Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

Dragon Junior (Raghnarok) par Thierry Bellefroid
« Dragon junior », premier album de « Raghnarok », par Boulet. Paru chez Glénat, dans « Tchô ! la collec... ».
Difficile de dire ce qu'est un bon album d'humour. Déjà, tout le monde ne rit pas des mêmes choses. Ensuite, il n'est pas toujours facile de mettre le doigt sur ce qui produit exactement le rire ou à tout le moins la bonne humeur. Seuls les grands succès dans ce domaine semblent fédérer presque tout le monde autour d'eux. Qui contesterait l'humour d'un Gaston Lagaffe ? Ou celui d'un Astérix, période Goscinny ? Aujourd'hui, parmi les valeurs montantes qui semblent mettre tout le monde d'accord se trouve notamment Titeuf. Dernier recueil de gags tiré à plus de 500.000 exemplaires, dessin animé distribué dans toute l'Europe, Titeuf transforme en or tout ce qu'il touche. Résultat, depuis deux ans, le magazine « Tchô ! » permet à de jeunes talents de rejoindre la « bande à Titeuf » avec des séries qui partagent le même humour à la fois visuel et universel. « Tchô ! » n'est pas seulement un banc d'essai puisqu'il a assez vite poussé Glénat à publier les albums des camarades de Zep dans une collection baptisée « Tchô ! la collec... ». Le petit dernier, c'est « Raghnarok », un bébé dragon plutôt sympa que sa mère s'évertue à vouloir transformer en terreur. Incapable de voler, il passe son temps à subir d'humiliants entraînements, quand il ne rend pas visite à sa grand-mère, une vieille dragonne impotente réduite à inventer les stratagèmes les plus fous pour faire venir ses proies jusqu'à portée de gueule. (Excellent casting, soit dit en passant, pour cette mémé dragon à lunettes qui sommeille sur son tas d'or !) Pour compléter le tableau de famille, la meilleure amie de Raghnarok est une fée, Najette, habillée en jeans larges et baskets comme les ados d'aujourd'hui. Tout ce petit monde forme une belle galerie de personnages et accompagne le héros dans ses gags. Des gags souvent savoureux qui ont l'avantage de réserver de bons moments en dehors de la chute elle-même. Car si les bonnes séries d'humour ont une qualité commune, c'est sans doute celle de ne pas mettre tous leurs effets dans la seule dernière case. Comique de situation ou de répétition, astuces visuelles et autres trucs font sourire tout au long de la lecture. Et cela, quel que soit l'âge du lecteur. Ajoutons que Boulet utilise parfaitement l'ordinateur pour donner à son dessin -et à ses couleurs- ce qu'il faut de relief et de vitalité. C'est très efficace. Comme le sont aussi les télescopages fréquents entre le monde contemporain et celui des dragons. Bref, la locomotive Titeuf tire derrière elle un nouveau wagon tout à fait digne d'elle !
« Petit Vampire et la société protectrice des chiens », tome 3 de Petit Vampire, par Joann Sfar. Chez Delcourt Jeunesse.

Le très prolifique Joann Sfar est en passe de devenir l'un des auteurs français parmi les plus intéressants. Il excelle aussi bien dans la chronique juive à l'époque du Christ qu'il vient d'entamer chez Dupuis (« Les olives noires », mon coup de coeur il y a quelques semaines) que dans la biographie très personnelle qu'il consacre depuis quelques années au peintre Pascin, ami de Chagall et de Soutine et noceur invétéré. C'est vrai que son imaginaire est débordant. C'est vrai aussi que son univers est parcouru de petites galeries intérieures, de ramifications qui jettent des ponts d'une série à l'autre. « Petit Vampire », une série qui raconte l'amitié entre un petit garçon, Michel, et un mignon vampire miniature tout gris avec de grands yeux n'est pas si éloignée d'autres histoires comme « Petrus Barbygère » ou « Le Borgne Gauchet ». Dans cet univers fantastico-onirique, Sfar est chez lui. Cette fois, les deux héros vont voler au secours de trois pauvres chiens de laboratoire. L'occasion de vivre de nouvelles aventures assez peu conventionnelles, mêlées d'humour et de fantastique tout en faisant passer un message d'amour et de tolérance aux plus jeunes. Les personnages de Sfar sont comme de grosses peluches qu'on prendrait dans son lit. Fussent-ils vampires, monstres aux dents acérées ou, comme Marguerite -un sosie de Frankenstein-, en train de pousser une brouette de caca « parce que ça pourrait être utile ». Belle rencontre également dans cet album, entre Petit Vampire et « Pépé Arthur ». On croyait que la famille du petit Michel ne croiserait jamais la route de son meilleur ami. Mais Pépé et Petit Vampire se sont trouvés tout de suite.
Régime de terreur (Frigo) par Thierry Bellefroid
« Régime de terreur », tome 2 de la série Frigo, par Joan et Ptiluc. Aux Humanos.

