Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

« Durant les travaux, l'exposition continue, tome 3 : Crises de foi », par Clarke et Midam. Dans la collection Humour Libre des éditions Dupuis.

Il n'y a pas lieu d'écrire des dizaines de pages sur ce genre d'albums. En général, ils se suffisent à eux-mêmes et trouvent leur public sans trop de peine. J'ai toutefois envie de signaler aux esprits chagrins qui croiraient tout connaître de cette série après les deux premiers albums que les auteurs ont choisi, avec ce tome trois, de changer radicalement de ton. Album thématique qui met à mal les croyances et toutes les formes d'exploitation de la crédulité, « Crises de foi » ne fait pas rire à proprement parler. Il faut dire que l'humour est volontiers grinçant, acerbe. Mais il part à contre-courant d'une mouvance post X-files qui voudrait que la moitié des éléments autour de nous soient inexplicables et inexpliqués. Midam et Clarke se sont amusés au contraire à trouver des explications rationnelles à tous les phénomènes paranormaux. Et bien entendu, c'est dans l'humour ou le second degré qu'ils ont trouvé les solutions. Ca fonctionne plutôt bien, même si, comme je le disais plus haut, ce n'est pas un album qui fait rire. C'est parfois un peu gros, mais ça tord le cou à tant d'idées en vogue que c'en est déjà salutaire. Voilà, à vous de vous faire une opinion (comme toujours, d'ailleurs).
Les Innocents (Ring Circus) par Thierry Bellefroid
« Les innocents », tome 2 de la série « Ring Circus », par David Chauvel et Cyril Pedrosa, paru chez Delcourt.

La série la plus poétique d'un Chauvel qui aime a priori davantage les ambiances de polar. Et pourtant, je ne suis sûrement pas le seul à trouver que c'est la meilleure parmi son intense production. Tout d'abord, il y a ces deux personnages principaux, toujours aussi attachants et dissemblables malgré leur amitié : Jérold et Anthonin. Blanche et Jérold nous rejouent les amours impossibles avec tout ce qu'il faut de mélo pendant qu'Anthonin se découvre des atomes crochus avec Lilas. Le dessin de Cyril Pedrosa reste un des atouts de la série. Beauté du trait et choix raffiné des couleurs. Il traite avec un égal bonheur les scènes d'humour (principalement dues aux maladresses de Géraldine, la petite zèbre de compagnie d'Anthonin) et celles d'action, voire de fantastique. Car Chauvel insiste encore davantage dans ce deuxième album sur la magie « noire » qui accompagne l'étrange ennemi du cirque, l'homme à la cape et au haut de forme blancs qui sème la zizanie parmi les membres de la troupe. Le mystère à son sujet reste entier et cela donne du sel à une histoire qui mélange habilement les genres et les ingrédients les plus divers, un peu comme un Walt Disney. J'avoue, j'en redemande.
« Les sales blagues de l'Echo N°8 », par Vuillemin, chez Albin Michel/L'Echo des Savanes.

Sous-titré « L'été sera chaud », le nouveau recueil de Vuillemin est une lecture de vacances parfaite. A condition d'être prêt à rire de tout. Car à côté de l'enfant terrible de l'Echo des Savanes, Wolinski fait carrément figure d'enfant de choeur. Vuillemin ne respecte rien ni personne (comme Reiser mais en plus dégueulasse encore). Ca n'empêche pas le lecteur de rire presque à chaque fois. Le gag d'ouverture en trois pages intitulé « Rasons le gazon » est le plus digne de la « ligne crade » dont se réclame le dessinateur. Ca suinte de partout et ça sent franchement pas bon dans les phylactères. Mais cette introduction brutale a un avantage : elle permet de faire le tri parmi les lecteurs curieux qui feuilletteraient ce livre à la FNAC en attendant la fin d'une averse : soit ils referment l'album, dégoûtés, soit ils le lisent d'une traite (ce qui ne prend guère plus d'une demie heure). Il faut dire que la chute de cette première histoire est aussi crade qu'excellente. Mais il n'y en a pas que pour le sexe et la scatologie, ce serait trop facile. Vuillemin saccage tout sur sa route, avec la même jouissance provocatrice : fric, bêtise humaine et racisme y passent eux aussi. « Le balèze des banlieues » est à ce sujet assez bien senti. Bon, j'arrête de vous faire l'article. de toute façon, je sais que vous le feuilletterez à la FNAC en attendant la fin d'une averse, alors...
« Petit Vampire fait du Kung-Fu ! », par Joann Sfar, chez Delcourt Jeunesse.

Passée la surprise du premier album, que reste-t-il de l'enchantement de « Petit Vampire » ? Réponse : tout. Cette nouvelle histoire de trente planches montre à quel point Joann Sfar est à l'aise dans les histoires pour enfants. Le langage y est, les monstres, aussi hideux soient-ils, sont toujours amusants, l'inventivité est sans limite. Petit Vampire revient donc dans cette deuxième aventure bourrée de références pour les adultes (Chagall, Einstein et la relativité, etc...) mais tout aussi compréhensible pour les plus petits. C'est sans doute l'une des grandes forces de cet auteur que l'on peut souvent lire à plusieurs niveaux de lecture différents. Le premier tiers de l'histoire est une belle fable sur l'apprentissage, la peur, le courage. Ensuite, le délire commence. Geoffroy, mangé par des monstres, doit absolument être « reconstitué ». On essaie toutes les techniques et on fait appel à des magiciens finalement assez maladroits. C'est l'occasion, pour Joann Sfar, de laisser libre cours à sa fibre humoristique. On rit beaucoup dans cette seconde partie, mais il n'y a pas vraiment de gags ; c'est plutôt un comique de situation et la force des dialogues truculents qui provoquent le rire. Du tout bon qui ravira, selon la formule consacrée de moins en moins souvent vraie, les jeunes de 7 à 77 ans.
e-dad par Thierry Bellefroid
« e-dad » de beb-deum, chez PMJ.

