"Le maître de Ballantrae", d'Hippolythe. Denoel Graphic.
Quand Denoel pratique la BD, il ne fait pas dans la demi-mesure et, avant d'aborder le contenu de l'album, on découvre d'abord un très bel objet à la couverture granuleuse et agréable au toucher. On verra que l'intérieur est aussi somptueux.
Frank Meynet, dit Hyppolite, adapte ici un roman de Roman Louis Stevenson, moins connu certes que "l'Île au Trésor" mais digne d'une tragédie grecque. Ecrit en 1888, l'histoire évoque l'affrontement déchirant de deux frères que tout oppose. Leur père, châtelain écossais, décide de miser sur deux tableaux en en envoyant un dans chaque camps, catholique et protestant, alors en pleine guerre en 1745. L'attribution des rôles se joue à pile ou face et, contrairement à toute attente, c'est James le libertin et l'aîné qui quitte le château dont il devrait naturellement être le maître, le cadet Henry, plutôt vertueux, reste dans les murs et épouse Miss Alison.. amoureuse de James. Ce dernier va passer pour mort à la bataille de Culloden avant de s'enrôler dans un équipage de pirates, puis revenir au domaine familial pour piller la fortune de sa famille. On le voit, l'histoire de ce premier tome (deux sont prévus) fourmille de rebondissements mais c'est surtout le dessin d'Hyppolite qui retient l'attention. Cet aquarelliste sait à merveille évoquer en bleuté la beauté de la nuit (voir par exemple la page 42, magnifique) mais d'autres situations n'ont rien à envier avec des pages vertes ou ocres quasiment monochromes. Et comme on reste dans le domaine de l'aquarelle, les couleurs débordent allègrement des cases, sans compter de très beaux clairs obscurs.
Après avoir adapté "l'Etrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde" et "Dracula", Hyppolite poursuit un joli bonhomme de chemin et on a hâte de pouvoir admirer ses planches grandeur nature. A signaler une préface de l'écrivain Michel Le Bris qui compare justement l'antagonisme entre Jekyll et Hyde et le conflit qui sépare les frères James et Henry.