
« Fille des reptiles », Feux 1, de Tome et Hardy (Dargaud). Collection Cosmo.
Philippe Tome était attendu au tournant. Alors même que Dupuis instrumentalise la publication d'un douzième opus de Soda accouché dans la douleur, ce maître de l'humour et du polar noir revient sous les couleurs de l'éditeur de « Berceuse assassine », par... la science-fiction. Avec un concept qui suscite la curiosité. Un bébé humain débarque dans une capsule spatiale tel le Superman moyen (ou Thorgal, c'est jouable) dans une communauté de dinosaure formant civilisation. Le-dit bébé échappe à l'option casse-croûte par la grâce de l'instinct maternel d'une femelle dino qui vient de perdre son petit. Elle devient une adolescente rebelle baptisée « Feux ». Où Tome veut-il en venir ? Ce n'est pas encore bien clair. Le suspense est entretenu par la voix du narrateur qui annonce par l'action de Feux la fin de la civilisation des dinosaures. L'univers imaginé par Tome est pourtant original. Via l'artifice de la capsule, le scénario fait cohabiter deux locataires de l'Histoire qui n'ont pourtant pas eu chronologiquement l'honneur d'être présentés. Il convoque surtout l'imaginaire de la « Planète des singes » et celui du mythe de l'enfant sauvage, entre Tarzan et « Livre de la jungle », les réunissant au sein d'une civilisation saurienne écartelée entre sagesse et sauvagerie, pacification sous contrainte et intrigues de palais, véritable petit concentré d'empire romain en formation. L'enjeu ? « Le pouvoir ». Le feu ? Tout est suggéré, rien n'est révélé. Et malgré un développement sur quelques quatre-vingt pages, le lecteur n'a que les bases d'une intrigue dont la finalité et la complexité lui échappent encore. Tome était plus percutant aux commandes de one-shots aussi noirs que décalés. Mais son crédit reste tel qu'on ne peut qu'attendre la suite. Reste la magnifique mise en images de Marc Hardy, qui profite pleinement des possibilités offertes par cette nouvelle collection. Il donne le « la » d'une collection en recherche d'un nouveau souffle graphique. Et impose tranquillement une nouvelle facette de son indéniable talent.
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