Voilà un album qui ne laisse pas indifférent. Certains vont détester, il n'y a aucun doute. Le parti-pris esthétique est déjà en soi source de polémique. Personnellement, sans être -loin delà- un fan du dessin à l'ordinateur, j'avoue avoir été séduit. La petite Li-Li-San -conçue, à l'origine, pour un éditeur japonais (ce qui explique son physique délibérément eurasien)- est totalement craquante et hyper expressive. Son père virtuel, « e-dad », que l'auteur a baptisé « Monsieur Papa » avec beaucoup d'humour, est à l'image d'un Robocop de papier. Tout en muscle et en acier. Mais cette enveloppe trop parfaite, cette cuirasse pourrait-on dire, affiche une délicieuse opposition avec le caractère très « papa-gâteau » du héros. Bref, ça fonctionne, ça fonctionne même très bien quand on pense que beb-deum arrive à nous faire oublier qu'il n'y a que deux personnages (et une fugace apparition de la mère de Li-Li-San de temps à autre) dans toute cette BD. Ajoutez-y le fait qu'il n'y a pas de décor et vous obtiendrez cet étonnant cocktail qu'est « e-dad ». Ma seule gêne est de me demander si l'apparente naïveté de l'auteur est belle et bien innocente. Première histoire avec le père (virtuel) et la petite fille complètement nus. Le père affiche ses attributs (avec discrétion, mais quand même) et la petite fille ne cache pas qu'elle en est une. Ensuite, on rhabille plus ou moins tout le monde, mais les petites culottes de Li-Li-San sont étrangement souvent visibles. Quand on sait que les Japonais profitent de certains mangas pour assouvir des penchants limite-pédiphiliques, on peut se demander si tout cela est bien dû au hasard. Je me pose toujours la question (ne prétendant pas avoir trouvé la réponse) et ne peux m'empêcher de rester sur un léger malaise. En dehors de ça, beb-deum réussit une très belle BD, très agréable à lire, très esthétique et résolument moderne sans être un produit de mode.
« Un bon plan de chez bon plan » , (Mes voisins sont formidables-T.2) par Philippe Thirault et Sébastien Gnaedig. Comix n°21 des éditions du Cycliste.

Suite de « Mes voisins sont formidables » (paru dans la même collection Comix), cette petite histoire de 24 pages en noir et blanc est comme la précédente un véritable florilège de névrosés et autres barjots qu'on peut avoir pour voisins dans un HLM. Julien Banes, l'écrivain maudit spécialiste des romans à compte d'auteur invendus récidive, mais cette fois, il écrit « jeune ». Ce qui nous vaut cet extrait « J'te dis qu'elle m'a téma, espèce de bouffon ! J'suis croc d'elle, cette zessegon j'la kife grave, j'vais l'emmener dans la cepla, j'vais la fonceder à donf, j'suis trop love d'elle » , du Thirault pur jus. La voix-off, elle, est un peu moins « Série Noire » que dans le premier tome, qui s'ouvrait par ces quelques mots : « 9 heures, j'ai dû trop fumer hier soir. C'est cette merde que m'a refourgué Mazdak. Elle rend space. Elle ferait tomber la bite à Clinton. » Mais elle nous réserve encore de grands moments. Morceau choisi : « ... et il y a toujours la blondasse de 40 balais bourrée qui se fait payer des verres mais qui couche pas, parce que la descente d'organes, ça la rend haineuse. On finit toujours tout habillé dans le plumard, avec la bouche sèche et des cauchemards de merde. » Bref, l'un dans l'autre, le ton est le même et les personnages sont croqués avec le même oeil observateur et méchant, que pose Philippe Thirault sans la moindre complaisance dans les albums de « Miss » chez Humanos. Et puisqu'on parle des Humanos, signalons que Sébastien Gnaedig, le dessinateur de « Mes voisins sont formidables » et de « Un bon plan de chez bon plan » n'est autre... que le directeur éditorial de cette prestigieuse maison d'édition. Gnaedig s'offre cette petite récréation avec un simple feutre qui convient parfaitement au traitement très noir de l'histoire. Mention spéciale pour le personnage de Monsieur Boloni, cinglé total qui passe sa vie avec des céphalopodes, même si dans l'immeuble imaginé par Philippe Thirault, aucun habitant n'est vraiment « normal ». A bien y réfléchir, il y a quelque chose de « Monsieur Jean » en plus méchant, en plus noir aussi, dans ces voisins formidables. Bienvenue chez les loosers !
« Le journal d'Henriette, tome 2 », réédition, par Dupuy et Berberian. Aux Humanos.