Avec « Régime de terreur », Ptiluc et Joan proposent une histoire à la fois délirante et très « morale » sur l'alimentation. Le premier album de la série « Frigo » leur avait permis de planter le décor. On y découvrait la vie des aliments emprisonnés dans le frigo. Des histoires courtes, souvent désopilantes et sans autre prétention que de faire rire le lecteur. Cette fois, les auteurs passent à la vitesse supérieure. Le décor et les personnages étant supposés connus, ils décident d'aller plus loin et nous proposent une fable mi-tragique mi-comique sur la guerre que pourraient se livrer les aliments des champs et les aliments des villes dans nos frigidaires. C'est toute notre société de la malbouffe qui est écorchée au passage. Tout commence quand les radis s'aperçoivent que le bac à légumes est de plus en plus désert. Bientôt, ils font d'étranges rencontres dans le frigo. Des cubiténaires plus ou moins amnésiques arrivent de partout. Carrés, contenant des liquides insipides, ils se souviennent à peine de quelques mots du langage des légumes. Puis arrivent les aliments transgéniques. Dans un joyeux délire, les facétieux radis et leur alliée plus ou moins volontaire, la tasse de vinaigrette, vont mettre le souk dans le frigo pour vaincre les envahisseurs. Avec leur imagination débordante, Ptiluc et Joan imaginent ce que pourraient faire des aliments livrés à eux-mêmes derrière la porte close du frigidaire. C'est drôle, plein de trouvailles visuelles, on y trouve aussi bien des patrouilles de corned beef que des armées de canettes énergétiques, il y a dix-huit idées par pages, bref, on ne s'ennuie pas une seconde. Et en plus, le rire est parfois gentiment grinçant. Une BD qui vous donnerait l'envie de faire un peu de ménage au-dessus du bac à légumes...
« L'affaire Claudius », tome 1 de la série « Les Rochester », par Dufaux et Wurm. Chez Casterman.

Le nouveau bébé de Jean Dufaux était annoncé depuis le lancement de la collection Tout Public « Nouvelles Têtes Fortes Têtes » à l'automne dernier. Bizarrement, il paraît aujourd'hui sans être estampillé « Nouvelles Têtes ». Pas plus que pour le tome 2 d'Albert Lombaire (ou pour la nouvelle série « Maman et moi »), Casterman n'a en effet rappelé ce concept dans sa communication. Il faut dire que l'éditeur a dû faire face à de vives critiques, notamment et peut-être même surtout au sein des auteurs de la maison, comme François Schuiten. Apparemment, on a décidé d'adopter un profil bas à ce sujet dans la maison de la rue Royale dont le destin éditorial est en partie à l'étude (Benoît Peeters, pour rappel, est en train d'analyser le catalogue au titre de consultant). Arnaud de la Croix, le responsable éditorial de l'axe BD Tout Public de Casterman a-t-il jamais cru à ce nouveau concept lancé à grand renfort de publicité ? On peut se le demander. « Nouvelles Têtes Fortes Têtes » devait beaucoup au marketing. Peut-être même son âme...

Mais parlons plutôt des Rochester. On y retrouve un Jean Dufaux au mieux de sa forme. Comme toujours, il s'est engouffré dans la porte laissée entrouverte par un autre. Jean aime aller chercher des dessinateurs et leur proposer une variation sur un univers qu'ils connaissent déjà. Avec Wurm, il a choisi d'approfondir le caractère un peu figé de la bonne société anglaise développé par ce dessinateur dans « Le cercle des sentinelles », sur scénario de Desberg. Les Rochester n'ont pourtant rien à voir avec cette série (dont la conclusion échut à Henri Reculé). Hormis le point commun cité plus haut, elles n'ont rien en commun. Jean a préféré situer son histoire dans la période contemporaine et il a délaissé les causes historiques chères au Cercle des Sentinelles pour nous raconter une sordide histoire de famille. Chez les Rochester, le vernis n'est qu'une apparence qui tient le temps de quelques cases. Dufaux s'amuse ensuite à gratter du bout de l'ongle la couche qui nous fera découvrir une famille sans scrupule où tout est bon pour maintenir un nom et une réputation. Jusqu'au meurtre ! Le premier tome (fin de l'histoire dans le second) est donc un fameux sac de noeuds que le lecteur ne parviendra que partiellement à démêler. Au début, on patauge bien un petit peu. Les personnages sont nombreux et ne sont pas nécessairement tous très typés. Mais une fois qu'ils sont en place, la mécanique bien huilée vous entraîne à sa suite. Les petits fragments de vérité s'emboîtent parfaitement. Et le suspense se met en place. Le dessin de Wurm n'a pas changé. Sa ligne claire parfois proche d'un certain réalisme convient parfaitement à l'histoire. A défaut de décors exotiques, il tire bien parti de l'univers des grandes familles britanniques dans lequel évoluent ses personnages et joue le contraste avec le monde dévoyé où traînent les protagonistes les plus sombres de ce récit.
Le serment (Le Décalogue) par Thierry Bellefroid
« Le serment », tome IV du Décalogue. Par Frank Giroud et TBC. Chez Glénat.

