
Après une première « enquête » qui sentait bon les falaises bretonnes balayées par le vent, c'est en Auvergne que nous emmènent les auteurs pour une traque de serial killer avant la lettre. Dans ce XVIIIème siècle où tout ce qui ne s'explique pas est mis sur le compte de la sorcellerie, Jean-Baptiste Poulain s'attaque à une série de crimes perpétrés à proximité d'une vierge noire, chaque veille de Noël. Pour résoudre l'énigme, il fait davantage appel à la psychologie que les gens du coin, plus prompts, en cette époque, à désigner le premier bouc émissaire venu. Poulain, un « profiler » avant la lettre. Certes, mais « Le marquis d'Ananon » est davantage qu'un livre policier médiéval. Avec l'air de ne pas y toucher, Vehlmann installe des ambiances, pose des questions, disserte sur la nature humaine et la différence, sur dieu et les forces du mal, sur la bonne volonté et la culpabilité. Ses héros ont des failles. Tant et si bien qu'une fois l'histoire résolue, il restera sur place des zones d'ombre qui permettront aux secrets de rester à l'abri des regards. Poulain résoud le mystère malgré lui, si l'on peut dire, et n'en tire aucune gloire, bien au contraire.
Le trait de Matthieu Bonhomme fait merveille pour conter par le dessin cette histoire campagnarde toute en clairs-obscurs et en paysages enneigés. Claire, dans la droite ligne des récits qui ont fait le succès de Dargaud ou du Lombard dans les années soixante-soixante-dix, sa mise en page est à la fois sobre et efficace. Sans tenter de jouer les orfèvres, le dessinateur parvient à servir le propos et à monter quelques planches très réussies. Il y a, dans cette façon de ne jamais en faire trop, dans l'utilisation parcimonieuse et intelligente de la lumière ou des silhouettes, dans cette volonté de classicisme esthétique, quelque chose de proche de la démarche d'Emmanuel Guibert sur « Les olives noires ».