Editeur des albums « d'Henriette » (à ne pas confondre. Près de dix ans séparent ces deux séries au nom très proche : « Henriette » et « Le journal d'Henriette »!) et éditeur de « Monsieur Jean », Humano ne pouvait pas laisser éternellement « Le journal d'Henriette » au rayon des introuvables. Après la réédition du tome 1, voici donc le deux, premier album entièrement en couleur des aventures de cette petite intello grassouillette qui a eu bien du mal à imposer sa silhouette et ses histoires dans Fluide Glacial à la fin des années 80. Une réédition, c'est à la fois un plaisir pour les lecteurs et un chemin de croix, parfois, pour les auteurs. Surtout quand il s'agit de remettre en vente un album qui a plus de dix ans. Les personnages plus ronds, les gueules hurlantes avec mâchoires à la dentition impressionnante en gros plan, les visages très rapprochés et de manière générale l'utilisation du grand angle (comme pour le chasseur de l'histoire intitulée « samedi 13 février ») sont toutes des options aujourd'hui abandonnées par le duo. Mais Philippe Dupuy et Charles Berberian ont assez d'humour et de détachement pour ne pas renier cette période.

Il y a dans « Le Journal d'Henriette » une rondeur presque exagérée qui n'ôte pas l'impression d'avoir à faire à une BD au trait un peu figé, statique. (Dupuy et Berberian ont été bien plus loin en la matière, lorsque, sous l'influence de Chaland, ils adoptaient une ligne claire quasi géométrique dans les histoires de « Wagner », que l'on peut retrouver dans la compilation de leurs travaux de jeunesse parue à L'Asso en 91, « Les héros ne meurent jamais »). Le premier Monsieur Jean (édité lui aussi en 91) aura marqué un tournant graphique dont on mesure aujourd'hui toute l'évolution. Un tournant négocié en douceur mais que l'on ne devine pas encore, par exemple, dans « Klondike », la première expérience « post-Henriette » parue chez Milan en 89, truffée, elle aussi, de gros plans et d'effets cinématographiques (mais où l'on trouve quand même déjà des « évasions » poétiques plus stylisées). Aujourd'hui, les lignes de Dupuy et Berberian se veulent plus fuyantes, les contours plus estompés, l'épaisseur du trait est partie prenante de la composition (comme dans les très beaux « Carnets de New York » et « Carnets de Barcelone » parus chez Cornélius en 96 et 99) et cette évolution graphique est l'une des clés du succès actuel de ce duo vieux de bientôt vingt ans. Autant dire qu'il faut regarder la réédition du journal d'Henriette avec une sorte de bienveillance qui ne signifie nullement qu'on doit ignorer les défauts de cette œuvre de jeunesse. Quand je parle de bienveillance, c'est parce que la tentation est grande de prendre ces rééditions pour des suites d'Henriette, l'actuelle série dont deux tomes sont déjà parus aux Humanos avec un lay-out presque identique. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts entre ces deux périodes créatrices, à tel point que pour certains amateurs, la lecture ou la relecture de cet album tiendra de l'archéologie. Pour les plus distraits, elle pourrait davantage s'apparenter à un raté... à tort !

Un mot -tout de même-, du fond de ce « Journal d'Henriette, tome 2 ». Léger, plus premier degré que certains travaux ultérieurs, il ménage cependant quelques belles surprises. Par exemple, l'histoire intitulée « Mercredi 23 novembre » dans laquelle Henriette sert de boîtes aux lettres entre un jeune amoureux transi et la fille qui l'a laissé tomber. C'est sans aucun doute l'histoire la plus drôle et surtout la plus inattendue de ce recueil. On y trouve notamment cette scène truculente, lorsque le jeune homme lit avec beaucoup de conviction la liste d'insultes qu'il a écrite à sa fiancée face à une Henriette entourée de curieux interloqués. J'aime aussi beaucoup « jeudi 7 avril », histoire de la première cuite d'Henriette qui permet notamment à nos auteurs de jouer à fond sur l'absence d'horizontalité et d'installer un running-gag en deux temps trois mouvements : celui de la machine à laver, à la fois objet des conversations d'adultes qui n'ont rien à se dire, et vague obsession de la « pocharde » (de petits détails comme les inscriptions salaces sur le mur de la cabine téléphonique montrent que Dupuy et Berberian se sont manifestement amusés en écrivant cette histoire). Les autres récits ne sont pas pour autant dénués d'intérêt. Simplement, ils font plus (trop ?) facilement appel aux recettes liées aux caractéristiques évidentes de l'héroïne (moche, grosse, rêveuse, etc...). Mention spéciale pour le « conte de Noël » final, une belle variation sur un genre éculé et presque obligatoire dans les magazines de l 'époque.
Le destin de Jane (Fog) par Thierry Bellefroid
« Le destin de Jane », tome 2 de « Fog » par Bonin et Seiter. Chez Casterman.