Peut-être la meilleure des quatre histoires parues jusqu'ici. On y trouve bien entendu le rapport au décalogue de Giroud, avec la mise en application du quatrième commandement : tu ne porteras pas de faux témoignage. On y retrouve une très belle histoire d'amour contrariée. On y découvre des personnages traversés de doutes et de contradictions, des idéalistes et des calculateurs, des crapules et des rancuniers, des criminels de guerre et des victimes. Sur fond d'après-guerre en Yougoslavie (où pour rappel, les Croates Oustachis avaient choisi le camp nazi), un drame est en train de se nouer. Et comme chaque fois, Nahik, le livre maudit, y trouvera sa place. Exploitant les formidables outils scénaristiques fournis par l'Histoire, Frank Giroud construit son récit autour du réseau d'exfiltration des nazis installé au Vatican, le réseau Ratline. Un contexte qui lui permet d'installer une intrigue puissante et de la mêler à l'histoire personnelle de personnages englués dans leur passé. C'est redoutablement intelligent, très intéressant et assez révélateur de la nature humaine. C'est aussi servi par un dessin que l'on découvre pour la première fois en couleur, celui du slovène TBC. L'auteur de Fables de Bosnie, La cavale de lézard et Temps Nouveaux est ici d'une efficacité sans faille. Il habille ce récit qui sonde les âmes de ses protagonistes en approchant leurs visages au plus près. Des visages souvent émaciés, marqués, graves. Des visages qui constituent le fil rouge de l'album. Une réussite.
Vernon (Typhaon) par Thierry Bellefroid
« Vernon », tome 2 de Typhaon. Par Sorel et Dieter. Chez Casterman.

Guillaume Sorel aime les histoires troubles, fantastiques. Il y donne toute la mesure de son talent pictural. Parfois plus peintre que dessinateur (ce n'est pas une critique, au contraire) il nous livre des albums magnifiques. Typhaon est une histoire oppressante dès ses débuts. Le premier tome -qui laissait le lecteur désappointé, sans réponses- était un modèle d'histoire distillant le malaise. Le second volume apporte certains éclaircissements. Mais il est dit que Dieter laissera dans l'ombre quelques-unes des explications que l'on pouvait attendre. Vous refermerez donc cet album sans vraiment savoir. Peut-être cela vous agacera-t-il. Ou alors, au contraire, cela alimentera-t-il votre imagination. On ne sait finalement pas grand chose du mécanisme qui a fait de l'équipage du Typhaon cette bande d'hallucinés qu'Eléonore a découverts dans le premier tome. On en sait juste assez pour laisser planer le mystère et pour accepter les expériences que l'héroïne va mener dans ce second volet. L'histoire, sombre, fantastique, glauque parfois, vous laisse un goût amer dans la bouche. L'impression d'avoir passé quelques heures sur ce maudit navire, d'avoir vous aussi touché la peau froide de ses passagers, cherché la confrontation avec le cyclone des cyclones. Et si tout cela n'était qu'un rêve... ? Un rêve un rien diabolique mis en images par un peintre tourmenté mais talentueux.

Hicksville par Thierry Bellefroid
« Hicksville », par Dylan Horrocks. A L'Association.

Si cet album n'obtient pas l'Alph'Art de l'album étranger à Angoulême l'an prochain, on aura raté une grande occasion de saluer un chef-d'oeuvre. Hicksville est une histoire hallucinante et brillante qui vous entraîne durant plus de 250 pages sur les terrains minés de la création. Une histoire parcourue d'histoires parallèles, de faux comics, de références et d'hommages à tout ce que la BD a connu de grands noms... d'Edgar P. Jacobs à Jack Kirby en passant par Winsor Mc Cay et Sergio Aragones. Horrocks a conçu un album à tiroirs, une toile géante dans laquelle se trouve emprisonné tout le neuvième art. Son idée de départ est géniale. Il invente une ville -Hicksville- qu'il situe au nord de la Nouvelle Zélande et dont il fait la capitale méconnue et improbable de la BD mondiale. Chaque habitant d'Hicksville possède une connaissance encyclopédique des comics depuis leur création, chaque bibliothèque regorge de trésors pour lesquels se damneraient les collectionneurs du monde entier. Et dans ce lieu étrange d'où serait originaire le nouveau prodige américain du comics, un certain Dick Burger, l'auteur lance un journaliste biographe lui-même passionné de BD. Léonard Batts -c'est le nom de ce journaliste- s'est mis en tête d'écrire un livre sur Dick Burger et débarque à Hicksville pour en savoir plus. Mais la ville toute entière se referme comme une huître. Hicksville déteste le fameux Dick Burger que les Etats-Unis s'arrachent. Pourquoi ? C'est ce mystère stupéfiant parce que totalement inattendu que Dylan Horrocks arrive à maintenir pendant plus de deux cents pages (l'explication démarre une trentaine de pages avant la fin), rendant le suspense à la limite du supportable.

Hicksville est à la fois un incroyable thriller, une fable sur la création et une réflexion sur le patrimoine mondial de la BD que des mises en abîme plus tordues les unes que les autres viennent appuyer. C'est vrai, les débuts sont un peu compliqués à suivre. Il faut tenter de s'y retrouver dans la multitude de télescopages que provoque l'auteur. Mais une fois identifiés les personnages et leurs desseins, on est pris par un récit passionnant et démoniaque. La construction est d'une inventivité étonnante. Hicksville est sans doute l'ode absolu rendu à la bande dessinée. Mais il est plus que ça. C'est un livre sur les traditions, le sacré, la parole, le pardon, même. On manque de mots lorsqu'on le referme. D'autant que le trait parfois économe de Dylan Horrocks peut tout faire, tout rendre, à travers un noir et blanc et une mise en page parfaitement maîtrisés. Du tout grand art !
Le canard de l'angoisse par Thierry Bellefroid
« Le canard de l'angoisse », album collectif. Aux éditions Fluide Glacial.

