"La Déesse noire", "Murena" tome 5 par Dufaux et Delaby. Edtions Dargaud.
Enfin le très prolifique Dufaux sort du bois en poursuivant les scénarios de deux très belles séries, à commencer par la saga "Murena" menée avec les dessins superbes de Delaby réhaussés par les couleurs de Jérémy Petiqueux, puis avec le troisième tome de "Double Masque" avec Jamar.
Dieux que les femmes sont belles mais tout autant dangereuses dans la Rome de 62 après JC, où l'on croise l'apôtre Pierre mais aussi un véritable panier de crabes où s'emmêlent les intrigues de cour, les gladiateurs immondes qui n'hésitent pas à faire embrocher vivant un histrion pour nourrir sa panthère apprivoisée, le tout sur fond de folie de Néron qui pète de plus en plus les plombs, victime cette fois non plus de sa mère Agripinne mais de la séduisante et redoutable Poppée dont le visage révèle parfois un aspect démoniaque.
En bon historien, Dufaux cite ses sources, ce qui est rarissime dans la bande dessinée et adjoint comme dans chaque volume un glossaire précieux, n'hésitant pas à admettre qu'il a fallu transiger sur quelques détails pour des raisons techniques (les cochers de la course de char, qui n'a rien à envier à celle de Ben Hur, sont sensés passer les rênes autour de leur taille, ce que n'a pu représenté le dessinateur).
On en voudra certainement pas à Delaby qui est aussi doué pour s'attaquer à l'architecture, qu'aux paysages et aux corps superbes qui hantent cette Ville Eternelle, à la fois "ville gouffre, ville puits, ville marécage aux rues étroites, tordues, suintantes, aux cadavres de chiens aux entrailles répandues". Bref Rome sous l'ère Néron ne sent pas la rose mais respire la cruauté. L'ensemble forme pourtant une très belle leçon d'histoire qui est loin de s'essouffler au bout de ce cinquième tome, prenant même un élan nouveau.
A propos de Dufaux, on peut rappeler la série des "Voleurs d'Empire" avec Martin Jamar, et surtout "Monsieur Noir" avec Griffo, un double volume qui n'est pas prêt d'être égalé tant par le fond que par la forme. Quant aux autres séries du scénariste, les titres parlent d'eux-mêmes : "l'Impératrice rouge" (avec Adamov), "Ombres" (avec Rollin), "Rapaces" (avec Marini). On va s'arrêter là sinon on va faire un roman..
L'amour du jour :
"J'aime bien les prostituées.
Leur art nous sauve de l'ennui
et des froideurs vertigineuses de nos matrones"
(Un Romain qui ferait bien de faire un tour en Allemagne
lors de la prochaine coupe du monde de foot..)