Un dessin qui ne manque ni de personnalité ni de qualités, un scénario qui tient parfaitement la route sans céder à la facilité, des personnages intéressants, bien ancrés dans leur époque et leur place au sein de la société. Fog est une de ces BD qui sans être un chef d'oeuvre (mais il y en a si peu ! ) nous laisse sur un sentiment de bonheur au moment de fermer la dernière page. Rien à dire, ce deuxième album vient confirmer tout le bien qu'on pensait à la lecture du premier. Il est même meilleur, à bien des points de vue. Délaissant le côté fantastique du début de l'histoire, Roger Seiter distille ses réponses avec parcimonie, au point que si tout semble plus ou moins s'éclairer vers le milieu de l'histoire, le vrai coupable, lui, reste dans l'ombre jusqu'à la dernière minute. Quant au dessin de Cyril Bonin, apparemment très ressemblant à celui du précédent album, il évolue davantage qu'il n'y paraît. C'est vrai que les couleurs ont l'air de se ressembler. Mais à y regarder de plus près, le blanc, très présent dans « Le tumulus », a disparu au profit de toute une gamme de couleurs beaucoup plus nuancées allant du jaune au rose. Quant aux aplats noirs, ils sont radicalement opposés à ceux du premier album. Ici, Cyril Bonin utilise l'eau tant qu'il le peut, diluant la couleur à l'extrême, ce qui nous donne cette très belle matière un peu floue dans les noirs des tissus, des murs ou des coques de bateaux. Avec un graphisme très personnel qui allie la clarté au sens du détail, Bonin réalise ici une très belle alchimie qui convient à merveille aux ambiances policières londoniennes développées par son scénariste. Scénariste qui a eu la bonne idée de ne pas tirer son récit en longueur plus qu'il ne le fallait. Deux tomes, c'était juste assez pour développer personnages et intrigue tout en gardant un rythme efficace et attrayant.
Lazarr (Les Entre-Mondes) par Thierry Bellefroid
« Lazarr », par Patrice et Manu Larcenet. Dans la collection Poisson-Pilote des éditions Dargaud.

Les frères Larcenet frappent fort avec cette version du purgatoire entre humour noir et onirisme acerbe. Ce Lazarr fourmille de bonnes idées. La principale est d'avoir imaginé quel bordel pouvait mettre dans ce purgatoire un type qui y arriverait avec « le Graal Noir » (un revolver, en fait) le seul objet convoité par tous car il peut tuer les morts (sic). Mais il y a bien d'autres trouvailles dans ce délire « à la Trondheim ». Le greu -l'oiseau qui a le pouvoir de provoquer des visions-, le canard communiste commis aux rondes, et bien sûr, les deux héros, la brute épaisse du Ku-Klux-Klan -le shérif qui a baptisé son flingue Lee Harvey- et le « négro » -Bird-, condamnés à rester chevillés l'un à l'autre durant tout leur séjour au purgatoire. Quant aux dialogues, ils sont franchement excellents et nous réservent quelques très beaux échanges du genre :
-Comme disait je sais plus qui, « un bon négro est un négro mort »
-C'était Custer... et il parlait d'indiens.
-...La différence est minime.
-Ca dépend de quel côté du canon on se trouve.

Ou encore, cette scène dans les toilettes où le shérif Metzger découvre Bird, juste sous le panneau « White only » :
-Dis-moi, Bird... tu sais pas lire ?
-Bin... pas très bien. C'est sans doute dû au fait que l'école aussi était réservée aux Blancs.

Bref, des idées et de bons dialogues. Sans compter un dessin agréable. Seul problème, Lazarr part un peu dans tous les sens. Peut-être les frères Larcenet avaient-ils assez de matière pour des albums différents. En tout cas, l'ensemble aurait gagné à être plus resserré, moins décousu. Trop d'idées tue l'idée, quoi. Le problème étant le décalage entre un début très humoristico-absurde et une fin très moralisatrice et premier degré (la page 45 tombe carrément comme un cheveu dans la soupe) Quoi qu'il en soit, la lecture de cet album reste recommandée, et elle prouve la bonne tenue de cette nouvelle collection.
« Le télescope de Charon », tome deux de « Monsieur Mardi-Gras Descendres, par Eric Liberge, chez Pointe Noire.

C'était le risque. Le superbe univers créé par Eric Liberge ne tient pas la distance au bout du deuxième album. Trop compliqué à suivre, trop de ressemblances entre les personnages (c'est forcé quand on ne travaille que sur des squelettes, mais dans le premier album on arrivait encore à savoir qui était qui en suivant une action beaucoup moins complexe) et trop alambiqué, il essouffle lecteur. Pourtant, cet univers de purgatoire sidéral formé de squelettes vieillissants avait tout pour plaire, ne fût-ce que l'incroyable habileté du dessinateur à croquer des carcasses entassées sur des terres désolées et à leur donner vie. J'y ai cru. Et j'ai apprécié le travail du jury du prix Goscinny qui avait eu le flair d'aller dénicher cette pure merveille pour la faire connaître au grand public. Je ne dirai pas que ce deuxième album est mauvais, loin de là. Il n'était tout simplement pas nécessaire. Qu'apporte-t-il de plus qu'une suite peu enthousiasmante où une chatte perdrait ses petits ? Dommage. Eric Liberge a un talent certain, et pas seulement comme dessinateur. Mais il gagnerait à ne pas s'attarder au-delà du troisième et nécessaire dernier album dans cet univers dont il a fait le tour. Un univers avec lequel je vous engage à faire connaissance, si ce n'est déjà fait, en lisant l'excellent premier tome. C'est poétique, intelligent, plein d'idées, drôle et caustique, visuellement splendide. Celui-là, c'est sûr, vous ne regretterez pas de l'avoir lu. Et avec un peu de chance, vous adorerez le deuxième et me traiterez de « vieux con intégriste ». C'est tout ce que je vous souhaite !
Douce violence (Emma) par Thierry Bellefroid
« Douce violence », tome 2 de la série Emma de Christian de Metter, chez Triskel.