Comme le raconte très bien Gotlib dans l'avant-propos, il s'agit d'une variation sur le thème du cadavre exquis cher aux surréalistes. Variation car ici, chacun ne travaille pas dans l'ignorance de ce qu'ont fait les autres. Au contraire. Chaque nouveau dessinateur s'appuie sur ce qu'ont fait ses prédécesseurs et invente une suite de deux pages au récit qu'il reçoit. L'exercice -auquel tout le monde s'est livré au moins une fois, ne fût-ce qu'oralement- est évidemment hautement risqué. Et le résultat, comme prévu, n'a ni queue ni tête. Ce qui n'empêche pas quelques jolies trouvailles. A la lecture de l'album, on distingue d'ailleurs plusieurs styles d'auteurs. Il y a ceux qui continuent l'histoire -et tentent parfois de lui redonner un peu de sens, fût-ce dans l'absurde. Il y a ceux qui préfèrent inventer quelque chose : nouveau héros (ou nouvelle héroïne, comme c'est le cas de la Nadège inventée par Blutch et qui devient un personnage récurrent) ou nouvelle situation. Et il y a ceux dont le seul but est de foutre un peu le bordel. Ceux-là jubilent en réalisant une dernière case qui va mettre les autres dans l'embarras. A côté de ses défauts (l'absence totale de scénario est la principale) « Le canard de l'angoisse » recèle des qualités propres à ce genre d'albums et la moindre d'entre elles n'est pas de nous proposer un panorama complet des auteurs maison. Parmi eux se trouvent quand même quelques sacrées pointures. Les pages dessinées par Blutch, Goossens, Tha/Tharrats, Larcenet ou Gaudelette mettent en avant la double qualité des grands auteurs de Fluide Glacial : talent et personnalité. De la personnalité, le dessin des autres est loin d'en manquer. Qu'on prenne Maester, Solé, l'inimitable Binet, Moerell, Coyote, Tronchet, Ferri, Foerster, Carlos Gimenez, Lelong, Raynal... chacun a son style et pourtant, ensemble, ils forment une sorte d'école « Fluide ». Si cette fable délirante sur le bug de l'an 2001 a un intérêt, c'est bien celui de mettre en avant des signatures qui, ensemble, constituent une véritable écurie, une « marque de fabrique », celle que le magazine parvient à cultiver depuis 25 ans.
Le portrait ovale par Thierry Bellefroid
« Le portrait ovale » par Pascal Somon et Edgar Allan Poe. Chez Nucléa.

Paru au format italien, ce livre illustre l'une des Nouvelles Histoires Extraordinaires d'Edgard Allan Poe. Pascal Somon a eu la bonne idée de placer le texte original intégral en guise d'avant-propos. Le lecteur aura l'occasion de le lire (ou de le relire, pour ceux qui, comme moi, ont fait des Nouvelles Histoires Extraordinaires d'Edgar Poe l'un de leurs livres de chevet !) avant ou après avoir découvert son adaptation en BD. Mais faut-il parler de BD ? Dans les premières pages, oui, pas de doute. L'agencement des séquences muettes est pleinement un récit de bande dessinée. Nulle référence au texte de Poe, pas de phylactères non plus, l'exercice est presque gratuit. Une mise en bouche, en somme, qui doit nous faire accepter d'entrer dans un univers post-moderne différent de celui imaginé par l'auteur. Transposer Poe dans un cadre SF, pourquoi pas ? Mais surtout... pourquoi ? En avait-il besoin ? Le récit ne se suffisait-il pas à lui-même ? Manquait-il de modernité ? La réponse est non. Le choix de Pascal Somon est donc tout à fait personnel. Il débouche sur un univers bilalien qui épouse le style et les couleurs du « Maître » avec ce qu'il faut de maladresse pour ne pas supporter la comparaison. Bilal, bon prince (ou flatté de voir un dessinateur de dix ans son cadet le prendre pour modèle ?) a signé la préface. Mais le malaise est certain. A la lecture de cette belle histoire, on ne peut s'empêcher de penser que l'auteur frise le plagiat. En revanche, le choix des extraits du texte original mis sous forme de récitatifs dans l'album est assez judicieux. Il permet d'avoir les clés pour comprendre l'histoire, d'approcher la sonorité de Poe sans entrer dans la longueur du texte. Il ne fera pas nécessairement oublier que de la BD, on glisse dangereusement vers l'illustration, avec tout ce que cela comporte de risques de redondances. Le fait d'avoir transposé le texte dans le futur ne suffit pas à lui apporter une valeur ajoutée. En outre, on peut se demander pourquoi l'auteur s'est senti obligé de transformer le portrait ovale (qui donne quand même son titre à l'histoire) en portrait rectangulaire... Bref, je reste très perplexe devant cette adaptation, d'autant que Pascal Somon n'est pas un débutant.
« Quatre saisons en enfer », tome 2 de « John Doe » par Henriet, Baloo et Besson.

