La semaine des 7 Noël par Thierry Bellefroid "La semaine des 7 Noël", par O. GROJnowski, dans la collection grand format de Casterman.
J'avoue, j'ai eu chaud en ouvrant cet album. Une république de Pères Noël, ça faisait plutôt "déjà vu", pour ne pas dire dangereusement faisandé. L'ami Tronchet allait-il lancer sa meute d'avocats aux trousses d'Olivier Grojnowski, bientôt suivi par ceux de Nicolas de Crécy pour la parenté du dessin ? Pourtant, malgré ces apparences de plagiat, j'ai eu envie d'en lire davantage. Faut dire que le dessin à la de Crécy, non seulement c'est pas pour me déplaire, mais en plus, ça s'explique par le fait que les deux dessinateurs ont côtoyé les bancs de l'école des Beaux Arts d'Angoulême au même moment et faisaient partie de la "bande" dans laquelle se trouvaient également Chomet et Chevillard, pour ne citer qu'eux.
Et puis il y a la préface de Tronchet himself. Là, j'avoue, ça m'en a bouché un coin. Aller demander à la concurrence de signer un petit texte sur la parenté de votre oeuvre avec la sienne, y a pas mieux pour désamorcer les critiques ! En ce qui me concerne, ça m'a rassuré. Au moins, O'Groj ne nous la jouait pas : "comment, y a déjà un gars qui a fait une république de Pères Noël ? ¯. L'honnêteté paie toujours, comme dirait maman, et dans le cas présent, elle m'a permis de laisser mes préjugés au vestiaire et de lire cet album avec tout le respect qu'il mérite. Je ne le regrette pas. O'Groj, auteur des "Dragz" dans les pages de Spirou, manie parfaitement dans cet album les ingrédients de l'univers kafkaïen type.
"La semaine des 7 Noël" m'a fait rire, beaucoup rire. Le scénario est redoutable. Dans une république de Pères Noël, un serial killer assassine ceux-ci les uns après les autres, dérobant leurs bottes aux cadavres. Fins comme peuvent l'être les policiers dans un état qui porte leur nom (un Etat policier, quoi), ils décident de mettre les cordonniers sous surveillance. Les bottes des Pères Noël passeront par là tôt ou tard. La famille Prion, sous prétexte d'avoir gagné un répondeur à la loterie, se retrouve prise au piège. Car en fait de répondeur, les Prion héritent d'un homme, un vrai, qui répond au téléphone, mais qu'il faut loger, nourrir, supporter continuellement. Et cet homme, qui plus est, n'est autre qu'un super flic très heureux de régner en despote sur les Prion, qui n'y voient que du feu. Les situations les plus absurdes se suivent, entraînant le lecteur dans la confidence dès la mise en place du piège. A côté de cela, les trouvailles continuelles d'O'Groj viennent rehausser le niveau de l'histoire (les deux super flics nommés "Staline et Stalone", par exemple) Bref, de l'humour noir, de l'humour décalé, et comme chez Tronchet, une envie de se moquer de la fête obligatoire, cela tout en arrivant à faire oublier Houppeland. Voilà pour le scénario. Mais la "Semaine des 7 Noël", c'est aussi un dessin en noir, blanc et rouge qui malgré sa ressemblance avec celui de de Crécy m'a enchanté d'un bout à l'autre (si ce n'est dans le prologue où, justement, O'Groj a joué la carte de la couleur). Voilà un album qui méritait bien de paraître dans le nouveau grand format de Casterman. Ce qui n'est malheureusement pas le cas de toutes les autres nouveautés de cette jeune collection.