Il y a quelque temps, j'avais laissé transparaître mon enthousiasme dans cette rubrique en y « parlant » du premier tome d'Emma. Découvrant la suite en librairie, la semaine dernière, je n'ai pas pu résister au dessin de couverture qui a lui seul est une très grande réussite. J'ai immédiatement acheté puis dévoré cette deuxième et avant-dernière partie. Le graphisme de Christian De Metter -dont un album est en prévision aux Humanos, m'a dit le même gentil libraire- est toujours aussi saisissant. Je dirais même qu'il l'est d'autant plus qu'on avance dans l'histoire. Car la seconde partie de ce deuxième album, toute entière dédiée au personnage d'Emma, est l'occasion de compositions magnifiques. A la fois effrontée, sauvage et par moments mystérieuse ou délicieusement nature, Emma est ce genre d'héroïnes dont on ne peut que tomber plus ou moins amoureux. Elle passe avec une incroyable grâce de la candeur à la gravité et de la sensualité à la langueur... ou au sommeil innocent !
L'histoire racontée par Christian De Metter reste accessoire : notre héros, Alex, est toujours amnésique et continue de peindre intuitivement. Les problèmes avec sa logeuse et la rencontre d'un possible mentor ne viennent que le détourner d'une retraite volontaire dans laquelle Emma va venir prendre toute la place. Mais les ambiances, le travail sur les lumières (ou, parfois, sur l'absence de lumière), les expressions des visages et la palette de couleurs sont autant de moments de pur bonheur. Contrairement à beaucoup d'autres, De Metter a par ailleurs réussi le délicat exercice d'introduire dans son histoire un faciès existant, celui de Gainsbourg. Réussi pour deux raisons. La première, un travail de peintre qui rend presque « Lucien-Serge » plus vrai que nature. Saisissant. C'est vraiment lui, pas une caricature. Ensuite, une utilisation parfaitement habile et appropriée de Gainsbourg dans le scénario (même si l'histoire se passe en 1922 !) qui crédibilise ce visage pourtant si connu et si typé. Une belle réussite. On attend le tome trois avec impatience.
Studio par Thierry Bellefroid
« Studio » par François Avril, paru aux éditions Le Neuvième Monde.

L'air de rien, François Avril est dans la course depuis un bail. Et ses influences remontent plus loin encore. Avec Chaland, Dupuy, Berberian, Götting (tous de purs esthètes, comme lui) mais aussi Stanislas et Jean-Christophe Menu, il émerge au milieu des années 80. L'un de ses premiers albums est d'ailleurs scénarisé par Charles Berberian. Il faut dire que ces auteurs ont tout pour se rencontrer. Outre leur graphisme qui privilégie l'économie de moyens, ils sont tous attirés par l'illustration dans ce qu'elle peut apporter de mieux à la BD. Un de leurs maîtres, une des principales influences de François Avril, en tout cas, est Ever Meulen, un Belge aujourd'hui âgé d'un peu plus de cinquante ans dont les BD publiées dans les années 70 et 80 font autorité autant que les travaux d'illustration ou de publicité qu'il réalise dès les années soixante. (pour les amateurs, une expo consacrée à Ever Meulen pourrait bien avoir lieu dans une librairie bruxelloise dans les mois à venir...)

Avril est donc, à l'instar de Chaland, un adepte de ce qu'on pourrait davantage appeler « la ligne pure » que la ligne claire. Pour s'en convaincre : un petit détour par l'expo organisée en ce moment par la librairie Sans-Titre à Bruxelles... ou, pour ceux qui n'habitent pas précisément dans la région, l'achat de ce petit opuscule en noir et blanc. Peu d'artistes peuvent se permettre de nous offrir un peu plus de quarante nus aussi élégants et envoûtants que ceux d'Avril. Sur chaque page de droite, une femme sans visage pose, parfois de manière très provocante, dans le « studio » de François Avril. Sur chaque page de gauche, un prénom. Pas d'histoire, donc, pas de texte non plus. Quand le dessin arrive à ce stade de beauté et quand la maîtrise du gris se fait aussi parfaite, on a pas besoin d'en savoir plus. « Studio » est un petit livre d'images, mais celui d'un grand artiste. On le voudrait plus prolifique, mais contentons-nous de ce qu'il nous donne...

Ceux qui voudraient fouiller l'aspect plus BD de ce dessinateur tenteront de se procurer « Soirs de Paris », un très bel album paru en 89 aux Humanos (sur scénario de Philippe Petit-Roulet) dont quelques exemplaires traînent encore chez les bons libraires.
« L'apaisement », tome 3 du Journal de mon père, par Jiro Taniguchi. Chez Casterman.