Où l'on apprend l'origine du nom du héros. John Doe, nom donné aux Etats-Unis aux cadavres non-identifiés. J'ai presque envie de dire que l'intérêt de l'album s'arrête là. Quelle déception, après un premier tome qui nous proposait une course-poursuite délirante après un oeil de verre emporté par un chat et sur lequel devait remettre la main un tueur à gages. L'oeil avait chu d'un toit dans la cuisine d'un fabricant de pizzas à domicile et notre tueur avait passé tout l'album à pister les pizzas pour retrouver son précieux butin. Rythme et découpage proches du dessin animé, « Une pizza à l'oeil » m'avait beaucoup amusé. Et voilà que le tome deux vient poursuivre l'histoire sur un mode mi-sérieux mi-parodique qui ne convainc guère. La caricature de jeune parrain maffieux qui lance ses tueurs aux trousses de John Doe est poussée un peu loin ; on est dans les poncifs du genre jusqu'au cou et les gags s'empilent avec beaucoup de lourdeur. Le dessin reste efficace dans ce genre course-poursuite où la vitesse d'action doit s'imposer au lecteur, mais les scènes plus calmes semblent presque incongrues. Comme un soufflé qui retomberait avant la fin du déjeuner. Il faut dire que la mise en couleur ne fait pas dans la dentelle non plus. Bref, au tome trois, on saura si c'était le creux de la vague...
Les laminoirs (Zorn & Dirna) par Thierry Bellefroid
« Les laminoirs » tome 1 de la série Zorn & Dirna. Par Morvan, Bessadi, Trannoy et Color Twins. Chez Soleil.

Rien que pour la dernière case, on ne regrettera pas d'avoir lu l'album. Mais cet amusant clin d'oeil ne doit pas cacher que l'histoire est traversée de membres humains tranchés sans vergogne. C'est vrai que Jean-David Morvan a trouvé une belle idée. Et si la mort disparaissait, comment ferions-nous ? Que ferions-nous des corps fatigués, des vieillards impotents... mais néanmoins survivants ? Morvan va plus loin, puisqu'il imagine le terrible pouvoir qu'auraient dans ce monde-là deux petits gosses, seuls êtres capables de donner la mort. Et il s'amuse à imaginer leurs réactions face à ce pouvoir. Comment résister à l'envie d'en abuser ? Comment apprendre à en faire un usage généreux ? C'est tout cela que l'on trouve dans ce scénario qui combine originalité et aventure. On regrettera que la transcription de ces bonnes idées sur la feuille à dessin n'aie pas résisté à une spectaculaire débauche d'hémoglobine et d'images morbides, qui tombent parfois comme un cheveu dans la soupe au milieu du graphisme gentiment « manga » des deux dessinateurs. Les planches 15 à 21, par exemple, sont particulièrement « saucées ». Mais en dehors de ce petit bémol, la lecture de cette nouvelle série est un bon moment que l'on espère prolonger dans le futur.
« Beau-Ténébreux », tome 3 de la série Plume aux Vents, par Cothias et Juillard. Chez Dargaud.

Il n'est pas de pire lieu commun que de souligner les talents de grand dessinateur de Juillard. Pourtant, c'est le premier mot qui me vient à l'esprit à l'heure d'écrire ces quelques lignes. Par un dimanche pluvieux, je viens de relire les deux premiers tomes de Plume aux Vents avant de dévorer le « petit nouveau ». Et j'avoue que j'en reste pantois. D'autant que ce nouvel album comporte huit pages de croquis et crayonnés pour la possession desquels n'importe quel amateur de dessin serait prêt à échanger père et mère (je parle des originaux, hein, n'exagérons tout de même pas). Bref, André Juillard est un grand. Un très grand. Et on comprend qu'il ait fait école, car son style est aujourd'hui devenu une véritable référence pour de (trop ?) nombreux dessinateurs. Aucun n'arrive pourtant à rendre aussi habilement toute la justesse des décors, des costumes ou des attitudes d'une saga historique qui mène ses personnages de l'Auvergne des années 1600 (Les 7 vies de l'Epervier) à l'immensité des Amériques trente ans plus tard. Aucun ne parvient non plus à tracer des lignes d'une telle fluidité, à masquer le travail et la rigueur derrière une apparence de clarté innée. Aucun ne peut rivaliser avec ce souci du détail qui jamais ne handicape la lecture, ou ne prend plus de place qu'il ne le doit.

Mais Plume aux Vents n'est pas qu'un chef d'oeuvre graphique. La suite des « Sept vies de l'Epervier » (on devrait dire : la suite « officielle » puisque comme chacun sait, Cothias a proposé chez Glénat et en compagnie d'autres dessinateurs Ô combien moins talentueux une série d'extensions à cet univers... sans compter un complément sous forme de romans déjà abondamment annoncé) est un récit magnifique, peut-être plus captivant encore que le précédent. Il y a dans Plume aux Vents des ingrédients que l'on retrouve ailleurs, notamment dans « Les pionniers du Nouveau Monde » de Jean-François Charles (et consorts...) mais l'histoire raconte davantage qu'une saga plus ou moins bien documentée sur les colons français des Amériques. Les personnages arrivent dans ces immensités et auprès des Indiens avec un vécu irremplaçable, qui leur donne cette profondeur et cette aura inimitables. La densité des caractères et des situations, la rigueur d'une documentation qui sait se faire oublier tout en étant à l'origine de quelques-unes des meilleures trouvailles de série (la fellation inconnue des Indiens pratiquée par « Gorge-Chaude » ou l'homosexualité acceptée qui permet la création d'un personnage aussi atypique que « Beau-Ténébreux »), tout cela fait aussi partie des recettes du succès. A tel point qu'on donnerait cher pour qu'André Juillard délaisse Blake et Mortimer (où il se force à être un autre) pour ne se consacrer qu'à Plume aux Vents. D'aucuns diront qu'après plus de vingt ans (si l'on tient compte des années « Masquerouge »), il a le droit de vouloir élargir son univers. Bien sûr, et ses albums solo (Le cahier bleu et Après la pluie) sont là pour en témoigner. Mais quand on a la chance de dessiner une série qui a su sans cesse changer de décors et rebondir sans jamais lasser...
« Le paradis des cailloux », premier tome de Samedi et Dimanche, par Vehlman et Gwen. Dans la collection Poisson Pilote des éditions Dargaud.