On l'a déjà dit et redit, alors, enfonçons le clou une dernière fois : « Le journal de mon père » n'est pas un manga. Enfin, pas dans son contenu. Apparemment, Casterman voulait être sûr d'éviter la confusion puisque l'éditeur a choisi de publier cette oeuvre en trois fois et en grand format, comme elle fait pour ses BD classiques, et non dans la collection « Manga Casterman » dans laquelle on trouve notamment « L'autoroute du soleil » de Baru. Choix commercial, sans doute, éditorial peut-être. Car le grand public, souvent peu amateur de mangas, peut lire les trois volumes de cette bouleversante histoire familiale sans risque de se trouver face à un récit manichéen, violent et carré. Le journal de mon père est une histoire toute en finesse, en émotions, en profondeur. Jiro Taniguchi poursuit dans ce troisième tome l'évocation des souvenirs de son narrateur, Yoichi Yamashita, revenu dans sa ville natale pour la veillée funèbre et l'inhumation de son père après avoir coupé les ponts avec sa famille pendant de nombreuses années. L'oncle et la soeur de Yoichi sont là pour combler les trous de sa mémoire et surtout pour lui brosser un portrait inédit de celui qu'il n'a jamais voulu connaître vraiment, le père aujourd'hui disparu. (si vous voulez savoir pour quelle raison le père et le fils se sont ratés, lisez le tome deux, c'est la clé de l'ensemble). Ce troisième et dernier volet est plus introspectif que les précédents. Je serais tenté de dire plus japonais, aussi. On sent que le sens de la faute et le remords dû à l'ingratitude que Yoichi a opposée à la générosité de son père pèsent lourd, très lourd, dans ces 85 dernières planches. A tel point que le « mea culpa » auquel se livre le narrateur devient parfois pesant et surtout très répétitif. Mais il reste un tas d'anecdotes, de moments magiques, les années de jeunesse et la sincérité de l'auteur. Il reste aussi cette délicatesse, cette pudeur et toute la sensibilité que la BD japonaise préfère généralement ignorer. Pour tout cela -et pour connaître enfin la fin du long cheminement intérieur entamé par le narrateur à son arrivée à Tottori au début du premier tome-, cela vaut la peine de lire ce dernier tome, le plus grave des trois sans doute.
Devoirs de vacances (Rubine) par Thierry Bellefroid
« Devoirs de vacances », tome 7 de la série Rubine, par Walthéry, Lazare et Mythic. Au Lombard.

La fliquette de choc créée par Walthéry met une robe, de jolis escarpins à talons et remonte ses cheveux façon chignon négligé. Ca surprend. C'est pas par hasard. Mythic a eu l'idée de la renvoyer à la maison, chez Papa-Maman, dans le Sud. Un bled paumé qui ne vit qu'à travers un procès apparemment banal intenté par des veuves de fumeurs à un cigarettier. Ca sent les coupures de journaux patiemment mises de côté par le scénariste d'Alpha qui avoue son amour immodéré pour l'info, où il puise la matière de nombreux scénarios. Mais qu'importe. Personne n'a dit qu'un bon scénario devait tomber du ciel. Ce qui m'a plu, en revanche, c'est cette volonté de surprendre (enfin ?) le lecteur. Evidemment, il y a des références un peu faciles à Soda (ne dites pas à maman que je suis flic, elle ferait une attaque !) mais cette plongée dans le Sud profond permet à Rubine de jouer le rôle le plus intéressant de sa carrière de papier. L'histoire rappelle évidemment elle aussi un rien trop le film où une Demi Moore terrorisée devait faire changer le verdict d'un jury pour sauver sa peau et celle des siens, mais bon, admettons qu'il s'agisse d'une réminiscence inconsciente et que cette histoire de kidnapping d'enfants de jurés pour obtenir une subornation générale n'est pas si mauvaise, placée dans le contexte américain. L'humour est mieux dosé que dans les précédents albums. Quant au dessin, il est pareil à lui-même et ne vaudra jamais celui d'un bon Natacha. Boyan force un peu trop sur les couleurs et certains visages radicalement éloignés de la « ligne Walthéry » tombent comme un cheveu dans la soupe. C'est même là qu'on trouve le plus d'incohérences. En y regardant de plus près, on trouve des personnages qui ont l'air de sortir d'un film français (le cigarettier qui a une gueule à la Jean Yanne en moins rond), d'autres d'un film américain, d'autres encore d'une BD de Roba (le cousin), d'un Gazzotti ou même d'un vieux Renaud tendance Brelan de Dames... Y a pas que Rubine qui tire dans tous les sens...
Le sang des anges (Moréa) par Thierry Bellefroid
« Le sang des anges », tome 1 de la série Moréa, par Scotch Arleston et Thierry Labrosse. Chez Soleil.

Le plus gros vendeur d'albums de l'écurie Soleil a le vent en poupe et semble en état de grâce, alors, pourquoi ne pas en profiter ? Après les univers de Fantasy tournés vers le passé, Arleston nous propose une série futuriste, qui recycle habilement les ingrédients qui marchent ailleurs. En fait, à première vue, Moréa pourrait être le Largo Winch du XXIème siècle... au féminin. Une compagnie méta-nationale, la DWC, tente d'élargir son emprise sur la planète dont le centre économique est Cuba (pourquoi pas ? Il y a des repérages plus désagréables, non ? Quoique... au vu des planches de la Havane dans ce premier album, pas besoin de repérage...) Et voilà-t-y pas que l'aïeul à la tête de la DWC se fait descendre, en même temps que tous les héritiers, qui portent le même nom que lui. Tous ? Non, car Moréa Doloniac échappe au massacre, ce qui lui permet de prendre le contrôle de la société et de devenir le Largo Winch des années 2080. Soyons honnêtes : le scénario ne se résume pas à cette péripétie. Il y aussi les Dragons et les Anges, deux groupes d'immortels qui manipulent l'Histoire terrestre pour qu'elle favorise l'émergence de leur règne dans le futur. Les uns militent en faveur du bien et de l'harmonie. Les autres en faveur du mal et du chaos (du jamais vu...). Moréa est un Dragon, et c'est pour ça qu'elle a échappé au grand complot dirigé contre les héritiers Doloniac : elle est immortelle (mais jusque là, elle n'était pas au courant, la nature est mal faite !). Voilà en quelques lignes la substantifique moelle de cette nouvelle BD dont le dessin rappelle furieusement celui d'Adamov, mais comme tout me fait penser à autre chose quand je la lis, c'est sûrement de la mauvaise foi. Allez, ne boudons pas notre plaisir : Arleston est un pro et Moréa se laisse lire. On attend quand même la suite avec un brin de méfiance.
« Les ogres », une aventure de Hiram Lowatt et Placido, par David B et Christophe Blain. Dans la collection « Poisson Pilote » des éditions Dargaud.