Comme c'est le cas pour la plupart des titres depuis le lancement de la collection, on ne rira pas aux éclats à la lecture de cet album, qui n'est pas un album de gags mais plutôt d'humour décalé, gentiment destiné à nous faire réfléchir tout en nous faisant sourire. Samedi et Dimanche (allusion au Vendredi de Robinson Crusoë pour ceux qui sont du genre à avoir besoin de sous-titres quand ils regardent un film en français !) sont deux petites bestioles charmantes. Samedi est un lézard rouge et Dimanche, un lézard vert. C'est le rouge qui va lancer le duo dans une folle course aux questions, un jour qu'il s'en pose des milliers à propos de tout et de rien (surtout de rien). L'album aurait pu s'appeler la course aux questions car la « questionnite aigüe » de Samedi est un excellent prétexte pour faire sortir nos deux lézards d'un quotidien un peu trop bien réglé. Ils vont rencontrer des réponses souvent très relatives en chemin, semer le doute chez Roberto, leur ami philosophe (excellent, le dialogue de la planche 20), mais aussi courir des jours et des nuits derrière de stupides puces sauteuses nommées a-bou-ga ou hésiter à se laisser pétrifier par le bonheur et j'en passe. Tout cela est plein d'une imagination débordante et joyeuse. Il y a des dialogues franchement savoureux entre les deux personnages principaux. Et des situations visuelles qui fonctionnent parfaitement. Peut-être Vehlamn est-il ici un peu moins bon que dans l'excellent « Green manor » récemment paru chez Dupuis avec Bodart au dessin, mais il reste si agréable à lire qu'on le lui pardonne aisément !
Au passage du Pourquoi-Pas par Thierry Bellefroid
« Au passage du pourquoi-pas » par Stanislas et Baraou. A L'Association.

Tout est permis au Passage du pourquoi-pas. Tout y est permis parce que le lieu est vierge. Le passage du pourquoi-pas, c'est une feuille blanche en forme d'impasse ombragée. Anne Baraou y jette des choses et des gens -des gens surtout, quoique le terme « gens » soit peu approprié à certains des personnages de ces courts récits- et leur invente des possibles. Au jeu de la mise en images de ces rêves étranges tantôt surréalistes tantôt gentiment terre à terre, on retrouve un dessinateur qu'on adore : Stanislas. Avec sa ligne claire en noir et blanc et ses petits nez pointus, il sait comme personne nous rendre vrai ce lieu de pure création littéraire. Un régal de finesse, tant dans le dessin que dans l'écriture. Car les petites phrases qu'Anne Baraou a délicatement ciselées tout au long de cet ouvrage sont comme des perles qu'on aligne en collier.
« Bon millénaire m'sieur Luberlu ! », premier tome de « Moustic », par Moski. Chez Dargaud.

La relève de Boule et Bill commence à pointer le nez, chez Dargaud. A côté de l'excellent Jules d'Emile Bravo ou du Merlin de Sfar et Munuera, voici, une vraie BD pour enfants qui convainc d'emblée. Il faut signaler que comme les deux précédentes, elle se présente sous forme d'histoires complètes et non de gags. Les tentatives du genre semblent jusqu'ici nettement moins convaincantes, mais n'est pas Roba qui veut...
Moustic est une histoire à la fois drôle et tendre, aventureuse et onirique. Grâce à l'irruption du fantastique dans son récit, Moski renverse toutes les situations et relance constamment le rire et l'attention du lecteur. Sa recette ? C'est un petit animal, Ratzy, qui ressemble à un fennec mais qui n'est autre qu'un Ratapus, une bestiole donnant vie aux objets sur lesquels elle éternue. Avec cet animal à ses côtés, Moustic peut vivre les aventures les plus folles et les plus merveilleuses. Il y a un petit côté marsupilami dans la création de ce quadrupède. Mais la comparaison s'arrête là. Pour le reste, on retrouve un humour parfois proche de celui de Jojo (de Geerts, chez Dupuis) sans pour autant que Moustic soit « pompé » sur qui que ce soit. Les situations sont cocasses, les personnages attachants et la deuxième histoire (il y aura dans chaque album une première histoire de 38 pages et une seconde, plus courte, dans laquelle Moustic essaiera de se trouver une « nouvelle » maman), bien que moins aboutie, est assez mignonne. Vous l'aurez compris, pour un premier album, il s'agit d'une jolie surprise.
« Comme s'il en pleuvait », tome 5 de Monsieur Jean, par Dupuy et Berberian. Aux Humanos.