Faut-il rappeler que c'est avec l'excellent « La révolte d'Hop-Frog » que nous sont arrivés Hiram Lowatt et son fidèle ami indien Placido ? L'album avait fait grand bruit, tant par l'originalité de son propos que par sa qualité graphique. Depuis, les deux auteurs ont fait un bout de chemin. David B a assis une notoriété déjà appréciable, grâce à ses travaux à L'Association mais aussi -et peut-être surtout- plus récemment, grâce au « Capitaine Ecarlate » paru dans la collection Aire Libre des éditions Dupuis (voir « coup de coeur » sur ce site). Quant à Christophe Blain, c'est également chez Dupuis et dans la collection Aire Libre qu'il a pu faire connaître et reconnaître son talent ; succès d'estime et Alph'Art Coup de Coeur à Angoulême pour son « Réducteur de vitesse ». En créant sa nouvelle collection très marquée « Asso », Dargaud ne pouvait donc pas passer à côté de ces deux-là. D'où la réédition d 'Hop-Frog au « format » Poisson Pilote avant ce nouvel opus qui est une suite sans l'être.
Avant de plonger dans « Les ogres », j'ai relu Hop-Frog. J'y ai retrouvé ce plaisir de lire une histoire hors des sentiers battus, aux références littéraires omniprésentes mais en même temps totalement déridée, sainement folle. Cette richesse, cette finesse, peut-être, est absente du nouvel album. Beaucoup plus conventionnel, plus attendu, il ne surprendra guère le lecteur habitué aux univers de David B ou de Sfar. Sfar dont le dessin semble par ailleurs avoir déteint sur cet album. Après les pastels qui avaient donné à Hop-Frog cette apparence si colorée et ces contours volontairement flous, voici que le dessin se noircit, mettant la plume en avant et forçant les hachures pour donner de la matière. On est à deux doigts d'un « Professeur Bell ». Etrange, même si on n'attend pas de créateurs comme David B et Christophe Blain qu'ils reproduisent les mêmes recettes d'un album à l'autre.
Révélateur de la différence qui existe entre les deux albums, le titre du premier (« La révolte d'Hop-Frog ») laisse l'imagination vagabonder alors que celui du second (« Les ogres »), réduit la marge de manoeuvre. Je n'imagine ni David B ni Christophe Blain exécuter des travaux de commande, ou faire de l'alimentaire. « Les ogres » est un album suffisamment bon pour le placer au-dessus de ce genre de débat. Je suis juste resté un peu sur ma faim. Après tant de temps et forts de leurs travaux ailleurs, ils pouvaient sans doute faire mieux. Mais les aventures d'Hiram Lowatt et Placido ne sont pas finies. Leurs deux créateurs ont suffisamment de talent pour nous surprendre au moment où on les attendra le moins.
« La voie du guerrier », tome 2 de la série « Black Hills » par Yves Swolfs et Marc-Renier, chez Glénat.

J’avais été si déçu par le premier album de la série que je ne pouvais presque qu’être favorablement étonné. Je dirai que je me suis moins ennuyé à la lecture de ce second tome. De là à dire que je suis réconcilié avec cette série, il y a un pas que je me garderai bien de franchir. Il n’y a toujours pas un élément qu’on n’ait déjà vu ailleurs dans ce nouvel opus. Mais le recyclage m’a paru moins lourd qu’au premier essai, ce qui rend cette « voie du guerrier » un rien plus digeste. Les couleurs continuent de constituer la seule originalité du projet, même si elles sont gâchées de manière toujours aussi maladroite par des « paw paw » en rouge sang lors de chaque fusillade. Les chevaux semblent ne jamais avoir connu le galop, ils sont lourds, pansus, pas racés pour un sou.
Quant aux humains, ils paraissent tous figés sur une vieille gravure du siècle dernier. Le dessin de Marc-Renier est sclérosé, statique, vieillot, mort pour résumer. Est-ce dans l’espoir de le cacher qu’il maltraite sa mise en page et nous sert des cases imbriquées les unes dans les autres de manière exagérément alambiquée ? Un joli cadre n’a jamais fait une belle photo.. Tout ça manque de vigueur, de mouvement et d’un brin d’originalité. Faut-il vraiment en dire plus ?
« La dernière rencontre », tome 4 des 4X4, la série de Pierre Christin et Philippe Aymond. Chez Dargaud.