Que n'a-t-on pas encore dit ou écrit à propos de Monsieur Jean ? Désormais élevé au rang de « classique de la BD », l'écrivain imaginé par Dupuy et Berberian poursuit son petit bonhomme de chemin après une aventure hors-format dans la collection Tohu Bohu désormais dirigée par ses concepteurs. Et ce que de nombreux lecteurs pensaient impossible il y a trois ans à peine s'est matérialisé sur la feuille : Monsieur Jean est papa. Un papa qui connaît quelques moments de doute et de frustration dans la grande ville de New York, seul avec sa fille, pendant que Cathy, sa compagne, semble avoir trouvé le parfait équilibre.

Mais bien vite, cet univers un peu trop ronronnant se peuple de personnages connus et de repères géographiques parisiens : Jean rentre dans la famille. Et sa famille, chacun sait qu'elle ne s'arrête pas à papa-maman. Félix, Madame Poulbot et les autres sont de retour. Tous, dans des situations où on ne les attendait pas. Le miracle opère. On se laisse emporter par la dépression de Madame Poulbot et sa riposte énergique. Ou par les rêves de music hall de Félix, décidé à ressusciter Fernand Reynaud sur scène pour retrouver une santé financière... et conserver la garde du petit Eugène. On rit des dialogues en « kotop » du même Eugène, le roi de la « gameboa ». On s'amuse du quiproquo qui enflamme les medias au moment de la sortie du troisième roman de Jean. On compatit devant les lourdes tentatives de drague de Félix. Le dessin, lui, est toujours aussi beau (les premières pages new- yorkaises viennent rappeler tout le talent d'affichistes de Charles et Philippe !). Il donne toute sa mesure dans les scènes de rêve (ou de cauchemars ?) qui traversent l'album d'un bout à l'autre. Entre fantaisie et observation, nos compères connaissent la musique. Mais ils ajoutent cette fois un poil de gravité qui leur va bien. Les grands-parents collabos de Félix viennent bousculer les certitudes et nous interroger sur la valeur de l'argent. Le bonheur n'est pas dans le pré. Mais dans l'amour. Et ça, Dupuy et Berberian le savent depuis longtemps.
« Le dernier printemps », premier tome de « Amours fragiles », par Beuriot et Richelle. Chez Casterman.

Philippe Richelle ne se contente pas de l'excellente série « Les coulisses du pouvoir » avec son complice Jean-Yves Delitte (avec qui il a déjà réalisé « Donnington » paru chez Hélyode). Son autre complice, Jean-Michel Beuriot, avec lequel il a fait les beaux jours d'(A SUIVRE) est de retour. A deux, ils signent l'un des plus beaux albums de l'année. Certainement la plus belle histoire sur fond de guerre depuis l'inoubliable « Sursis » de Gibrat. Avant toute chose et comme le titre de la série l'indique, c'est une histoire d'amour que Richelle a voulu raconter. Et pour cela, il nous parle d'abord d'une liaison adultérine qui lie un soldat de l'armée allemande à une Française, sous l'occupation. Très vite, cependant, cette histoire cède le pas à un long flash-back. Il durera tout l'album.

1932. A Berlin, le soldat du début d'album n'est encore qu'un adolescent boutonneux, timide et pétri de littérature. Il s'appelle Martin Mahner. Son père est un sympathisant nazi notoire. Et il n'est pas le seul. Mais Martin veut croire en des lendemains meilleurs et refuse la doctrine d'Hitler. Richelle plante admirablement le décor. La famille Mahner est emblématique. Un fils adolescent que ses lectures, ses fréquentations et son idéal poussent à rejeter le fascisme. Un père qui n'a pas digéré les humiliations subies par l'Allemagne et qui suit les rêves d'Hitler comme des rêves de revanche sur l'Histoire, mais qui aura ses doutes, aussi, quand viendra l'heure. Et une mère effacée, qui prend le parti du silence. Beaucoup plus subtils qu'il y paraît, beaucoup plus fragiles aussi, les Mahner incarnent parfaitement la famille type d'Allemands d'avant-guerre. Et leurs voisins juifs tombent à point nommé pour ébranler leurs petites certitudes. Le talent de Richelle est de distiller tout ça sur fond d'histoire d'amour impossible. Avec un héros tiraillé entre sa timidité, ses convictions, son amour absolu et l'honnêteté qui le conduit à ne pas céder aux avances d'une femme qu'il n'aime pas. Les rôles sont distribués avec beaucoup de justesse et joués avec une grande sensibilité par les protagonistes. Le contexte est parfaitement exploité sans être pesant. L'histoire, magnifique, ne magnifie personne et fait la part belle aux petites (et grandes) faiblesses dont sont victimes les hommes lorsqu'ils doivent faire face à des périodes aussi troublées. Bref, ces 84 premières planches somme toute assez tragiques se lisent d'un trait et vous emmènent dans une Allemagne à la fois peu sympathique (l'incident qui oppose Karl Erlinger à Martin et Katarina en dit long sur le climat de l'époque) et fascinante. Le dessin de Beuriot privilégie limpidité et ambiances. Ses couleurs rappellent le travail de Juillard (sur « Le cahier bleu » et plus encore sur « Après la pluie ») mettant en avant une palette d'aquarelle simple et presque nostalgique. Certaines pages sont magnifiques. Principalement la scène du ballon, au début (planches 7 et 8) et l'impression générale que laisse l'album est celle d'être entré, le temps de sa lecture, dans un monde subtil, complexe... et vrai !
« Imaginaire : 1/Raison : 0 », tome 1 de « Norbert l'Imaginaire », par Guéret et Vadot. Dans la collection Troisième Degré des éditions du Lombard.