Ca ne s'arrange pas chez les « 4X4 ». Après trois titres médiocres, Christin persévère dans cet ersatz de « 4As » version ados modernes pour public pré-pubère. Pour tout vous dire, cette bande de copains des quatre coins du monde qui se sont « trouvés » et qui depuis se tirent des pires pièges les uns les autres, moi, je n'y ai jamais cru l'ombre d'une seconde. Tout est trop facile. Leur rencontre, bien sûr. Mais aussi leurs histoires, bien gentiment calquées sur l'Histoire par un Christin appliqué -mais pas inspiré. La maffia russe, mise à toutes les sauces de Alpha à Vlad, repointe ici son nez avec son cortège de violents sanguinaires (et parfois demeurés) sans scrupules. Ca tire dans tous les coins le long de la Riviera. Ce qui n'empêche bien sûr nullement trois des quatre larrons de voler au secours du quatrième, en passant entre les balles. La crédibilité n'est pas le souci principal de cette série, en dépit de références à l'actualité et de quelques mots écrits en russe dans les phylactères. Tout le monde joue bien gentiment son rôle et le grand Christin (dont je n'oublie pas qu'il a écrit « Partie de Chasse » et quelques autres des meilleures BD des années 80, sans parler des Valérian de la grande époque) s'applique à montrer qu'il est un homme moderne en glissant où il le faut des références aux nouvelles technologies de l'information. Mais ses petits jeunes sont désincarnés, trop intelligents, trop intrépides ou trop prévisibles dans leur anormalité. On ne les suit que par paresse. Sans compter que la fin bâcle en cinq pages ce qui aurait pu constituer la matière première d'une autre histoire. Christin semble être arrivé à un point où le fait d'avoir beaucoup voyagé et beaucoup lu remplace dans ses scénarios la nécessaire part d'imagination qu'ils devraient renfermer. Comme le dessin d'Aymond est gentil sans plus, rien ne distingue ce produit d'un Kleenex version BD ; vite lu, vite jeté.
Une exposition imaginaire par Thierry Bellefroid
« Une exposition imaginaire, Le catalogue ». Dans la collection Aire Libre des éditions Dupuis.

Que dire de ce catalogue imaginaire sinon qu'il vous donnera sans doute envie, comme il me l'a donnée, de relire l'ensemble des titres de cette prestigieuse collection. L'air de rien, « Le voyage en Italie », l'un des meilleurs Cosey parus à ce jour, allait provoquer une petite révolution chez Dupuis. Créé pour lui, le nouveau label qui allait très vite s'enorgueillir d'un deuxième titre de grande envergure (« SOS Bonheur », sans conteste l'un des Van Hamme les plus aboutis) est devenu en dix ans l'une des références du monde de la BD. Ce qui fait la force de cette collection, vous le retrouverez en lisant ce catalogue imaginaire : des auteurs généreux à la fibre humaniste et des histoires solides, mûres, à leur image. Un rythme de parution exemplaire -41 albums en un peu plus de dix ans- permet également à Aire Libre de compter très peu de déchet. A de rares exceptions en effet, tous les albums parus dans cette collection méritent d'y figurer et de figurer dans votre bibliothèque. Ce catalogue imaginaire vous permettra de compléter l'assortiment d'une pincée de dessins inédits -un par album. Vous y trouverez aussi de belles photos d'auteurs et des biographies qu'il vaut la peine de prendre le temps de lire, car même les auteurs qui reviennent trois ou quatre fois ont toujours droit à un texte différent, original, respectueux de leur oeuvre. Aire Libre a permis à Dupuis de se forger une image positive auprès de la critique, des libraires et du public bédéphile. Pour y arriver, il a fallu que le plus gros éditeur de BD francophone qui inonde le marché de quantité d'albums médiocres (non, je ne citerai pas de nom, mais allez faire un tour dans n'importe quel supermarché, il y a de quoi avoir la nausée) accepte de ne pas faire de chiffres de vente faramineux sur ces albums haut de gamme. Dix ans après, c'est tout bénéfice. Non seulement certains de ces albums atteignent des chiffres de vente très honorables, mais en plus, ils raflent des prix dans tous les festivals. Ce n'est pas par hasard. Et ça méritait bien qu'on s'y attarde dans une catalogue aussi prestigieux que la collection elle-même.
« Expériences », le tome 4 du Chant des Stryges, par Corbeyran et Guérineau. Chez Delcourt.

Vous ne connaissez pas encore le « Chant des Stryges » ? Ne lisez pas cette chronique, allez tout de suite acheter les quatre albums parus, lisez-les, on en reparlera. Vous connaissez déjà la série et vous n'avez pas encore acheté le nouvel album ? Nul n'est parfait, mais que je ne vous y reprenne pas. Que dire encore de cette série phare qui puisse convaincre les derniers irréductibles de passer d'urgence à sa lecture ? Je dirais peut-être que dans ce quatrième tome, Corbeyran a vraiment décidé d'arrêter de diluer son histoire, qu'il nous la sert sur un rythme à faire frémir d'envie n'importe quel réalisateur de films d'action hollywoodien et qu'on en redemande. Les cinq premières pages, muettes, sont un exemple du genre. Les suivantes, suivant l'action principale en même temps que les errances d'un petit chat curieux ne sont pas plus mal, même si elles sont beaucoup plus calmes. Le final est parfait. Et entre tout ça, il y a une sacrée bonne histoire bien servie par un Corbeyran qui surfe à merveille sur la vague de X-File et un Richard Guérineau à qui je ne ferais qu'un reproche : nous avoir « croqué » la tête de Woody Allen en plein milieu d'une histoire qui n'en avait pas besoin. Mais c'est si peu de choses...
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