Deuxième livraison de Troisième Degré. En attendant l'arrivé de Foerster et de ses « Silex Files » qui risquent d'être décoiffants. Aux commandes de ce « Norbert », deux jeunes auteurs pas forcément inconnus, du moins en Belgique. Nicolas Vadot écorche l'actualité chaque semaine dans le magazine « Le Vif L'Express » qui est la version belge de L'Express français. Et Olivier Guéret est un critique de cinéma reconnu. Ensemble, ces deux faux débutants ont donc voulu donner vie au rêve que nourrissait Nicolas Vadot : entrer dans l'usine que constitue un cerveau. Et pas n'importe quel cerveau, celui de Simon Glonek, leur héros. Jouant sur les codes (notamment le rouge des verres de lunettes de Simon) pour permettre au lecteur de s'y retrouver, les auteurs s'amusent à passer du dedans au dehors. C'est une gymnastique un peu éprouvante au début, mais elle devient vite automatique. A l'intérieur du cerveau de Simon, on trouve de tout : exécutants, dictateur, comité d'éthique, prisonnier politique, monstre et unités anti-terroristes. L'idée n'est pas totalement neuve. D'autres ont exploré les recoins du « mental » humain et se sont permis de jolies allégories du genre. Mais Vadot et Guéret vont plus loin. Avec cette histoire où amour et logique s'affrontent comme s'affrontent le Capitaine et Norbert (ou l'hémisphère droit et le gauche), ils tentent de rejouer le petit théâtre du monde. On est donc aussi bien en prise avec l'extérieur à l'intérieur du cerveau de Nora ou de Simon que « dans la vraie vie ». On y trouve les mêmes ingrédients : complots, répression, presse.. tout ce que Vadot aime croquer lorsqu'il ne fait pas de la BD ! Bref, Norbert l'imaginaire est à la fois une fable, une métaphore et un exercice de style. Il lui manque peut-être un petit quelque chose pour devenir émouvant. Car si l'on salue l'imaginaire des auteurs (et leur humour parfois salvateur qui s'exprime tant au travers de jeux de mots souvent tordus qu'au travers de joyeux délires sur les paroles de Joe Dassin) on cherche en revanche un peu d'émotion pure dans tout ça. Parfois proche d'un monde comme celui de Rêverose, Norbert reste avant tout une démonstration. C'est son seul défaut.
La meilleure des mères (Murena) par Thierry Bellefroid
« La meilleure des mères », tome 3 de la série Murena. Par Dufaux et Delaby. Chez Dargaud.

Album après album, Philippe Delaby confirme qu'il a de l'or dans les doigts. Son style est classique, certes, mais saisissant de réalisme. Dans ce troisième volume, le dessin s'est encore affiné, fourmillant de détails tout en restant d'une grande lisibilité. Quant à l'histoire, calquée sur l'Histoire... elle se suffit à elle-même ! Jean Dufaux a choisi de raconter la Rome antique dans tout ce qu'elle a de plus effrayant et fascinant à la fois. Néron et Agrippine : fameux casting ! On est constamment surpris par la cruauté, l'absence totale de scrupules des personnages, par la soif de pouvoir et de sang qui les domine, par le peu de valeur d'une vie. Au bout de ce troisième tome, j'avoue être totalement réconcilié avec un genre qu'Alix semblait avoir figé pour l'éternité et que ce duo renouvelle... en puisant à la source. Rien à dire, c'est du beau travail !
Vestiges (Le chant des Stryges) par Thierry Bellefroid
« Vestiges », le tome 5 du Chant des Stryges, par Corbeyran et Guérineau. Chez Delcourt.

Mais qu'est devenue Isabelle Merlet ? On lancerait bien un avis de recherche tant l'absence de la coloriste du Chant des Stryges se ressent à la lecture de cet album ! Remplacée par Ruby, Isabelle Merlet a donc quitté le navire après quatre albums. Et le résultat, pour cet avant-dernier tome du premier cycle, est une mise en couleur avec des effets qui se veulent modernes mais qui sont d'une désespérante platitude. Dommage. Pour ma part, ces visages lisses comme Michael Jackson sortant d'un lifting et entourés d'un halo clair autour des yeux m'ont un peu gâché le plaisir. Enfin, ne résumons pas cet excellent album à sa mise en couleur, ce serait lui faire injure. L'histoire, comme toujours, est captivante. Et Corbeyran est de moins en moins chiche sur les apparitions de Stryges, que Guérineau transforme à chaque fois en grands moments de BD. Les trois « pôles » de l'enquête suivent chacun leur piste... et accumulent des points. L'Ombre d'un côté, Josh et Graham de l'autre, Nivek au milieu ; les morceaux du puzzle commencent à s'assembler. D'autant que Corbeyran ménage dans cet album un petit retournement d'alliance qui donnera du sel au dernier épisode du cycle. On attend ça avec impatience, comme on attend une quatrième série dans l'univers strygien, annoncée pour la fin 2001. Au dessin, on trouvera Marc Moreno, dont les clients de Canal BD peuvent voir en avant-première quelques dessins dans l'album hors-collection intitulé « Les Stryges, mythes et réalités », joint au tome 5 dans un très joli coffret.
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